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La vérité engendre la haine de Nicolas Bouquillon

Editeur : Ex-Aequo éditions

Il suffit de peu de choses pour tomber sur un roman bigrement instructif : un gentil mail de l’auteur, un livre distribué par mon nouveau facteur, une lecture vorace … typiquement la chance du blogueur de découvrir un nouvel auteur !

Pharaon Tarlais, éternel étudiant d’une trentaine d’années, a réussi à trouver un poste de stagiaire chez la sénatrice Sophie Dutertre et se sont trouvé de nombreux points communs, dont leur origine nordiste et une passion pour l’histoire institutionnelle de notre pays. Quand il arrive ce matin-là, il la découvre battue à mort dans son bureau, un voile blanc posé sur son visage. Il appelle immédiatement la police.

La lieutenante Gloria Novacek est dépêchée immédiatement sur les lieux. Ce meurtre est vu comme une attaque contre la République et traité en priorité, comme un acte terroriste. Bien qu’elle ait la cinquantaine, elle est aussi exigeante envers son travail qu’envers elle-même en tant que sportive accomplie. Quand elle se retrouve face à un jeune homme qui ne se décide pas à se choisir une voie professionnelle, elle a du mal à le prendre au sérieux.

Ressentant une sorte de culpabilité envers sa maîtresse de stage, Pharaon va étudier les détails en lien avec les Royalistes et les partager avec la lieutenante qui l’écoute d’une oreille distraite, quand un ancien ministre est retrouvé la tête tranchée, puis un journaliste spécialisé dans les histoires des dirigeants égorgé. Et à chaque fois, Pharaon y trouve des indices qui le confortent dans son idée que la clé du mystère est à trouver dans notre histoire.

Les premières pages surprennent par la plume de l’auteur que l’on a plus l’habitude de lire en littérature blanche. On y trouve peu de dialogues, de longues et belles phrases et les décors sont aussi rutilants que les expressions utilisées. Même si l’auteur en rajoute un peu (et c’est très rare), je dois dire qu’il montre une belle maitrise dans la construction des personnages, dans le déroulement de l’intrigue et dans l’opposition psychologique.

D’un coté Pharaon, éternel étudiant ne sachant pas se choisir un avenir professionnel mais d’une érudition incroyable ; De l’autre, Gloria, femme forte, exigeante, adepte de sports de combat, vivant à un rythme incroyable. Ces deux-là n’ont aucune raison de se côtoyer ni de s’apprécier et l’auteur évite une histoire d’amour qui aurait été pour le coup trop improbable. Passant de l’un à l’autre, on suit avec grand plaisir cette histoire.

Nicolas Bouquillon nous livre des rebondissements entre quelques révélations historiques sur notre pays démocratique, sur notre république et comme cela n’est pas pompeux, cela m’a passionné ; je suis même allé chercher des informations complémentaires sur Internet, sur cette période de la troisième république que je connais si mal.

Et puis, à partir de la moitié du roman, l’intrigue policière laisse sa place à une course poursuite puis à une chasse à l’homme (et à la femme) et le rythme s’accélère tout logiquement. L’auteur se permet même une scène dantesque de manifestation particulièrement réussie. Bref, ceux qui cherchent un roman policier instructif et fort bien construit, n’hésitez plus, ce roman est fait pour vous. Et allez savoir, peut-être y aura-t-il une suite ?

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La fabrique de la terreur de Frédéric Paulin

Editeur : Agullo

Attention, coup de cœur !

Après La guerre est une ruse puis Prémices de la chute, voici donc le troisième et dernier tome consacré au terrorisme moderne et à Tedj Benlazar, agent de la DGSE ayant vécu les soubresauts mondiaux des années 90 à aujourd’hui. Avec ce roman, cette trilogie se clôt de façon grandiose, passant en revue le monde de 2010 à 2015, tant Frédéric Paulin atteint un sommet en terme de roman politique international.

Janvier 2011, Sidi Bouzid, Tunisie. Mohamed Bouazizi vit dans la misère et ce n’est pas les quelques fruits et légumes qu’il arrive à revendre qui l’aident à s’en sortir. A bout, refusant de payer un bakchich aux policiers, il décide de s’asperger d’essence et s’immole par le feu. Cet appel au secours va entraîner le soulèvement du peuple tunisien, demandant le départ de Ben Ali, leur président.

Mis à la retraite prématurément, Tedj Benlazar termine sa vie dans une maison à Pontempeyrat. Mais il est hanté par ses cauchemars, et par les soucis que lui occasionne sa fille Vanessa, reporter international, qui veut couvrir la révolution du Printemps arabe qui s’annonce. Et il voit trop peu Laureline Fell, sa compagne, devenue commandant à la DCRI de Toulouse, nouvellement créée par Nicolas Sarkozy.

Vanessa Benlazar voit que le monde arabe est en train de basculer. Elle est de plus en plus absente, pour des voyages à l’étranger, et délaisse sa vie de famille, ses deux enfants Achille et Arthur, mais aussi son mari Reif, professeur de collège. Celui-ci décide d’ailleurs d’accepter une mutation dans le sud de la France à Lunel, proche de Montpellier, où le taux de chômage est dramatique.

