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La consule assassinée de Pierre Pouchairet

Editeur : Filatures

De la part de cet auteur prolifique, on peut s’attendre à tout. On connait Pierre Pouchairet pour avoir remporté le Prix du Quai des Orfèvres, pour son cycle des Trois Brestoises (chez Palemon) ou ses romans plus géopolitiques (chez Jigal, Plon et Filatures). Prenons la direction de l’Europe de l’Est pour celui-ci.

Comme tous les soirs, Baha Babaef va faire le ménage du consulat français à Schimansky, au Beyazstan. Arrivé dans le bureau de la consule, il branche une clé USB sur l’ordinateur qui va installer un logiciel espion. Puis, entendant un gémissement dans la pièce attenante, il prend peur et s’enfuit en prenant soin de voler une autre clé USB qui trainait sur le bureau. La consule Guenola Fontaine agonise à coté et mourra de ses blessures.

Le soir même, Baha reçoit un appel lui donnant rendez-vous en bas de chez lui. Le chef des services secrets qui lui avaient demandé d’installer le logiciel tient à le remercier personnellement. Baha se rend compte qu’on le conduit en pleine campagne, vraisemblablement pour le tuer. Prenant comme excuse une envie pressante, il parvient à s’échapper.

A Paris, le monde politique est en ébullition : l’assassinat de la consule est pris au sérieux. Bien que les services de police du Beyazstan assurent que le coupable n’est autre que l’homme de ménage, le gouvernement veut diligenter une équipe qui coopérera avec l’enquête. Delaroque, un ancien ambassadeur et Girard, inspecteur de la Police Judiciaire vont faire équipe pour résoudre ce mystère.

Il peut y avoir mille façons de traiter ce genre de scenario, du roman d’action au roman policier. Pierre Pouchairet va prendre le temps d’installer tous les protagonistes et dérouler son histoire selon tous les points de vue : la fuite de Baha, la chasse menée par les Services Secrets, les aides venant de certains habitants et même d’un mafieux, les relations diplomates des politiques et l’enquête policière elle-même.

Le rythme ne va pas être rapide, l’auteur préférant prendre le temps de décrire à la fois les tenants et les aboutissants, les décors, les personnages et leurs réactions. On va découvrir les dessous de la politique, les informations officielles et officieuses, et petit à petit, le voile va se lever sur un personnage moins lisse que prévu.

De nombreux passages, en effet, vont montrer comment Guenola Fontaine va arriver au poste de consule. Et la jeune femme que tout le monde semble apprécier va se révéler quelqu’un maltraité et détesté dans son milieu professionnel. On se retrouve donc avec une multitude de mobiles en parallèle de la course poursuite pour éliminer Baha et on ne sait plus où donner de la tête.

J’ajouterai quelques cerises sur le gâteau. Les relations entre les deux enquêteurs, loin d’être orageuses va surtout montrer deux façons de mener l’enquête, totalement opposées. Enfin, les fans des trois brestoises ne seront pas déçus puisqu’elles apparaitront bien à la fin du roman et participeront activement à la résolution de l’énigme. Cette Consule Assassinée s’avère un roman à la croisée des genres, un polar costaud que l’on a grand plaisir à lire.

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Oldies : Shibumi de Trevanian

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anne Damour

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose de découvrir un roman culte, écrit par un auteur resté mystérieux. Et quel roman !

L’auteur :

Rodney William Whitaker, plus connu sous son nom de plume Trevanian, est un écrivain américain, né le 12 juin 1931 à Granville, dans l’État de New York, et mort le 14 décembre 2005 dans le West Country, en Angleterre. Il a aussi utilisé son vrai nom ainsi que d’autres pseudonymes : Beñat Le Cagot, Jean-Paul Morin et Nicholas Seare.

Rodney Whitaker est né dans une famille qui doit lutter contre la pauvreté. Dans sa jeunesse, il vit plusieurs années dans la ville d’Albany, capitale de l’État de New York, une période qu’il raconte dans The Crazy ladies of Pearl Street, son dernier ouvrage publié.

