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Sur un arbre perché de Gérard Saryan

Editeur : Taurnada

Cette année 2023 va décidément se positionner sous le signe de la découverte. Sur un arbre perché n’est pas le premier roman de l’auteur mais son deuxième après Prison Bank Water. Une bien belle découverte en ce qui me concerne.

Guillaume a refait sa vie avec Alice après un divorce sans anicroches. Il veut profiter d’avoir la garde de ses deux enfants Barbara et Dimitri pour s’offrir un week-end à Paris. Guillaume étant sur Paris, Alice embarque donc les deux enfants dans le TGV. Elle connait sa première frayeur quand Barbara disparait de sa place soi-disant parce que son voisin ronfle. Son statut de femme enceinte l’a transformé en mère poule attentive à ses beaux-enfants.

Dans la gare de Lyon, à Paris, le foule se dirige vers la sortie à peine le TGV arrivé à quai. Des musiciens jouent sur le piano et Alice reste avec les enfants qui le suivent. Au bout d’un moment, elle s’aperçoit que le petit Dimitri ne la suit plus. Elle est prise de panique, cherche du regard, l’appelle, court dans tous les sens. Elle appelle Guillaume au téléphone qui vient d’arriver ; elle l’aperçoit de l’autre côté de la rue et traverse en courant quand un camion la renverse.

Elle se réveille à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, fourbue de douleurs. Guillaume est près d’elle n’osant lui avouer la vérité. Elle finit par comprendre qu’elle vient de perdre son bébé et que Dimitri a disparu, probablement enlevé. Aux informations, des messages font état d’enfants kidnappés dans les gares. Au-delà de son état de culpabilité, elle décide de chercher Dimitri et de retourner sur les lieux.

Ce roman se révèle une excellente surprise, autant pour son scénario que par l’écriture fluide et bigrement agréable. Grâce à ses chapitres courts, on ressent une réelle urgence, une rapidité et une tension monter en suivant les pérégrinations d’Alice. Ayant une psychologie de battante, ne s’avouant jamais vaincue, elle va vivre des aventures incroyables, menées à un rythme élevé.

Le scénario est particulièrement impressionnant, et complexe à souhait. Des souterrains de la gare de Lyon en passant par Saint Denis et les camps de nomades, de l’Albanie à la Suisse, Alice va découvrir des réseaux qu’elle n’aurait jamais imaginés. Bien qu’aveuglée par sa culpabilité, elle va creuser quitte à mettre sa santé en danger. J’ai juste regretté le passage en Albanie où des coïncidences vont la mettre sur le bon chemin trop facilement et le nombre de fois où l’auteur maltraite son héroïne. .

Par contre, quand on croit en avoir fini avec cette histoire, la dernière partie rebat les cartes et on s’aperçoit qu’une machination que l’on n’aurait pas imaginé est à l’œuvre. Du coup, on repense aux éléments parsemés dans le livre, et à cette conclusion menée de main de maitre. Pour un deuxième roman, ce roman passionnant impressionne et je ne peux que vous conseiller sa lecture.

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L’été où tout a fondu de Tiffany McDaniel

Editeur : Gallmeister

Traducteur : François Happe

A la suite du succès rencontré par son roman Betty, les éditions Gallmeister ressortent le premier roman de Tiffany McDaniel, initialement sorti chez les éditions Joëlle Losfeld, dans une nouvelle traduction. On retrouve avec plaisir cette plume poétique dans cette histoire entre réalité et fantastique.

La petite ville de Breathed, Ohio, est écrasée par la chaleur lors de cet été 1984. Fielding Bliss, le narrateur, passe ses vacances avec son grand frère Grand qui excelle au lancer au baseball, sa mère Stella qui ne sort pas de la maison par peur de l’eau, Autopsy, son père qui a la charge de procureur, et Granny leur vieux chien. A la suite d’un procès qu’il a gagné, Autopsy, toujours dans le doute, fait publier dans un journal l’annonce suivante :

« Cher Monsieur le Diable, Messire Satan, Seigneur Lucifer, et toutes les autres croix que vous portez, je vous invite cordialement à Breathed, Ohio. Pays de collines et de meules de foin, de pêcheurs et de rédempteurs.

Puissiez-vous venir en paix.

Avec une grande foi.

AutopsyBliss »

Quelques jours plus tard, Fielding rencontre un petit garçon noir qui dit être le Diable. Il ne connait pas son nom, et se surnomme lui-même Sal, contraction de SAtan et Lucifer. Personne ne le croit et le shérif va rechercher des enfants ayant disparu dans les environs. Et dans cette ville à majorité blanche, on regarde bizarrement ce petit être, surtout quand des phénomènes dramatiques se succèdent.

Fielding se présente comme un vieil homme quand il raconte cette histoire et à chaque début de chapitre, il se raconte au présent quand un détail le ramène dans ses souvenirs, dans ce passé maudit de 1984. Le procédé, classique s’il en est, fonctionne à merveille ici et on ne peut qu’être ébahi devant la maitrise montrée par Tiffany McDaniel pour son premier roman, d’autant qu’elle a commencé son écriture à l’âge de 15 ans.

