Archives du mot-clé Guerre 39-45

La douleur de Manfred de Robert McLiam Wilson

Editeur : Christian Bourgois (Grand format) ; 10/18 (Format Poche)

Afin de fêter leurs 60 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux 10/18.

Quand j’ai entamé cet hommage envers les éditions 10/18, j’avais mis de coté deux romans pour les mois de novembre et de décembre, deux auteurs que j’adore.

L’auteur :

Robert McLiam Wilson, né le 24 février 1964 à Belfast, est un écrivain nord-irlandais.

Robert Wilson est né dans un quartier ouvrier et catholique de l’ouest de Belfast. Il adopte le nom de plume McLiam Wilson pour ne pas être confondu avec les « dix mille Robert Wilson dans le monde entier » (McLiam est le mot gaélique pour Wilson).

Après avoir vécu à Londres et étudié durant quelques années la littérature anglaise à St Catharine’s College (université de Cambridge), il est revenu en Irlande du Nord pour donner des cours à l’université d’Ulster.

Dès son premier roman, Ripley Bogle (1988), il remporte plusieurs prix littéraires en Grande-Bretagne ou en Irlande, le prix Rooney de littérature irlandaise (1989), le prix Ted Hughes de poésie (1989), le prix Betty Trask (1990) et le Irish Book Awards (1990). C’est la biographie romancée, à portée autobiographique pour l’auteur, d’un SDF londonien, tout à la fois génial, mais aussi hautain et nonchalant, qui a érigé le mensonge en règle de vie.

Son œuvre la plus connue, celle qui l’a fait connaître, est Eureka Street. C’est un roman foisonnant avec comme personnage central la ville de Belfast et la période dite des «Troubles » entre catholiques et protestants d’Irlande du Nord.

Robert McLiam Wilson est contributeur à Charlie Hebdo depuis fin janvier 2016. Son premier article a été publié le 20 février 2016.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Dans son deuxième roman, l’auteur d’Eureka Street décrit avec une concision clinique les derniers jours d’un vieil homme, Manfred, qui souffre d’un certain nombre de douleurs : physiques – qu’il refuse de confier aux médecins et dont McLiam Wilson évoque les effets avec une minutie extraordinaire -, morales, liées au souvenir de la Seconde Guerre mondiale et a son mariage avec Emma, une rescapée des camps de la mort. C’est dans les rapports entre Emma et Manfred que se noue le roman: pourquoi un mari bat-il sa femme bien-aimée?

Le sait-il seulement? Pourquoi, vingt ans après leur séparation, les deux époux (ils n’ont pas divorcé) continuent-ils de se voir chaque mois sur un banc de Hyde Park, à Londres?

Pourquoi Manfred n’a-t-il pas le droit de regarder le visage de sa femme ?

McLiam Wilson nous fait partager les tourments, les joies et les indignations d’une fin de partie parfois beckettienne, où le tragique et le burlesque s’entremêlent en un savant dosage. Et personne, sinon Dickens, ne décrit avec autant d’amour un Londres fuligineux, détrempé ou mouillé de bruine, ses soleils brouillés, son pavé luisant de pluie, les fastes de certains crépuscules et l’ennui gris de l’aube.

Mon avis :

Eh bien, voilà ! ce roman qui m’avait été conseillé lors de la publication de mon billet sur Eureka Street a réussi à me choquer. Avec son style clinique, Robert McLiam Wilson ouvre son roman sur Manfred, un vieil homme qui se découvre une nouvelle douleur. Lassé par la vie, il est prêt à baisser les bras et laisser la maladie le ronger petit à petit, laisser le fil de vie quitter son corps fatigué.

On entre donc dans ce roman avec une grosse dose de sympathie et de pitié envers cet homme qui a décidé d’en finir. Petit à petit, de petits indices nous laissent entrevoir que la situation n’est pas aussi simple que l’on peut le croire. Jusqu’à la fin de la deuxième partie qui a complètement changé ma vision de Manfred, dans une bouffée soudaine de pure haine. Et pourtant, Robert McLiam Wilson n’est pas démonstratif à l’excès, et c’est probablement ce style froid qui s’avère frappant, choquant.

