Archives du mot-clé Ex-Aequo éditions

La vérité engendre la haine de Nicolas Bouquillon

Editeur : Ex-Aequo éditions

Il suffit de peu de choses pour tomber sur un roman bigrement instructif : un gentil mail de l’auteur, un livre distribué par mon nouveau facteur, une lecture vorace … typiquement la chance du blogueur de découvrir un nouvel auteur !

Pharaon Tarlais, éternel étudiant d’une trentaine d’années, a réussi à trouver un poste de stagiaire chez la sénatrice Sophie Dutertre et se sont trouvé de nombreux points communs, dont leur origine nordiste et une passion pour l’histoire institutionnelle de notre pays. Quand il arrive ce matin-là, il la découvre battue à mort dans son bureau, un voile blanc posé sur son visage. Il appelle immédiatement la police.

La lieutenante Gloria Novacek est dépêchée immédiatement sur les lieux. Ce meurtre est vu comme une attaque contre la République et traité en priorité, comme un acte terroriste. Bien qu’elle ait la cinquantaine, elle est aussi exigeante envers son travail qu’envers elle-même en tant que sportive accomplie. Quand elle se retrouve face à un jeune homme qui ne se décide pas à se choisir une voie professionnelle, elle a du mal à le prendre au sérieux.

Ressentant une sorte de culpabilité envers sa maîtresse de stage, Pharaon va étudier les détails en lien avec les Royalistes et les partager avec la lieutenante qui l’écoute d’une oreille distraite, quand un ancien ministre est retrouvé la tête tranchée, puis un journaliste spécialisé dans les histoires des dirigeants égorgé. Et à chaque fois, Pharaon y trouve des indices qui le confortent dans son idée que la clé du mystère est à trouver dans notre histoire.

Les premières pages surprennent par la plume de l’auteur que l’on a plus l’habitude de lire en littérature blanche. On y trouve peu de dialogues, de longues et belles phrases et les décors sont aussi rutilants que les expressions utilisées. Même si l’auteur en rajoute un peu (et c’est très rare), je dois dire qu’il montre une belle maitrise dans la construction des personnages, dans le déroulement de l’intrigue et dans l’opposition psychologique.

D’un coté Pharaon, éternel étudiant ne sachant pas se choisir un avenir professionnel mais d’une érudition incroyable ; De l’autre, Gloria, femme forte, exigeante, adepte de sports de combat, vivant à un rythme incroyable. Ces deux-là n’ont aucune raison de se côtoyer ni de s’apprécier et l’auteur évite une histoire d’amour qui aurait été pour le coup trop improbable. Passant de l’un à l’autre, on suit avec grand plaisir cette histoire.

Nicolas Bouquillon nous livre des rebondissements entre quelques révélations historiques sur notre pays démocratique, sur notre république et comme cela n’est pas pompeux, cela m’a passionné ; je suis même allé chercher des informations complémentaires sur Internet, sur cette période de la troisième république que je connais si mal.

Et puis, à partir de la moitié du roman, l’intrigue policière laisse sa place à une course poursuite puis à une chasse à l’homme (et à la femme) et le rythme s’accélère tout logiquement. L’auteur se permet même une scène dantesque de manifestation particulièrement réussie. Bref, ceux qui cherchent un roman policier instructif et fort bien construit, n’hésitez plus, ce roman est fait pour vous. Et allez savoir, peut-être y aura-t-il une suite ?

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Secrets en sourdine de Muriel Mourgue

Editeur : Ex-Aequo éditions

Parmi les romans de Muriel Mourgue, on y trouve deux cycles différents. Angie Werther qui est une agent secret française dans un monde futuriste proche et Thelma Vermont qui est une détective privée new-yorkaise dans les années 60. Ce roman nous propose de revenir en automne 1960 avec Thelma Vermont.

En cette fin d’année 1960, tout le monde est en effervescence avec les élections présidentielles à venir, et le duel entre John Fitzgerald Kennedy et Richard Nixon. Surtout, JFK apporte avec lui un espoir que la société change dans le bon sens. Thelma Vermont inaugure ses nouveaux bureaux de Sullivan Street, dans Manhattan et les affaires sont florissantes, essentiellement pour démontrer qu’un homme ou une femme trompe sa femme ou son mari.