Il sert dans la Marine américaine de 1949 à 1953, pendant la guerre de Corée. À son retour, il entreprend des études supérieures et obtient une maîtrise de théâtre à l’université de Washington et un doctorat en communication et cinéma à l’université North western, sise en banlieue de Chicago. Il enseigne ensuite la mise en scène au Nebraska. Plus tard, il reçoit une bourse Fulbright pour étudier en Angleterre.

Il devient ensuite professeur, puis directeur du département des communications de l’université du Texas à Austin pendant de nombreuses années. Quand le succès littéraire le lui permet, il quitte ce poste et vit pour de longues périodes, avec sa famille, dans la campagne basque française.

Dans les années 1970, il amorce une carrière d’écrivain et choisit le pseudonyme de Trevanian en l’honneur de l’historien britannique George Macaulay Trevelyan (1876-1962). Il a 40 ans quand paraît son premier roman La Sanction (The Eiger Sanction, 1972), un récit d’espionnage parodique dont le héros est l’arrogant, snob et insupportable professeur d’histoire de l’art Jonathan Hemlock. Alpiniste émérite et tueur à gages pour les services du renseignement américain, il doit tuer un des membres de sa cordée pendant l’ascension de la face nord de l’Eiger, en Suisse. Pour ce personnage, chaque mission est une « sanction » qui, une fois accomplie, lui permet d’acheter des tableaux impressionnistes pour compléter sa riche collection. Le roman est adapté au cinéma en 1975 sous le même titre par Clint Eastwood avec le réalisateur dans le rôle de Jonathan Hemlock et Rodney Whitaker comme co-scénariste. L’espion Hemlock revient dans le roman L’Expert (The Loo Sanction, 1973) avant que Trevanian ne l’abandonne.

Le Flic de Montreal (The Main, 1976), d’abord publié sous le pseudonyme de Jean-Paul Morin, puis sous celui de Trevanian, est un roman policier de procédure policière situé dans un quartier pauvre de Montréal. Il a pour héros le lieutenant de police quinquagénaire, solitaire et désabusé Claude LaPointe.

Shibumi (1979) est un thriller d’espionnage qui met en scène Nicholaï Hel, à la fois maître du jeu de go, adepte des arts martiaux et tueur professionnel, où le récit s’intéresse moins à sa mission qu’à la jeunesse du héros à Shanghai et au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale.

En 1983, Trevanian signe L’Été de Katya (The Summer of Katya), un roman d’horreur psychologique. En 1998, il revisite le roman western avec Incident à Twenty-Mile (Incident at Twenty-Mile). Cette diversité dans les genres abordés a longtemps laissé croire que le pseudonyme Trevanian était en fait le nom de plume d’un groupe d’écrivains. Sous le nom de Nicolas Seare, Trevanian a également publié des contes se déroulant à l’époque médiévale.

Professeur d’université, il passe une grande partie de sa vie reclus avec sa famille dans les Pyrénées basques de France, refusant tout entretien et toute photographie. En 1979, lors de la sortie du livre Shibumi, il accorde toutefois une première interview par téléphone sans livrer son identité. Celle-ci sera dévoilée en 1983 mais confirmée seulement en 19982.

Ses livres sont traduits en quatorze langues, plusieurs d’entre eux étant des best-sellers : entre 1972 et 1983, cinq de ses livres se sont vendus à plus d’un million d’exemplaires chacun.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Nicholaï Hel est l’homme le plus recherché du monde. Né à Shanghai en plein chaos de la Première Guerre mondiale, fils d’une aristocrate russe et protégé d’un maître de go japonais, il a survécu à la destruction d’Hiroshima pour en émerger comme l’assassin le plus doué de son époque. Son secret réside dans sa détermination à atteindre une forme rare d’excellence personnelle : le shibumi. Désormais retiré dans sa forteresse du Pays basque en compagnie de sa délicieuse maîtresse, Nicholaï accueille une jeune étrangère venue lui demander son aide. Il se retrouve alors traqué par une organisation internationale de terreur et d’anéantissement, la Mother Company, et doit se préparer à un ultime affrontement.