Simon habite Lunel et il sait bien que travailler à l’école ne va le destiner qu’à gonfler le nombre de chômeurs. Et puis, il ne se reconnait pas dans la direction que prend cette société. Son copain Huseyin lui fait rencontrer Hasib, qui voyage au Maghreb et porte la bonne parole, celle de défendre leurs frères. Simon finit par se convertir à l’Islam, à regarder des videos de propagande sur Youtube, à écouter les discours religieux puis à rejoindre la Syrie pour défendre les croyants contre les haram.

J’ai déjà tout le bien que je pense de cette trilogie et tout le talent de conteur de son auteur Frédéric Paulin. Je ne vais pas vous dire que ce roman est comme les deux précédents, juste qu’il clôt de façon magistrale une trilogie sur notre Histoire contemporaine de façon énorme, gigantesque. Ce roman est d’une intelligence et d’une force telles que l’on ne peut qu’être ébahi devant cette œuvre.

Quelle force dans la construction ! Passant d’un personnage à l’autre, sans que nous, lecteurs ne soyons perdus, Frédéric Paulin plonge dans le cœur de l’histoire contemporaine pour nous montrer les mécanismes qui aboutissent aux actes terroristes qui nous ont tant marqués. Il mélange faits historiques et scènes inventées avec une maestria qui le fait rejoindre les plus grands auteurs du genre.

Quelle force dans les personnages ! Car ce sont eux qui sont au premier plan. Ce sont eux qui sont menés par leurs propres objectifs, que ce soit Vanessa poussée par sa volonté d’informer, Laureline par sa volonté de protéger les populations ou Simon par sa volonté de suivre ses croyances. Frédéric Paulin évite de faire de ses personnages des caricatures pour creuser leurs motivations et leur psychologie. C’est grand !

Quelle force dans l’histoire ! En ne prenant pas position, en plaçant ses personnages au premier plan, Frédéric Paulin arrive à nous écrire l’histoire de ce 21ème siècle sanglant. Il nous explique les rouages, les clans qui se créent et qui se combattent. Il n’accuse personne si ce n’est les gouvernements qui ont laissé le désespoir s’installer, le chômage grossir et la recherche d’un monde meilleur comme seul et unique but dans la vie ; ces gouvernements qui ont minimiser les risques et favorisé l’éclosion de la technologie, celle-là même qui permettra aux terroristes de frapper au cœur même des pays.

Quelle force dans le style ! Jamais dans le livre, on ne se dit que Frédéric Paulin en fait trop. Jamais on ne se dit que tel événement ou scène a été rajoutée pour les besoins de l’intrigue globale. Tout y est d’une évidence rare et ce roman démontre une nouvelle fois que Frédéric Paulin est un conteur hors pair, que l’on est prêt à suivre n’importe où, quelque soit l’histoire qu’il nous raconte.

Quelle force dans l’évocation et dans les émotions ! Car il ya  quelque chose d’inéluctable dans ce roman : c’est que nous savons ce qui va arriver. Comme dans Prémices de la chute, nous savons que cela va se terminer par le massacre du Bataclan. Et nous avançons comme des soldats sur le front, en sachant qu’au bout, la Mort nous attend. Et malgré cette absence de suspense, le roman nous réserve des rebondissements d’une force émotionnelle qu’on en ressort bouleversé, le cœur serré.

Ce roman est un grand roman, cette trilogie est une grande trilogie. Elle permet, grâce à ces personnages formidablement vivants, de nous montrer les rouages d’une série meurtrière, voire même de nous expliquer la situation actuelle … car ce n’est pas fini, hélas ! Le monde continue de tourner, et les décisions politiques sont telles qu’elles créent de plus en plus de réactions violentes. Magistral !

Coup de cœur !

Ne ratez pas les avis de Quatre sans Quatre, Yves ou Velda

La femme qui avait perdu son âme de Bob Shacochis

Editeur : Gallmeister

Traducteur : François Happe

Je vous propose une lecture estivale, un pavé de 870 pages, que vous n’êtes pas prêt d’oublier. C’est une lecture que je dois à mon ami Petite Souris, qui a parfaitement ciblé le genre de roman qui peut me plaire. Il est à noter que ce roman a été finaliste du Prix Pulitzer et qu’il aurait mérité de gagner. Au passage, ne ratez pas l’excellent avis de Cédric Segapelli

Tom Harrington a été bénévole en Haïti en 1996, tentant d’apporter le nécessaire pour survivre à une population en prise avec les désastres des différentes guerres civiles. Deux ans plus tard, il est revenu aux Etats-Unis à South Miami et joue son rôle de père de famille, tout en sachant qu’il lui manque le grand air des voyages.

Alors qu’il attend sa fille à la sortie de son école privée, un homme demande à le voir. Il s’agit de Conrad Dolan, ancien du FBI, qui travaille maintenant en indépendant. Dolan a été garde du corps pour un couple américain les Gardner, et les a suivis à l’Hôtel de Moulin-sur-Mer en Haïti. Un soir, ils se sont fait arrêter par une voiture et les passagers ont assassiné Renée Gardner en laissant le corps sur le bas-côté. La police locale est intervenue trop tard, relevant les traces, puis a emporté le corps de la jeune femme. Puis, de retour à Miami, le mari a été emprisonné pour « meurtre d’un citoyen américain à l’étranger ». Dolan n’y comprend rien et veut en savoir plus ; Harrington est le mieux placé pour l’aider dans sa quête.

