Editeur : Rivages
Traductrice : Catherine RICHARD-MAS
Pour qui a lu Nous avions un rêve, Jake Lamar est un auteur dont il faut lire tous les romans. D’origine américaine, il a choisi de vivre en France et nous parle dans chacun de ses romans de son pays et de la vie des Noirs là-bas. Et quoi de mieux que d’évoquer le milieu du jazz pour en parler, comme il le fait ici.
1961, New York. Viper se retrouve chez Pannonica de Koenigswarter, dite Nica, une richissime baronne qui finance le milieu du jazz. Le jeu de la baronne consiste à demander aux gens qu’elle héberge d’écrire sur une feuille leur trois vœux les plus chers. Il reste quelques heures à Viper avant que la police ne vienne l’arrêter. Car cette nuit, Viper vient de tuer un homme, pour la troisième fois de sa vie.
Viper, c’est le surnom de Clyde Morton. En 1936, Clyde découvre une trompette dans le grenier de ses parents. Son oncle Wilson lui apprend à en jouer et le persuade qu’il deviendra un grand jazzman. Clyde décide de quitter Meachum, Alabama, pour rejoindre New-York, laissant derrière lui sa fiancée Bertha. Mais dès la première audition dans un club de Harlem, on lui fait comprendre qu’il n’a aucun avenir dans la musique.
Alors Clyde trouve un travail au Gentleman Jack’s Barbershop. Ne sachant pas couper les cheveux, il deviendra cireur de chaussures et balayeur. Un richissime client, Mr.O débarque dans la boutique et lui demande s’il sait se battre. Il emmène Clyde sur un ring de boxe et, à la surprise générale, Clyde étend son adversaire. A partir de ce jour, Clyde va devenir Viper, et garde du corps de Mr.O, propriétaire d’un club de jazz et trafiquant de Marijuana.
Ecrit comme un conte, comme une histoire orale (il faut dire qu’à l’origine, ce roman était une pièce radiophonique pour France Culture), on prend un énorme plaisir à s’assoir et écouter Jake Lamar nous narrer la vie de Viper, de son ascension jusqu’à sa chute. Il nous brosse un portrait de l’Amérique, avant et après la deuxième guerre mondiale et la « fameuse » échelle sociale des Etats-Unis. On en déduit à la lecture de ce roman, que pour les Noirs, leur seule possibilité de grimper dans la société réside dans le trafic de drogue, le reste de la société étant noyauté par les Blancs.
Viper’s Dream est avant tout une histoire d’amitié, de tolérance et de loyauté ; amitié envers ses proches, tolérance et accueil des étrangers et loyauté envers ce que l’on croit. Et Viper ne voudra jamais vendre de drogue dure. Viper rencontrera aussi l’amour avec le formidable personnage de femme fatale Yolanda. Tous les codes sont bien présents et c’est bien la façon de raconter cette histoire qui retient l’attention.
Car il y a dans ce roman un rythme lancinant, une mélodie avec des variations de rythme, des improvisations. On ressent le brouhaha de Harlem, et on entend les instruments, parfois du piano, souvent de la trompette. Cet hommage au Jazz se couple à un thème fort sur le poids du passé et les regrets qui se transforment en remords qui me parle. Pour moi, ce roman rejoint ma pile de romans cultes.
Un grand merci à Petite Souris, il saura pourquoi.