Shibumi, le chef-d’œuvre de Trevanian, est un formidable roman d’espionnage et une critique acerbe de l’Amérique. Avec, toujours, l’intelligence et l’humour noir qui sont la marque de fabrique de cet auteur exceptionnel.

Mon avis :

A vrai dire, je n’avais pas lu d’avis détaillé sur ce roman, et j’ai juste suivi sa réputation de livre culte. Et j’ai été totalement surpris et enchanté par ce roman. Le personnage Nicholaï Hel est une sorte de personnage dénué d’émotions, qui atteint l’ultime état de sagesse de l’esprit, l’apaisement total et la communion avec la nature. Depuis sa retraite, il vit reclus dans son château du pays basque.

En parallèle, l’auteur nous montre l’état géopolitique du monde, et une organisation nommée la Mother Company qui, en restant totalement secrète, a accès à toutes les informations et manipulent les gouvernements et les organisations secrètes (comme la CIA ou le MI5) sans que personne ne la soupçonne.

A la suite de l’assassinat des sportifs israéliens à Munich en 1972, un groupe de tueurs nommé les septembristes se donne rendez-vous à l’aéroport de Rome pour joindre Londres et assassiner les coupables. Une fusillade se déclenche et ils sont tous tués sauf une jeune femme, Hannah Stern, la fille d’un ami de Nicholaï qui va lui demander de l’aide.

Organisé comme les étapes d’un jeu de Go, ce roman va passer en revue la biographie de Nicholaï : né à Shanghai d’une mère russe et d’un père américain, il se retrouve sans nationalité et est recueilli par un général japonais qui l’initie au jeu de Go. Doué en langues, il en parle rapidement cinq, et se retrouve à nouveau seul pendant la deuxième guerre mondiale. Après la défaite japonaise, il se fait embaucher par les services secrets américains en tant que traducteur.

D’une construction implacable, d’un style très détaillé et littéraire, Trevanian nous offre tout un pan du monde moderne, à travers le destin de ce jeune homme appelé à devenir le tueur le plus habile, capable de tuer avec une feuille de papier. On y trouvera que peu d’action, tout étant condensé dans les 150 dernières pages. Tout le roman va s’attarder sur d’un coté Nicholaï et ce qu’il a vécu et de l’autre sur la Mother Company et son pouvoir néfaste.

Alors qu’il fait preuve d’un humour noir féroce, Trevanian va nous démontrer la décadence de la société continentale, en opposant l’inutile société matérialiste et capitaliste à la société orientale spirituelle. Tout le monde en prend pour son grade, les Etats-Unis, bien sur, mais aussi la Russie, la France, l’Italie, l’Allemagne et bien d’autres. Trevanian nous montre qu’il y a une autre possibilité de vivre que la consommation à outrance ; et que les pays industrialisés, sous couvert de vouloir donner le pouvoir au peuple en imposant la démocratie, ne servent que l’intérêt de certains. S’approchant d’un brûlot, Trevanian accuse donc les pays industrialisés d’exploiter les plus pauvres et de vouloir imposer leur mode de vie, à l’aide de ruses très élaborées ne prenant aucun cas de la vie humaine.

Ce roman, étonnant de modernité, fait encore écho à la situation actuelle, ce qui démontre que rien n’a changé en 40 ans. Même si sa lecture est dense et nécessite de l’attention, on y plonge avec un plaisir gigantesque et on quitte le roman à regret. Après, on n’a plus qu’une seule envie : parler à tout le monde de ce roman pour que tout le monde le lise. Ce roman est juste fantastique, fascinant, drôle, cynique, féroce, puissant.

