Archives du mot-clé Hervé Commère

Déstockage : Cinq Polars du XXIème siècle

Editeur : Capricci

Au hasard de mes fouilles dans mes bibliothèques, je tombe sur des livres dont je ne savais même pas qu’ils étaient là. Voici un recueil de nouvelles très intéressantes, qui démontrent l’amoralité moderne de la société. Je dois ajouter que ces nouvelles sont agrémentées de très beaux dessins signés Adrien Demaint et Jean Harambat.

Mirage Hôtel d’Anne Bourrel :

Robert Henry Charles Lebœuf se fait appeler Roberto quand il arpente les bals privés. Il aperçoit Rita, une superbe femme qu’il invite à danser le tango. Cette danse, qu’ils maîtrisent tous les deux, les emporte sur les rives de la passion. Roberto est fauché, Rita riche d’un héritage qui lui permet de vivre dans des palaces. De la somptuosité du tango va naître une relation faite d’amour et de sang.

C’est bien la première fois que je lis une nouvelle chorale, laissant la parole alternativement à Roberto puis à Rita. C’est avec beaucoup de subtilité et de douceur que l’on s’enfonce doucement dans cette histoire, avant de plonger dans une noirceur à la couleur rouge et au gout de sang. Le jeu des couleurs et la souplesse des mouvements font de cette nouvelle une belle expérience de lecture. Belle comme une lame effilée.

Un chagrin d’amour de Sébastien Gendron :

« On n’aurait jamais dû retourner chez la veuve Kersan ce soir-là ». Deux jeunes gens de 18 ans vivent de fantasmes et de bières. Ils rêvent de se faire la vieille Kersan et le commandant Lorseau leur propose un marché : étant amant de Mme Kersan, ils doivent se débarrasser du mari avant de pouvoir profiter de la veuve.

Voilà une histoire racontée à la première personne du singulier et écrite avec beaucoup de fluidité. Le style est à l’opposé de cette histoire, qui va pencher vers le glauque voire l’horreur de la part de jeunes gens qui ne s’appliquent aucune limite, même les plus atroces. Rythmée par des musiques modernes, cette nouvelle ignoble dans ce qu’elle implique se conclut sur une chute amorale, à l’instar de toute l’histoire.

Taire de Frédéric Jaccaud :

Hervé a perdu l’audition à l’âge de 6 ans. Il a grandi chez Maman. Devenu adolescent, il s’est créé son monde, autour de jeux de stratégie, de sa copine Leila. Et puis, il y a la voisine, Mathilde …

Il est bien difficile de faire ressentir l’enfermement et l’isolement que peut ressentir un sourd. Frédéric Jaccaud s’en sort admirablement dans cette nouvelle, en nous narrant une histoire qui peut sembler cruelle, mais qui montre surtout un Hervé qui va atteindre le plaisir, tout simple et bien noir.

Tomatic de Hervé Commère :

Il sort de prison après 6 mois pour trafic de drogue. Il retrouve ses deux potes Gary et Pouic qui ont une idée géniale : retaper un vieux distributeur automatique qui ne fonctionne qu’avec des pièces de 2 francs. Sur l’étage du haut, ils mettront des barrettes de shit dans des emballages de Mars, et vendront les pièces à leurs clients. Mais tout ne va pas de passer comme cela était prévu.

Hervé Commère nous offre une petite nouvelle bien sympathique où le petit groupe des trois amis se rêvent inventeurs de génie, en renouvelant le trafic de drogue. Sur un ton léger et fort bien écrit, il nous refait la fable de la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf dans un contexte moderne, une sorte de démonstration grinçante du marketing moderne. Et cela est bien distrayant, cyniquement noir.

Mauvaise journée, hier de Sophie Loubière :

Emilie se réveille, la tête en vrac. Impossible de se rappeler ce qu’elle a fait hier ! Le réveil affiche 7H45. Il n’a pas sonné. Elle va pour réveiller Philippe, mais sa place dans le lit, à coté d’elle est vide. Elle se lève et fonce dans la chambre des deux petits pour les houspiller, sinon ils vont être en retard à l’école. Les deux petits lits ne sont même pas défaits. Mais que s’est-il donc passé entre hier et aujourd’hui ?

D’un mystère prenant comme base une situation quotidienne banale, Sophie nous plonge dans un questionnement qui montre Emilie à la fois coupable puis innocente puis victime puis … La simplicité de l’écriture mais aussi sa précision chirurgicale font de cette nouvelle un petit bijou noir. J’adore !

Publicité

Imagine le reste de Hervé Commère (Fleuve éditions)

Hervé Commère n’est pas un inconnu dans le monde du polar. Car, avec un style simple et imagé, il créé des intrigues qui se révèlent étonnantes et pleines de créativité. Ce roman, si vous vous baladez dans le petit monde des blogueurs est tout simplement encensé par tous ceux qui l’ont chroniqué. D’ailleurs, le bandeau du livre est explicite : « Conquis ou remboursé ».

Le livre s’ouvre sur l’itinéraire de deux copains, deux amis inséparables, Frédéric Abkarian et Karl Avanzato. Originaires de Calais, ils vivent de petits délits, mais surtout, ils ont été livreurs de mystérieux paquets pour un caïd du coin, Cimard. Fred s’est fait serrer, a fait quelques mois de prison, et retrouve son pote, qui l’attend dans la voiture de sa mère. Sur le siège arrière, il y a une sacoche. Et dans la sacoche, il y a deux millions d’euros.