L’auteure va donc nous faire vivre cette ville, ces gens simples, qui respectent les autres, qui croient en la police et la justice, qui croient aussi aux légendes et à la religion. Et Sal va petit à petit concentrer toutes les craintes, toutes les peurs surtout dans un contexte propre à faire monter la tension et exciter tout le monde. Il fait chaud, il fait lourd, le ciel est bleu à n’en plus finir, et le vendeur de glaces a détruit son stock ! A cela, s’ajoute le racisme ambiant qui va aboutir à la création d’une communauté anti-noire … pardon … anti-Diable.

Il n’est pas une page qui nous rappelle le contexte, et je ne compte plus le nombre de verres bus pendant cette lecture, tant la chaleur est palpable, tant la sécheresse agressive. Et si on a l’impression de rester spectateur au début du roman, Tiffany McDaniel arrive à nous impliquer dans son histoire par de petits événements que l’on a forcément connus, et cela finit par créer une sorte d’intimité, ce qui va rendre la fin d’autant plus dramatique et horrible.

Et puis, Tiffany McDaniel nous étale déjà son talent d’écrivaine, sa poésie venue d’ailleurs (je parlais de poésie issue de ses racines indiennes lors de mon avis sur Betty). Elle a l’art de glisser des remarques, de faire des comparaisons dont nous n’aurions même pas eu l’idée, elle a le talent de montrer les sentiments des gens, de nous faire ressentir la souffrance de la nature et des animaux, et de pointer la nature de l’homme dans une vaste réflexion sur le Bien et le Mal de façon totalement original. On se laisse bercer, on voyage en compagnie de Fielding, et plus les pages filent, plus l’horreur monte. Un premier roman impressionnant.

Rosine une criminelle ordinaire de Sandrine Cohen

Editeur : Editions du Caïman

Ce roman a commencé pour moi par une rencontre virtuelle. Sandrine Cohen m’a envoyé un message avec son premier roman en pièce jointe, pour que je lui donne mon avis. Après 50 pages, je lui ai répondu que j’allais l’acheter quand il sortirait. Car ce roman m’a fait rencontrer Clelia et c’est le genre de rencontre qu’on n’est pas prêt d’oublier.

Le 6 juin 2018 aurait dû être un jour comme les autres. Comme tous les soirs, Rosine donne le bain à ses deux filles, Manon et Chloé, pendant le journal de 20 heures, avant de les coucher. Divorcée, elle vient de rencontrer Nicolas, de dix ans son cadet. Elle lui a proposé de vivre avec elle, lui ne sait pas trop, hésite, lui a juste dit : « J’ai besoin de réfléchir ». Le regard de Rosine se fait noir quand elle pose les yeux sur ses filles. Elle plonge la tête de Manon sous l’eau, longtemps, trop longtemps. Puis c’est le tour de Chloé. Quand Nicolas, inquiet du silence, monte les voir, il trouve Rosine en train de bercer ses deux petits corps.

Enquêtrice de personnalité, Clélia vient rendre visite à Damien Préjean, un prisonnier de Fleury-Mérogis, mais Didier Coste ne veut pas la laisser entrer sans autorisation. Clélia se fout des règles, des normes, elle doit voir Damien, lui expliquer qu’elle a compris qu’il est une victime. Quand elle court dans les couloirs, elle sait qu’il est trop tard, Damien vient de se pendre en nouant ses draps.

Son patron Isaac la convoque. Pour une énième engueulade. Elle doit suivre les règles, car c’est comme cela qu’elle fera un bon travail. Isaac sait que Clélia a raison, mais son attitude joue contre elle. Il a trouvé un nouveau cas, typiquement pour elle, celui de Rosine. Clélia accepte, veut comprendre pourquoi une mère aimante en arrive à noyer ses deux filles dans leur bain.

Partant d’un fait divers glauque (rassurez-vous, il n’occupe que quatre pages), Sandrine Cohen nous présente un sacré personnage. Clélia, une de ces femmes littéraires qu’on n’oublie pas, ne s’encombre pas de règles, de lois, elle sait faire preuve d’empathie, provoquer, être à l’écoute, tout ça pour comprendre le Pourquoi d’un crime. Speedée et vivant toujours sur un fil tendu prêt à se rompre, elle excelle dans son métier par sa faculté à sentir, (se) poser les bonnes questions et secouer le monde figé et lent d’une bureaucratie noyée sous une paperasserie d’un autre temps.

Le monde en question, ce sont les membres de la famille de Rosine, son entourage, ses amis, mais aussi Rosine aussi. Sandrine Cohen aurait pu noyer son intrigue sous d’incessants dialogues à n’en plus finir, elle a préféré privilégier les phrases courtes, les réflexions, les actions, comme pour mieux entrer dans la psychologie de Clélia. L’auteure joue son jeu à fond, sur un sujet bien difficile ; elle appuie sur l’accélérateur dès le début et ne ralentit pas une seconde et surtout pas dans les virages, jusqu’à la toute fin, les réquisitoires des avocats.

Car on ne se pose pas la question sur la culpabilité de Rosine, on veut juste savoir qui est responsable de ce drame. Et pendant cette course infernale que sont les 250 pages, on ressent de véritables poussées d’adrénaline, et par voie de conséquence, une addiction à la lecture. Ce roman est FAN-TAS-TI-QUE, pas comme les autres et dense. Les scènes s’enchainent sans chapitre avec la célérité d’un roman d’action, alors que c’est un roman d’enquête psychologique. C’en est totalement bluffant.