La construction et le déroulement de l’intrigue sont juste remarquables, la psychologie de Manfred éminemment complexe et la réaction de son entourage bien plus explicite que ce qu’il a dans sa tête. Robert McLiam Wilson ne justifie rien, aligne les actes, les situations et nous laisse conclure pour ce qui est un roman d’une extraordinaire justesse et d’un essor dramatique sans fond. Mon Dieu ! je n’imagine même pas comment l’auteur a pu finir un tel roman sans en ressentir un malaise abyssal.

Publicité

Le tableau du peintre juif de Benoit Séverac

Editeur : Manufacture de livres

Il doit me rester encore quelques romans à lire de Benoit Séverac. J’ai l’impression que ses romans surpassent ses précédents tant il est capable de nous parler de choses importantes tout en créant des histoires incroyables. Epoustouflant !

12 décembre 1943. Eli et Jeanne Trudel se pressent pour faire leurs bagages ; ils emporteront deux valises et les toiles d’Eli, peintre renommé. Leurs voisins Odette et Gilbert Trudel ont toujours été courtois, connaissant leur statut de juif. Gilbert travaillant à la préfecture, il vient de les prévenir d’une descente de la Gestapo. Eli et sa femme doivent donc fuir en espérant rejoindre l’Espagne.

Stéphane et Irène Milhas ont commencé par tenir un hôtel au centre de Firminy avant d’être obligés de mettre la clé sous la porte. N’écoutant que son esprit d’entrepreneur, Stéphane a créé une entreprise de transport avec trois camions. Mais le mouvement des gilets jaunes et l’incendie d’un camion a sonné le glas de cette nouvelle société. Depuis, Irène est vendeuse dans un magasin, et Stéphane se morfond au chômage.

La tante de Stéphane le contacte. Louise et Etienne sont des gens adorables qui doivent déménager dans un appartement plus petit que leur maison. Pour l’occasion, ils veulent se débarrasser de quelques objets. A cette occasion, ils lui proposent un tableau d’Eli Trudel, que son grand-père a hébergé et qu’il a reçu en remerciement. Pour Irène qui se renseigne, la cote de 100 000 euros du tableau permettrait d’embellir leur quotidien qui s’appauvrit. Stéphane voit dans ce tableau l’occasion de rendre hommage aux actes de bravoure de son grand-père. Il se met en tête de lui obtenir le titre de Juste parmi les Nations.

Benoit Séverac nous concocte ici une incroyable histoire, très détaillée, très documentée, ressemblant à un jeu de pistes. Stéphane n’y connaissant rien, il va franchir petit à petit les étapes lui permettant de faire reconnaitre ses aïeux en tant que Justes. L’auteur va nous raconter comment un ignorant va progresser dans cette quête totalement personnelle (mais j’y reviendrai plus tard).

De Firminy, Stéphane va donc voyager, tenter de retrouver des témoins, traverser la France, se retrouver en Israël, et terminer son voyage en Espagne. Je me demande si l’auteur n’a pas fait le même voyage en parallèle de Stéphane quand il écrivait son roman, tant tout m’a paru d’une véracité prenante. Pendant ce voyage, nous allons non seulement visiter un grand nombre de villes mais aussi en apprendre beaucoup sur les filières de passage de la France en Espagne pour les soldats, les combattants et les juifs. Nous allons même comprendre le rôle qu’occupait Franco pour conserver un semblant de neutralité dans cette guerre. Nous allons aussi découvrir les méandres pour atteindre le statut de Juste et apprendre que de nombreuses personnes cherchent à obtenir ce statut frauduleusement.

Mais ce que j’ai trouvé fascinant, dans ce roman, c’est le personnage principal, Stéphane. A partir du moment où il juge que sa quête est nécessaire, juste, il s’entête, s’obsède jusqu’à être prêt à laisser femme et enfants derrière lui, alors qu’il n’a rien à y gagner. Don Quichotte solitaire, luttant contre des vents plus forts que lui, il va aller au bout de sa mission, alors qu’il se rend bien compte du ridicule de sa situation et des conséquences qu’elles vont entrainer, et qu’il est prêt à assumer.

