Editeur Gallmeister
Traductrice : Laura Brignon
Les éditions Gallmeister quittent le continent américain pour publier des romans issus d’autres endroits du monde. Ils débutent cette nouvelle aventure par l’Italie avec deux romans, Un jour viendra de Giulia Caminito à classer plutôt en littérature et L’Île des âmes de Piergiorgio Pulixi dont nous parlerons bientôt.
Le roman commence par un prologue terrible et donne le ton pour le reste de cette histoire. Nicola est présenté comme un garçon fragile, cherchant à se faire oublier des autres, préférant rester dans les ombres plutôt que d’affronter la lumière du jour. Lupo est tout son contraire, fort, imposant ; par sa stature, il se considère comme responsable de son petit frère, si frêle, et s’est donné comme mission de le protéger. Sur les bords du Misa, Nicola fait face à Lupo, armé d’un fusil et lui tire dessus.
Il faut dire que la famille Ceresa traine une mauvaise réputation, comme si elle attirait le mauvais sort. Luigi est le boulanger du village, sa femme Violante est aveugle, et sa famille a vu plusieurs de ses enfants mourir. Leur vie est rude, et laisse peu de place à l’amour familial. Les troubles qui secouent l’Italie en ce début du vingtième siècle vont être exacerbés par l’arrivée de la première guerre mondiale.
Par chapitres alternés, l’auteure nous plonge dans la vie d’un couvent dirigé par Sœur Adélaïde qui vient de se suicider par pendaison. Par tirage au sort, Sœur Clara va être désignée pour prendre sa place et dévoiler aux autres sœurs son caractère dur, lié à ses origines. Ce monde de silence et de foi cache en réalité un terrible secret qui va toucher le village et la famille Ceresa.
Il est surprenant de lire que ce roman n’est que le deuxième de cette jeune auteure italienne, tant l’intrigue est complexe et maitrisée. Situé dans un pays que je connais peu, parlant d’une période trouble de l’histoire italienne, il vaut mieux lire les notes de l’auteur et de l’éditeur situées à la fin du roman. Cela permet de nous éclairer sur le contexte et les positions prises par tous les personnages.
Car Un jour viendra est un roman qui nécessite des efforts pour se resituer dans le temps et dans l’espace. Ne précisant jamais quand les chapitres si situent dans le temps, il est parfois difficile de se raccrocher à l’intrigue. La façon de mener cette histoire est aussi originale puisque les secrets se dévoilent au hasard des scènes, sans qu’il n’y ait de logique dans la construction. Les lecteurs cartésiens, comme moi, se retrouveront désarçonnés.
Reste que la plume de Giulia Caminito se révèle à la fois originale et magnifique. L’écriture se montre descriptive et poétique, noire quand il le faut, quand il s’agit de décrire un décor ou la nature environnante. Elle se met en retrait et devient factuelle quand elle montre les actions des personnages, ne donnant aucune information sur les émotions. Enfin, les dialogues sont insérés dans la narration sans indication, et peut surprendre.
Malgré la beauté du texte, la noirceur du contexte, mon impression est tout de même en dents de scie. J’ai été ébahi par certains passages et regretté que le roman se révèle si difficile à suivre, par manque de visibilité. Il aurait été intéressant d’indiquer quand les scènes se déroulent et donner un peu plus de détail sur le contexte historique. Le roman creuse tout de même beaucoup de thèmes, de la loyauté fraternelle à la destinée, la religion, l’anarchie, les décisions politiques et on en ressort avec l’impression que cette période du début du vingtième siècle a été déterminante pour l’histoire de l’Italie et que le peuple, qui avait les cartes de son avenir entre les mains, s’est trompé.