Harrington finit par accepter, sa soif de revenir dans cette île qu’il a tant aimée a été la plus forte, au détriment de sa vie de famille. Leur enquête leur indique que cette femme était là-bas pour un reportage. Mais quand Harrington aperçoit la photo, il se rend compte qu’il la connait, qu’il ne la connait pas sous ce nom, que pour lui, elle s’appelle Jackie Scott. Il l’a rencontrée quelques années auparavant lors du repérage d’une équipe de cinéma. Elle était photographe et il lui a fait visiter son île. Mais qui était-elle réellement ?

Il faut du souffle, de l’appétit pour dévorer ce roman, et les premiers chapitres emplis d’une aura de mystère vous mettent l’eau à la bouche. Divisé en cinq parties, ce roman fait la part belle aux personnages qui vont croiser et fréquenter cette jeune femme mystérieuse. La première partie mettra au premier plan Harrington et Dolan. La deuxième nous enverra en Croatie en 1944 en mettant en avant Stjepan Kovacevic, un garçon de 8 ans, qui verra son père mourir sous ses yeux et qui vouera sa vie à sa vengeance. La troisième partie nous fera visiter Istambul en 1986, où la jeune adolescente Dorothy Chambers sera formée par son père aux techniques de l’espionnage. La quatrième partie sera consacrée à Erville Burnette, un jeune soldat des forces spéciales américaines. La cinquième viendra clôturer en beauté ce roman plein, complet, abouti.

Ce roman va aborder la géopolitique, et les actions menées en sous-main par les services secrets, en particulier américains. Mais au-delà de ce contexte, l’auteur place au premier plan ses personnages, et les positionne face à un dilemme : Choisir d’obéir à son pays ou respecter ses propres valeurs. Dans un monde flou de faux semblants, tout y est mensonge et ceux qui croient maîtriser les situations se trompent lourdement devant les desiderata des dirigeants dont on ne connait jamais les noms.

D’une puissance évocatrice rare, on entre dans ce roman par la petite porte, qui cache en réalité un porche de scandales, au nom d’intérêts importants et primordiaux, au détriment de vies humaines, souvent innocentes, nommées dommages collatéraux. A partir de cette petite porte, on ne trouvera pas d’issue satisfaisante, jusqu’à cette fin qui nous montrera que tout ce que nous voyons, tout ce que nous croyons est faux. Amour, mensonges, trahisons, faux semblants et magouilles politiques sont mis en scène de façon grandiose.

Parfois difficile à appréhender, c’est un roman qui se mérite ; il faut parfois insister pour en tirer la substantifique moelle. La deuxième partie, en Croatie, en particulier, m’a paru longue, moins passionnante, même si elle apporte la première pierre de cette édifice. Mais tout le reste est juste magistralement construit, écrit, composé et magnifié par une langue rare et évocatrice de la part d’un auteur qui entre dans le panthéon des plus grands auteurs américains contemporains

Rouge parallèle de Stéphane Keller

Editeur : Toucan

J’ai un peu de mal à croire, après avoir tourné la dernière page de ce roman, qu’il s’agit d’un premier roman. Certes, l’auteur est un scénariste chevronné, pour la télévision et le cinéma. Mais de là à écrire un tel roman, il y a un pas. Et vous savez mon aversion vis-à-vis des films contemporains. Nous sommes dans un roman, un vrai roman, un grand roman, qui nous fait revivre les années 60 et en particulier l’année 1963.

3 janvier 1963. Son passeport le désigne comme un Corse, nommé Vincent Cipriani. Ancien di 1er REP, clandestin de l’OAS, il se nomme en réalité Etienne Jourdan. Il est accoudé au comptoir du café de la Tour de Nesle, dans l’anonymat le plus complet et est recherché par toutes polices de France. Son premier meurtre, ce fut un soldat allemand, le jour de ses 17 ans. Entré dans la maquis, il a participé à la libération, puis partit en Indochine, puis passerait par l’Algérie.

En sortant du café, il tombe sur deux jeunes flics. En fuyant, l’un d’eux, Norbert Lentz, glisse sur un toit, se retient à une gouttière. Jourdan va le sauver, mais va se faire arrêter. Après son interrogatoire, il va être transférer par fourgon, et un groupe de soldats va organiser son évasion. Le groupe est dirigé par un américain, le colonel Hollyman, qui fait officiellement partie de la CIA. Hollyman va fuir la France avec Jourdan, après s’être assuré qu’il accomplirait la mission secrète qu’il a à lui confier.

Hollyman est ce qu’on pourrait qualifier de pédophile psychopathe. Il a toujours eu des problèmes avec les femmes. Pour autant, il n’aime pas les hommes non plus. Il a toujours aimé les jeunes filles. Alors qu’il était soldat dans l’armée, détaché en Allemagne, il avait tué et violé une jeune fille de 12 ans, et avait connu sa plus grande jouissance. Mais personne ne connait sa part sombre, et on lui confie toujours des opérations délicates.