Pour moi, l’aspect psychologique de ce personnage qui s’entête et va au bout de son voyage est subjuguant, éblouissant, passionnant. On suit avec délectation cet homme qui prend une décision, terrible pour sa famille, s’enferme, apparait buté jusqu’au bout, mais montre une ténacité à toute épreuve sans que rien ne puisse le faire dévier de sa trajectoire. Cette histoire d’un homme qui a tort est un des grands moments de cette rentrée 2022.  

Blackwater de Michael McDowell : Tomes 3 & 4

Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Traductrices : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Annoncé comme une événement éditorial, Blackwater arrive enfin chez nous après quarante années d’attente. L’auteur, Michael McDowell, voulait divertir son public, et lui offrir une intrigue en six tomes à raison d’un par mois. Chez nous, les sorties se font à un rythme d’un tome toutes les deux semaines. Et quand on voit les couvertures, sublimes, on se plonge avec délectation parmi les flots agités de la Blackwater.

Tome 3 : La maison

1928. Bien qu’étant sœurs, les filles d’Elinor Miriam et Frances n’ont aucun contact l’une avec l’autre. Miriam est élevée dans l’opulence par Mary-Love Caskey et Sister sa fille, alors que Frances vit avec sa mère et son père Oscar. Une méfiance voire une rivalité s’est créée entre les deux jeunes filles et leur caractère totalement opposé, l’une pleine d’énergie et l’autre effacée et maladive. Frances veut aller à l’école et Miriam refuse de l’emmener voire même de lui adresser la parole.

La belle-sœur de James Caskey, Queenie Strickland s’est finalement installée à Perdido avec ses enfants, ayant échappé de peu à la violence de son mari Carl. Ne voulant pas être une charge pour la famille, elle suit des cours de dactylographie et se fait embaucher à la scierie où elle fait des merveilles. Malheureusement, Carl annonce son retour et un deuxième malheur va frapper cette petite ville, la crise économique de 1929.

Tome 4 : La guerre

A la suite da la disparition de Mary-Love, Sister qui ne revenait que pour les fêtes de Noël décide de venir s’installer à Perdido pour tenir compagnie et élever Miriam. La séparation d’avec son mari Early Haskew semble de plus en plus évidente tant celui-ci voyage toujours pour son travail et qu’il a repris ses mauvaises manières. Oscar décide d’investir tout son argent dans l’achat de terres alors que l’été s’annonce avec l’obtention du diplôme pour Miriam.

Miriam est devenue une jeune femme secrète et personne ne sait ce qu’elle envisage à la rentrée. Tout le monde la voit prendre la voiture le matin pour se faire bronzer sur la plage et Miriam décide d’inviter sa sœur à l’accompagner. Après une première journée de coups de soleil, Frances découvre les joies de l’eau, dans laquelle elle se baigne pendant toute la journée. Quant à Queenie, son fils lui cause bien des soucis, allant même jusqu’à faire le braquage d’une épicerie avec un complice.

Mon avis :

Ayant laissé passer un mois entre ma lecture des deux premiers tomes et ceux-ci, j’étais inquiet de savoir si j’allais m’y retrouver dans cette saga familiale. Heureusement, le résumé en introduction du livre et le talent de l’auteur font que l’on se retrouve bien vite en territoire connu et on retrouve instantanément le plaisir de replonger dans cette série décidément de grande qualité.

Je pense qu’il est inutile de vous signaler qu’il vaut mieux avoir lu les précédents tomes mais je vous rassure de suite, la lecture est toujours aussi plaisante, les événements toujours aussi nombreux et les dialogues plus présents et remarquablement bien faits. On y trouvera toujours ces petites touches de fantastique qui font la différence avec bien d’autres sagas et qui vont continuer puisqu’elles se transmettent de parent à enfant.

Si la ville de Perdido semble être un endroit tranquille, on la retrouve malmenée par les événements extérieurs, la crise économique dans le troisième tome avec la remise en cause de la survie des scieries, puis la deuxième guerre mondiale dans le quatrième avec une économie du bois florissante mais l’obligation de se plier aux rationnements et l’appel des jeunes à l’armée.

