Archives du mot-clé Emancipation

Le cercle des poètes disparus de Nancy H. Kleinbaum

Editeur : Livre de Poche

Traducteur : Olivier de Broca

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Initialement, je n’avais pas prévu de parler de ce roman mais ma fille l’ayant adoré, j’ai bousculé ma programmation. Hélas, il s’agit d’une novélisation du scénario du film de Peter Weir.

L’auteure :

Nancy Horowitz Kleinbaum est une auteure et journaliste américaine.

Elle a étudié à l’Université de Northwestern d’Evanston aux États-Unis de 1966 à 1970.

Elle a écrit de nombreuses novélisations à partir de films, dont « D.A.R.Y.L. » (1985), « Le cercle des poètes disparus » (Dead Poets Society, 1989), « Dr. Dolittle » (1998).

Elle a été journaliste au magazine « Lifestyles » pour lequel elle a réalisé diverses interviews.

Mariée et mère de trois enfants, Nancy H. Kleinbaum a vécu à New York, à Mount Kisco dans l’État de New York. Elle vit à Newtown en Connecticut.

Quatrième de couverture :    

À Welton, un austère collège du Vermont, dans les années 1960, la vie studieuse des pensionnaires est bouleversée par l’arrivée d’un nouveau professeur de lettres, M.Keating. Ce pédagogue peu orthodoxe va leur communiquer sa passion de la poésie, de la liberté, de l’anticonformisme, et secouer la poussière des autorités parentale, académique et sociale. Même si un drame met un terme à cette expérience unique, Keating restera pour tous celui qui leur a fait découvrir le sens de la vie.

Mon avis :

Le cercle des poètes disparus fait partie des films marquants, et l’on trouve la même passion quand on le voit une fois ou bien qu’on le regarde plusieurs fois, ce qui est mon cas. D’un scénario génial vantant la littérature et la liberté de penser, Peter Weir se montre inspiré et les acteurs passionnés par leur sujet. Le niveau du film se trouve encore grandi par cette fin, où le système broie sans pitié les initiatives personnelles visant la liberté et les tentatives de sortir du moule où l’on voudrait ranger les gens.

Ma fille de 17 ans n’a pas vu le film, elle a lu le livre et n’a pas hésité à me dire que ce roman était le meilleur qu’elle n’ait jamais lu (elle lit beaucoup). Forcément, la thématique l’attire, et la façon de le traiter remarquable. J’ai donc bouleversé ma programmation pour me faire mon propre avis, sans même me renseigner sur l’auteure ni le livre. Et bien mal m’en a pris, puisqu’il s’agit d’une novélisation du scénario original.

Je comprends bien cette volonté de faire du fric à outrance dès lors qu’un film a du succès. Ce livre a donc été écrit après le film, afin de tirer sur la corde et de récupérer de l’argent auprès des gens qui ont adoré le film … Ô humour cynique, quand le film prône la liberté de penser ou d’agir, les studios leur soutirent un peu plus d’argent. Il faut bien le dire, ce livre est la copie conforme du film, ni plus, ni moins.

On y trouve donc toutes les scènes les unes après les autres, les dialogues in extenso. Peut-être y a-t-il une ou deux scènes en plus, mais je n’en suis même pas sûr. Surtout, les descriptions ou le style aurait pu faire la différence mais tout cela reste bien plat, sans aucune passion, si bien que l’émotion ne passe pas et que l’on ne retrouve dans ce livre que le squelette d’un scénario à forte charge émotionnelle. Alors, un conseil, évitez le livre et courez acheter le film.

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Les silences d’Ogliano d’Elena Piacentini

Editeur : Actes Sud

Moi qui adore les romans policiers et l’écriture d’Elena Piacentini, que j’avais découverte grâce aux deux Claude regrettés (Mesplède et Le Nocher), je ne pouvais laisser passer son entrée en littérature blanche. Et même si le clivage, l’étiquetage des livres m’horripile, je dois avouer qu’Elena nous offre ici une tragédie de haute volée, un roman époustouflant.

