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Un truand peut en cacher un autre de Samuel Sutra

Editeur : Flamant Noir

Il s’agit déjà de la sixième aventure de Tonton et je ne m’en lasse pas. Un Tonton en appelant un autre, Samuel Sutra nous ramène aux origine de ce ponte de la truande, un certain 10 mai 1981 pour une arnaque de haute volée.

Le roman commence début mai 1981, à Saint Maur, dans la propriété des Duçon (n’oubliez pas la cédille). Edmond Duçon a abandonné le milieu de la truande et commence même à perdre la tête ; c’est pour cette raison qu’il s’adonne au bricolage ou à balancer de la chevrotine aux canards qui parcourent sa mare. Lucette sa femme prépare son quintal de purée destiné à son fils Aimé, dit Tonton. Aimé annonce à sa mère qu’il ne mangera pas à la maison, car il a une arnaque sur le feu.

Aimé, la petite quarantaine galopante, affublé d’un front trop grand comme le désert de Gobie l’est des oasis, rêve de suivre son père dans sa carrière, de relever le challenge de dépasser sa réputation. Tonton veut être le plus grand, le meilleur, le point de repère indispensable de la truande. Avant de sortir, Aimé reçoit le conseil avisé de sa mère aimante : ne va pas prendre froid, traduisez : n’oublie pas ton calibre.

Un taxi l’attend dans la cour cailloutée auquel il lui demande de l’emmener rue Cambon, proche de la place de la Madeleine. Tonton monte les six étages en un temps record (deux heures) et un bruit effarant d’un bœuf qui a couru vers son auge. Il y retrouve son complice de toujours, Mamour, accordeur de pianos dans le civil, et aveugle dans le privé. Ton lui détaille son plan infaillible (comme les autres) : déposer un colis dans le coffre de Durrens le graveur puis voler l’usine de Longues, tout cela en une nuit. Pendant ce temps-là, Tonton se fera embastiller.

Samuel Sutra nous offre à nouveau une nouvelle aventure comique exemplaire de Tonton, dans laquelle le mot d’ordre est de se marrer. Il démontre que l’on peut allier un style littéraire à une intrigue formidablement construite, tout en y ajoutant le décalage et la dérision nécessaires pour que l’on puisse rire à chaque page. Et cela donne une histoire irrésistible qu’il faut que vous ne ratiez sous aucun prétexte.

Samuel Sutra utilise tous les codes de la comédie et toutes ses recettes : des personnages hilarants, des descriptions décalées, des bons mots qui pourraient remplir des dictionnaires de citations et des scènes d’un burlesque digne des Marx Brothers. Cela pourrait sombrer dans le ridicule, et il n’en est rien tant les scènes sont d’un réalisme tel qu’on pourrait croire que cela a existé.

Car rappelons-nous : Le 10 mai 1981, ils étaient deux à concourir pour le titre de Meilleur Truand de l’Univers. Samuel Sutra nous offre l’émancipation du Dieu français du casse génialement raté, la naissance d’un génie du Mal gâché. Quasiment toutes les scènes sont inoubliables, d’une drôlerie féroce, telles le diner au Maxim’s, le recrutement de la fine équipe (excellentissime chapitre 9) ou même le casse lui-même avec la grue. Et je n’oublie pas la chute avec le dévoilement du mystérieux concurrent en la personne de l’Epervier. Indubitablement (j’aime bien ce mot, ça fait sérieux !), cet épisode des aventures ratées de Tonton est à ne pas rater, contrairement aux exactions du sus (et non suce) nommé.

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Cross de Marc S.Masse

Editeur : Flamant Noir

Le petit dernier des éditions Flamant Noir a tout pour surprendre : une superbe couverture d’un homme qui court sans objectif et un sujet étonnant : un homme s’engage dans une course de l’extrême, le Grand Cross pour trouver un homme et le tuer. Inutile de vous dire que le sujet est casse-gueule. Eh bien, c’est un pari grandement réussi !

Le roman s’ouvre sur un jeune homme qui vient d’avoir son permis de conduire. Il a le droit et l’autorisation d’utiliser le coupé BMW de son père. Pour l’occasion, il roule doucement, prudemment sur la petite départementale. En face, il y a un camion, qui n’aurait pas du rouler en ce dimanche. Derrière le camion, la Mercedes Classe S roule à 180, voire 200 km/h. Quand la Mercedes veut doubler, elle ne ralentit pas, et le jeune homme, voyant une voiture face à lui, fait tout pour l’éviter mais finit par s’encastrer dans un platane. La Mercedes ne s’arrête pas et le jeune homme meurt sur le coup.