La compagnie des glaces tomes 11 et 12 de GJ.Arnaud

Editeur : French Pulp

Les éditions French Pulp ont décidé de rééditer la saga de science fiction de Georges-Jean Arnaud, en regroupant les romans par deux. Il s’agit, je crois, de la plus grande saga de science fiction jamais écrite puisqu’elle comporte 63 romans. Voici mon avis sur les tomes 11 et 12.

Les fous du soleil :

Alors qu’il a été kidnappé par Lady Diana, la propriétaire de la compagnie Panaméricaine, Jdrien se retrouve occupé par des nounous qui sont chargés de le surveiller. Il en profite pour développer ses dons de médium et de télékinésie. De leur coté, le peuple roux a retrouvé la dépouille de Jdrou, la mère de Jdrien et amante de Lien Rag, et l’emmène à travers la banquise atlantique pour retrouver leur messie.

Les rénovateurs du soleil continuent à mettre en place leur projet fou de percer la couche de poussière lunaire à l’aide d’un laser et le Kid, qui a construit sa compagnie sur une banquise se voit obligé de s’allier avec Lien Rag pour trouver des solutions, sous peine de voir son empire être englouti sous les flots.

Si le début du roman est foisonnant, passant d’un personnage à l’autre, d’un lieu à l’autre, et qu’il fait penser à une mise en place d’un gigantesque échiquier, la suite du roman tourne vite au roman catastrophe, avec la température qui grimpe et niveau des eaux qui monte inexorablement. Voilà une nouvelle fois un tome qui, s’il n’a pas un rythme fou, offre un suspense prenant, d’autant plus que l’on s’est attaché avec les personnages.

Cancer Network :

Après les 8 jours de la catastrophe du précédent tome, les compagnies se reconstruisent. Jdrien, qui a trouvé refuge auprès d’un minier de fond, retrouve la diplomate Yeuse, et décide de prendre la route pour retrouver la dépouille de sa mère. Lien, inquiet pour son fils et du culte dont il fait preuve, veut trouver les origines du peuple Roux, et ainsi couper court à toute légende de messie. Il se dirige donc vers Vatican II, tenu par les néo-catholiques, le lieu où sont conservées toutes les archives de l’ancien monde.

Prenant une construction habile et habituelle qui consiste à alterner les chapitres entre les différents personnages, Georges Jean Arnaud nous construit une intrigue plus calme, tout en avançant ses pions. On a vraiment l’impression de voir se dérouler sous nos yeux une partie d’échecs où chacun avance prudemment en direction de l’ennemi, sans toutefois savoir ce qui va les attendre.

Le grand moment de ce roman, c’est bien évidemment la visite de Vatican II, gigantesque cité immensément riche, qui abrite toutes sortes de trafics et commerces dont celui des Roux. Derrière leur voile de religion, les ventes de Roux s’apparentent à des commerces d’animaux alors que dans les sous-sols, dorment les livres contenant la vérité sur ce peuple. Comme un retour en arrière qui s’apparente à la traite des noirs. Mais ceci est une autre histoire …

La compagnie des glaces tomes 9 et 10 de GJ.Arnaud

Editeur : French Pulp

Les éditions French Pulp ont décidé de rééditer la saga de science fiction de Georges-Jean Arnaud, en regroupant les romans par deux. Il s’agit, je crois, de la plus grande saga de science fiction jamais écrite puisqu’elle comporte 63 romans. Voici mon avis sur les tomes 9 et 10.

Le réseau de Patagonie :

La compagnie Panaméricaine, à travers sa principale actionnaire Lady Diana, continue son rêve fou de construire un gigantesque tunnel souterrain sous-terrain Nord-Sud. Pour cela, elle a besoin d’énergie et décide d’arrêter d’alimenter les compagnies éloignées en électricité, entraînant des milliers de morts. Sa nouvelle idée est de faire brûler les corps pour créer de l’électricité.