Ogliano, petit village engoncé au pied du massif de l’Argentu, abrite des familles de chevriers. Argentina Solimane a élevé seule son fils Libero Solimane. Pour lui, l’Argentu représente sa vie, son univers, son futur aussi. Quand il avait 18 ans, il avait été invité à une fête au Palazzo Delezio, la demeure du Baron, que tout le monde nommait la Villa Rose. Ces fêtes étaient annonciatrices de l’été.

Libero se rappelle l’enterrement de Bartolomeo Lenzani, un homme violent autant envers les animaux que sa famille. Libero se rappelle avoir sauvé un de ses chiens, tabassé à mort, et l’avoir appelé Lazare. Libero se rappelle que Bartolomeo avait enlevé à sa sœur Fiorella son fils Gianni, alors âgé de 14 ans pour l’envoyer travailler ; Gianni son presque frère puisque lui aussi n’avait pas de père ; Gianni si frêle et devenu un costaud aux mains de géant.

Quand un cri déchire l’assistance, un cri que Libero reconnait entre mille. La magnifique rousse, Tessa Delezio vient de se faire piquer par une guêpe. Libero est amoureux de cette jeune femme de 25 ans, délaissée par son vieux mari. Il décide même d’aller voir Nina, une prostituée brune pour qu’elle lui apprenne les mystères de l’amour. Libero se rappelle aussi ses baignades avec Raffaello, le fils lettré des Delezio. Mais un drame se cache parmi ces montagnes aux cimes intouchables.

Le décor ressemble à s’y méprendre au Sud, à la Corse ou bien à l’Italie, et pourtant il est inventé. Le village ressemble à s’y méprendre à un village de pierre perdu dans les montagnes, et pourtant il est inventé. Les histoires de famille ressemblent à s’y méprendre à celles que l’on connait, et pourtant elles sont inventées.

Elena Piacentini créé une peinture avec un personnage central sensible et innocent pour mieux nous plonger dans une histoire aux accents de tragédie digne des plus grands, qu’ils soient grecs ou français. Elle fait même intervenir en plein milieu des événements les personnages de cette histoire, comme on le faisait en laissant parler le chœur. Pour autant, elle y apporte une touche de modernité par les sujets évoqués et surtout elle y apporte une construction proche du polar.

Elena Piacentini commence en effet son roman par poser le cadre, et les personnages, et propose des anecdotes, sortes de souvenirs que Libero nous partage pour mieux nous imprégner et nous présenter ce village. Dans ces passages, la nature est décrite de façon majestueuse, le paysage est pesant, menaçant comme certains membres de ces familles dont on sent bien l’influence d’une mafia.

Puis elle nous plonge dans l’événement qui va bouleverser la vie de Libero, aussi bien dans sa sphère personnelle que dans son environnement. Le rythme va se faire plus élevé et l’auteure va faire monter la tension, à mesure que Libero découvre des secrets et les mensonges des adultes. Cela débouche sur une fin aussi dramatique que magnifique et démontre que ce roman, porté par une écriture majestueuse, se révèle bien différent de ce que l’on peut lire habituellement.

Histoires de villages, histoire d’éducation, d’émancipation, de secrets et de mensonges, Elena Piacentini nous démontre une autre facette de son talent, cette faculté de nous plonger ailleurs et de nous délivrer un message de liberté. On ressort de ce roman ébloui, épanoui et ébouriffé, et surtout heureux d’avoir arpenté les sentiers de l’Argentu en compagnie de jeune homme devenu grand, comme le roman.

Oldies : Lucy in the sky de Pete Fromm

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Laurent Bury

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose un roman qui bénéficie d’une aura impressionnante !

L’auteur :

Pete Fromm est un écrivain américain né le 29 septembre 1958 à Milwaukee dans le Wisconsin.