L’auteur malgré tout ne s’appesantit pas ces événements mondiaux, préférant rester dans son cocon de Perdido. Par contre, il donne la place belle à James, qui se sent de plus en plus seul, et prend sous son aile Danjo, le fils de Queenie et ces passages de pure poésie sont un ravissement. Rassurez-vous, de nombreux événements dramatiques vont survenir et la famille déjà divisée va devoir faire front, pour notre plus grand plaisir. Cette série s’impose comme une saga populaire incontournable.

Un monde merveilleux de Paul Colize

Depuis Back-up et Un long moment de silence, je suis et resterai à jamais fan des écrits de Paul Colize, pour ses personnages, ses intrigues et son message humaniste. Comme d’habitude, on trouve dans ce dernier roman plusieurs niveaux de lecture.

Le premier maréchal des logis Daniel Sabre a choisi le poste d’instructeur-chef de char, situé dans une base militaire belge en Allemagne. Marié à Catherine, il conçoit sa vie comme son métier : ordonné, respectueux des règles et aveuglément obéissant aux ordres. Ce matin-là, il est convoqué par le colonel Brabant. Afin de valider sa demande de promotion, il devra réaliser une mission spéciale.

Le colonel Brabant lui demande de quitter l’Allemagne pour la Belgique, et de récupérer à Bruxelles une jeune femme. Il devra suivre ses indications à la lettre, la conduire où elle veut pour une durée indéterminée, ne pas poser de questions et ne pas lui donner d’informations. Sabre rentre chez lui préparer ses affaires et quitte Düren en direction de la capitale belge à bord de la Mercedes 220D qu’on lui a fournie.

Le rendez-vous est fixé à midi et à 11h58, une jeune femme à l’allure altière, vêtue d’un long manteau gris l’attend sur le trottoir. Tel un chauffeur, il pose ses bagages dans le coffre,  juste au dessus de l’arme qu’il a pris soin de cacher sous la roue de secours. Marlène s’installe à l’arrière, et commence à remplir un petit cahier dans lequel elle écrit les souvenirs de ce voyage. Elle lui indique la direction de Lyon, et le voyage commence.

Paul Colize est connu pour allier la forme et le fonds à son sujet. On n’y trouvera donc pas de courses poursuites effrénées mais plutôt un aspect psychologique fouillé venant supporter un sujet historique, au moins pour ses derniers romans. Pour ce Monde merveilleux, il choisit le format d’un huis-clos pour opposer deux personnages qui n’ont rien en commun et remet en lumière un événement remontant à la deuxième guerre mondiale.

Deux personnages donc, vont intervenir dans ce roman, en alternance. L’un est un soldat et a été élevé pour obéir aveuglément aux ordres. L’autre est une jeune femme libre, à la recherche de son passé. Ils vont être enfermés dans une voiture et Paul Colize va nous montrer tout ce qui les oppose avant de trouver quelques événements qui va les amener à se découvrir, ou au moins à s’écouter voire se comprendre.

De façon totalement incroyable, Paul Colize nous passionne avec ces deux caractères forts qui ne sont pas prêts à remettre en cause leur éducation. Et il en profite pour nous poser la question de la conséquence de l’obéissance aveugle, qui aboutit entre autres aux horreurs que l’on a connues pendant la deuxième guerre mondiale. Ce qui, sans vouloir déflorer le scénario du roman, en devient un des sujets.

Entre chaque chapitre (ou presque), Paul Colize introduit de courts passages nous présentant des exemples précis de personnages réels ayant réalisé des actes ignobles et/ou horribles et certains (rares) de bonnes actions. Dans ce deuxième niveau de lecture, il nous montre ou plutôt nous demande si finalement, l’Homme n’est pas naturellement mauvais. A la lecture, on sent bien que cet humaniste dans l’âme est miné par les horreurs que l’on rencontre dans n’importe quel fait divers. Et le titre, qui fait référence à la chanson de Louis Armstrong, est formidablement trouvé pour tous ces thèmes qui s’emmêlent comme une remise en question de la nature de l’Homme. Excellentissime.