De son coté, le Kid continue à développer sa compagnie rebelle, la Compagnie de la Banquise. Il est persuadé que le volcan Titan lui permettra d’obtenir toute l’énergie dont il a besoin ainsi qu’un bras de levier sur la Panaméricaine. Il ne veut toujours pas rendre Jdrien, le fils de Lien Rag, à son père et veut intégrer les Roux dans sa compagnie. Lien Rag, quant à lui, découvre peu à peu les horreurs dont est capable Lady Diana.

Depuis deux tomes, c’est avec un nouvel élan que l’on découvre dans La Compagnie des glaces. Mettant au premier plan ses personnages, GJ.Arnaud développe ses thèmes de la folie des hommes, de la création d’une civilisation, du besoin en énergie et les différents axes gérant la géopolitique de ce nouveau monde. Si Jdrien le nouveau messie est un peu au second plan, il n’en reste pas moins prometteur pour la suite de l’aventure. C’est une nouvelle fois un tome passionnant même s’il se termine un peu vite à mon gout ;

Les voiliers du rail :

Alors qu’il a échappé à la mort lors de l’effondrement d’un glacier, Lien Rag se retrouve errant, cherchant à retrouver la civilisation pour dénoncer Lady Diana d’avoir assassiné les membres de la commission. Il rencontre sur son chemin une tribu d’hommes roux, circulant sur des voiliers à la recherche du corps de son ex-femme Jdrou, morte en martyr. Lien Rag se retrouve donc encore une fois en cavale, en lutte contre la Panaméricaine.

De son coté, le Kid continue à construire sa compagnie de la banquise, se rendant compte petit à petit de la puissance qu’il a entre les mains avec l’exploitation du volcan Titan. Il est sur tous les chantiers, entre la création d’écoles, d’universités, d’une monnaie indépendante du dollar, la Calorie, mais aussi l’exploitation du soufre, qui pourrait bien lui donner un excellent bras de levier contre la surpuissante Panaméricaine. Malheureusement, Jdrien disparaît. Il semblerait qu’il ait été enlevé …

Une nouvelle fois, ce tome est époustouflant. De la dimension géopolitique aux rebondissements touchant chaque personnage, on suit cette aventure avec passion. Le style est d’une simplicité et d’une fluidité qui en font un pur plaisir de lecture. L’auteur a créé tellement de pistes dans son intrigue, cela part tellement dans tous les sens que l’on a du mal à imaginer comment cela va tourner. Cette incertitude laisse le lecteur sur des charbons ardents, qui donne envie de se replonger immédiatement dans la suite.

J’ajouterai juste un dernier mot quant à l’aspect visionnaire de ce roman. Avec le recul, 37 ans plus tard, on se rend compte de la justesse de la vision futuriste du monde. On peut comparer la création de la Calorie avec celle de l’Euro, le sort des Hommes Roux avec n’importe quelle population ayant subi les guerres, et le commerce du soufre ou le besoin en énergie avec la course au pétrole ou à l’électricité. Je me demande même si Lady Diana n’aurait pas des airs de Trump. On a l’impression de lire Nostradamus, tant tout y est juste. C’est juste flippant !

La compagnie des glaces de G.J.Arnaud – Tome 7 et 8

Editeur : French Pulp

Les éditions French Pulp ont décidé de rééditer la saga de science fiction, en regroupant les romans par deux. Il s’agit, je crois, de la plus grande saga de science fiction jamais écrite puisqu’elle comporte 63 romans. Voici mon avis sur Le gnome halluciné et

Le gnome halluciné :

Alors que Yeuse a été arrêtée, enfermée dans un train-bagne, Miki le nain directeur du cirque se retrouve avec Jdrien, le fils de Yeuse et Lien Rag sur les bras, qu’il a adopté. Son objectif est de rejoindre le sud mais sans locomotive, il est contraint de faire appel au bon vouloir de ceux qui veulent bien l’aider. Jdrien semble avoir des dons psychiques qui lui permettent d’appeler les hommes roux à la rescousse. C’est grâce à eux que toute la ta troupe arrive dans une ville dirigée par un général despote atteint de gangrène. Il semble que Jdrien arrive à soulager les souffrances.