Romancier et nouvelliste, il a connu un important succès public et critique grâce à Indian Creek, roman autobiographique dans lequel il raconte son expérience de la solitude au cœur des montagnes Rocheuses lorsqu’il était adolescent.

Après des études secondaires à Milwaukee, Pete Fromm étudie la biologie animale à l’université de Montana. D’octobre 1978 à juin 1979, il est embauché par l’office de réglementation de la chasse et de la pêche de l’Idaho pour rester seul dans les montagnes, en plein cœur de l’aire naturelle protégée de Selway-Bitterroot, à surveiller l’éclosion d’œufs de saumon.

C’est sur les conseils de Bill Kittredge, dont il a suivi un cours d’écriture créative à la seule fin de décrocher son diplôme universitaire, puis de Rick DeMarini, qui anime un atelier d’écriture auquel Pete Fromm assiste clandestinement, qu’il envisage d’écrire en profitant de son expérience des grands espaces et de la vie au grand air.

Il cumule plusieurs petits boulots, dont celui de maître-nageur à Lake Mead (Nevada), puis de Ranger dans le parc national de Grand Teton, au Wyoming avant de rencontrer un modeste succès avec son recueil de nouvelles The Tall Uncut (1992). La reconnaissance médiatique vient avec ses chroniques d’Un hiver au cœur des Rocheuses (1993), où il relate son expérience de l’hiver 1978-79.

(Source : Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Lucy Diamond, quatorze ans, file à toute allure vers l’âge adulte. Prise entre l’urgence de vivre et la crainte de devoir abandonner ses manières de garçon manqué, Lucy se cherche et joue avec l’amour. Elle découvre par la même occasion que le mariage de ses parents n’est pas aussi solide qu’enfant, elle l’a cru. Son père, bûcheron, est toujours absent. Sa mère, encore jeune, rêve d’une autre vie. Et Lucy entre eux semble soudain un ciment bien fragile. Armée d’une solide dose de culot, elle s’apprête à sortir pour toujours de l’enfance et à décider qui elle est. Quitte à remettre en question l’équilibre de sa vie et à en faire voir de toutes les couleurs à ceux qui l’aiment.

Dans un Montana balayé par les vents, c’est la peur au ventre et la joie au cœur que Lucy, pleine de vie, se lance à corps perdu dans des aventures inoubliables.

Mon avis :

Quand on a 14 ans, un nouveau monde s’ouvre avec ce qu’il comporte de découvertes, de joies et de déceptions. Parce qu’ils habitent proches l’un de l’autre, Kenny et Lucy sont les meilleurs amis. Heureux dans leur vie de famille, ils vont vivre leur passage à l’âge adulte et découvrir ce que leurs parents cachent derrière leur insouciance de façade.

Pour ce faire, l’auteur a créé une famille d’Américains moyens, Chuck le père étant bucheron et donc souvent absent pour de longues périodes de la maison, Lainee la mère venant de trouver un travail. Lucy se distingue par son physique, ses airs de garçon manqué avec son crâne rasé ; cela lui permet de mieux se distinguer des autres au lycée. L’ambiance à la maison est à la fête, surtout quand le père est de retour et les blagues fusent ; il y règne une insouciance qui laisse flotter des passages fort drôles.

Puis lors d’une après-midi, Lucy découvre son premier baiser et ses relations avec Kenny vont s’infléchir vers un horizon qu’elle ne comprend pas, dont elle ne veut pas, préférant garder la douceur de l’enfance. En parallèle, elle s’aperçoit que ses parents qui étaient son modèle de bonne humeur, cachent des secrets qu’elle met à jour petit à petit. Elle se rend compte que le monde des adultes est tortueux et rempli de mensonges.