Terres brûlées d’Eric Todenne

Editeur : Viviane Hamy

Après Un travail à finir, que j’avais beaucoup aimé, je me devais de lire le deuxième opus de ces deux auteurs qui écrivent à quatre mains les enquêtes policières de Philippe Andréani et Laurent Couturier. Ce roman maîtrisé de bout en bout utilise une structure connue pour un résultat franchement emballant dans lequel on apprend plein de choses.

Alors qu’il est suspendu, le lieutenant Philippe Andreani s’encroute chez lui, et il faut bien sa fille Lisa pour le secouer un peu. Quand il retourne au boulot, c’est pour trouver une situation de panique : le commissaire Berthaud a fait muter le lieutenant Moret, un incapable notoire, et attend la visite d’un inspecteur de l’IGPN, un dénommé Detravers, connu pour son esprit pointilleux suite au suicide du chef de la section des stups Bardel.

C’est donc le couple Andreani / Couturier qui hérite des dossiers de Moret dans l’état qu’ils sont, c’est-à-dire en vrai bordel : les rapports quand ils sont faits ne sont pas rangés, les dossiers traînent partout. Comment choisir, dans un tel capharnaüm, une affaire plutôt qu’une autre ? En plus, le cinquantenaire Couturier a reçu une convocation du service médical pur vérifier sa forme, loin d’être olympique.

En prenant un dossier au hasard, ils trouvent une affaire d’incendie ayant entraîné la mort. Le corps de Rémi Fournier a été retrouvé dans sa maison carbonisée dans un petit village de Moselle, Laxou. Les deux lieutenants rendent visite à l’expert d’assurance qui leur annonce un incident domestique, une poêle qui a trop chauffé, l’homme qui est tombé inanimé. Il suffit d’un doute sur cent pour qu’Andreani fouille dans les méandres du passé. Et l’identité de la victime pose problème …

Si cette enquête fait directement suite à la précédente, elle peut être lue indépendamment, grâce aux rappels présents au début du roman, intégrés à l’histoire. Mais il serait dommage de se passer d’un tel plaisir. Je me rappelle que j’avais regretté le début de Un travail à finir. Ce ne sera pas le cas ici. Les auteurs ont choisi de hausser le rythme, de mettre en avant les psychologies des deux enquêteurs et c’est tant mieux. Si on accroche dès le début de l’histoire, alors on ne peut plus lâcher ce livre.

Car l’enquête va avancer doucement, faisant des allers-retours entre passé et présent et remonter jusqu’à la deuxième guerre mondiale et l’occupation allemande en Lorraine. On y découvre en effet une population qui a subi deux changements de nationalité en moins de 50 ans (suite aux guerres de 1870 puis 1914-1918) et qui se retrouvent à nouveau avec l’occupant allemand en 1940. Ajoutez à cela un village coupé en deux par l’occupation, et la chasse aux juifs et vous avez le contexte sans pour autant comprendre comment tout cela va s’agencer ni les drames qui vont survenir.

Le rythme va être lent, au contraire de Philippe Andreani, sur des charbons ardents, tout le temps stressé, cherchant à démontrer qu’il est utile à son service. L’écart est grand avec son partenaire Laurent Couturier qui envisage plutôt une préretraite tranquille sans se faire emmerder par qui que ce soit et qui doit gérer le fait que sa femme soit à l’hôpital. Cela va occasionner des frictions mémorables qui vont involontairement faire avancer l’enquête.

Il ne faut pas oublier non plus les personnages secondaires dont le légiste Legast doté d’un humour noir hilarant, ni le patron du bar Au Grand Sérieux, Pierre qui parsème ses joutes verbales de citations latines fort à propos et qui allègent le propos. On se retrouve avec un roman complet, passionnant, instructif et psychologiquement abouti qui me fait beaucoup pensé aux romans d’Arnaldur Indridason par sa structure et qui possède deux personnages en or que l’on a envie de suivre plus avant. Voilà un formidable polar pour tous ceux qui aiment que les situations s’installent gentiment et que les histoires dramatiques soient présentées placidement. J’adore !