Eric Milan a tout raté dans sa vie. Policier, il a démissionné à la suite d’une bavure ou supposée comme, puisqu’il a descendu un jeune homme armé d’un couteau. Devenu détective privé, il vit d’affaires conjugales et de recherches d’animaux domestiques disparus. Et sa femme n’en peut plus et s’apprête à demander le divorce. Mais le client qui débarque dans son bureau pourrait changer sa vie.

Très élégant, il dit s’appeler M. Martin. Il s’est renseigné sur Milan, sait qu’il fut adepte de courses de fond. M. Martin veut retrouver l’assassin de son fils. Or, à coté de l’accident, il y avait une course extrême. M. Martin veut que Milan s’engage dans le Grand Cross, une course de 8 jours où il faut courir entre 60 et 80 km. M. Martin paiera les 9 mois d’entrainement intensif nécessaires. Le seul signalement qu’il a à lui donner est que l’homme était chauve avec une balafre sur la joue gauche. Mais il ne veut pas seulement le retrouver, il veut que Milan le tue. Pour 300 000€, Milan peut-il résister ?

Avec une quatrième de couverture comme cela, on se dit que le sujet est certes original, mais qu’il est surtout casse-gueule. Comment passionner le lecteur sur 265 pages avec des hommes qui courent au-delà de leurs forces ? Comment créer un personnage apte à être cohérent dans cette histoire, pour qu’on y croie ? Comment tenir en haleine le lecteur alors qu’il parcourt chaque kilomètre en souffrant ? Comment faire tenir une intrigue et l’amener à se dévoiler petit à petit pour un final évidemment surprenant ?

Eh bien, Marc S. Masse s’en sort avec les honneurs et même avec une palme ; celle d’avoir su relever tous ces challenges sans jamais en délaisser un. Le personnage tout d’abord, s’il parait attirer sur lui toutes les poisses de l’existence, reste suffisamment simple pour qu’on accepte de le suivre. Le sujet, ensuite, intrigue dès le début, et on accepte de jouer le jeu. Le rythme ensuite est soutenu malgré la monotonie de la course, et l’auteur parsème de ci de là des rebondissements qui maintienne l’attention, et qui créé une tension dans le récit. La course, elle, est remarquablement bien rendue, et l’auteur se permet même de passer en revue les kilomètres comme un best-of de la course du jour. Et le final est surprenant à souhait, un pur plaisir.

Je tiens à ajouter que l’auteur a su donner suffisamment de détails dans la préparation et dans le déroulement de la course pour être crédible. Et comme on a accepté de jouer le jeu dès le départ, on va aller jusqu’au bout, passer la ligne d’arrivée épuisé. Et donc, je décerne officiellement la palme 2018 du roman le plus original de l’année à Marc S. Masse pour son roman Cross. Car c’est un très bon moment de détente. Chapeau et merci !

Artifices de Didier Fossey

Editeur : Flamant Noir

Après le choc du précédent roman de Didier Fossey, Burn-out, son petit dernier faisait office de lecture obligatoire pour moi. Nous retrouvons donc Boris Le Guenn et son équipe pour une nouvelle enquête compliquée à souhait.

Ce roman s’appuie sur trois piliers, trois histoires qui petit à petit vont se rejoindre. La première concerne un tueur qui a été jugé non responsable de ses actes et qui se retrouve enfermé dans un asile psychiatrique. De 2013 à 2015, il va fomenter sa sortie en montrant aux docteurs qu’il est guéri, alors qu’il ne prend plus les pilules qu’on lui prescrit. Mais son objectif reste toujours le même : se venger.

La deuxième histoire concerne une jeune fille de 8 ans de la DDASS, qui est placée dans une famille qui habite un petit village. Plusieurs fois par semaine, elle doit aller chercher des œufs et du lait à la ferme d’à coté. Le propriétaire de la ferme voit bien l’intérêt de recevoir cette gamine et il l’emmène rapidement dans sa grange où il va abuser d’elle, et ce durant plusieurs années sans que personne ne dise rien.

Boris Le Guenn est appelé sur une scène de meurtre bien particulière. En plein milieu d’une forêt, un jogger découvre une voiture carbonisée et un corps explosé (au premier sens du terme). L’homme a été attaché à un arbre à l’aide d’un film plastique et on a déposé des explosifs entre ses jambes. Bien vite, Boris Le Guenn va diriger son enquête dans le domaine des artificiers, d’autant plus que les cadavres continuent de s’accumuler.

On ne peut pas dire que Didier Fossey ait choisi la facilité dans la construction de son histoire. A défaut de prendre une structure inédite, il alterne les chapitres entre les différentes histoires pour nous narrer trois histoires sans lien apparent. Heureusement, il y a des repères qui nous guident, soit des dates en tête de chapitre, soit la fonte du texte qui est différente. Et on a hâte de savoir de quoi il retourne.