Rares sont les romans capables de nous emporter dans l’intimité d’une famille avec autant de facilité ! Les personnages ainsi que le ton, volontairement légers et sensibles, y sont pour beaucoup dans l’adoption de cette histoire et de son contexte. Le rythme et les événements vont au fur et à mesure montrer l’évolution de Lucy et placent ce roman sur le haut de la pile en termes de roman d’apprentissage. J’ai trouvé en particulier remarquable les descriptions des relations familiales et leur évolution.

Il serait dommage de réduire ce roman à une bluette d’adolescente qui découvre l’amour. Le personnage de Lucy occupe le devant de la scène, et ce personnage féminin est si fort, si franc, si réaliste qu’il en devient obsédant, inoubliable. Elle a un humour décalé, hérité de ses parents, qui se transforme rapidement en réparties cyniques puis en répliques cinglantes. Le caractère de Lucy se révèle suffisamment complexe pour qu’on s’y attache, tout en contradiction, entre sa volonté de grandir et celle de rester une enfant.

Si par moments, on sent poindre une certaine réflexion puritaine, l’auteur s’efforce tout de même de rester neutre, dans la peau de Lucy. Il n’en reste pas moins que l’on voit poindre un exemple de lutte pour la liberté, pour l’émancipation de la femme et pour le droit à vivre sa vie comme on l’entend, sans juger les autres. D’autant plus, que l’espoir renait grâce à certains autres personnages qui sortent du lot des moutons. Un roman formidable.

Honneur à Jean-Pierre Ferrière

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cet auteur de polars psychologiques, dont la grande qualité est de mettre en avant des femmes, et quels personnages de femmes. A l’occasion de la réédition de Le dernier sursaut aux éditions Campanile, je vous propose un deuxième roman sorti il y a peu : La Seine est pleine de revolvers.

L’auteur :

Jean-Pierre Ferrière, né à Châteaudun le 4 mars 1933, est un écrivain, scénariste et dialoguiste français.

Lors de son service militaire effectué à Casablanca et Rabat, au Maroc, Jean-Pierre Ferrière écrit des pièces pour Radio Maroc qui sont acceptées et diffusées par cette station. À son retour en France, il répond à une petite annonce publiée par le Figaro et devient ainsi le secrétaire, pendant près d’un an, de Brigitte Bardot.

Une amie fait lire à Frédéric Ditis ses pièces « marocaines ». Enthousiasmé, ce dernier convoque Jean-Pierre Ferrière et lui propose assez rapidement un contrat. Jean-Pierre Ferrière abandonne d’abord Brigitte Bardot, puis commence la rédaction d’un manuscrit lequel, terminé, est remis à Frédéric Ditis. La réaction de l’éditeur est mitigée, mais devant tant d’intransigeance de l’auteur, il se résigne à publier en 1957 Cadavres en solde, avec une magnifique couverture signée Gianni Benvenuti. Le succès est immédiat, avec 50000 exemplaires vendus en quelques semaines et de nombreuses lettres de lecteurs demandant une suite aux aventures des hilarantes héroïnes Blanche et Berthe Bodin, deux sœurs et vieilles filles septuagénaires qui habitent Orléans. Au total, la série comptera 7 romans.

Pour la série radiophonique Les Maîtres du mystère, Ferrière crée le personnage d’Évangéline Saint-Léger, une séduisante bourgeoise de 38 ans, qui joue au détective avec un flair remarquable. L’héroïne apparaît également dans une série de quatre romans.

Après la disparition de la collection La Chouette, Ferrière passe au Fleuve noir dans la collection Spécial Police où il écrit des suspenses qui ont pour cadre la ville imaginaire de Châtignes, avant de migrer hors collection pour signer « des romans psychologiques et criminels se situant dans les milieux du cinéma et du show-business.