Le seul petit défaut que j’y ai trouvé, qui est lié à mon goût de lecteur, ce sont des paragraphes un peu trop longs. A part cela, j’ai tout adoré, de l’intrigue à la rigueur apportée aux personnages, le rythme et le personnage de Clélia, et la conclusion ni trop noire ni trop blanche. D’ailleurs, je ne souhaite qu’une chose, celle de rencontrer à nouveau Clélia dans une future enquête, car elle en vaut le coup. Imaginez : ce n’est que son premier roman ! Ne ratez pas le train Clelia !

Des poches pleines de poches

Voici le retour de cette rubrique consacrée aux livres au format poche.

Les dames blanches de Pierre Bordage

Editeur : L’Atalante

Dans un futur proche, de mystérieuses sphères blanches apparaissent en différents endroits du monde. Elles semblent absorber les enfants âgés de trois ans, ce qui arrive à Léo, le fils d’Elodie. Les pays s’allient pour essayer de les faire exploser mais rien n’y fait. Seuls les enfants avalés permettent de freiner leur progression. L’ONU propose alors de sacrifier des enfants de trois ans, armés d’une ceinture d’explosifs, et promulgue la loi d’Isaac, celle du sacrifice d’un enfant de chaque couple.

Ce roman est rythmé par des chapitres d’une dizaine de pages, portant le prénom d’un personnage rencontré lors de l’intrigue. Il faut savoir aussi qu’aucune notion de temps n’est indiquée, mais que chaque chapitre peut se dérouler plusieurs années après le précédent. Une fois assimilé ce principe, le lecteur peut pleinement se laisser emporter par ce formidable conteur qu’est Pierre Bordage.

L’histoire fait la part belle aux personnages, dont certains se retrouve au centre de l’affaire. C’est le cas d’Elodie, la première mère victime des sphères, de Lucho Herrera, le premier artificier de l’armée française à leur être confronté, de Camille, la première journaliste qui va être consacrée comme la spécialiste des sphères, ou de Basile Traoré, ufologue qui va ressentir une sensation de chaleur à leur proximité.

Les sphères engendrant des parasites et troublant les communications, la société entière va connaitre une régression technologique, revenant par exemple aux pigeons pour communiquer. Il suffit d’imaginer une vie sans transports, sans télévision, sans aucune innovation telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’histoire va tourner aux drames terriblement émouvants sur une cinquantaine d’années pour aboutir à une conclusion emplie d’humanisme et de cri au secours envers la souffrance de la Terre. Un roman qu’il serait dommage de ne pas lire.

Goliat de Mehdi Brunet

Editeur : Taurnada

2019 : David Corvin se réveille devant sa bouteille d’alcool vide.

Septembre 2016 : Ancien agent du FBI, David s’est reconverti comme agent de sécurité à San José pour l’amour de sa femme Abigaël, qui en tant que scientifique spécialisée dans la chimie moléculaire. La prochaine mission d’Abigaël doit l’envoyer sur une plateforme pétrolière norvégienne, ce qui déclenche une grosse crise dans le couple. David décide de la suivre.

Octobre 2015 : Sur un chantier à San Francisco, le corps d’une femme est découvert mutilé  et exposé. L’inspecteur de police Curtis reçoit l’aide des agents du FBI Diaz et Munny. C’est le cinquième victime d’un tueur en série qu’ils pourchassent.

Juillet 2013 : Un Boeing 777 en provenance d’Incheon prévoit d’atterrir à San Francisco. Rowdy Yates se réjouit de retrouver sa femme Maggie, après un contrat juteux signé en Corée.

Juillet 2013 : Franck est un ancien soldat, marqué par ce qu’il a vécu en Irak. Il prend la route en direction de l’aéroport de San Francisco pour retrouver Jessica sa femme et Evelyne sa fille qui reviennent de Seoul par le vol du Boeing 777.

Juillet 2013 : Le Boeing 777 en provenance de Corée s’écrase à l’atterrissage.

Ce petit roman, par la taille, est véritablement une surprise pour moi et une véritable réussite. La construction, faite d’allers-retours entre présent et futur, passant d’un personnage à l’autre, d’un lieu géographique à l’autre, peut sembler compliquée. Il n’en est rien tant la maitrise en est impressionnante et les personnages parfaitement marqués et reconnaissables au premier paragraphe. Le fait que David Corvin soit le narrateur dans quelques chapitres rajoute à la tension et à notre envie de savoir comment cela va finir.

C’est de l’excellent divertissement, avec ce qu’il faut d’émotions, ce qu’il faut de mystères, quelques scènes morbides non explicites, et une tension qui monte jusqu’à un final fort réussi. Si l’identité du tueur est connue une centaine de pages avant la fin du roman, c’est pour mieux nous serrer entre ses serres pour savoir comment cela va se terminer. Les recettes à la fois du thriller et du roman policier sont respectées, avec une volonté de construction qui ajoute au mystère et à la tension nerveuse croissante. Le final, en pleine tempête est à la hauteur de l’attente, la conclusion noire comme il faut. Bref, ce roman est un très bon divertissement surprenant.