Pour une fois, on quitte le domaine du roman politique; on quitte aussi Lien Rag, pour retrouver un personnage qui occupait le second rang jusqu’à maintenant. Du moins c’est ce qu’on pourrait croire … Car passées les 50 premières pages, l’intrigue se développe et ouvre de nouveaux horizons : Lien Rag s’occupe d’un tunnel géant creusé dans la glace (et encore une fois, on ne peut que louer l’aspect visionnaire de cette série !) ; Miki décide d’ouvrir sa propre compagnie ferroviaire et se retrouve concurrent des autres ; Jdrien, grâce à ses dons médiumniques apparait pour les religieux comme le nouveau messie. Cet épisode de la Compagnie des Glaces est foisonnant et passionnant. A ne pas rater.

La compagnie de la banquise :

Alors que Yeuse a entendu parler d’une compagnie dans l’océan pacifique, dirigée par un nain, elle décide de partir voir cela par elle-même. Miki, quant à lui, assure la construction de son système de chauffage qui bénéficiera d’un gigantesque volcan Titan. Quant à Lien Rag, il est toujours aux manettes pour la construction d’un gigantesque tunnel passant par le pôle Nord et est confronté au manque d’énergie.

Dans la même veine que le tome précédent, ce roman creuse un peu plus le sillon des forces en présence. L’aspect géopolitique est plus présent puisque l’on voit comment les compagnies avancent leurs pions pour asseoir leur pouvoir. La lutte se fera autour de la disponibilité de l’énergie et la Transsibérienne est bien placée avec ses réserves de gaz. Mais la compagnie de Miki pourrait bien tirer son épingle du jeu avec le volcan Titan.

C’est une nouvelle fois un roman passionnant, qui part dans tous les sens, qui creuse tous les sujets, de la géopolitique aux sujets plus intimes avec la recherche de Jdrien. On ne peut qu’être ébahi devant le coté visionnaire de ces romans et apprécier les talents de conteur de cet auteur hors pair. On sent bien que l’on entre dans un deuxième cycle avec ces deux romans là, et la fin laisse un suspense qui donne envie de se plonger immédiatement dans les suivants. Superbe !

Kisanga d’Emmanuel Grand

Editeur : Liana Levi

Après Terminus Belz et Les salauds devront payer, Emmanuel Grand nous propose, avec son troisième roman, de quitter la France pour l’Afrique. Tout impressionne dans ce roman, si bien qu’on est tenté de le comparer aux plus grands auteurs. EXTRAORDINAIRE !

Olivier Martel est un jeune ingénieur géologue qui travaille chez Carmin, cette grosse entreprise française spécialisée dans la vente de matières premières. Ce matin, il assiste à l’enterrement de Michel Kessler à Montrouge, son mentor dans ce métier, presqu’une légende. Michel Kessler avait toujours refusé les postes de direction pour parcourir le monde à la recherche de nouvelles mines, dans tous les pays dangereux où personne ne veut aller. Malheureusement, il a été victime de rebelles au Soudan.

Raphael Da Costa est un journaliste d’investigation. 15 ans auparavant, il a enquêté sur une affaire sulfureuse concernant la CMA qui a failli voir le jour, et qu’il considère comme l’échec de sa carrière. Depuis il est journaliste indépendant mais ne retrouve pas la hargne qui l’auréolait à ses débuts. Il a rendez-vous avec Philippe Dorget, son ami et directeur du Matin. Le journal va mal depuis Internet, les abonnements diminuent et Dorget ne peut plus se permettre de payer un journaliste indépendant. Dorget l’envoie à une conférence de presse annonçant la création d’une Joint Venture entre Carmin et Shanxi Mining, une société chinoise. Son nom : Kisanga.