Là aussi, on est surpris par le parti-pris de l’auteur de nous en dire beaucoup dès le début de l’histoire. Nous savons dès le début que l’assassin est une femme, et qu’elle maîtrise les feux d’artifice. L’auteur nous fait apparaître une experte en explosifs qui vient semer le trouble, mais le fait qu’il y ait des zones d’ombres interpelle. En fait, on continue la lecture voracement pour connaitre le fin mot de l’histoire, c’est-à-dire dans notre cas : comment Boris Le Guenn et son équipe vont-ils pouvoir démêler cette pelote de laine ?

C’est bien la fluidité de l’écriture et cette alternance de chapitres courts qui rendent cette lecture addictive. Certes, on a déjà lu des polars avec cette structure, on a déjà lu des histoires de vengeance, mais quand c’est bien fait, c’est passionnant. Et avec ce roman, qui peut se lire indépendamment des précédents opus, Didier Fossey nous offre là un roman policier costaud sans tomber dans une empathie facile envers la vraie victime de cette histoire. Chapeau !

Ne ratez pas les avis de Val et Lord Arsenik

Vermines de Romain R.Martin

Editeur : Flamant noir

Avouez qu’avec un titre pareil, un auteur inconnu et une couverture qui fait froid dans le dos (bon, je vous l’accorde, le chien nous tourne le dos !), vous n’auriez jamais eu l’idée de lire ce roman. Bien que j’adore les textes choisis par Nathalie, l’éditrice à la tête des éditions du Flamant Noir, j’étais comme vous, cher lecteur de passage. Il y a bien eu d’excellents avis sur les blogs mais cela ne fut pas suffisant. Et puis, Richard, le Concierge Masqué a sélectionné ce roman dans le Grand Prix de la Découverte, prix qui récompense un premier roman. Là, je ne pouvais faire autrement que me lancer dans la découverte d’un nouveau talent original. Donc, direction mon marchand de journaux / libraire et Hop ! Aussi dit, aussitôt fait ! Livre acheté, livre lu. Comment vous dire en trois mots ce que j’en pense ? Ah oui, ça y est, j’ai trouvé : NOM DE DIEU !

Dans un petit village de la Creuse, à Bourganeuf, Arnaud a ouvert une boutique de taxidermiste. Entre ceux qui veulent conserver un souvenir de leur animal de compagnie, ceux qui veulent empailler leur trophée de chasse et ceux qui cherchent une décoration de mauvais goût pour leur salon, il a beaucoup de travail, et se fait aider par Pascalin, un jeune homme au cerveau lent (et pas un cerf-volant).

Quelques jours auparavant, Arnaud a recueilli chez lui un chien, un labrador, qu’il a appelé Einmal (Une fois, en Allemand). Quand il se réveille ce matin-là, c’est pour apprendre que son animal s’est retrouvé écrasé par une armoire normande, qui s’est effondrée. Ce n’est pas tant le fait qu’il perde un compagnon, mais plutôt l’étrangeté du fait qui lui laisse à penser que quelque chose commence à dérailler dans sa vie.

Maltraitant Pascalin, par de petites remarques assassines, Arnaud profite de sa présence à tous points de vue. La boutique appartient en fait à Pascalin et il lui fait faire toutes les tâches ménagères sans jamais un mot réconfortant. Alors qu’Arnaud s’essaie aux cigarettes de Pascalin, aux douces odeurs de drogue douce, il se réveille en s’apercevant que l’armoire et Einmal ont disparu. Les faits étranges ne font que commencer à apparaitre. Mais quelle est donc la machination dont il est victime ?

Dans ce premier roman, Romain R.Martin construit son personnage en se laissant guider par ses actes et les événements qui vont lui tomber dessus. Indéniablement, il a choisi de le rendre désagréable, et on le déteste quand il maltraite Pascalin, on le déteste quand il dénigre ses contemporains, on le déteste quand il est odieux. Mais il est indéniable que l’on se prend à éprouver une sorte de compassion devant toutes les mésaventures qui lui arrivent. Car on a beau ne pas aimer quelqu’un, le lecteur que nous sommes reste humain. Et devant un malheur, nous ne pouvons rester insensibles.

Certes ce sont de petits malheurs mais ils vont prendre de plus en plus d’importance, devenir de plus en plus noirs et dangereux (Notez que je fais un effort pour en dire le moins possible sur l’intrigue !). Jusqu’au dénouement final qui va prendre tout le monde à revers et qui fait que ce roman est vraiment à part, original dans son sujet et son traitement.

Romain R.Martin choisit un style cynique jusqu’au bout des ongles, méchant même, en rajoutant toujours un peu plus. Et même malgré cela, malgré son coté hautain envers les autres, on s’inquiète, on s’interroge. C’est remarquablement bien fait et pour un premier roman, c’est un sacré tour de force. Si l’on ajoute qu’en chaque tête de chapitre, l’auteur nous offre des citations des plus grands auteurs littéraires, cela devient du divertissement haut de gamme. A quand le prochain ?

