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L’affaire Myosotis de Luc Chartrand

Editeur : Seuil – Cadre Noir

Sorti initialement chez Québec Amérique, L’affaire Myosotis se lance dans une deuxième vie avec une sortie en métropole. Ce roman comporte tous les ingrédients d’un bon thriller politique.

Bande de Gaza, janvier 2009. Les chars se sont massés le long du mur, les bombes pleuvent et malgré cela, Ibrahim Shalabi et ses copains jouent dans la rue. Quand un cortège de véhicules est annoncé, ils s’enfuient en sens inverse. Ibrahim a un don pour croquer des visages et quand sa famille est consignée à domicile par la police, son aptitude l’a servi. Un matin, il observe à travers la fenêtre les policiers s’en aller. Quelques minutes plus tard, un bruit envahit l’espace et la maison est réduite en cendres par un missile.

Israël, 2011. Pierre Boileau, travaillant pour le gouvernement canadien se présente à la porte d’une maison. Il cherche Paul Carpentier, son ancien élève qui est devenu son ami, et qui a abandonné sa carrière de journaliste. Rachel, l’ex-femme de Paul, ne peut le renseigner. Pierre donne ses numéros de téléphone pour que Paul le joigne rapidement. Quelques jours plus tard, le corps de Pierre Boileau est retrouvé criblé de balles.

Trois voitures déboulent à coté d’un terrain de hockey. Les policiers sont à la recherche de Paul Carpentier. Celui-ci est surpris de voir apparaitre sa chef, Sarah Steinberg, qui fait partie des Israéliens qui pensent qu’ils doivent cesser leur occupation de la Palestine. Elle lui annonce la mort de Pierre Boileau et lui demande d’enquêter, à cause de ses liens avec le gouvernement canadien. Quand Paul écoute les messages de son répondeur, il se rend compte que son ami lui a laissé plusieurs messages.  

Situé dans une zone de guerre, en pleine période difficile, l’auteur choisit la forme d’un thriller pour nous concocter une intrigue qui en respecte tous les codes. Ainsi, on y voit passer plusieurs personnages, on va voyager dans plusieurs pays, et on va assister à l’implication de plusieurs niveaux du gouvernement canadien dans le conflit israélo-palestinien.

Pourquoi canadien ? L’auteur étant canadien, il tient à nous montrer comment un gouvernement, le sien, qui a toujours soutenu la cause des palestiniens, se trouve à un tournant l’obligeant à changer sa politique étrangère. Il nous montre l’inextricable situation de cette zone, opposant les va-t-en guerre et les pacifistes à travers de nombreux points de vue et s’en tire plutôt bien.

Car écrire un roman situé dans la zone d’occupation sans être ni dans un camp ni historien factuel est une sacrée gageure. Luc Chartrand nous offre donc un thriller de bon niveau, avec des chapitres courts, une plume agréable, une enquête linéaire en y insérant quelques événements ou situations intéressantes, auquel il m’aura manqué ce petit soupçon d’émotion qui en aurait fait un thriller de haut niveau.  

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Honneur à Pierre Pouchairet

A force d’entasser les romans, il était temps que je me penche sérieusement sur les romans de Pierre Pouchairet et tente ainsi de rattraper mon retard.

L’auteur :

Biographie réalisée par mes soins à partir de celle disponible sur le site de l’auteur : https://pierrepouchairet.com/biographie/

Pierre Pouchairet, né en 1957, est un écrivain français, auteur de roman policier.

Après avoir intégré l’école des inspecteurs de police à Cannes écluses en 1980, il commence sa carrière dans la police judiciaire à Versailles. Jusqu’en 2012, il passera de la police judiciaire à la brigade des stupéfiants, et exercera son métier de Marseille au Kazakhstan en passant par Beyrouth, Ankara, Grenoble, ou l’Afghanistan.

A partir de 2012, il prend sa retraite et se consacre à l’écriture. Son premier polar sort en 2014, Coke d’azur (Editions Ovadia). Depuis 2014, ce ne sont pas moins de 10 polars écrits et publiés par cet auteur prolifique, chez Jigal, Plon et les Editions du Palémon. La reconnaissance advient en 2016, quand il remporte le Prix du Quai des Orfèvres avec Mortels trafics en 2016.

Les romans de Pierre Pouchairet peuvent se diviser en deux catégories, tout en restant dans le genre « polar ». D’un côté, des intrigues évoquant le crime international et la géopolitique ou le terrorisme, d’un autre coté des romans policiers nationaux. A chaque fois, ce sont des intrigues solides portées par des personnages forts et vivants. Du pur plaisir de lecture.