Thelma traine ses souvenirs, ne retenant que les drames qui ont parsemé son passé. De la guerre où elle fut secrétaire d’un gradé militaire, elle peine à surmonter la mort de ses parents et la perte de James, un pilote anglais qui fut l’amour de sa vie, et la mort de Leroy un pianiste de jazz abattu lors d’un règlement de comptes. Alors, elle se console en écoutant les chansons de Dana Raise.

Rien de tel que le travail pour oublier ses malheurs ! Barbara Ceder débarque dans son bureau pour engager Thelma. Son mari Curtis a disparu depuis plusieurs jours et la police ne prend pas au sérieux cette affaire. Ils supposent une affaire de couple en perdition. Barbara est infirmière à temps partiel, alors que Curtis travaille dans une entreprise de publicité, avec grand succès. Son engagement dans la campagne électorale de JFK lui laisse peu de temps, mais leur couple est solide. Thelma va donc commencer par l’environnement professionnel, puis familial avant que le FBI ne débarque et ne rebatte les cartes.

Si vous n’avez pas lu les autres enquêtes de Thelma Vermont, cela n’a aucune importance. Vous pouvez parfaitement commencer par celle-ci sans vous sentir perdu. Des deux personnages récurrents que Muriel Mourgue fait vivre sous sa plume, Thelma a mes faveurs tant le rythme jazzy de l’écriture, toute en douceur et l’ambiance années 60 sont subtilement rendus par petites touches.

L’œuvre de Muriel Mourgue comporte plus d’une dizaine de romans et nouvelles, et à chaque fois, j’apprécie son écriture fluide et sans esbroufe et sa façon de construire ses intrigues en respectant les codes du roman policier. Elle nous offre une trame pleine de fausses pistes tout en décrivant des sujets de société qui, malheureusement, n’ont pas changé. Cette enquête est une nouvelle fois une belle réussite et s’adresse à tous ceux qui sont à la recherche d’intrigues rigoureuses.

La prophétie de Barintown de George Arion

Editeur : Ex-Aequo éditions

Traducteur : Sylvain Audet-Gainar

La bonne nouvelle de cet été est le retour sur nos étals de George Arion, auteur Roumain qui nous a enchanté avec les (més) aventures d’Andreï Mladin, en particulier dans Qui veut la peau d’Andreï Mladin ? et La Vodka du Diable. Ici, George Arion, avec l’humour ironique qui le caractérise, nous invite dans une ville imaginaire, Barintown.

A Barintown, petite ville des États-Unis, un homme entre dans un restaurant, s’installe à une table puis ort en passant par les cuisines. Le bilan est lourd : 3 morts et une quinzaine de blessés. Fred Brown, policier qui a toujours rêvé d’intégrer la brigade criminelle, et a assisté au drame, y voit là une opportunité unique. Mais quand la brigade anti-terroriste arrive, il se fait écarter comme un malpropre.

L’église catholique de Barintown ne tient debout que miraculeusement, malgré tous les efforts déployés par le Père Pascal. Mais il doit bien se rendre à l’évidence que l’audience se vide, et les dons aussi. Un soir, un jeune garçon se présente à sa porte. N’écoutant que sa bonté, il lui offre le diner et le souper. Le jeune garçon dit s’appeler Emmanuel mais reste muet sur ses origines.

Plus tard, alors qu’Emmanuel jouait dans un terrain vague, il tombe en butant sur une aspérité. Il s’agit en réalité d’une main qui dépasse du sol. Demandant l’aide du Père Pascal, ils se précipitent au commissariat. Fred Brown les reçoit et se décide à aller voir sur place. Il s’agit bien de la main d’une jeune femme. Emmanuel leur dit alors que ce corps n’est pas le seul à être enterré là. Effectivement les fouilles mettront à jour vingt-quatre cadavres.

Pendant ce temps, toujours à Barintown, la découverte d’un vieil ouvrage dans la bibliothèque du presbytère trouble au plus haut point le père Pascal. Les pages de ce livre renferment en effet le récit apocryphe et incroyable des premières années de la vie du Christ. Mais d’où peut bien provenir un texte aussi explosif ?

Alors que le commissaire James Warren prend en charge cette affaire avec le légiste Sid Thatcher, le père Pascal, remis de ses émotions, trouve dans son grenier un document apocryphe, racontant la vie de Jésus à travers des épisodes méconnus. Fortement ébranlé par l’histoire racontée dans ces feuillets, il continue malgré tout sa lecture.