(Source : Wikipedia adapté par mes soins)

Le dernier sursaut :

Editeur : Campanile éditions

Depuis que Pauline a perdu l’amour de sa vie, elle s’est renfermée sur elle-même et cherche à se faire oublier. Quand on aborde le sujet des vacances, elle s’invente un séjour dans un hôtel de luxe à Juan-les-pins, auprès de ses collègues de travail dans l’entreprise de documentation photographique. Sa situation se corse quand son collègue Jean-Marc lui demande l’adresse de son hôtel pour y passer lui aussi des vacances au bord de la mer.

Entre se rendre ridicule et prendre sur soi, elle décide d’aller rendre visite à Jean-Marc pour lui révéler la supercherie, qu’en fait de chambre dans un hôtel de luxe, il s’agit d’une pièce en sous-sol dont elle bénéficie à bas prix. Elle s’arrange pour trouver son adresse, entre dans l’immeuble et trouve la porte de Jean-Marc ouverte. En pénétrant dans le salon, elle découvre son cadavre. Ceci va être le déclic de son émancipation.

Une nouvelle fois, Jean-Pierre Ferrière va nous épater avec ce roman à la fluidité évidente et à l’intrigue surprenante. Au premier plan, nous avons un portrait de femme tel que cet auteur sait nous les construire. Cette cinquantenaire, qui a subi un drame dans sa jeunesse, a décidé de se replier sur elle-même. Ce meurtre va la réveiller, la révéler au monde. Elle a en effet perdu son amant, son amour de jeunesse. Alors qu’elle était enceinte à l’époque, elle va faire une fausse couche et perdre son futur enfant.

Comme son personnage, l’histoire va se dévoiler, s’ouvrir et en même temps se complexifier, avant de devenir une croisade envers l’injustice et l’impunité des riches. Publié initialement au Fleuve Noir sous le numéro 2030, il est amusant d’y voir une réactualisation aussi bien vis-à-vis des moyens de communication actuels (les portables) que de Pôlemploi. Ceci donne un roman psychologique sans faille, passionnant de bout en bout avec un retournement de situation final fort bien trouvé. Très bon !

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

La Seine est pleine de revolvers

Editeur : French Pulp

Ce roman s’ouvre sur deux couples ; Marion et Vincent d’un coté, Fanny ey Edouard de l’autre. Ils sont inséparables, et on pourrait croire qu’ils font ménage ensemble. Edouard décide d’ouvrir sa société de publicité, puisqu’il est créatif et Marion lui trouve un nom : Parking. Il l’ouvrira avec son ami Vincent qui a des qualités de vendeur. Marion et Fanny rêvent de se débarrasser de leur mari respectif. Des morts vont parsemer le chemin des deux femmes, dont un accident de voiture puis le père de Vincent. La perspective de l’héritage va décider les deux jeunes femmes.

Voilà une illustration du meurtre parfait, ou devrais-je dire des meurtres parfaits, puisqu’ils vont se succéder tout au long des 367 pages. Avec un style littéraire, non dénué de dérision, Jean Pierre Ferrière va nous écrire une histoire de femmes fortes qui prennent en main leur destin quitte à aller à des extrémités meurtrières.

Pour avoir lu plusieurs romans de cet auteur, celui-ci sort de l’ordinaire, puisque c’est l’histoire qui passe au premier plan, et surtout ce scénario qui fait penser à L’inconnu du Nord Express de Patricia Highsmith tout en étant bien différent. Il ne faut pas s’attendre à de l’action à toutes les pages, mais plutôt à une intrigue alambiquée où l’itinéraire des deux femmes n’est qu’une partie de l’histoire. Personnellement j’y ai trouvé quelques passages un peu longs même si le scénario est bigrement bien tourné.

Ne ratez pas l’avis du regretté Claude 

Oldies : Le bon frère de Chris Offutt

Editeur : Gallimard La Noire (Grand format) : Gallmeister Totem (Format poche)

Traducteur : Freddy Michalski

Cela faisait un sacré bout de temps que je voulais lire ce roman. Et c’est bien la raison pour laquelle existe cette chronique des oldies : se rappeler des grands romans, des romans importants. Le bon frère est une lecture immanquable.