Haines :

Editeur : Editions du Palémon

Léanne Galji, l’héroïne de Mortels trafics (que je dois lire) a choisi de quitter la brigade des stups pour sa Bretagne natale. A la tête de la Police Judicaire de Brest, elle doit s’occuper de sa première « grosse » affaire : Un meurtre vient d’être signalé. Corentine Ledantec, une dame âgée de 89 ans a été retrouvée assassinée à son domicile. Vraisemblablement, elle a été frappée et étranglée. De là à penser à un cambriolage qui a mal tourné, il n’y a qu’un pas. Mais la Bretagne, c’est aussi l’occasion pour Léanne de retrouver ses amies d’enfance, à savoir Elodie, médecin légiste et Vanessa, psychologue. Ces trois jeunes femmes, les trois Brestoises, vont chacune participer à la résolution de cette enquête.

Pierre Pouchairet va construire un roman policier classique, dont l’intrigue est simple, mais sans renier pour autant les fausses pistes et les mystères. Et il faudra bien compter sur les aides de ses amies pour arriver à une conclusion pour le moins étonnante. Et je peux vous dire que quand un roman policier est bien fait, bien mené, bien construit, bien écrit, sa lecture devient passionnante. Il m’aura fallu 2 jours pour dévorer ce roman. Tout sent le vécu : les personnages sont vrais, les situations sont vraies, le déroulement de l’intrigue est vrai.

J’ajouterai juste une chose. Il faut un sacré talent pour ne pas en dire trop sur l’enquête précédente de Léanne, et pour plonger le lecteur dans un contexte nouveau sans le perdre. N’ayant pas lu Mortels trafics, je n’ai jamais été perdu. Et j’ai tout de suite adhéré aux trois personnages principaux. On a l’impression de les avoir toujours suivies, de les avoir toujours connues. Il se créé une certaine connivence avec le lecteur, ce qui est très fort. Bref, du début à la fin, ce fut une belle lecture plaisir, de celles qui font passer le temps très agréablement. Du vrai bon roman populaire, du vrai bon roman de gare, dans le bon sens du terme.

A noter que le tome 2, La cage de l’albatros, est sorti et que le tome 3 devrait sortir en mai. J’aurais donc l’occasion d’y revenir.

A l’ombre des patriarches :

Editeur : Jigal

Changement de décor, changement d’ambiance.

Jérusalem. Le corps d’une jeune femme dévêtu est découvert dans un terrain vague. Guy et Dany, deux flics de la police judiciaire israélienne (rencontrés dans Une terre pas si sainte) vont être chargés de l’affaire. Et il s’agit bien d’une affaire brûlante, car la jeune morte, juive, est retrouvée en plein quartier arabe. De quoi exacerber les tensions entre deux peuples qui se détestent et sont obligés de cohabiter. Il leur faut d’abord déterminer l’identité de la morte, puis suivre les premières pistes, dont de jeunes arabes qui jouent au football dans ce terrain vague.

Je ne veux pas en dire plus sur ce roman, tant j’ai peur de vous aiguiller sur la piste, mais aussi parce que l’intrigue foisonne de pistes, de personnages et d’ambiances lourdes. A partir d’un départ classique, Pierre Pouchairet nous plonge sans ménagement dans un contexte pesant de guerre, d’occupation, de haine, de racisme, de violence. Sans prendre parti et se contentant d’être factuel, il nous décrit une situation où l’on se rend compte qu’il n’y aura jamais d’issue, ni facile, ni positive mais forcément dramatique.

C’est en scrutant ses personnages, en décrivant leurs réactions, tout en restant en retrait dans un style clinique, froid, journalistique que Pierre Pouchairet nous montre un pays sous haute tension. A chaque minute, on peut être enlevé, tué, être victime d’un attentat ou même d’une agression. Et tout est fait pour monter les deux camps l’un contre l’autre, ce qui va à l’encontre des pseudo-efforts des grands pays « civilisés » qui veulent œuvrer pour la paix dans cette zone stratégique.

Cet écart entre ce que l’on nous raconte à la télévision par exemple et ce que Pierre Pouchairet nous montre est frappant, le résultat brutal. Et Pierre Pouchairet connait bien le sujet, pour avoir vécu sur le terrain. On comprend bien qu’au final, le combat, la haine est tellement ancrée chez chacun que cela ne peut que mal se terminer. Alors que ce roman n’est pas un reportage sur la situation de cette zone, il nous en montre bien plus que beaucoup d’émissions télévisées et est en cela bien plus précieux. C’est un excellent polar qu’il ne faut rater sous aucun prétexte.