Je ne suis pas un monstre de Carme Chaparro

Editeur : Plon

Traductrice : Judith Vernant

J’ai bien hésité avant de lire ce livre, faute à la quatrième de couverture qui donne l’impression que l’on va lire un énième roman sur une disparition d’enfant. Il aura fallu l’avis de Jeanne Desaubry (http://jeanne.desaubry.over-blog.com/2019/10/vous-avez-dit-monstrueux.html) pour que je me décide. En fait de thriller bas de gamme, j’ai eu entre les mains un excellentissime roman choral. Et c’est un premier roman !

Inès est une journaliste pour une chaîne de télévision Canal Onze. Elle a un vrai don pour présenter des événements dramatiques et faire naître des émotions incroyables chez ses spectateurs. C’est pour cela qu’elle a eu un succès phénoménal quand elle a écrit son premier thriller, premier et unique pour le moment. Alors, son éditeur la pousse à se lancer dans l’écriture de son deuxième roman, mais elle ne tient pas le sujet. C’est lui qui lui propose d’assister à une réunion de thérapie de groupe. Là, elle entend un témoignage d’une femme prise dans une inondation avec ses enfants, obligée de sacrifier l’un de ses petits pour sauver les autres.

Ana Arén est inspectrice-chef à la brigade des mineurs de Madrid avec un dossier plus que parfait. Comme elle est physiquement superbe, elle attire forcément les convoitises. Ce matin-là, le commissaire Luis Bermudez convoque tout le monde : il leur annonce qu’il va y avoir du changement ; la direction lui demande de partir pour laisser la place à David Ruipérez, un homme à la réputation impitoyable. Au même moment, des appels téléphoniques font état de la disparition d’un petit garçon, Kike. Ana veut réussir cette enquête à tout prix. En effet, deux ans auparavant, un petit Nicolas a disparu au même endroit. On ne l’a jamais retrouvé, et c’est le seul échec d’Ana. La légende créée par les médias dit qu’il a été enlevé par Slender man.

Quand on commence la découverte d’un nouvel auteur (en l’occurrence une nouvelle auteure), il y a toujours une adaptation à faire quant au style ou à la construction du roman. C’est ce que j’ai ressenti lors des 2 premiers chapitres (soit 12 pages), étant surpris par le punch et la brutalité de l’écriture. Les phrases claquent, il n’y a pas de temps mort et je n’ai pas l’habitude de lire ça dans un roman psychologique.

Car si la quatrième de couverture peut nous faire croire à un thriller, c’est bien un roman psychologique que nous propose Carme Chaparro, avec un scénario d’enfer et une fin que je qualifierai d’anthologie. Si la construction est classique, proche d’un roman choral, ce roman se détache par son acuité à présenter les réactions des différents protagonistes aux événements dramatiques auxquels ils vont être confrontés.

Ana et Inès vont constituer le fil conducteur de cette histoire et donner l’occasion de présenter des problématiques telles que la guerre des polices, les influences des politiques dans une enquête, les relations conflictuelles avec les chefs, ou même le rôle des médias dans les résolutions des enquêtes. Dans chacun de ces thèmes, Carme Chaparro excelle car elle y place au centre un être humain avec ses sentiments, ses problèmes, ses réactions humaines (ou non).

Et je dois dire que j’ai été totalement bluffé par les émotions qui déferlent de ces pages malgré un style brut, la justesse des réactions et cette capacité à trouver les mots justes au bon moment. Je peux vous assurer qu’à certains moments, votre gorge va se serrer, ou vos yeux vont s’ouvrir devant l’horreur. Quant à la chute de ce roman, et chute est le bon terme, elle ouvre sur une dénonciation des monstres de notre société (et ce ne sont pas ceux que vous croyez, mais je ne peux vous en dire plus).

Je ne suis pas un monstre s’avère au final une belle dénonciation de cette société avide de sensations, avide d’opportunités au nom de l’argent, avide de sang et surtout celui des autres. C’est aussi et surtout un premier roman impressionnant, époustouflant, émotionnellement très fort et qui ne peut que vous faire réagir. J’espère sincèrement que mon avis vous donnera envie de lire le livre et qu’il n’en a pas trop dit quant à l’intrigue …

Coup de projecteur sur les éditions Cairn

Les éditions Cairn sont une petite maison d’édition du Sud Ouest qui a déjà plus de vingt années d’existence. Elle promeut des livres issus du sud ouest de la France. Une collection est dédiée au polar ; elle s’appelle Du Noir au Sud. Je vous propose deux titres récemment édités dans le cadre de cette collection.

Erreurs d’aiguillage de Philippe Beutin

Vendredi 31 octobre 2014. Le nouveau chef de SRPJ de Toulouse, le capitaine Gilles Pillière doit débarquer le lundi suivant. Mais ce qui importe à Jérôme Carvi, « le Chinoir », c’est de retrouver Audrey dont il est amoureux depuis sa précédente enquête relatée dans Jeux de dames. Le lundi suivant, le nouveau capitaine annonce la couleur, il fera régner l’ordre dans son service, d’une poigne de fer.

Mercredi 1er avril 2015. Un homme est retrouvé mort sur les voies sortant de l’entrepôt de maintenance de la SNCF. Selon le conducteur, le type était mort avant qu’il roule dessus. A priori, il a été électrocuté avant de tomber sur les rails. Il s’avère que c’était un électronicien, Lionel Martin, qui travaillait à l’autre bout des entrepôts. En plus, il ne portait pas ses EPI (Equipements de Protection individuelle).