Ses précédents polars étaient fort drôles. Ils avaient été écrits sous le règne immonde de Ceausescu, et avaient réussi à passer à travers la censure grâce à sa trop grande subtilité humoristique. Ce roman de 2015 est résolument plus moderne mais présente la même apparente légèreté et une ironie féroce envers le monde actuel. Au premier degré, cette histoire se révèle amusante, foisonnante. Au second degré, c’est hilarant. Décidément j’adore l’humour roumain.

Car tout le monde va en prendre pour son grade, mais gentiment, et tous les personnages sont montrés comme des gens ayant leur propre motivation mais surtout faisant preuve de bien peu de recul. Seul le père Pascal, impliqué dans sa foi, pourra se rendre compte de la futilité du quotidien face au futur incertain qui nous attend.

Du maire aux journalistes, des scientifiques à l’église, des policiers aux amoureux éconduits, des terroristes aux simples citoyens, sans oublier les conspirationnistes et les prophètes de malheur, tous vont avoir des tares qui, par la simplicité des situations et la subtilité de l’humour vont se révéler irrésistibles. George Arion semble vouloir nous décrire par le petit bout de la lorgnette notre vie qui peut s’appliquer à n’importe quel pays.

Chaque chapitre étant précédé d’une phrase qui introduit la scène ou propose une réflexion philosophique (par exemple : « il existe une seule vérité incontestable : le hasard tient une place essentielle dans la vie de chacun »), ce roman bâti autour d’un nombre incommensurable de personnages est construit comme une série télévisée auquel il apporte un aspect amusé et amusant supplémentaire souvent absente de la télévision. J’aime beaucoup ce roman original et je vous conseille de le découvrir.

Micmac à Bucarest de Sylvain Audet-Gainar

Editeur : Ex-Aequo éditions

Faisant suite à Du rififi à Bucarest, ce deuxième roman de Sylvain Audet-Gainar, traducteur entre autres des polars de Georges Arion, reprend les mêmes personnages dans une intrigue située deux ans après, en 2018.

De bon matin, M.Ion Ionescu va faire son tour et prend l’ascenseur afin de rejoindre le rez-de-chaussée. On ne peut pas dire que la journée s’annonce bien, qu’il va s’envoyer en l’air, puisque, dès qu’il appuie sur le bouton sensé l’emmener en bas, le câble de la cabine se casse et ce brave retraité se retrouve éclaté comme une pastèque, mort sur le coup.

Arthur Weber essaie de trouver où est la tête dans l’image qu’on lui présente. A la limite de tomber dans les pommes, il observe l’échographie de sa compagne Iulia, et doit se persuader de sa future situation de père. Une nouvelle n’arrivant pas seule, le gynécologue lui annonce qu’il sera doublement père, puisque Iulia attend des jumeaux. C’en est trop pour sa petite nature et il s’évanouit, s’ouvrant le front sur le coin de la table d’examen.

A peine sorti de l’hôpital, le chemin est bloqué par des véhicules de police. L’inspecteur Radulescu l’aperçoit et demande à ce que l’on arrête Arthur, car sa scie à métaux a servi à couper le câble de l’ascenseur, tuant son voisin. Heureusement que son alibi tient la route : il ne pouvait être aux urgences et couper en même temps le câble !

Les événements se succèdent, quand il part, peu de temps après à Paris pour œuvrer en tant qu’interprète dans un colloque. Dans sa chambre, on vient tout juste d’y poignarder un homme, qu’il ne connait pas. L’arme utilisée est son couteau de cuisine. Là encore, il est innocenté et renvoyé illico presto en Roumanie. Vraisemblablement, quelqu’un lui en veut et veut lui faire porter le chapeau.

Quand on a lu le premier roman de Sylvain Audet-Gainar, l’effet de surprise n’est plus au rendez-vous. Et on retrouve le plaisir de parcourir cette intrigue en compagnie d’Arthur Weber, jeune homme à la bonne humeur communicative, qui a l’art de s’attirer les pires problèmes de la création. Et même quand ce sont de petits problèmes, ils lui paraissent insurmontables. Plus que l’envie de lui coller quelques baffes, c’est plutôt le sourire qui s’accroche à nos lèvres de lecteur.

Par rapport au précédent roman, le rythme y est moins soutenu, mais les situations toujours imaginatives, drôles et décalées. La plume se fait toujours fluide et le ton léger. Il n’est pas question ici de faire autre chose que du divertissement, du bon divertissement. Pour autant, nous allons retrouver le fond de l’intrigue précédente avec une intrigue mouvementée, parsemée de morts sans rapport les uns avec les autres.