L’auteur :

Chris Offutt, né le 24 août 1956 à Lexington dans le Kentucky, est un écrivain américain de roman policier. Principalement connu pour ses romans et ses recueils de nouvelles, il a également collaboré, de manière épisodique, comme scénariste à plusieurs séries télévisées américaines.

Fils de l’écrivain Andrew J. Offutt, il grandit dans le Kentucky et suit les cours de l’Université d’État de Morehead. Diplômé, il entreprend un voyage à travers les États-Unis et exerce différents métiers pour vivre. Il publie, en 1992, un premier recueil de neuf nouvelles, intitulé Kentucky Straight, qui dépeint le quotidien rural du Kentucky. Il commet par la suite deux romans semi-autobiographiques, un roman de fiction et un second recueil de nouvelles.

Ses cinq titres ont été traduits en France, dont trois au sein de la collection La Noire de Gallimard, ce qui laisse penser que Chris Offutt est un simple écrivain de roman policier, quand bien même ces écrits dépassent le cadre du genre et peuvent se rattacher à l’univers d’auteurs aussi différents que William Faulkner, Larry Brown ou Daniel Woodrell. Deux nouvelles de l’auteur sont par ailleurs présentes dans le recueil Le Bout du monde, paru à la Série noire en 2001.

En parallèle à sa carrière d’écrivain, Chris Offutt a été professeur dans plusieurs universités américaines et a collaboré avec différentes revues et journaux américains (New York Times, Men’s Journal …). Il a également travaillé comme scénariste pour des séries télévisées américains (Weeds, True Blood et Treme).

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Virgil Caudill a toujours respecté la loi, laissant la rébellion et la violence à son frère Boyd. Mais Boyd est mort et tout le monde (y compris le shérif et la propre mère de Virgil) s’attend à ce que Virgil, se pliant ainsi au vieux code des collines du Kentucky, venge la mort de son frère.

Virgil ne peut briser ce code, mais, s’il accepte de tuer, il est bien déterminé à stopper la spirale de la vengeance. Il abandonne ses collines et ses modestes espérances, change d’identité et, comme d’innombrables fugitifs l’ont fait avant lui, il met le cap sur l’Ouest. Virgil s’attend à ce que les paysages désolés du Montana lui offrent une chance de se cacher mais les parents de l’homme qu’il a tué continuent à le chercher et, trébuchant sur un autre acte de violence, il rejoint malgré lui les milices du Montana dans leur lutte sans merci contre le gouvernement fédéral. Virgil comprendra alors que, quoi qu’il fasse, la violence colle à sa vie comme une seconde peau.

Mon avis :

Si ce roman ne fait pas partie des classiques de la littérature américaine, il devrait les rejoindre très rapidement. Clairement, la plume de Chris Offutt est très littéraire et atteint des sommets entre la poésie et la beauté, un style à la fois détaillé, descriptif et efficace. Il est réellement difficile d’y trouver un défaut, tant tout s’y enchaîne magnifiquement et il est impossible de ne pas être fasciné.

Ce roman peut être divisé en deux parties, la première étant l’errance de Virgil avant de prendre sa décision suite au meurtre de son frère aîné, la deuxième étant la fuite de son passé. Dans la première, chaque scène est très détaillée entre son travail et sa visite de sa famille, portée par des dialogues qui en disent plus long que toute description. Et à chaque fois, nous retrouvons Virgil plongé dans ses marasmes quotidiens, alors que la nature qui l’entoure est si belle. Dans la deuxième partie, Virgil se retrouve au milieu de la nature, et son errance qui n’en pas une se retrouve être une renaissance.