Avec ce roman, nous allons découvrir une partie des services qui gravitent autour d’un train. Et cela permet d’en apprendre beaucoup, de la part d’un ancien de la SNCF. Il nous présente avec humour les acronymes incompréhensibles, l’organisation, et surtout l’obsession de l’entreprise pour la sécurité. Pour Jérôme, il va lui falloir s’adapter pour découvrir qu’il a à faire avec un mystère et que cette mort pourrait bien cacher un meurtre. Le doute n’est plus permis quand les morts s’amoncellent.

Je dois dire que ce roman est très bien mené, et que s’il est de facture plutôt classique, c’est un vrai plaisir à lire, malgré le grand nombre de personnages. Si le personnage principal est bien le Chinoir, fou amoureux mais tenace dans son travail, les autres ne font pas figure de décoration. Après Jeux de dames que j’avais adoré, voilà un roman policier qui confirme les grandes qualités de Philippe Beutin pour construire des intrigues complexes.

Ils vont tous mourir de Raphaël Grangier 

Ça aurait du être des vacances formidables pour la famille Rougier, en cet été de 1986. Christophe, conseiller financier au Crédit Agricole, est au volant, aux cotés de sa femme Véronique, institutrice. A l’arrière de la Renault 14, la petite Emilie écoute Madonna sur son walkman et le petit Thomas attend avec impatience l’arrivée au camping du Château Le Verdoyer dans le Périgord. Mais alors qu’ils prévoient de faire des randonnées en pleine nature, les enfants du camping vont bientôt disparaître les uns après les autres. Le jeune commandant de police Guillaume Dubreuil va avoir fort à faire.

Ce roman commence tout doucement, par nous présenter la région et le contexte du camping. On sent dans ce début tout l’amour que porte l’auteur à cette région. Et c’est un vrai plaisir à suivre ce guide, d’autant plus que le style est très littéraire et très plaisant. C’est avec la disparition du premier enfant, puis du deuxième que va monter l’inquiétude puis la tension jusqu’à devenir un stress insoutenable.

Et le roman que j’avais cru être un roman policier va se transformer en thriller avec l’apparition d’un tueur en série enfermé dans un hôpital psychiatrique. L’auteur va utiliser les ficelles lues et vues dans le Silence des agneaux ou Seven et se les approprier pour nous offrir un roman surprenant par son ambition et d’une concision fort appréciable. Au final, on passe un bon moment, que dis-je un excellent moment avec des scènes difficilement oubliable dans un décor de rêve.

Retenez bien ce nom : Raphaël Grangier est un auteur au talent indéniable qui n’a pas fini de nous surprendre. Je serai au rendez-vous de son prochain roman, pour sur !

Des airs de vendredi 13 …

Rappelez-vous, dans les années 90, une série de films mettant en scène un tueur en série, racontait comment tuer une bande jeunes gens de façon horrible (et comique, moi, je trouvais ça comique !) les uns après les autres. Je ne parle pas d’Halloween de John Carpenter, mais de Vendredi 13 de Sean Cunningham. Je vous propose deux lectures qui peuvent entrer dans cette catégorie, avec des bases de sujet différentes.

Itinéraire d’une mort annoncée de Fabrice Barbeau

Editeur : Hugo & Cie

Auréolé d’un bandeau rouge annonçant un Coup de Cœur RTL, ce roman est passé entre mes mains car il fait partie de la sélection 2018 du Grand Prix des Balais d’Or. C’est un roman à suspense bien stressant.

Anthony est un jeune homme qui a tout perdu : son travail, sa femme, et même son compte en banque. Il quitte son appartement et se retrouve à la rue, cherchant un endroit à l’abri du froid pour dormir. Les premières nuits, il se fait dépouiller et tabasser. Sa chance réside dans Mélanie, une jeune policière qui décide de l’héberger pour lui redonner gout à la vie. Pour son anniversaire, elle lui fait une surprise : Réunir ses anciens amis dans une maison de campagne pour fêter son anniversaire.

Ce roman ne manque pas d’ambition : peindre le portrait d’un jeune homme qui a tout perdu, sur une base d’allers-retours entre passé et présent. Si le principe est connu, il est bien difficile à maîtriser. Le grand talent de l’auteur est bien de trouver tous les événements qui vont rendre cette histoire crédible et intéressante. Si le début du roman commence comme un roman psychologique, le rythme des événements augmente très vite pour créer une tension et un stress qui nous fait oublier de chercher le coupable.

Car les disparitions et les morts vont s’accumuler, et le roman se transformer en huis-clos de la mort. A la façon d’un Dix petits nègres, mais avec plus de violence, ce roman m’a surtout fait penser à la série Vendredi 13, qui était surtout comique par la façon de mettre en scène les meurtres. Même si j’ai deviné le nom du coupable assez tôt dans le roman, je dois dire que je me suis laissé prendre au jeu, surtout au nom de la nostalgie des films d’antan et parce que ce roman arrive à nous tenir en haleine sur plus de 300 pages. Ce qui prouve que ce roman est un bon divertissement.