Pour certains chapitres, je me demande où l’auteur va les chercher. L’exemple du chapitre 12 est éloquent : il nous créé un groupe d’enquêteurs octogénaires qui vont creuser cette affaire par loyauté envers son beau-père et les dialogues sont truculents. Au passage, il nous montre aussi comment l’ancien régime dictatorial avait la main mise sur ses citoyens, allant jusqu’à influer (pour le pire) sur leur vie privée. Micmac à Bucarest s’avère être un roman à la fois instructif et distrayant.

Hier est un autre jour … de Muriel Mourgue

Editeur : Ex-æquo éditions

Je retrouve avec plaisir le personnage d’Angie Werther, que j’avais rencontré dans Le jeu des apparences. J’avais apprécié passer quelques heures de lecture en sa compagnie. Avec cette nouvelle aventure, il y a plus de tension, plus de mystère mais le plaisir de retrouver ce personnage est toujours aussi grand.

Nous sommes en 2027. Angie Werther, qui a connu une enquête traumatisante pendant laquelle elle a failli se faire violer, décide de retourner chez son père qui habite Buenos Aires. Elle a toujours aimé ce pays, ses librairies et ce rythme de vie nonchalant. Malheureusement, elle va être bouleversée par deux nouvelles : elle apprend qu’elle est la petite fille d’un nazi ayant fui l’Allemagne en 1945, et la présidente française Rose Leprince lui demande de revenir au pays, par l’intermédiaire de son ancien chef Luc Malherbe, conseiller personnel de la première dame du pays.

L’Europe est en train de se reconstruire avec la gigantesque cyber-attaque qui a mis sur les genoux tous les pays en 2019. Revendiquée par un groupuscule extrémiste L’Etoile Noire, elle a avortée et les membres terroriste morts, en fuite ou arrêtés. Malgré cela, des mouvements d’opposition semblent renaître et la présidente demande à Angie d’enquêter sur la mort de trois anciens repentis de l’Etoile Noire.

Angie sera accompagnée d’Alex Darkness, un ancien amant et ils passeront pour un couple venant de Londres intéressé par les arts nouveaux. Leur première cible est de nouer contact avec un tatoueur Kendo qui organise une exposition. Du coté de Luc Malherbe, la situation est inquiétante : il doit suivre l’enquête mais aussi gérer des lettres anonymes menaçantes que reçoit la présidente. Et la fréquence de ces lettres augmente …

Ce que j’apprécie chez Muriel Mourgue, c’est cette apparence tranquille pour mener son intrigue. C’est écrit simplement, d’une fluidité remarquable, détaillant ici un décor, là une expression ou un personnage, avec des dialogues réduits au plus strict minimum et avec des événements qui ne nous éclairent pas sur la solution mais multiplie les pistes potentielles. Pour un amateur de romans policiers, c’est du bonheur simple et bien fait.

Mais il ne faut pas réduire ce roman à ce genre là. Muriel Mourgue va alterner les points de vue, passant de la Présidente à Angie et Alex, de Luc Malherbe aux deux ministres frondeurs. Ce roman va donc se situer à mi chemin en roman d’infiltration, roman politique, roman policier, roman d’espionnage et j’en passe … On y voit aussi une société sous-jacente, rebelle, axée sur le bien-être personnel, refusant l’aliénation du gouvernement en place, aussi bien que la façon de mener les communications politiques auprès du peuple, qu’une augmentation du stress au fur et à mesure que les lettres anonymes arrivent.

Ce roman est certes un roman futuriste, d’un futur proche qui ressemble comme une goutte d’eau à la situation actuelle. Avec un peuple à bout de nerfs, la moindre décision politique (ici l’interdiction de fumer dans les endroits publics en plein air) déclenche des manifestations et la situation se tend. Et les relations et luttes de pouvoir au sommet de l’état ne vont pas simplifier la résolution de l’énigme, surtout quand la présidente tait un pan de son passé.

Je ne vous en dis pas plus, car vous vous rendez compte que l’intrigue est foisonnante de possibilités, qu’il y a du rythme, de l’imagination dans les situations et que tout ceci est écrit avec un calme et une assurance qui en font un très bon moment de divertissement. Et même si j’aurais aimé sentir un peu plus le peuple manifester, un peu plus de bruit et de fureur, je dois dire que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, un des meilleurs de cette auteure.