Si dans la première partie, le roman nous propose une réflexion sur le doute, la difficulté de prendre une décision, et les questionnements qui vont impacter une vie, la deuxième partie nous parle de renaissance, d’émancipation, mais aussi de politique. Car ce roman s’avère être une forte et belle charge contre la démocratie américaine qui va se terminer par un final extraordinaire (car je ne trouve pas d’autre mot) qui vous marquera longtemps en laissant un gout bien amer dans la bouche.

Si le roman est centré sur le personnage de Virgil, il devient grand, énorme dans sa deuxième partie, s’ouvrant sur le monde. D’une modernité qui interpelle, d’une lucidité qui fait mal, Chris Offutt nous montre comment circule l’information, comment le pouvoir gère le peuple, et comment on étouffe l’opposition, tout en ayant l’air de leur laisser le choix. Du choix individuel au choix collectif, ce roman pose des questions plus qu’il n’y répond et c’est sa grande force, de nous placer face à nos responsabilités de citoyen.

Il est tout de même incroyable de s’apercevoir que ce roman est le seul roman de fiction écrit par Chris Offutt. Y en aura-t-il un deuxième ? Je le souhaite de tout cœur !

Espace jeunesse : Luz de Marin Ledun

Editeur : Syros (2012) ; réédition J’ai Lu (2016)

Les éditions J’ai lu ont la bonne idée de rééditer ce roman de Main Ledun, qui à l’origine était destiné aux adolescents à partir de 14 ans. Cette réédition va redonner une nouvelle vie et peut-être lui permettre d’avoir accès à un public plus large.

Lisa n’aime pas les dimanches. En effet, dans la maison familiale, ont lieu des repas qui durent des heures pendant lesquels les hommes boivent beaucoup, trop. Comme il fait beau, Lisa, que tout le monde surnomme Luz, préfère aller se baigner dans la rivière toute proche. Alors qu’elle se prépare, Vanier, l’ami de la famille, la couve d’un regard à la fois langoureux et noyé par l’alcool. Il va même jusqu’à lui effleurer l’épaule. Dégouttée, elle s’enfuit.

En partant, elle emprunte une bouteille d’alcool, et se dirige vers un coin connu de peu de gens, où elle pourra s’allonger et oublier ses soucis. Elle aperçoit Thomas, un grand de 16 ans, qui est vite rejoint par une camarade de sa classe Manon. Mais l’après midi tranquille qu’elle espérait va devenir un cauchemar quand d’autres adolescents débarquent …

Comme le roman est court, je ne vais pas trop en dévoiler l’intrigue. Le livre est avant tout destiné à un jeune public, et de ce fait, écrit dans un style simple mais pour autant pas enfantin. L’auteur ne prend pas ses lecteurs pour des enfants et encore moins des enfants de cœur.

Ce qui est intéressant, c’est la façon qu’a Marin Ledun d’ajouter petit à petit des événements qui vont faire grimper la tension, allant même mettre en danger certains de ses protagonistes. Il n’y a pas de message particulier, pas de leçon de morale dans ce roman, mais un beau portrait d’une adolescente confrontée au monde des adultes, puis à celui d’adolescents un peu plus vieux qu’elle et qui vont se lancer des défis qui peuvent mal finir. C’est aussi la démonstration que quelques années d’écart peuvent tout changer dans l’attitude de quelqu’un et que l’inconscience peut avoir des conséquences graves.

Je ne peux que vous conseiller cette lecture, et de faire lire ce roman à vos enfants âgés d’au moins 14 ans (avant, cela me parait un peu tôt … quoique). Car on y trouve suffisamment de suspense pour être accroché dès la première page jusqu’au dénouement final.