Norbert Lentz, le jeune policier, est âgé de 23 ans. Marié, père d’un bébé, il vit une vie tranquille avec sa femme Denise. Lors d’une de leur sortie au cinéma, elle est bousculée par un beau jeune homme, de type italien, et leur complicité est immédiate. Ils s’enferment dans les toilettes et font l’amour debout. Denise aime le sexe avec les inconnus et Norbert ne se rend compte de rien. Mais ce beau jeune homme pourrait changer leur vie à tous les deux.

Ah, les années 60 ! Les années bonheur, les années folles, les années yé-yé. Vu d’aujourd’hui, on peut éprouver de la nostalgie pour une époque où il y avait le plein emploi, où les gens savaient s’amuser et où les seuls souvenirs qui nous arrivent sont peuplés de fleurs et de sourires. Je ne vous cache pas que ce n’est pas complètement ce que Stéphane Keller nous décrit ici. Rouge parallèle, c’est la couleur du sang, qui va servir de trace de deux itinéraires, celui de Jourdan et celui de Lentz.

Dès le début du roman, le ton est donné et le parti-pris de l’auteur clairement affiché. Nous allons avoir la description d’une société qui n’a pas oublié la deuxième guerre mondiale et qui est embringuée dans des conflits locaux qui impliquent les plus grandes puissances mondiales. A travers ces deux personnages, Hollyman étant un peu en retrait comme un catalyseur, Stéphane Keller nous décrit deux pays en proie aux ressentiments et aux alliances de circonstance, aux grandes trahisons et aux grands mensonges.

Avec une belle lucidité, la France est montrée comme une nation dirigée par un personnage omnipotent, régnant sur la politique, la police et la presse, passant au travers d’attentats et ayant construit son pouvoir entre fascisme et communisme, en piochant un peu de ci, un peu de là. Les Etats Unis en sont au même point, ayant mis au pouvoir un homme porté par l’argent de la mafia et tournant le dos aux agences gouvernementales pour afficher son grand sourire devant les médias.

Deux hommes vont traverser cette période charnière, cette année 1963 qui va changer le monde, qui va faire atterrir le peuple et lui rappeler que nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours. Ces deux hommes ont perdu leurs illusions et avancent comme des spectres, semant les cadavres comme autant d’appels au secours du monde. Je ne suis pas en train de défendre ces deux figures qui vont tenir le roman au bout de leurs armes, mais juste essayer de vous donner envie de lire ce formidable roman.

Passant de Jourdan à Lentz, sans avoir de schéma établi, Stéphane Keller écrit là un roman qui doit lui tenir à cœur tant il y a mis de la passion, une passion qu’il nous transmet au travers de ces presque 400 pages, sans que l’on n’y ressente une once de lassitude. L’histoire est racontée avec une telle évidence, avec une telle fluidité qu’on ne peut qu’être ébahi devant le talent brut et époustouflé par cette histoire dans l’Histoire. S’il y avait sur Black Novel une palme du meilleur premier roman 2018, Rouge parallèle l’obtiendrait haut la main.

L’ami Claude a donné un coup de cœur à ce roman. Ne ratez pas son avis ici

Oldies : La reine de la nuit de Marc Behm

Editeur : Rivages Noir

Traducteur : Nathalie Godard

Je continue ma rubrique Oldies qui est consacrée en cette année 2018 à la collection Rivages Noir. Voici un roman choisi presque par hasard dans ma bibliothèque, puisque j’ai suivi le bandeau signé Romain Slocombe : « L’apocalypse érotique du IIIème Reich ».

L’auteur :

Marc Behm, né le 12 janvier 1925 à Trenton, New Jersey, mort le 12 juillet 2007 à Fort-Mahon-Plage (Somme), est un écrivain de roman policier et un scénariste américain ayant vécu à Paris en France. Behm a écrit le scenario du film Help ! des Beatles (1965) et de Charade (1963). Son roman le plus connu est le roman noir surréaliste Eye of the Beholder (1980), traduit sous le titre Mortelle randonnée.

Behm a développé une fascination pour la culture française tout en servant dans l’armée américaine pendant la seconde guerre mondiale; plus tard, il est apparu en tant qu’acteur sur plusieurs programmes de télévision français, avant de s’y installer de façon permanente.

Ses romans font preuve d’un humour ravageur et d’un style surréaliste.

Quatrième de couverture :

La mère d’Edmonde Kerrl adorait Wagner, mais son père traduisait Shakespeare. Elle fut donc prénommée Edmonde en l’honneur du traître Edmund dans le roi Lear. Rien d’étonnant à ce qu’elle soit devenue la « reine de la nuit », ait rejoint le parti nazi sur un malentendu et, d’aventures en tribulations, se soit retrouvée membre des S.S. puis dans le lit d’Eva Braun…

Premier roman de Marc Behm au scénario pour le moins déroutant, la reine de la nuit est un livre à l’humour noir ravageur, dont l’exceptionnelle force subversive n’a pas fini de marquer les esprits. On peut y trouver une parenté avec le Inglourious Bastards de Tarantino, mais le ton de Marc Behm est unique comme l’est sa façon d’aborder le basculement dans la folie totalitaire à travers un thriller palpitant.