Du rififi à Bucarest de Sylvain Audet-Gainar

Editeur : Ex-Aequo éditions

On connaissait Sylvain Audet-Gainar pour ses traductions des polars de George Arion, publiés chez genèse éditions. Il a décidé de sauter le pas, et de nous proposer son premier roman, qui a des liens de parenté avec ceux de l’auteur roumain.

Arthur Weber débarque à Bucarest pour régler la succession de son oncle, Mircea Dumitrache, qu’il a très peu connu et dont il ne garde aucun souvenir. Il a en effet grandi à Strasbourg. En arrivant dans l’immeuble de son oncle, il tombe sur la voisine, vieille, bavarde mais aussi curieuse, que sa mère lui a déconseillé de fréquenter. On ne sait jamais ! Quand il entre dans l’appartement, quelqu’un déjà sur place l’assomme avec une poêle à frire. On a vu mieux comme accueil !

Voyons les choses du bon côté, cela permet à Arthur de faire la rencontre de Iulia Gregorescu, le docteur qui va lui diagnostiquer son nez cassé. Puis, c’est le passage obligé chez Maître Gruia, le notaire pour la lecture du testament qui finit par cette phrase énigmatique : « Je te souhaite donc de connaitre toi aussi un jour la vertigineuse question des sources de la vie ». Doutant d’être le seul descendant, Arthur fait appel à un généalogiste successoral.

De retour à l’appartement, il prend une douche et entend du bruit. Le temps de sortir, il voit une silhouette s’enfuir. Il lui court après, en cassant un vase au passage, mais il est trop tard. Par contre se rendant compte qu’il est nu, il rentre et tombe sur sa charmante voisine, qui le regarde d’un air douteux. En enfonçant sa porte, qui s’est malencontreusement fermée, il trébuche et s’enfonce les débris du vase dans le postérieur. Ce sera sa deuxième rencontre chez le docteur Iulia Gregorescu.

Définitivement, il va falloir qu’il comprenne pourquoi on visite l’appartement de son oncle.

Vous n’allez pas y croire : le résumé que je viens de faire ne couvre que les 6 premiers chapitres de ce roman. C’est dire si le rythme est soutenu, et si l’on s’amuse beaucoup des malheurs de notre cher Arthur Weber. D’ailleurs, j’ai été époustouflé par la maîtrise que montre Sylvain Audet-Gainar dans le déroulement de son intrigue. En effet, il a décidé d’y mettre du rythme, de l’action, et une bonne humeur, autant dans les scènes que dans les dialogues, ce qui fait que l’on s’amuse beaucoup à la lecture de ce roman et qu’on ne voit pas le temps passer.

Le ton y est donc volontairement léger et simple, ce qui en fait un excellent divertissement. Cela me rapproche et me rappelle des polars que j’aimais tant il y a quelques dizaines d’années, quand je cherchais une lecture où un personnage était mis dans des situations extraordinaires, sans qu’il n’ait rien demandé. Et le fait de prendre un personnage immédiatement sympathique, nous contant son histoire à la première personne du singulier, c’est un moyen simple mais éminemment efficace.

On retrouve dans ce roman une filiation avec George Arion. Il y a cette volonté d’être proche des gens, de ne pas s’encombrer de descriptions des décors, mais de pointer la psychologie des Roumains ayant subi plusieurs dizaines d’années de dictature. Et puis, l’auteur va aborder tout le mécanisme politique mis en place pour surveiller la population, ainsi que les recherches médicales, concernant entre autres l’interruption volontaire de grossesse, mise en place et soutenue par le pouvoir pour des raisons que vous découvrirez.

Enfin, il y a tous ces personnages secondaires si réels, si présents, arrivant toujours quand on ne s’y attend pas, et donnant lieu à des scènes d’un comique certain voire irrésistible. Alors, certes, c’est un roman de divertissement, mais cela m’a permis de voyager en restant dans mon canapé, car, l’air de rien, l’auteur a réussi à nous emmener dans un pays à la fois si proche et si lointain. Une bien belle découverte que ce premier roman. A suivre …

Deux nouvelles de Muriel Mourgue

Muriel Mourgue est une auteure lorraine, qui a eu la gentillesse de me faire parvenir deux de ses nouvelles, chacune éditée chez Ex-Aequo. Les deux nouvelles qui se déroulent à des époques fort différentes s’avèrent être très bien écrites et fort intéressantes. . Une auteure à suivre.

