Editeur : Editions de l’Aube
Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost
Avec cette troisième enquête (aventure) de Marco Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour et De rage et de vent, on reprend les ingrédients des deux précédentes, les mêmes personnages pour une histoire dramatique et rageante qui pose beaucoup de questions.
Milan voit ses températures augmenter avec le retour du mois de mars. Dans une cité HLM (Habitation pour Locataires Miséreux) que l’on surnomme la caserne, toutes les populations pauvres de différentes nationalités se côtoient. Ces barres d’immeubles comportant plusieurs milliers d’appartements sont vouées à la démolition. Faute d’argent, la municipalité a délaissé cette cité et ferme les yeux sur des mafias qui permettent à des familles pauvres de squatter moyennant un loyer versé en dessous de table.
Francisco habite là-bas et travaille dans sa propre entreprise en tant que décorateur de boutiques, en réalisant leur devanture. En rentrant, il fait part de sa colère envers son dernier client qui ne lui règle pas sa facture alors que le travail a été réalisé depuis six mois. Sa femme Chiara essaie de le calmer, en sachant qu’il a raison. Merde ! il ne peut pas se permettre avec sa petite entreprise de travailler gratuitement pour les riches ! Pour arrondir ses fins de mois, il stocke des équipements « tombés du camion » sur lequel il touche une commission.
Au centre-ville, Fabrizio Gotti, le propriétaire d’une chaîne de boucheries a été retrouvé assassiné au pied de sa maison. On lui a tiré une balle dans la poitrine et une dans la tête, à bout portant. Le brigadier Carella et le sous-brigadier Ghezzi penchent pour un amateur plutôt que la mafia. Chose étonnante : un caillou a été posé sur le corps. Pourvu que ce ne soit pas un tueur en série ! Il va être difficile de trouver une raison à ce meurtre, l’homme semblant honnête, inconnu des services de police.
Quand Cesare Crisanti, un architecte connu est retrouvé assassiné d’une balle dans la tête avec un caillou, la panique gagne la justice et la police. On ne peut décemment pas laisser cette affaire aux mains de la police milanaise. Rome décide d’envoyer sa propre équipe de spécialistes, accompagnée d’un profileur, pour calmer les médias. Ne voulant pas lâcher l’affaire, Carella et Ghezzi se mettent en congés avec l’accord de leur chef pour poursuivre l’enquête. Les deux morts ont été tués par deux armes différentes dont le seul point commun est qu’elles sont mal entretenues.
Encore un mois à tenir avant d’être dégagé de ses obligations envers l’émission qu’il a créée : Crazy Love ! Carlo Monterossi se demande ce qu’il va faire après. Katia Sironi, son attachée de presse l’appelle : sa mère a cédé aux belles paroles d’un vendeur de religiosités et s’est fait voler une bague valant des millions. Elle demande à Carlo et Oscar, un détective secret de la récupérer en dehors de tout circuit légal.
On retrouve dans ce roman tout le charme que j’avais trouvé dans les deux premiers, avec un meilleur équilibre entre l’humour et la colère de Carlo (et donc de l’auteur ?). On y retrouve de l’humour froid, du cynisme mais aussi un aspect humain et social que l’auteur endosse pour dénoncer les conditions de vie des pauvres travailleurs. Il faut voir comment ils se retrouvent essorés par la mafia calabraise et vivent dans des conditions lamentables alors que la police et les politiques ferment les yeux.
Déjà dans De rage et de vent, Carella et Ghezzi prenaient de l’importance dans l’intrigue. Ici on les retrouve au même niveau que Carlo et Oscar et les deux fils de l’histoire sont menés en parallèle pour se retrouver à la fin de façon totalement inattendue. Alessandro Robecchi nous construit ici une intrigue que l’on aura du mal à oublier, de celles qui nous placent face à un dilemme, à des choix impossibles à prendre, à des questions impossibles à répondre.
Alessandro Robecchi arrive à nous faire vivre dans les familles italiennes, arrive à nous plonger dans des discussions typiques, où les italiens parlent vite, nous enrobent dans des circonvolutions, des phrases sans fin. Et puis, il donne une importance de plus en plus importante aux femmes, Katrina la moldave cuisinière pour Carlo mais aussi Madame Rosa, la femme de Ghezzi qui occupe un rôle central, et pas seulement pour les plats délicieux qu’elle concocte pour Carella et son mari.
Avec ce roman, Alessandro Robecchi s’impose comme un auteur de premier plan dans le polar milanais. Il apporte un fort aspect social et a décidé de montrer comment la majorité des gens vivent, ceux qui travaillent et n’ont pas assez d’argent pour se loger et manger décemment. Ajouté à cela, on trouve une intrigue qui pose clairement la question de la justice et on se retrouve face à un dilemme qui nous fait réfléchir. Je peux vous garantir que vous n’êtes pas prêt d’oublier cette histoire immensément dramatique et tristement réaliste.