Da Costa reconnait le beau monde qui se presse dans les salons du Trocadéro. Outre Alain Butard le PDG de Carmin, on y voit Li Gao Yang l’ambassadeur de Chine, François-Xavier de Meyrieux le ministre des Affaires étrangères et Wao Jun le PDG de Shanxi, un redoutable stratège. Toute la presse économique est conviée, nationale et internationale. La création de cette JV est présentée comme une énorme chance de développement pour la République Démocratique du Congo. En sortant, Raphaël a la sensation d’être suivi. C’est décidé, il suivra cette affaire Kisanga.

Dès le lendemain, Alain Butard convoque dans son bureau trois jeunes cadres qui vont former son commando personnel. Ils auront en charge de démarrer les nouvelles mines en trois mois, sous la direction de Nicolas Speck, ancien soldat et actuellement son bras droit. Olivier Martel en sera mais pour ce faire, il doit faire une croix sur sa vie de famille pendant trois voire six mois, avec une belle promotion à la clé.

Cette histoire est une pure fiction. Il est vrai que des entreprises qui annoncent des contrats mirobolants, ça n’existe pas. Des contrats visant à exploiter les ressources de l’Afrique, ça n’existe pas. Des hommes politiques impliqués dans des contrats privés, ça n’existe pas. Une guerre économique à mort entre pays (France et Chine par exemple), ça n’existe pas. Des mercenaires et autres barbouzes qui font des opérations clandestines, ça n’existe pas. Les pourris de tous bords, ça n’existe pas. Bref, tout ce qui est dans ce roman n’existe pas, mais est le fait de l’imagination débordante de l’auteur.

Mais quand même … Quand on regarde les informations, les contrats faussés, les gouvernements renversés dans les pays africains, les entreprises, quelque soient leur nationalité qui mettent au pouvoir un homme qui va dans leur sens, les journalistes qui effleurent les sujets, les PDG qui s’en foutent des conséquences de leurs décisions … La force de ce roman est bien de sonner juste et et de proposer une vision bigrement lucide. Et encore n’a-t-on dans ce roman qu’une petite partie de la réalité, rythmée par les personnages.

On va passer de l’un à l’autre, sans aucun problème. Et l’une des forces de ce roman, c’est bien de faire vivre cette histoire à travers une multitude de personnages qui sont formidablement construits pour que l’on ait un immense plaisir à les suivre. Ils vont nous emmener dans cette aventure aux multiples rebondissements, nous montrant la jungle et la pauvreté des villes, le luxe des bureaux du siège de Carmin à ceux du ministre. Chacun va avoir des intérêts dans cette affaire, et agir pour en tirer parti au maximum.

Ce roman est fantastique à tel point qu’il m’a évoqué les plus grands romans du genre. Il se place fièrement à coté de La constance du jardinier de John Le Carré, avec ce rythme plus rapide, ce style plus moderne sans en faire trop. C’est un polar politique et d’’aventures, avec des barbouzes, des politiques, une entreprise française qui veut faire des profits, une entreprise chinoise qui veut mettre un pied en Afrique. Et en guise de victimes, on trouve le peuple congolais qu’on exploite, en guise de contexte. Car là encore, Emmanuel Grand n’en rajoute pas, il laisse le lecteur en avoir conscience en prenant un peu d’altitude. C’est très très fort. Et ce n’est que le troisième polar de cet auteur ! Décidément, Emmanuel est grand ! (Un grand merci à Boris, Facteur pour l’association 813, qui m’a soufflé cette dernière phrase)

Ne ratez pas les avis de Michelio, de Psycho-Pat ; de Coline ; et Joyeux Drille ;

 

Danser dans la poussière de Thomas H.Cook

Editeur : Seuil

Traducteur : Philippe Loubat-Defranc

Franchement, vous pensiez peut-être que j’allais laisser passer le dernier roman de Thomas H.Cook, cet auteur qui arrive à me surprendre à chacun de ses livres, et que je vénère depuis Les feuilles mortes ? Eh bien vous vous trompez. Voici donc mon avis sur son dernier roman en date, qui change de ses précédents, tout en gardant le même style de narration. Ça ne vous aide pas ? Lisez donc la suite …