 association de malfaiteuses

Association de malfaiteuses :

Paris en 2022. Depuis le cataclysme de 2019, les pays européens ont enfin décidé de se regrouper en fédération, et ont choisi comme nom l’Europe Unie (UE). Alors que la profileuse Angie Werther a décidé de prendre sa retraite parce qu’elle trouve que l’Europe trop aseptisée, elle est appelée pour une dernière mission par son chef Luc Malherbe : Conny Vaning une tueuse à gages a été identifiée à Lisbonne. Le risque que le groupe terroriste L’Etoile Noire refasse son apparition est grand.

Mon avis :

En fait, ces vingt pages se passent dans le centre de sécurité nationale. Comme l’Europe est criblée de caméras, d’analyses ADN at autres joyeusetés, la sécurité peut être gérée à distance. Donc, Angie va gérer cette situation de crise à distance entre images video, coups de fil et de téléphone. Et la force de Muriel Mourgue, c’est au fil des vingt pages que dure cette nouvelle, de faire monter la pression chez le lecteur jusqu’à un dénouement … mais chut ! ça ce sera à vous de le découvrir.

 green gardenia

Green Gardenia :

Dans les années 50, à New York. Thelma Vermont vient d’ouvrir une agence de détective privée et elle ne peut pas refuser d’affaires car elle a cruellement besoin d’argent. Justement, une jolie brunette de trente ans vient lui proposer de retrouver son mari, un modèle de fidélité, qui vient tout juste de disparaitre. Cette affaire va se révéler plus compliquée que prévu !

Mon avis :

Dans le registre des détectives privés, Muriel Mourgue est aussi à l’aise. Et même si j’ai préféré les mises en situation de la nouvelle précédente, l’histoire est bigrement bien racontée et on n’a qu’un seul regret, c’est qu’elle ne dure pas plus longtemps et que l’on ne reste pas plongé un peu plus dans cette période trouble des années 50.

Chronique virtuelle : Le théorème de Roarchack de Johann Etienne (Editions Ex-Aequo)

Partons à la découverte d’un jeune auteur, dont voici le premier roman. C’est un thriller pur et dur, qui va plaire au plus grand nombre. On va y trouver ce qu’il y faut d’action, de mystère et de suspense pour se divertir.

Quatrième de couverture :

Je me nomme Kyle Ashcroft, je suis professeur de mathématiques ; dans quatre mois, je vais sauver le monde… mais je l’ignore encore… » Rien n’avait préparé Kyle Ashcroft, modeste professeur dans une université de Virginie-Occidentale, à connaître un tel chaos. Comment, d’ailleurs, aurait-il pu prévoir que la découverte fortuite de cette étrange formule mathématique, un soir d’octobre 2002, entraînerait dans son sillage une telle litanie de meurtres ? Et pourtant… Dans ce monde post-11 septembre où les ennemis les plus dangereux ne sont pas toujours ceux qu’on croit, Kyle n’aura d’autre choix que de fuir pour survivre, avec comme seul but de déchiffrer la formule, et de comprendre pourquoi il est devenu une cible.

Mon avis :

Quand je me suis plongé dans la lecture de polars, il y a bien longtemps, j’ai adoré ces romans où le personnage principal était une personne lambda, comme vous et moi, qui se retrouvait plongé au cœur d’une machination qui le dépassait. Et cette personne se retrouvait devenir un héros, qui parfois arrivait à sauver le monde. Dit comme ça, cela peut sembler puéril, mais quand c’est bien fait, on se laisse prendre au jeu et on avale les pages sans même s’en rendre compte.

Ici, nous avons un professeur de mathématiques, travaillant dans une université américaine, qui se retrouve devant une énigme. En parallèle, son meilleur ami, Kowacs professeur lui aussi, va disparaitre et Kyle va être obligé de prendre la fuite, aidé en cela par une jeune femme très belle, mais aussi très directrice, et très mystérieuse.

J’ai eu un peu de mal à rentrer dans ce roman, car cela allait trop vite, il y avait trop peu de psychologie et on sentait l’envie de l’auteur de rentrer rapidement dans le vif du sujet. Erreur de jeunesse, sans doute, mais ensuite on est intrigué, et surtout époustouflé par certaines scènes où l’auteur sait parfaitement doser ses mots pour instiller une ambiance digne des meilleurs films d’angoisse.