« Quoi qu’il en soit, un fabuleux roman. » Jean-Pierre Deloux, Polar

Mon avis :

Edmonde Kerrl, voilà un nom que je ne risque pas d’oublier, même si j’ai plus ou moins apprécié ce roman. Cette jeune femme va nous raconter sa vie, guidée par ses pulsions sexuelles et l’absence de son père, à travers la montée et la chute des nazis en Allemagne. De son adolescence et la découverte de ses premiers émois avec sa cousine jusqu’à sa condamnation à mort, elle ne nous cache rien et Marc Behm nous rend ce roman à la fois érotique et horrible, violent jusqu’à l’inacceptable et sarcastique.

Grossissant le trait jusqu’au grotesque, Marc Behm a certainement voulu montrer l’absurde du nazisme. Mais là où cela cloche, ce sont toutes ses libertés prises vis-à-vis de la vérité historique et le déroulement de l’intrigue qui place Edmonde toujours là où il se passe quelque chose.

Elle va fréquenter les plus hauts dignitaires de l’Allemagne, grâce aux innombrables orgies auxquelles elle participe, va frayer son chemin sans le vouloir, car elle n’est pas plus nazie qu’une autre. Elle est juste guidée par son égoïsme et son seul plaisir. Si au début j’ai bien accroché, surtout par l’acuité de la psychologie, j’ai petit à petit relâché mon intérêt par la violence de la fin. Vous êtes prévenus, c’est une sacrée charge contre le nazisme, sur un ton sarcastique et cynique mais c’était un peu trop pour moi.

Toutes ces nuits d’absence d’Alain Bron

Editeur : Editions Les chemins du hasard

Son précédent roman, Le monde d’en bas, m’avait impressionné, à tel point que j’avais regretté de l’avoir laissé dormir sur mes étagères trop longtemps. Toutes ces nuits d’absence confirme qu’Alain Bron est un auteur à la plume rare qui parle de sujets graves.

Jacques Perrot est écrivain et était en train de déguster son thé, quand son chat Iago fit des siennes : perché sur une étagère, il fait tomber une boite métallique. Quand celle-ci tombe par terre, elle s’ouvre et répand son contenu : de vieilles photos datant de la jeunesse de l’auteur. Parmi elles, Jacques Perrot trouve une vieille photographie de classe, quand il était au lycée de Troyes. Il se rappelle aussitôt Brigitte, son amour de jeunesse, retrouvée assassinée.

Ce meurtre lui a laissé un gout amer dans la bouche. C’est Brigitte qui l’a initié aux joies de l’amour, en 1966. Elle avait son appartement et il la retrouvait après avoir traversé la ville sur son vélo de course jaune. Si elle avait une réputation de fille facile, il s’en moquait bien, puisque la seule chose qui comptait pour lui était son amour pour elle. Tout cela s’est terminé par un corps abandonné, après avoir été violé et étranglé.

Jacques Perrot s’arrange donc avec son éditeur pour organiser une séance de dédicace dans une librairie troyenne. Cela lui permettra de rendre visite aux bureaux du journal local, et ainsi de revenir sur ce qui s’est passé à cette époque. Il en profite pour y passer un week-end entier, et il fait la connaissance de Ninon, stagiaire au journal, qui accepte de l’aider à fouiller les archives. Il se rappelle, grâce aux articles, qu’un coupable avait été arrêté et que ce dernier s’était pendu dans sa cellule, scellant ainsi la fin de affaire. Mais il ne fait pas bon remuer la boue du passé.

Une nouvelle fois, Alain Bron nous emporte dans la passé, avec sa plume magique, qui nous fait visiter la France du début des années 60, avant les événements de mai 1968. Il y a dans sa façon de raconter une histoire, une sorte d’évidence et de naturel qui fait que l’on est prêt à suivre l’auteur dans tout ce qu’il raconte. C’est l’une des grandes qualités de ce roman qui m’a transporté ailleurs dans un passé que je connais mal.

Car le sujet de ce roman est bien cette période peu connue et trouble des années 60 qui a été occultée par ce qui s’est passé ensuite. Il nous montre la vie en ce temps-là dans une petite ville de province, avec ses notables qui dominaient les affaires, et les ouvriers qui vivaient dans un monde séparé. Dans une période de plein emploi, tout ne pouvait que bien se passer. L’affaire du meurtre de Brigitte aurait finalement pu remettre en cause cette joie de vivre de l’époque.

Sauf que la communication ne passait que par les journaux ou la radio et qu’elle était contrôlée par des gens qui avaient beaucoup d’argent. Et que ces gens là avaient des origines politiques extrémistes, issus des mouvements armés luttant contre l’indépendance de l’Algérie et que … Bref, je ne vais pas tout vous raconter, mais Alain Bron va dérouler son intrigue comme on déroule une pelote de laine … bien sale.