Les lois du ciel de Grégoire Courtois

Editeur : Gallimard Folio

Conseillé par Coco, voilà un sujet bien glauque puisque le départ du roman est un voyage en classe transplantée ou classe verte d’une douzaine de gamins de CP, accompagnés de trois adultes. Ils ne partaient pas loin, tout juste une dizaine de kilomètres dans les bois. Les accompagnateurs étaient Frédéric Brun l’instituteur ainsi que deux mamans Sandra Rémy et Nathalie Amselle. Le premier chapitre se termine ainsi :

« Et voilà.

Les enfants étaient partis.

Et jamais ils ne reviendraient. »

Parmi les enfants, on trouve tous les caractères inhérents aux enfants de leur âge, qu’ils soient peureux, courageux, attentifs ou turbulents. Je dois dire qu’après le froid du premier chapitre, on en vient à s’intéresser à cette histoire pour comprendre. Et les mises en situation permettent de nous imprégner de ces psychologies, avant le drame, horrible comme il se doit qui va nous mettre en situation.

D’amusement, on passe à l’horreur de la mort de Fred et on continue à faire défiler les pages pour voir comment tous ces enfants vont connaitre leur fin irrémédiable. En tant que parent, je dois dire que cela met bien mal à l’aise, et en tant que lecteur, l’auteur nous interpelle clairement devant notre désir de voyeurisme. Et de divertissement amusant, on se retrouve avec ce genre de roman qui nous met mal à l’aise face à notre volonté d’en voir toujours plus.

Au bout du compte, ce petit roman (200 pages) en dit bien plus que d’autres de 400 pages, et s’avère une belle démonstration d’un voyeurisme malsain. Ce sera un roman difficile à oublier.

Toxique de Niko Tackian

Editeur : Calmann Levy (Grand Format) ; Livre de Poche (2017)

Voilà une lecture conseillée par mon ami Richard Contin, car ce roman fait partie de la sélection 2018 pour le Grand Prix du Balai d’Or. C’est un polar rondement mené, qu’il faut aborder comme le début d’une série avec un personnage récurrent fort, très fort.

Charline a 22 ans et a décidé de fêter son anniversaire au bar L’étoile filante, en ce mois de janvier 2016. Même si le peuple parisien (et français) est encore marqué par les attentats de fin 2015, elle ne se laisse pas influencer par la peur ambiante. Bob la regarde s’amuser avec ses copines, son Taser bien au chaud dans sa poche. Elle l’excite avec sa petite jupe noire. Elle rejoint sa BMW au parking, en titubant. Au moment où il s’apprête à l’immobiliser, une ombre se glisse derrière lui et l’assomme … comme l’impression d’avoir reçu un mur de brique.

Bob se réveille dans un coffre de voiture, juste au moment où elle s’arrête. Le mur de briques s’avère être un homme de forte corpulence qu’il n’a jamais vu. L’homme le dirige dans les bois attenant et pose une pelle devant, lui demandant de creuser un trou. Bob fait celui qui ne comprend pas, alors l’homme lui énonce son verdict : Parce qu’il est violeur multirécidiviste, c’est ici qu’il finira sa vie. Quand le trou est creusé, l’homme lui envoie une droite puissante et lui donne les prénoms de ses victimes, avant de lui signaler qu’il le laisse partir mais que s’il recommence, ce trou sera sa tombe.

Tomar Khan débarque chez Rhonda vers 6 heures du matin, après son escapade nocturne dans les bois. Rhonda travaille dans le service de Tomar au « 36 ». Après une séance sportive et intime, il prend une douche et va faire de la boxe avec son frère Goran, qu’il protège depuis sa plus tendre enfance. Quand il arrive au bureau, il apprend que la directrice d’une école primaire de Fontenay-sous-Bois vient d’être retrouvée, étranglée dans son bureau. Une affaire facile à résoudre ? Pas si sûr !

Commençons par ce que je n’ai pas aimé dans ce roman, et il y en a peu. Ce roman possède des paragraphes longs, trop longs. Certes, ils sont entrecoupés de dialogues, peu nombreux mais redoutablement efficaces. Mais les paragraphes qui font plusieurs pages, personnellement, j’ai l’impression d’étouffer. J’aime bien quand le texte est aéré et quand les paragraphes sont découpés logiquement. Voilà, c’est la seule réserve que j’émettrais à propos de ce roman.

Vous dire que je viens de découvrir l’auteur de l’année serait exagéré, surtout parce que ce roman, Toxique, a déjà eu de fort belles critiques sur la blogosphère. Donc j’arrive après la guerre, et mieux vaut tard que jamais. Niko Tackian regorge de talent, car il arrive à imprimer à son texte une tension, une urgence, qui passe surtout par ses personnages, qui, bien qu’ils ne soient pas décrits dans le détail, sont brossés pour que l’imagination fasse le reste.

L’enquête policière ne casse pas des briques, comme on dit, au contraire du personnage de Tomar Khan. Les codes sont respectés, à la lettre, le meurtre ouvre sur beaucoup d’hypothèses, mais la solution est très vite donnée sur l’identité du coupable (vers le milieu du livre). Il ne reste plus qu’à comprendre le pourquoi. Bref, tout cela pour dire que ce n’est pas pour son intrigue qu’il faut lire ce livre, mais bien pour ses personnages.