Ne ratez pas les avis de l’Oncle Paul, Jean le Belge et Marie-Nel

Coupable (s) de Samuel Sutra

Editeur : Flamant noir

Samuel Sutra fait partie des auteurs « chouchous » de Black Novel, depuis que j’ai lu Kind of Black, extraordinaire roman policier se déroulant dans le petit monde du jazz (réédité chez Flamant Noir). Cet auteur, au talent incontestable, est aussi l’auteur des romans loufoques mettant en scène une bande de voleurs ratés, dirigés par Tonton, une légende dans le milieu, dont l’extraordinaire Akhanghetno et sa bande. Il est aussi à l’aise dans le registre comique que dans celui plus sérieux du polar. Ce roman en est encore une fois une preuve éclatante.

Jean Raphaël Deschanel est un lieutenant à la Sécurité Intérieure, originaire d’Haïti. Il ne se rappelle pas la vie là-bas, ayant été adopté, mais il en garde des cauchemars de bâtiments en ruine et d’églises qui s’écroulent. Jaulain son chef le réveille pour lui annoncer qu’il va être détaché auprès de la brigade criminelle, sous les ordres du commandant Blay. Lui qui en a toujours rêvé, le voilà empli d’espoir mais aussi soumis à une pression de ne pas être ridicule.

Entre la Police Criminelle et les Renseignements, l’entente n’est pas au beau fixe. Mais le Commandant Blay se charge de rassembler et motiver ses troupes. Ils ont affaire à quatre meurtres depuis ce matin, quatre meurtres isolés en deux semaines, perpétrés avec une méthode différente. Quatre morts sans rapports les uns avec les autres : Le premier, Daniel Favre, était flic, connu pour être pourri jusqu’à la moelle. Le deuxième était Jean-Claude Maréchal, propriétaire d’une boite de BTP. Le troisième était dans l’armée, le lieutenant-colonel Hervé Carsini.  Celui de ce matin se nommait Thierry Meursault, égorgé dans un parking de la Défense ; Sur lui, la police a retrouvé une carte de visite, celle de Daniel Favre, ainsi qu’un porte-clés avec une poupée vaudou. C’est ce qui leur a permis de relier les meurtres entre eux. C’est ce qui explique la présence de Jean-Raph. L’enquête s’annonce bien compliquée.

Une nouvelle fois, Samuel Sutra fait mouche avec ce roman policier que l’on pourrait considérer comme classique. La recherche d’un tueur multirécidiviste, on connait. Des victimes sans lien les unes avec les autres, on connait aussi. Mais c’est sans compter avec le talent de ce jeune auteur qui ne cesse de m’étonner par sa maîtrise des codes inhérents au genre.

Les personnages tout d’abord sont criants de vérité. En premier lieu, il y a Jean-Raphaël, lié à cette enquête par ses origines, et qui subit une énorme pression. Il ne veut pas décevoir ni son chef, ni son service, ni son ambition. Il doit faire ses preuves sans pour autant s’imposer, et tenter de se rapprocher du Graal : obtenir un poste au « 36 ». Le hic de l’histoire, c’est l’apparition d’une profileuse, imposée par Blay. Attirance, méfiance, voilà les choix qui s’offrent à ce jeune homme peu habitué à ces choix.

Ensuite, il y a l’équipe de Blay et Blay lui-même, tous présents, mais volontairement en retrait. Ils sont bien là comme des seconds rôles, et participent à l’histoire en fournissant de fausses pistes. Car même si on peut penser avoir compris les tenants et aboutissants, au fur et à mesure qu’on avance, on est saisi de doutes, on imagine des hypothèses, des scenarii impossibles jusqu’au dénouement final du dernier chapitre. C’est du grand art.

Et puis ce roman ne serait qu’un roman policier de plus s’il n’y avait pas cette fluidité de la narration, cette facilité à construire des décors, à placer des dialogues évidents. Samuel Sutra déploie toute sa subtilité et sa finesse pour mener à bien un roman que je qualifierai d’abouti, de maîtrisé de bout en bout.

Enfin, il y a le sujet de fond. Ces quatre personnages vont participer à la reconstruction d’Haïti à divers degrés. Ce roman dénonce comment ces pourris vont profiter des subventions pour bâtir des habitations « en carton », puisqu’ils n’ont aucune chance de se faire prendre, en facturant le maximum. Finalement, le monde ne change pas : les riches gagnent leur argent sur le dos des pauvres. D’où le titre, qui peut paraître énigmatique : Coupable ou coupables ? Coupable et coupables ! Un roman à ne rater sous aucun prétexte !