Contrairement à beaucoup de romans historico-contemporains, Alain Bron ne choisit pas de faire des Allers–Retours Présent – Passé mais bien de suivre l’enquête personnelle de Jacques Perrot et s’avère une belle dénonciation de la création de certains mouvements d’extrême droite et leurs financements actuels. De simple roman policier, il nous offre un roman fort intelligent dans la forme et dans le fond, en même temps qu’il est un pur plaisir à lire. Si après ce que je viens de vous dire, vous avez encore des doutes, alors je ne comprends plus rien !

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Du passé faisons table rase de Malik Agagna

Editeur : Lajouanie

Avec un titre pareil, (hommage à Thierry Jonquet ?) je ne pouvais décemment pas le laisser longtemps traîner sur les étagères. D’autant plus que c’est le premier polar de cet auteur et vous savez mon intérêt pour les premiers romans. Ne ratez pas celui-ci dont je souhaite qu’il soit le premier d’une série.

Jérôme Bertin rentre chez, comme tous les jours, après sa journée à l’usine. Il gare sa voiture devant son garage et la contourne pour rentrer chez lui. Dans l’entrée, il entend la téléphone : c’est son voisin Albert Daroussin qui lui demande un coup de main pour l’aider à descendre sa femme Angélique de l’étage pour l’amener à l’hôpital. En effet, Angélique fait de nombreux allers-retours entre sa maison et l’hôpital depuis sa grave maladie. Il annonce qu’il sort à sa femme Hélène et se dirige vers la maison de son voisin quand on lui tire sauvagement une balle dans la poitrine.

Le commissaire Magnard finit sa réunion de synthèse. Il demande des nouvelles du braquage du Hilton de Strasbourg. Marie Sevran, commandante à la police criminelle, fait semblant d’écouter, ne pensant qu’à la cigarette qu’elle rêve de fumer. Il faut dire qu’elle n’a pas réussi à récolter le moindre indice, malgré l’aide de ses collègues Arsène Chevallier et Rachid Hamidi.

Un peu plus tard, Marie est envoyée sur la scène du meurtre. C’est très étonnant d’avoir à faire à un assassinat dans le quartier résidentiel de la Meinau. Jérôme Bertin est mort de sa blessure. Sa femme ne s’est pas inquiété jusqu’à ce qu’elle sorte et le trouve abattu dans le jardin. En interrogeant les voisins, il s’avère qu’ils n’ont pas appelé Jérôme. Apparemment, on lui a tendu un guet-apens. Mais pourquoi abattre un honnête homme qui rentre du boulot ? L’enquête va s’avérer d’autant plus complexe que Marie va devoir se coltiner une jeune stagiaire, Jennifer Kozorsky.

Il faudra fouiller bien loin dans le passé pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire. Tout va se dérouler de façon totalement logique. En cela, le roman est impitoyablement construit, avec des personnages forts, bien marqués. Cela est d’autant plus nécessaire qu’ils vont enquêter chacun de leur coté et qu’il ne faut pas perdre le lecteur en route. C’est ici un modèle du genre.

Avec peu d’indices, c’est une recherche d’assassinats de personnages par une balle de 9mm et n’ayant rien à se reprocher qui va leur donner une première piste à suivre, ainsi qu’une conversation téléphonique de Bertin avec le frère d’Hélène qui habite en Lituanie. A partir de là, l’auteur peut dérouler la pelote de laine et quand c’est bien fait, le lecteur y prend un énorme plaisir. C’est le cas ici. D’ailleurs, c’est bien cette maîtrise de l’intrigue qui impressionne pour un premier roman et le sujet dont on a finalement peu parlé à savoir ce qui s’est passé avant et après la chute du communisme.

Le style de narration est simple, préférant mettre l’accent sur les personnages et le sujet. Sur les personnages, Marie est évidemment au centre de la scène, jeune femme abandonnée par son mari depuis quelques mois alors qu’ils vivaient ensemble depuis 18 ans. Pour autant, ce n’est pas le genre à se noyer dans le travail, mais elle est remarquablement tenace. Arsène et Rachid ne font pas les faire-valoir, mais on en sait suffisamment pour les suivre et pas assez pour imaginer une suite. Et je ne souhaite qu’une chose, retrouver ces enquêteurs dans une prochaine affaire pour approfondir leur psychologie.

Ne ratez pas l’avis de mon ami Jean le Belge

L’empreinte des amants de John Connolly

Editeur : Presses de la cité (Grand format) ; Pocket (Format Poche)

Traducteur : Jacques MARTINACHE

Je continue mon exploration de l’univers de Charlie Parker avec sa neuvième enquête. Après un épisode dédié à Louis et Angel, voici un roman qui explore la jeunesse de Charlie Parker et le suicide de son père. La liste des billets sur Charlie Parker est à la fin.

Quatrième de couverture :

L’enquête la plus personnelle de Charlie « Bird » Parker, au cœur de ses origines.

Charlie Parker n’a que quinze ans lorsque son père, policier, se donne la mort après avoir abattu un couple d’adolescents dans une voiture. Cette tragédie, jamais expliquée, n’a cessé de hanter « Bird ». Après avoir perdu sa licence de détective privé, il décide d’employer son temps libre à faire la lumière sur son histoire familiale, et se rend à New York, sur les lieux de son adolescence, afin d’interroger les anciens collègues de son père.