Et pour le coup, on est gâtés avec les personnages. En tête de liste, Tomar, bien sur, ressemble à un chef de meute, cherchant à défendre sa famille, composée de sa mère et son frère. Car un lourd secret issu de leur passé pèse sur son quotidien. Et en particulier un certain Jeff, à la recherche d’argent et qui semblerait être leur père. Ce sont ces scènes là, empreintes de mystère et de tension qui donnent le ton au livre, qui le rendent spécial. Autant j’ai été peu attiré par l’enquête, autant dès que Tomar s’occupe des affaires familiales, cela devient passionnant.

Et puis, ce livre se termine sur des points de suspension du point de vue de l’intrigue. Construit comme un scénario de film, ou d’une série télévisée (dans le bon sens du terme), Toxique est avant tout le premier tome et comme le deuxième tome Fantazmë, vient de sortir aux éditions Calmann-Levy, je peux vous dire que je ne vais pas attendre longtemps pour le lire. Car je suis devenu accro à Tomar et je veux savoir la suite !

Ne ratez pas les avis de Nathalie et Anaïs

Luc Mandoline épisode 9 et 10

Editeur : Atelier Mosesu

Je vous avais déjà parlé de Luc Mandoline, ce personnage récurrent édité aux Ateliers Mosesu. Ce personnage, ancien légionnaire, rompu aux enquêtes et sports de combat, se retrouve toujours mêlé dans de drôles d’affaires. Chaque épisode est écrit par un nouvel auteur, comme le Poulpe par exemple, ce qui donne à chaque fois un ton particulier et original. Les huit titres que j’ai passés en revue sont :

Episode 1 : Harpicide de Michel Vigneron

Episode 2 : Ainsi fut-il d’Hervé Sard

Episode 3 : Concerto en lingots d’os de Claude Vasseur

Episode 4 : Deadline à Ouessant de Stéphane Pajot

Episode 5 : Anvers et damnation de Maxime Gillio

Episode 6 : Le label N de Jess Kaan

Episode 7 : Na Zdrowie de Didier Fossey

Episode 8 : Le manchot à peau noire de Philippe Declerck

Voici donc les épisodes 9 et 10 :

Sens interdit (s) de Jacques Saussey

Quatrième de couverture :

Le corps d’un enfant de huit ans est repêché dans un étang isolé au fond des bois. Le cadavre, complètement nu, ne présente aucun signe de lutte ni de violence sexuelle, laissant à penser que le petit garçon a succombé à un accident. Seulement, il s’agit du cinquième enfant qui meurt dans cette petite ville de province en moins de deux mois. Et cette fois, il s’agit du fils du légiste. Alors, on m’a appelé pour que je prenne le relais.

Moi, vous me connaissez, je suis incapable de refuser quand on me demande un coup de main.

Entre autres…

Mon avis :

Ce roman est étonnant pour qui connait l’œuvre de Jacques Saussey. Il nous a habitué à des romans longs de 500 pages en prenant le temps de construire des intrigues tordues avec deux personnages formidables. C’est donc étonnant de le voir se glisser aussi facilement dans le moule pour nous offrir un roman noir, plein d’action, de sexe, de sang et de rebondissements.

Ce roman est raconté par Luc Mandoline lui-même, qui a affaire à une histoire sordide de soi-disant suicides de jeunes enfants. Et plus on avance dans l’histoire, plus cela devient sordide. Il y aura bien quelques traits d’humour pour relever la gravité du propos mais le ton restera grave, surtout quand il s’agit de montrer la folie et la démesure des hommes.

Quant à la fin, comment peut-on imaginer qu’elle est très bien trouvée et extraordinairement mise en scène. Elle sera cynique, amorale mais vu le propos du livre, on peut bien se demander où est la morale dans tout cela. Une nouvelle fois, cet épisode est un excellent polar, qui dépasse le cadre du simple divertissement, de ces romans qui donne leur lettre de noblesse à un cycle tel que celui de Luc Mandoline.

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La mort dans les veines de Samuel Sutra

Quatrième de couverture :

Franck Morel, chercheur à l’Institut Pasteur, achève ses travaux sur un virus tueur, le plus dangereux qu’il ait été amené à étudier. Puis sans raison apparente, il décide de traverser Paris pour aller se jeter dans le canal Saint-Martin.

On ne retrouvera pas son corps.

Sa fille décide de raconter tout ce qu’elle sait, mais à un seul homme : Luc Mandoline, alias l’Embaumeur.

Dans cette affaire où tout le monde ment, on ne cherche pas la vérité. On court après un secret qui pourrait valoir de l’or, et que le cadavre introuvable de Morel a emporté avec lui…

Mon avis :

L’avantage avec cette série, c’est que l’on a droit à différents auteurs pour chaque enquête. Et quand il s’agit d’un auteur aussi doué que Samuel Sutra, on peut s’attendre à être surpris. Effectivement, c’est le cas ici, puisque c’est un Luc Mandoline sans corps à embaumer auquel on a droit dès le début de ce roman.

De ce démarrage tout en dérision qui fait référence à Alfred Hitchcock bien sur, notre embaumeur se retrouve donc dans la peau d’un enquêteur ce que l’on n’a jamais vu dans la série, qui va chercher le corps de Franck Morel, célèbre scientifique qui soi-disant s’est suicidé mais dont le corps a disparu aussitôt arrivé à la morgue.