Elijah de Noël Boudou

Editeur : Flamant noir

Si je ne connais pas l’auteur personnellement, si je ne l’ai jamais rencontré physiquement, nous avons eu l’occasion de deviser parfois sur un réseau social. Quand j’ai appris qu’il allait sortir son premier roman, j’étais évidemment intéressé, avant même de connaitre son sujet. Ce premier roman laisse augurer d’un futur radieux pour Noël, tant il regorge de rage.

Le personnage principal de ce roman se nomme Gabriel. Depuis sa plus tendre enfance, il subit les violences de son père, à chaque fois qu’il rentre saoul à la maison. Dans ces moments là, les coups pleuvent sur sa mère ou lui. Alors il s’est forgé un moral d’acier, a tout fait pour s’endurcir, jusqu’à ne plus ressentir de douleur. Il s’est aussi fait une promesse : Il tuera son père pour ce qu’il lui a fait.

Quand il a atteint l’âge de 18 ans, son père a tellement frappé sa mère qu’elle s’est retrouvée à l’hôpital. C’est à ce moment là qu’il a mis au point son plan, attirant son père dans la cave avant de tuer le Monstre de manière atroce, à l’image de ce qu’il a subi. Sa mère ne survivra pas, mais elle mettra au monde un petit frère, lourdement handicapé. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir sa garde et le nommera Elijah.

Pendant 10 ans, Gabriel subviendra aux besoins de son frère Elijah, les deux devenant inséparables. A chaque date anniversaire, Gabriel deviendra l’ange vengeur, tuant un autre monstre, coupable de violences conjugales. Et pour trouver l’argent nécessaire à l’entretien de son frère, il se fera gigolo auprès de dames âgées en mal de sensations. Leur vie va être bouleversée avec l’apparition d’AlineHandi

Autant vous prévenir tout de suite : ce livre est ultra violent, à la limite du gore dans certaines scènes. Il faut dire que le sujet s’y apprête bien pour marquer le lecteur et mettre sur le devant de la scène un sujet dont on parle, mais dont on ne mesure pas ni la réalité, ni les conséquences. A partir de cette réalité devenant hélas un fait divers commun, Noël Boudou grossit le trait pour nous narrer le destin de Gabriel.

Concernant l’écriture, je dois dire que j’ai tout de suite accroché au style de Noël Boudou, s’avérant très direct, sans entrer dans des descriptions psychologiques sans fin. Il y a une efficacité remarquable dans ce qu’il écrit, faisant ressortir toute la rage qui l’anime. Cela en fait un roman attachant, malgré la violence des scènes, très crues. Malgré les coincidences du début du roman, l’auteur arrive à éviter les scènes mièvres pleines de bons sentiments.

D’ailleurs, je qualifierai ce roman de vicieux, plaçant le lecteur en face de ses responsabilités. Le personnage de Gabriel, tout meurtrier qu’il est, est un homme plein de courage, plein de bons sentiments. Malgré qu’il soit un Monstre, Noël Boudou nous demande de choisir entre l’amour et le dégout. Sa quête de vengeance n’est pas justifiable, mais pour autant, l’impunité de ces Monstres fait rager. Et on sent bien toute la passion de l’auteur pour son sujet, grossissant le trait à la limite de la caricature pour mieux nous poser ses questions en pleine figure. C’est un roman rageur certes, mais aussi passionné et provocateur, vicieux dans sa forme.

Il faut tout de même que je vous avoue que j’ai moins gouté les scènes de violence, extrêmement crues, Je ne suis pas fan de scènes gore, et là, j’ai été servi. J’ai même sauté des passages tant c’est détaillé. Si je comprends le but de Noël Boudou, qui est de faire réagir, ce défaut (vu mes gouts de lecture) est facilement gommable. Il n’en reste pas moins que ce roman est une lecture que j’aurais beaucoup de difficultés à oublier, à mi-chemin entre le roman noir et le thriller. Un livre plein de rage écrit avec des tripes.

Noël : j’attends ton prochain avec impatience !

Ad unum de Didier Fossey

Editeur : Editions des 2 encres (2010) ; Flamant Noir (2016)

Didier Fossey, je connais, et j’aime beaucoup. Que ce soit dans Burn-out ou Na Zdrowie, on retrouve cette même qualité d’efficacité dans l’écriture, de rythme dans l’intrigue et d’humanité dans ses personnages. Ad Unum est en fait le deuxième roman de l’auteur, revisité pour l’occasion et édité par les excellentes éditions du Flamant Noir.