En fouillant dans son passé, Charlie va réveiller certains fantômes qui sont tout sauf bien intentionnés…

Mon avis :

Après un épisode en demi-teinte, où on se rend compte qu’on a bien du mal à se passer de Charlie Parker, John Connoly décide de nous surprendre à nouveau. Ce roman n’est pas un thriller, il y a moins d’actions et une petite pincée de mystère. Par contre, Avec un sujet centré sur la mort du père de Charlie, Connoly nous surprend dans ces scènes intimistes entre Charlie et l’ami de son père. Il en ressort beaucoup d’émotions, et beaucoup de tension face à deux amants pas comme les autres.

Si John Connoly laisse planer une aura de mystère, c’est à mon avis parce qu’il a voulu rajouter une cerise sur le gâteau. Car l’intrigue n’en avait pas besoin. Et puis, comme d’habitude, on a l’impression que l’auteur improvise au fur et à mesure que le livre avance, qu’il mélange les intrigues et les points de vue, qu’il passe d’un personnage à l’autre en nous faisant croire qu’ils n’ont aucun rapport les uns avec les autres … c’est du grand art, du grand John Connoly, tout simplement.

A propos de l’intrigue, il faut que vous sachiez que Charlie Parker a perdu sa licence de détective privé, qu’il est devenu barman, et que cela va être l’occasion de faire le jour sur le suicide de son père. En parallèle, il va être ennuyé par un journaliste qui veut écrire sa biographie sans son accord. Enfin, un jeune adolescent Bobby Faraday disparait. Plusieurs jours plus tard, on découvre son corps pendu au bord d’un étang.

Bref, voilà de nombreuses histoires qui vont s’emmêler dans une histoire à la fois poignante et passionnante. Un des meilleurs épisodes de la série …

Liste des épisodes précédents :

L’homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu

Editeur : Le Belial – Collection : Une heure lumière

Traduction : Pierre-Paul Durastanti

Je dois cette lecture à l’insistance et au prêt de Greg2. Qu’il en soit grandement remercié car ce livre est un livre choc, une de ces novellas que vous n’êtes pas prêt d’oublier. Il s’agit d’un roman de Science Fiction, flirtant sur le thème du voyage dans le temps, mais il s’agit aussi d’un brûlot, d’un de ces romans qui dénoncent en même temps qu’ils veulent faire preuve de mémoire. Un livre important, donc.

Quatrième de couverture :

Futur proche.

Deux scientifiques mettent au point un procédé révolutionnaire permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée, pour une seule et unique personne, et sans aucune possibilité pour l’observateur d’interférer avec l’objet de son observation. Une révolution qui promet la vérité sur les périodes les plus obscures de l’histoire humaine. Plus de mensonges. Plus de secrets d’État.

Créée en 1932 sous mandat impérial japonais, dirigée par le général Shiro Ishii, l’Unité 731 se livra à l’expérimentation humaine à grande échelle dans la province chinoise du Mandchoukouo, entre 1936 et 1945, provoquant la mort de près d’un demi-million de personnes… L’Unité 731, à peine reconnue par le gouvernement japonais en 2002, passée sous silence par les forces d’occupation américaines pendant des années, est la première cible de cette invention révolutionnaire. La vérité à tout prix. Quitte à mettre fin à l’Histoire.

« Ken Liu est un génie. » Elizabeth Bear

Ken Liu est né en 1976 à Lanzhou, en Chine, avant d’émigrer aux États-Unis à l’âge de onze ans. Titulaire d’un doctorat en droit (université de Harvard), programmeur, traducteur du chinois, il dynamite les littératures de genre américaines depuis une dizaine d’années, collectionnant distinctions et prix littéraires, dont le Hugo, le Nebula et le World Fantasy Award. En France, son recueil La Ménagerie de papier (Le Bélial’, 2015) est lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2016.

Mon avis :

Revenons pour commencer sur le titre : Je me demande si, s’il avait été en lettres minuscules, l’auteur aurait écrit histoire avec un h minuscule ou un H majuscule. Car il est bien question d’Histoire. En Anglais, le titre n’offre pas de doute, c’est bien The man who ended History. Car il est bien question, avec ce sujet sur un voyage dans le temps à un endroit et un moment particulier et bien défini, de l’Histoire. Et c’est bien la question que l’auteur nous pose : La possibilité de vérifier de visu certains événements passés nous permettrait-elle de confirmer certains passages de l’Histoire ? Ou au contraire, cela ne ferait-il que semer la discorde et laisser libre cours aux négationnistes de tous poils sous prétexte que les participants à cette expérience ne sont que des témoins, donc faillibles.

En ce qui concerne le titre, l’auteur (et la version française, mais pas sur la couverture) a ajouté The man who ended History : A documentary. Effectivement, la forme de cette novella est construite comme un documentaire. Chaque plan y est décrit et passe d’un témoin à l’autre, donnant même la parole aux scientifiques ou à leurs conjoints. Quelle bonne idée d’avoir construit le roman de cette façon, donnant ainsi plus de force et de véracité à ce qui y est raconté, rendant ainsi chaque chapitre, chaque témoignage passionnant.