On va ainsi se retrouver avec tous les ingrédients du thriller, les voyages de Charleston à Paris en passant par Berlin ou Rome et même le Mexique. Nous avons un personnage sympathique, cherchant à comprendre en quoi son père peut être impliqué dans cette énigme. En parallèle, nous suivons l’enquête de Palmer et Bishop, deux flics de Charleston qui vont en découvrir de belles, en cherchant l’assassin de Kowacs.

Au global, on se retrouve là avec un premier roman, fort prometteur et vous auriez bien tort de ne pas succomber. C’est bien écrit, rapide dans ses scènes, avec de très bonnes mises en situation. Et même si certains indices semblent tomber du ciel (2 ou 3), ce roman remplit son objectif : nous divertir. Johann Etienne, un auteur à suivre, assurément.

Ce roman se trouve aussi bien sous forme papier que sous forme numérique. C’est aux éditions Ex Aequo et ça s’appelle Le théorème de Roarchack.

http://editions-exaequo.fr/shop/article_9782359621716/Le-th%C3%83%C2%A9or%C3%83%C2%A8me-de-Roarchack-de-Johann-Etienne

Vous pouvez aussi trouver la lettre de l’auteur sur l’excellent site Livresque du noir :

http://www.livresque-du-noir.fr/2011/07/le-theoreme-de-roarchack-par-johann-etienne/

Chronique virtuelle : A la verticale des enfers de Fabio Mitchelli (Ex-Aequo)

Après avoir exploré l’univers de Fabio Mitchelli avec La verticale du fou, je me replonge dans le deuxième tome de la trilogie. Et finalement, je pense que le troisième tome ne va pas faire long feu.

Quatrième de couverture :

Après le succès de « La verticale du fou », découvrez la suite….

Six mois après le terrible drame de la mort de Clarisse, Chris Lanzmann, Lieutenant de police à la criminelle, met fin à ses jours en se jetant du haut des trente mètres de son immeuble. Hébété, au moment de l’impact de son corps sur le trottoir, le jeune flic aperçoit des corps humains, flottant à quelques mètres du sol. Lanzmann ne comprend pas la symbolique de cette vision, encore moins la raison pour laquelle il possède toujours sa conscience…

Sohan Ordell, le flic chargé de l’enquête de vérification concernant le suicide de Chris Lanzmann, décèle alors avec l’aide du jeune médium Melvin Meideiros, que l’ex amant de Clarisse n’avait pas les mains aussi propres qu’on le disait. Peu à peu, les enquêteurs découvrent que l’investigation les rapproche ostensiblement d’une effroyable affaire : les corps de plusieurs jeunes femmes sont retrouvés horriblement mutilés, dans une représentation cauchemardesque du Vitruve de Léonard de Vinci.

Qui sont ces êtres avec lesquels Lanzmann communique ? De quoi l’ex-flic était-il coupable ? Qui est l’étrange gérant de la boutique du Papillon Noir ?

Un infernal jeu de piste les mènera tous aux confins du physique, à mi-chemin entre le réel, le cauchemar et la folie…

Nous retrouvons dans ce second volet de la trilogie des Verticales les personnages rencontrés dans La verticale du fou ; mais nous les retrouvons sous un angle auquel nous n’étions pas préparés ; et c’est bien là que doit résider le talent d’un auteur : surprendre ses lecteurs et se renouveler sans se renier lui-même. Fabio M. Mitchelli réussit cette fois encore la performance de nous emmener là où ne serions pas allés de nous-mêmes, au seuil de mystères sur lesquels il jette une lumière nouvelle. Dans ce deuxième opus il inverse l’angle sous lequel nous envisageons la mort, car après tout, tout ce que nous en savons fait encore partie de la vie… mais jusqu’à quel moment ?

Dans A la verticale des enfers l’auteur nous transpose dans une contre-plongée à l’issue de laquelle vous ne regarderez plus certaines choses sous le même angle, je vous le promets.

Mon avis :

Voici un roman court qui se lit vite, trop vite. En fait, c’est à la fois aussi bien que La verticale du fou, et mieux par d’autres cotés.

Aussi bien car il reprend le principe de faire parler des morts, mais l’enquête menée par Sohan Ordell nous permet d’avoir une narration plus classique. Il y a donc un mélange entre le royaume des morts et l’enquête réelle.