Farid sort du commissariat après une interpellation pour possession de marijuana. Il est vrai qu’avec sa dizaine de barrettes, il est difficile de faire croire aux flics qu’il ne transporte que sa consommation personnelle. Une camionnette s’arrête à sa hauteur, il est bousculé à l’intérieur et endormi à l’aide de Chloroforme. Il se réveille dans une espèce de cave, un souterrain humide et froid. Aux murs, des meurtrières ouvrent sur une pièce centrale. Ses mains sont immobilisées dans le dos et il ne comprend pas ce qui lui arrive …

On vient le chercher et on le présente face à trois hommes cagoulés. Ils s’appellent Numéro 1, Numéro 2 et Numéro 3. Ils font office de tribunal et jugent que Farid vend du poison aux jeunes gens de la ville, et donc il doit mourir. Puis, les juges se retirent et Farid est emmené. Quelques jours plus tard, le corps de Farid est découvert pendu, les mains attachées dans le dos avec des Serflex. Une inscription est gravée sur son front : Ad Unum.

Quand les policiers découvre le corps, ils pensent à un règlement de comptes. Mais c’est la procureure de la République qui décide de passer l’affaire à la Police Judiciaire. C’est en effet le troisième corps que l’on retrouve avec cette inscription sur le front en trois mois. L’équipe du Commandant Boris Le Guenn va devoir s’employer et faire montre de tout son talent pour découvrir le nom des coupables.

Le début de ce roman est tout simplement brillant. On se retrouve dans un endroit mystérieux, glauque, humide et Farid se retrouve prisonnier sans savoir de quoi il retourne. Avec une économie de mots, Didier Fossey place rapidement à la fois la psychologie du jeune homme et l’ambiance. C’est une excellente introduction qui donne le ton du roman : cette faculté, ce talent d’insuffler de la vitesse, de l’urgence dans son écriture. C’est une qualité que j’avais déjà adoré dans ma précédente lecture de cet auteur, Burn-out. Avec ses chapitres courts, on a affaire à un roman où tout va vite.

De la même façon, et sans en rajouter outre mesure, Didier Fossey nous montre deux personnages principaux, le commandant Boris Le Guenn et Numéro 1, deux personnages forts qui se situent chacun d’un coté de la ligne jaune. Le Guenn est impliqué dans son travail, croyant en l’honnêteté et Numéro 1 est intraitable, allant jusqu’à appliquer une justice expéditive et d’une façon unilatérale et extrémiste.

Autour de ces deux « monstres », au sens qu’ils occupent une grande place dans l’intrigue, on retrouve toute une ribambelle de personnages secondaires, qui n’en ont que le nom, tant ils sont présents, vivants et importants pour l’intrigue. Vous l’aurez compris, ce roman est un polar costaud, qui a tous les arguments pour plaire.

Et si le sujet de départ pose la question sur la justice et la difficulté de donner la bonne sanction dans le cas d’un crime, quel qu’il soit, il aborde aussi les problèmes de surcharge des effectifs policiers et des réductions de budget, la suite du roman se veut plus une course poursuite après un assassin bien difficile à appréhender, ce qui confère à cette histoire un réalisme bienvenu. Il ne vous reste plus qu’à découvrir cet auteur si ce n’est déjà fait, qui vous passer un très bon moment de divertissement.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Jean le Belge

Les deux coups de minuit de Samuel Sutra

Editeur : Flamant noir

Dire qu’on en est déjà à la sixième aventure de Tonton et sa bande … et que j’en redemande. J’ai la chance de les avoir tous lus, et de les avoir tous adorés. Tonton et sa bande, c’est un peu Dortmunder écrit par Michel Audiard, pour résumer rapidement le genre, bien que je n’aime pas les catégories. Tonton, c’est un voleur de grande classe et de grand âge, entouré par une équipe de bras cassés, qui se retrouve toujours dans des coups de haut vol qui ne finissent pas tout à fait comme il l’avait imaginé au départ.

C’est l’ancien mari de Donatienne, la bonne de Tonton, qui vient leur proposer un coup en or, facile comme pas deux. Le baron de Gayrlasse, qui habite Île-et-Mourut, en région parisienne leur propose, pour une commission raisonnable (forcément, il manque de fraiche !) de dévaliser un gang de Salvadoriens qui doivent échanger des armes lourdes contre des sacs non moins lourds d’argent, en plein palace du Royal Monceau.

Tonton prépare l’affaire, et déguise Bruno en groom. Au moment d’entrer dans l’ascenseur, le groom, le vrai se fait assommer en même temps qu’une vieille dame qui logeait à l’hôtel. Dommage collatéral, diront certains ! Bosses assurées diront les autres. Malgré ce contretemps et ce léger retard, (il fallait bien ramener la pauvre vieille, équipée d’un gros revolver tout de même, à sa chambre), la bande à Tonton braque les Salvadoriens et n’embarquent que les sacs de fric.