Le sujet central est l’Unité 731, ce laboratoire créé dès 1932 à Pingfang, localité proche de la ville de Harbin au Mandchoukouo (actuelle province du Heilongjiang en République populaire de Chine), où les Japonais se sont livrés à des expérimentations sur des Chinois vivants, soit disant pour étudier des maladies. On y trouve quelques passages difficiles tant ils sont cruels mais le principal n’est pas là. Il est bien sur dans ce qu’il advint après, tous ces soldats innocentés pour peu qu’ils reconnaissent ce qu’ils avaient faits, ces pseudo-chirurgiens qui ont été réhabilités par le Japon ou les Etats Unis pour peu qu’ils partagent leur savoir. Ce livre contient des témoignages de certains d’un camp ou de l’autre et même des opposés à cette expérimentations qui affirment, arguments à l’appui, que cela n’a aucune importance.

En un peu plus de 100 pages, Ken Liu nous pond un roman impressionnant, passionnant, dont le but est surtout de nous faire réfléchir sur l’Histoire, sur les réactions des uns et des autres et nous pose la grande question : Qu’est-ce que l’histoire ? Pour ma part, j’ai trouvé un peu réducteur de dire ou laisser entendre que l’histoire est un amoncellement de faits. Je pense qu’il faut plutôt trouver le déroulement logique qui amène à de telles exactions, en trouver les causes pour éviter que cela n’arrive à nouveau. Mais ce n’est que mon avis. En tous cas, c’est une novella à ne manquer sous aucun prétexte.

Le crime de Julian Wells de Thomas H.Cook (Seuil)

En tant que fan de Thomas H. Cook, je ne pouvais pas faire autrement que lire ses livres dès leur sortie. On connait cet auteur par ses thèmes nous interrogeant sur la famille et sur les conséquences des actes passés. Il arrive encore à nous surprendre avec ce titre qui évoque l’Argentine et les exactions de la junte militaire.

Julian Wells sort de sa petite maison, et se dirige vers l’étang, situé en contrebas. Il monte dans la barque, prend les rames et s’éloigne du bord. Sa décision est prise, il va aller le plus loin possible, pour que personne ne le rejoigne. Arrivé à une certaine distance, qu’il juge suffisante, il s’ouvre les veines avec un couteau. Sa vie s’écoule lentement de son corps, et avec lui les cicatrices du passé.

Philip Anders est le meilleur ami de Julian Wells. Philip est très marqué par ce suicide, car il a toujours eu beaucoup d’admiration pour son ami, qui est devenu un auteur de livres à succès, alors que lui n’est que critique littéraire. Julian Wells est en effet un auteur reconnu de biographie ayant pour sujet les grands tueurs en série. Ses œuvres se démarquent des autres par sa façon qu’il a de prendre la place des victimes, tout en fouillant la psychologie des tueurs.

Philip ressent de la culpabilité envers son ami qu’il a délaissé. Avec la sœur de Julian, il va chercher à comprendre ce geste qu’il ne comprend pas. Il va donc reprendre la carrière d’auteur de son ami, se déplaçant sur les lieux que Julian a visité pour écrire ses livres. Le père de Philip lui donnera des pistes, lui qui a été diplomate en Argentine et qui leur a présenté une jeune guide, Marisol, lors d’un séjour là-bas.

Pour avoir lu nombre de romans de cet auteur, je dois dire que celui-ci m’a énormément surpris.

Il est surprenant par son genre, le roman d’espionnage, car on a affaire à un jeu de dupes, dépourvu de sentiments, la seule motivation étant l’obtention de renseignements ou de pouvoir à tout prix.

Il est surprenant par son intrigue, plus linéaire que d’habitude, plus balisée que d’habitude par les romans de Julian Wells, pris dans leur ordre de parution. Pour autant, on retrouve ces petites scènes, qui ajoutent de l’épaisseur aux personnages et de la réalité au récit.

Il est surprenant par ses personnages, et surtout par le nombre de personnages secondaires, qui ont tous leur importance dans l’intrigue. Comme toujours, leur présentation est impeccable, toujours subtile.

Il est surprenant par son contexte car c’est la première fois que Thomas H. Cook sort du cadre familial (à ma connaissance) pour mettre sur le devant de la scène, à la fois une partie de ce qui est arrivé en Argentine, à la fois l’importance des hommes de l’ombre, ces espions qui obéissent aveuglément à des ordres qu’ils ne comprennent pas, au mépris de la vie humaine, voire des conséquences de leurs actes.

Il est surprenant par son style, beaucoup plus froid, beaucoup plus analytique, moins sensible que dans ses précédents romans. C’est un aspect qui peut dérouter les fans, les surprendre en tous cas. Et comme le narrateur est critique littéraire, on comprend mieux cette distanciation avec l’intrigue.

Comme quoi, même quand on connait un auteur, celui-ci peut nous surprendre et même si ce n’est probablement pas le roman à conseiller pour qui veut découvrir Thomas H. Cook (essayez donc Les Feuilles Mortes ou Mémoire Assassine), ce Crime de Julian Wells vous réservera d’excellents moments et une fin surprenante.

Ne ratez pas les avis des amis Claude Le Nocher et Actudunoir