Ne ratez pas l’avis de L’oncle Paul

 

Là où les lumières se perdent de David Joy

Editeur : Sonatine

Traduction : Fabrice Pointeau

On pourrait être tenté de comparer Le verger de marbre d’Alex Taylor avec Là où les lumières se perdent de David Joy, surtout si on survole la quatrième de couverture. Certes, ce sont deux romans à classer dans la case « roman rural américain ». Certes, ce sont deux premiers romans. Certes ce sont deux romans sortis au mois d’aout 2016 en France. Mais la comparaison s’arrête là, du moins c’est mon avis. Au départ, c’est la quatrième de couverture qui m’a fait acheter ce livre. Si elle est juste sur l’intrigue du roman, elle en dit beaucoup et m’a quelque peu induit en erreur. Car ce roman parle avant tout d’émancipation.

En Caroline du Nord, tout le monde connait le nom de McNeely. Tout le monde craint le nom de Mc Neely. Car à The Creek, un petit village, vit Charly McNeely, le caïd du trafic de drogue local et sa réputation d’être ultra-violent et intransigeant fait que tout le monde est soit à sa botte, soit a peur de lui.

Jacob McNeely va rendre visite à sa mère, Laura qui est séparée de Charly. En effet, celui-ci l’a virée car elle se droguait trop et devenait paranoïaque. Alors il lui a offert une maison au fond des bois, de façon à ne plus la voir. Jacob fait ça en douce de son père, sinon il pourrait bien recevoir une sacrée correction. Sa mère cherche son ampoule et accuse son fils de l’avoir cachée. Avant que cela ne dégénère, Jacob préfère s’en aller

Arrivé chez son père, celui-ci lui confie une mission, celle de surveiller l’interrogatoire de Robbie Douglas, car il aurait bavé sur les activités de Charly. Le passage à tabac, réalisé en bonne et due forme dans un hangar isolé par les frères Cabe, se termine mal, très mal. Jacob est obligé de nettoyer tout cela et d’emmener Robbie Douglas dans les bois. Nerveusement à bout, Jacob s’incruste dans une fête d’anniversaire et voit Maggie, son amie d’enfance se faire draguer. C’en est trop, il craque et passe à tabac le jeune dragueur. Jacob ferait bien de changer d’air … s’il le peut.

Ce roman est une surprise car, honnêtement, je ne m’attendais pas du tout à cette intrigue. Je m’attendais à une écriture noire et poétique et je me retrouve avec des images sombres et des scènes ultra-violentes. Je m’attendais à une histoire de course poursuite, de survie, et je trouve finalement un thème proche de l’émancipation d’une jeune adulte. Avec une question qui revient sans cesse au long de cette lecture : Pour s’émanciper, faut-il tuer le père ?

Si le sujet a déjà été lu et traité maintes et maintes fois dans le polar, je dois dire que David Joy a bien son style à lui, à défaut d’être original dans les décors ou le sujet. Il ressort de ses phrases une violence, exprimée ou non, qui en fait un livre choc. J’ai même parfois eu l’impression de recevoir des claques, tant j’étais pris dans la lecture aux mots imagés et explicites. Pour autant, ce n’est pas gore (à part quelques scènes, quand même).

Le narrateur, Jacob, est donc un jeune homme de 18 ans, qui est à un tournant de sa vie, puisqu’il est devant un choix crucial : partir ou rester. Rester, c’est vivre en enfer mais dans la facilité. Partir, c’est vivre honnêtement avec Maggie, le paradis quoi ! Enfer ou paradis ? Et tout le livre tient dans la réaction de Jacob à cette situation, sachant ce qu’est la meilleure solution mais se retrouvant plongé dans l’univers de son père. Il m’a fait penser à un chien dont on donne un peu de mou à la laisse pour lui faire croire qu’il est libre, avant de tirer dessus. Ou bien à Al Pacino dans le Parrain 3 qui dit : « Just when I think I’m out, they put me back in ».

C’est en tous cas un premier roman intéressant, qui montre tout le talent d’écriture de ce nouvel auteur, dont il va falloir suivre les prochains sujets. Car je n’ai rien à reprocher à ce livre, ses personnages sont passionnants et l’ambiance bigrement prenante. Une bien belle découverte.