Rentré dans la splendide demeure de Tonton, à Saint Maur, les bouteilles se vident. Donatienne en profite même pour sortir la liqueur qu’elle fabrique elle-même. La nuit passe, et tout le monde a mal à la tête. Tonton se réveille dans le lit de Donatienne. Il trouve sa maison sens dessus dessous, sans dessous puisqu’il est nu comme un verre (pardon, un ver). Les sacs ont disparu, et un mort git sur la table du salon. D’ailleurs, Bruno et Donatienne manquent à l’appel. Que s’est-il donc passé ? Pourquoi a-t-on fouillé sa maison ? Qui a pris l’argent ? Et qui est le mort (vite enterré dans le parc attenant) ?

Une fois de plus Samuel Sutra fait mouche. J’ai l’impression que chaque roman qu’il écrit est meilleur que le précédent. Sa plume est pleine d’une verve humoristique que beaucoup n’ont pas (d’ailleurs je ne connais pas d’auteur aussi doué dans l’humour décalé à la Audiard). Plus la série des Tonton avance, et plus j’ai envie d’en lire. On est déjà au sixième épisode et j’ai l’impression de lire à chaque une nouvelle aventure, sans répétition aucune.

Donc je vous garantis que vous allez rire, sourire, vous esclaffer même (et cela m’arrive souvent en plein transport en commun, ce qui occasionne des regards étonnés des autres transportés. En fait, la plume humoristique de Samuel Sutra vous oblige à lire chaque mot, chaque phrase, car on y trouve dans chacune une expression ou une façon de décrire qui pousse au rire.

Mais ce roman ne se résume pas à un amoncellement de bons mots, d’excellents mots. Le scenario, une fois de plus, puisque j’avais été enchanté du précédent, est construit avec minutie, minuté de façon stricte, si bien qu’il est formidablement bien trouvé, et formidablement bien amené. L’auteur fait preuve d’une imagination sans borne, et il en fallait pour créer cette histoire. C’est tout simplement génial !

Si vous connaissez Tonton, vous devez déjà l’avoir lu. Si vous ne connaissez pas, jetez vous dessus, c’est du divertissement haut de gamme, un scenario diabolique, construit de telle façon que vous allez comprendre à la fin de quoi il en retourne, et vous allez passer un excellent moment.

Ne ratez pas l’avis de Yv et Unwalkers

 

Eros, Héros, Sept de Grégoire Lacroix (Flamant noir)

Arrêtons de nous prendre au sérieux. Parfois, il faut juste prendre un livre pour rire. C’est le pari de ce roman, écrit par Grégoire Lacroix, réputé pour ses Euphorismes. Le personnage principal de ce roman se nomme Jazz Band, parce qu’il est guitariste de jazz, et est espion de la dernière chance. Quand le monde n’a plus de solution, il a jazz Band.

Quatrième de couverture :

Nous Autres les Surdoués sommes des guerriers redoutables lorsque les cibles sont clairement désignées. Et elles le sont :  les sectes et mafias de toute nature.

Cette lutte est ma seule raison de vivre, que dis-je, de survivre…

Mon arsenal :

 –  Mon étonnante super-efficience mentale.

 –  La précision diabolique de mes tirs.

 –  Mon imparable pouvoir de séduction.

Trois atouts sublimés par mon talent reconnu de guitariste.

Mon adjoint, Basile Duglandier, souffre un peu de l’ombre que je lui porte mais je le rassure en lui disant, en toute modestie, que « l’ombre d’un génie c’est encore du soleil ».

Nous formons donc, à nous deux, une équipe d’une stupéfiante efficacité comme le prouvent les deux incroyables enquêtes que je relate dans ce livre…

Mon avis :

Que l’on soit dans le domaine de l’humour ou pas, un roman bien écrit est toujours un plaisir pour le lecteur. Ce roman est franchement bien écrit et je dois dire que l’intrigue est aussi fort bien menée. Ce livre comporte deux aventures de notre nouvel espion national et je n’ai pour le moment lu que la première. Je ne dirai qu’une chose : pour 15 euros, les éditions du Flamant noir nous proposent un sacré rapport Qualité / Prix, car on s’amuse beaucoup à lire les (més) aventures de Jazz Band, dit Gibson Greg.

Ce héros se prend pour un surdoué, et c’est là le comique de la situation. Mais son génie tient plus dans ses bons mots, ses aphorismes et ses citations (et elles sont nombreuses) plus qu’à son instinct logique de résolution de problème. Jazz Band doit retrouver le docteur Dhozone (qui a donné son nom à la célèbre couche) avec quasiment aucun indice. Il y aura des femmes fatales, de l’action, des personnages délirants, des lieux insolites, et un personnage surdoué d’une connerie affligeante mais tellement drôle.