De nos jours, Ray Campbell atterrit à Rupala, capitale du Lubanda, alors qu’il n’y a plus mis les pieds depuis une dizaine d’années. Au poste des douanes, on le fait passer par une porte où est affiché Passage Diplomatique. Puis, une Mercedes de luxe le conduit dans les rues envahies d’orphelins. Ray se rappelle qu’il est venu ici il y a plus de 30 ans, et qu’il y a rencontré et connu une jeune femme blonde, Martine Aubert. Elle était de naissance belge mais avait tenu à acquérir la nationalité lubandaise et travailler dans la ferme que son père tenait là-bas, à Tamusi, perdue en plein milieu de la savane.

Trois mois plus tôt, Ray n’aurait jamais imaginé qu’il reprendrait contact avec ce pays qu’il a tant aimé et tant défendu. Trahi aussi ? Il reçoit un coup de fil de Bill Hammond, un ancien ami qu’il a connu là-bas, à Rupala. Bill lui apprend que son ancien guide, Seso Alaya, s’est fait tuer à New York. Ray le considérait comme son ami. Seso s’est fait torturer comme on l’a fait dans la période sombre du Lubanda. Le numéro de téléphone de Bill a été retrouvé dans la chambre d’hôtel de Seso.

Bill demande à Ray de trouver pourquoi Seso a été assassiné. Bill étant à la tête de la banque Mansfield Trust, il voudrait s’assurer qu’il peut encourager des investissements en faveur de ce petit pays sans risques. Comme le travail de Ray est justement d’évaluer les risques financiers, il n’hésite pas longtemps à aider son ami. Mais il le fait aussi en mémoire de Martine Aubert …

La marque de fabrique de Thomas H.Cook est de démarrer une intrigue de nos jours, et de construire son histoire à l’aide de flash-backs dans le passé, ce qui permet de positionner des retournements de situation au moment où il le juge opportun. Et comme Thomas H.Cook est un grand, un immense auteur, ses romans sont tout simplement irrésistibles, géniaux. Celui-ci ne déroge pas à la règle.

Et on retrouve aussi ce formidable talent pour créer des personnages, qui par leur action ou leur vie, sont hors du commun. Ici, il s’agit évidemment de Martine Aubert, qui a décidé de vivre au Lusamba, qui a adopté leur nationalité et qui malgré tout, sera rejetée par ses habitants. Thomas H.Cook nous présente cela comme une histoire d’amour déçue, à sens unique, avec beaucoup de romantisme, mais cela lui permet aussi de creuser le thème central de son roman.

Car au travers de ce roman, Thomas H.Cook évoque un thème original : le rôle des ONG et l’influence des pays industrialisés sur les pays en voie de développement. Comme il le dit, souvent, on fait le mal en voulant faire le bien. Thomas H.Cook ne se positionne pas en juge, mais présente grace à son intrigue une situation qui permet de montrer comment les « grands » pays influent sur la destinée des petits. D’une grande lucidité, il montre comment on donne de la nourriture à ces pays uniquement s’ils acceptent certaines conditions, qui évidemment vont à l’avantage de leurs donateurs. Si personne n’est pointé du doigt, le lecteur est bien amené à réfléchir plus loin que le chèque qu’il rédige chaque fin d’année.

Et puis, Si ces arguments ne vous suffisent pas, sachez que, en seulement 350 pages, Thomas H.Cook invente tout un pays, son histoire, sa vie et ses coutumes, sa politique et son rôle dans la géopolitique, ses soubresauts, ses révolutions, son peuple. Tout cela au travers de l’itinéraire de quelques personnages rencontrés au fil de ces pages. Je vous le dis, Thomas H.Cook est décidément trop fort.