En plus de cette histoire légèrement décalée et pleine de dérision, nous avons droit à une belle plume, à une écriture pleine de charme, comme Samuel Sutra sait nous l’offrir. Il nous parle de Paris comme peu d’auteur l’ont fait, nous présente un enquêteur digne des plus grands de la littérature policière. C’est donc un épisode à part, avec moins de sexe et de sang, mais qui s’inscrit bien dans la série, au sens où il respecte les codes mis en place par Sébastien Mousse, et rien que pour cela, c’est un épisode à ne pas rater.

Dompteur d’anges de Claire Favan

Editeur : Robert Laffont

J’ai déjà dit et redit tout le bien que je pense de Claire Favan, sa capacité à écrire des histoires marquantes, à créer des personnages incroyables et à nous prendre dans ses filets pour nous faire passer d’excellents moments de lecture. A chaque fois, ses romans sont différents, et encore une fois, Dompteur d’anges est une formidable réussite.

Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Max Ender est depuis sa naissance marqué d’une sorte de destin funeste. Quand il est né, sa mère Faye a vu son père Derek partir, arguant qu’il ne voulait pas d’enfant. Alors elle l’élève seule, courageusement. Quand un camion la fauche, Max se retrouve seul à gérer sa vie, alors qu’il a à peine 19 ans. Et comme il est gentil, les gens lui confient des petits travaux.

Il rencontre Kyle, le fils des Legrand chez qui il travaille. A 12 ans, Kyle est remarquablement intelligent et ils deviennent les meilleurs amis du monde. Alors que Max se blesse, Kyle propose de rentrer chez lui pour aller chercher des compresses. Kyle prend son vélo et se précipite, pendant que Max se rend chez Mme Briggs, son prochain chantier. Personne ne reverra Kyle.

La mère de Kyle appelle Max le soir. Elle est inquiète. Alors Max refait le chemin retour pour retrouver son ami. Il aperçoit un vélo caché sur le bas-côté de la route, et découvre le corps de Kyle. Il a été violé et assassiné. Max n’étant pas très cultivé, il fait figure de coupable idéal. La police ne cherche pas plus loin et l’envoie en prison. Mais en prison, on n’aime pas les violeurs d’enfants.

Max va subir les pires outrages, pendant plusieurs années. Et son histoire, il va la mettre sur le dos de son manque de culture. Il va lire des livres et des livres … jusqu’à ce que le véritable coupable soit trouvé et Max se retrouve dehors. Son calvaire, sa torture va devenir sa motivation : la société devra payer et ceux qui l’ont enfermé vont souffrir comme lui a souffert. Avec l’argent qu’il touche, il achète une caravane et rencontre Suzy. Son avenir, il le voit très simplement : il va élever des enfants dans la haine de la société. Pour cela, il va enlever Tom Porter, le fils d’un de ceux qui l’ont enfermé.

Construit en trois actes, nommés Dompteur d’anges, Frères de sang et Frères ennemis, ce roman est un excellent exemple de ce que Claire Favan est capable de nous écrire en termes de créativité de l’intrigue. Je ne vais pas vous le cacher longtemps, j’ai lu ce roman de 400 pages en 2 jours, et m’a presque fait passer une nuit blanche ! Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas été pris dans un engrenage si savamment dosé, accroché aux pages pour savoir comment cela allait se dérouler.

Si l’histoire commence avec Max Ender, comme je l’ai fait lors de mon résumé (qui ne couvre qu’une cinquantaine de pages, rassurez-vous), elle va vite s’orienter sur Cameron (le nouveau nom de Tom Porter, après son adoption par Max). Max va alors former, éduquer Cameron à devenir une arme contre la société, de façon à réaliser sa vengeance, qui prend ici une dimension inédite.

Si la vengeance est bien le thème central du début du livre, la question qui est posée par Claire Favan est bien celle de l’éducation de nos chères têtes blondes. En grossissant le trait, parce que nous sommes dans un roman, Claire Favan nous montre comment on peut créer des monstres, ou des antisociaux. Et le lecteur que je suis, qui a depuis belle lurette éteint sa télévision pour ne pas subir les programmes débilitants, a fortement apprécié ces questionnements.

Le début du livre est donc dur, psychologiquement parlant, bien sur. Car en plus de nous placer face à ce débat, Claire Favan place ses personnages dans une situation ambigüe, et les rend attachants, ou du moins suffisamment pour que l’on se pose en juge. Evidemment, cela n’est possible que parce que les personnages sont encore une fois formidables et les situations potentielles possibles. Et surtout, logique. L’enchainement des rebondissements est un pur plaisir, et il y en a tellement qu’on est pris par la narration pour ne plus s’arrêter, d’où ma nuit presque blanche.

La suite du roman est à l’avenant : nous sommes questionnés sur les relations fraternelles, sur la culpabilité, sur les erreurs de la justice, sur la subjectivité des gens, sur les couleuvres qu’on nous fait avaler à longueur de la journée. Et tout cela dans un roman à suspense, un parfait page-turner, qui ne vous laissera jamais tranquille. Même lors du dernier chapitre, on se demande si cela va se terminer bien ou mal.

Voilà, voilà. Vous trouverez tout cela et même plus dans ce roman. Vous l’aurez compris, Claire Favan est incontournable dans le paysage polardeux français, et avec ce roman, elle a écrit une fois écrit un fantastique thriller (dans le bon sens du terme). Et jusqu’à maintenant, en ce qui me concerne, elle a réalisé un sans fautes ! Terrible, ce roman !