J’ai trouvé dans ce roman une progression dans le style et l’intrigue, l’ensemble est plus maitrisé, plus facile et agréable à suivre. Pour autant, ce qu’on y gagne d’un coté, on le perd de l’autre. Et j’y ai trouvé moins d’originalité que dans le premier.

Mais ne boudons pas notre plaisir, c’est un très bon thriller qui se prête bien au format électronique par le coté roman court et les chapitres rapides.

A noter que la trilogie des Verticales est disponible en ebook à 4,99 euros. C’est donné !

Thérapie en sourdine de Jean François Thiery (Ex-Aequo éditions)

Voici un roman policier qui flirte avec le thriller qui va me donner l’occasion de découvrir un nouvel auteur français. Pour un premier roman, j’ai trouvé le résultat très intéressant, car les qualités essentielles sont là : l’art de conduire une intrigue et de créer des personnages vivants.

Aphrodite Pandora est une psychologue, qui petit à petit, s’est spécialisée dans le traitement des violences conjugales. Ce jour là, elle reçoit un dénommé Sofiane Mansouri, un propriétaire d’une entreprise de BTP. Après une petite discussion, il s’avère qu’il est déçu des relations avec sa femme et qu’il lui arrive de la frapper. Ils conviennent d’un prochain rendez-vous, et de son coté, Aphrodite va essayer de sauver Ingrid Mansouri.

Seulement, à la clinique débarque un flic, nommé Wolf. Grand, d’origine allemande, séduisant, il demande à Aphrodite de l’aider dans une affaire un peu spéciale : l’un de ses précédents patients, M.Stein, s’est suicidé. Il lui demande de rechercher dans ses anciens dossiers, sans qu’il ait besoin de demander un mandat. L’histoire se complique quand le médecin légiste annonce que Stein ne s’est pas suicidé mais qu’il a été tué, et que Mansouri connaissait en fait très bien Stein.

Le gros point fort de ce roman est indéniablement ses deux personnages. De Wolf, flic au passé mystérieux, ayant obtenu la nationalité française pour avoir fait l’armée dans les bérets verts à Aphrodite la psychologue passionnée par son métier et profondément humaniste, on ne peut que s’attacher à ce qui leur arrive. D’autant plus que leur vie privée est bien décrite et plutôt compliquée. Wolf a vu sa femme le quitter, le laissant avec un petit garçon craquant, qu’il est obligé de confier à une nounou, qui le voit plus que lui. Aphrodite, elle, est mariée à un pompier qui est donc souvent absent, ou pris dans ses réflexions, et elle a des doutes sur le fait qu’il ait une aventure extraconjugale. Bref, tous les ingrédients sont là pour que, humainement parlant, cela soit passionnant.

Ce que j’ai adoré, ce sont les dialogues, qui sont remarquablement bien faits. Jean François Thiery, dans les scènes d’analyse d’Aphrodite avec ses clients, ou plus tard entre les flics, sait rendre des dialogues longs mais passionnants, sans en dire trop, en étant très efficace. J’adore quand quelques mots dans un dialogue en disent plus que de longs paragraphes descriptifs.

Et c’est là où je veux en venir : De ces qualités, il ressort tout de même des paragraphes trop longs, trop explicites, trop démonstratifs, alors qu’il me semblait qu’il suffisait d’en faire moins pour en faire un excellent polar. Un exemple : pourquoi vouloir nous décrire l’histoire passée de Wolf, dès le début du livre alors qu’il suffisait d’en parsemer le livre par petites touches et d’en laisser pour le prochain ? C’est un premier roman, c’est aussi une première enquête d’un couple bigrement attachant, donc c’est un roman prometteur, sur un sujet extrêmement difficile que sont les violences conjugales. Et rien que pour ça, cela donne un excellent argument pour le lire.

Ne ratez pas l’article de Jean François Thiery sur Livresque du noir : http://www.livresque-du-noir.fr/2012/09/therapie-en-sourdine-par-jean-francois-thiery/

De même que vous pouvez trouver la suite des aventures de Wolf et Aphrodite dans L’affaire Cirrus, dont vous pouvez lire un article ici : http://www.livresque-du-noir.fr/2012/11/laffaire-cirrus-par-jean-francois-thiery/

Enfin, n’hésitez pas à aller faire un tour sur le blog de l’auteur à cette adresse-ci :
http://thieryjft.canalblog.com/