Ils envisagent de prendre l’autoroute qui les mènerait en Aquitaine. Ils vont rejoindre la fille de leur rêve, Carole. Elle habitait aussi à Calais, et tous les deux étaient amoureux d’elle. %ais elle est partie à Bordeaux quelques années auparavant. Karl explique comment il a volé l’argent à Cimard, l’emmène au Touquet pour lui faire visiter la demeure du mafieux, qui est parti en vacances en Thaïlande.

Puis ils se dirigent vers le sud, rejoindre leur rêve inaccessible. C’est là-bas que va se dérouler le drame …

Le roman va se poursuivre en nous présentant un chanteur doué mais qui n’a pas encore rencontré le succès … jusqu’à ce qu’il rencontre un producteur octogénaire. Le livre de Hervé Commère est composé de quatre chapitres, qui se nomment Karl, puis Nino, puis Serge puis All together … comme la chanson des Beatles. D’ailleurs, il sera beaucoup question de musique dans ce roman.

La première partie du roman est tout simplement géniale. Il y a dans ce début tout ce que j’adore dans les romans de Hervé Commère. Des chapitres courts, une innovation à chaque chapitre, des rebondissements, des retournements de situation, et un réel talent pour peindre des personnages simples et attachants. Franchement, quand il écrit comme ça, je pourrais lire des centaines de pages sans même m’en rendre compte, tant je me laisse emporter.

Puis vient la deuxième partie avec un énorme retournement de situation. Et là, je me dis : « Chouette, ça repart sur de bonnes bases, je vais m’éclater ». Evidemment, on y parle de Nino, chanteur doué, dont le rêve est de devenir connu, ou du moins d’être reconnu à sa juste valeur. Et là, je ne sais pas pourquoi, mais je me suis détaché du roman. Je n’ai plus été intéressé, pris par la trajectoire de Nino. En gros, ce qui pouvait arriver à Nino m’indifférait. Il y avait bien quelques rebondissements avec lesquels je me retrouvais, mais j’ai trouvé cette partie … longue.

Puis viennent les deux autres parties où à nouveau, je suis emballé par ce que Hervé Commère a écrit. Si vous cherchez des avis sur Internet, vous ne trouverez, sauf erreur de ma part, que des avis élogieux, voire des coups de cœur. Tout ça pour vous dire que j’adore Hervé Commère, que j’ai adoré son livre, sauf la deuxième partie, où je suis passé à coté. Ça doit surement être ça, une rencontre ratée.

Il ne vous reste plus qu’à aller voir du coté de Yvan, Claude, Unwalkers, Cannibaleslecteurs, Foumette, entre autres.

J’attraperai ta mort de Hervé Commère (Pocket)

Que voilà un excellent petit polar, par la taille bien sur, au scenario implacable. C’est aussi une découverte en ce qui me concerne, avec la lecture du premier roman de Hervé Commère, un roman impressionnant de maitrise.

Paul Serinen est un cambrioleur qui peaufine ses coups pour éviter toute effusion de sang. Il peut mettre plusieurs jours, plusieurs semaines avant de passer à l’action. S’il doit faire appel à des complices, alors il s’arrange pour que ceux-ci ne le voient pas, passant par les petites annonces pour organiser les rendez vous.

Paul est sur un coup. Il suit des camions qui sortent d’une usine. Il est patient, et attend plusieurs jours avant d’en suivre un qui se dirige vers le nord. Dans un parking d’autoroute, il subtilise le camion rempli de sacs en crocodile de luxe. Il conduit alors jusqu’à son receleur à Rotterdam et récupère plusieurs dizaines de milliers d’euros pour cette affaire. Il va acheter une maison à Etretat et va s’attaquer à sa prochaine affaire.

Mais à force de tirer le diable par la queue, l’une de ses affaires va le confronter à un riche diamantaire et un cancer du pancréas va arrêter sa destinée …

Sacrée découverte que ce roman, découpé en deux parties : l’une est consacrée à Paul Serinen, l’autre aux futurs acheteurs de la maison du cambrioleur. Si le but n’est pas de s’identifier au voleur, d’en éprouver une quelconque affection ou même de le détester, il s’agit bien de suivre une histoire dont les fils sont irrémédiablement tissés pour raconter une aventure implacable dont la conclusion n’est pas sans humour … noir.

Le style de l’auteur est à l’avenant, montrant un pointillisme sans faille, montrant tout le raisonnement de ce cambrioleur qui met tous les atouts de son coté pour ne pas faire la moindre erreur. S’il a parfois des doutes, il bâtit son affaire avec le plus grand soin et s’avère un voleur pointilleux ne laissant derrière lui aucune trace.

La deuxième partie du roman est consacrée au couple qui va acheter la maison d’Etretat. S’ils sont totalement innocents, ils vont se montrer trop curieux pour une broutille, et la mécanique implacable du polar va se mettre en route vers une conclusion à la fois amusante et jouissive.

Indéniablement, ce roman permet de découvrir un auteur à la logique impressionnante et dont j’attends beaucoup pour ma prochaine lecture. Un coup d’essai formidablement réussi, pour un moment de lecture hautement jouissif. Ne passez pas à coté de cet excellent scenario d’autant plus qu’il vient d’être édité en format de poche et qu’il vous garantit deux heures de lecture de haute qualité.