Alors, je dois dire que l’humour est toujours en dessous de la ceinture. Je dois dire que l’auteur s’amuse à tourner en ridicule son personnage, tout en restant sérieux. Je dois dire que certaines scènes sont « too much » … Et alors ? Le but, c’est de s’amuser et c’est tout. Quoique ! Car le dernier chapitre nous réserve un beau retournement de situation qui montre que Grégoire Lacroix nous a bien mené par le bout du nez. Bref, c’est une belle surprise que je ne peux que vous conseiller fortement !

La bonne, la brute et la truande de Samuel Sutra (Flamant noir)

C’est déjà la cinquième aventure de Tonton et sa bande de bras cassés et je ne m’en lasse pas. Cette série fait son chemin, et devient pour moi une référence, une assurance de bonne humeur. Ce roman est une nouvelle fois excellent, et même le meilleur de la série avec Akhanguetno. N’hésitez plus, jetez vous sur les (més) aventures de Tonton !

Au manoir de Tonton, à Saint Maur, le téléphone sonne. Tonton hurle, ordonne à Donatienne, sa bonne d’aller répondre. Car un homme tel que lui, la référence nationale, mondiale et universelle de la truande ne peut se résoudre à s’abaisser à aller répondre. Donatienne, qui est aux toilettes et qui est déjà bien attaquée par son petit déjeuner à la Suze, va décrocher.

Le mystérieux interlocuteur vient de proposer à Tonton le célèbre, magnifique diamant, le Waïen-Bicôze, dont tout le monde parle depuis plus d’un an. Ce diamant devait être mis en vente à Drouot un an auparavant et avait disparu juste avant la mise aux enchères. Les voleurs étaient passés par les toilettes des femmes, dont le mur était adjacent avec la cave d’une vieille dame. Aucun voleur n’avait été arrêté. Mais Tonton savait tout cela, puisque le Waïen-Bicôze, c’est lui qui l’a volé.

Il y a un an, Tonton et son équipe au complet (Gérard, Pierre, Bruno, Mamour, et Kiki son Teckel) ont donc dérobé ce diamant, et ont décidé de le planquer le temps que l’affaire se tasse. Ils l’ont donc enfoui dans le jardin de Tonton en comptant 10 pas à partir de la dernière marche du perron. Mais comment se rappeler un an après dans quelle direction partait les 10 pas en question, quand toute l’équipe était murgée comme une estafette de gendarmerie après le petit déjeuner ?

Le contexte est bien lancé, délirant à souhait et c’est alors que Samuel Sutra se déchaine. Le parc est retourné, le diamant n’est plus là, et l’auteur va nous concocter un scenario diabolique où le lecteur va devoir deviner qui a le diamant en sa possession. Le roman va donc alterner, mettre en avant chacun des personnages, pour montrer ce qui s’est passé pour chacun d’eux avant, pendant et après le vol du Waïen-Bicôze.

Car n’ayant pas été payé et étant embringué dans des affaires compliquées, chacun se voit obligé de voler le diamant pour sauver sa peau … ou celle du voisin … Le scenario est diabolique, une sorte de mécanique parfaitement huilée, un pur plaisir pendant lequel on se demande réellement qui a bien pu faire la nique à Tonton. Et on tourne les pages en se marrant comme une baleine car toutes les ficelles du comique sont utilisées ici avec perfection : du comique de situation aux présentations des personnages, de leur nom (Le Russe Vladlezbrouf par exemple) aux quiproquos, des dialogues hilarants au style enlevé et plein de dérision, ce roman s’avère un livre indispensable pour détendre ses zygomatiques.

Alors, évidemment, par son coté humoristique, par ses personnages d’une connerie inimaginable, et surtout avec son scenario en béton, on pense à Donald Westlake et en particulier à Pierre qui roule. Car si le scenario est différent ici, on retrouve bien tous les ingrédients qui font la force d’un roman comique. On ne peut qu’être époustouflé devant le talent de cet auteur. Avec ce roman, le cycle des Tonton vient de franchir un nouveau pas et ce tome-là est le meilleur avec Akhanguetno et sa bande.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul ainsi que l’interview du Concierge Masqué.

Par ailleurs, je vous signale que Akhanguetno et sa bande, le troisième tome des aventures de Tonton vient d’être réédité par les éditions du Flamant Noir. Ce roman a par ailleurs reçu un Coup de Cœur Black Novel ici.

Akhanguetno flamant

La quatrième de couverture dit ceci :

Il y a deux-mille cinq-cents ans, la vallée d’Uroch a vu s’éteindre l’un des plus puissants pharaons de la quatrième dynastie : Akhänguetno. Bien au chaud dans son tombeau, couché sur un colossal matelas d’or, le grand homme était prêt pour son voyage dans l’au-delà, bien décidé à n’emmerder personne. Mais si un égyptologue nous lit, qu’il lève le doigt : Tonton voudrait bien savoir comment ce pharaon a fait pour se retrouver enterré dans son parc, près de son plan d’eau.