Archives du mot-clé Justice

Le tueur au caillou d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Avec cette troisième enquête (aventure) de Marco Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour et De rage et de vent, on reprend les ingrédients des deux précédentes, les mêmes personnages pour une histoire dramatique et rageante qui pose beaucoup de questions.

Milan voit ses températures augmenter avec le retour du mois de mars. Dans une cité HLM (Habitation pour Locataires Miséreux) que l’on surnomme la caserne, toutes les populations pauvres de différentes nationalités se côtoient. Ces barres d’immeubles comportant plusieurs milliers d’appartements sont vouées à la démolition. Faute d’argent, la municipalité a délaissé cette cité et ferme les yeux sur des mafias qui permettent à des familles pauvres de squatter moyennant un loyer versé en dessous de table.

Francisco habite là-bas et travaille dans sa propre entreprise en tant que décorateur de boutiques, en réalisant leur devanture. En rentrant, il fait part de sa colère envers son dernier client qui ne lui règle pas sa facture alors que le travail a été réalisé depuis six mois. Sa femme Chiara essaie de le calmer, en sachant qu’il a raison. Merde ! il ne peut pas se permettre avec sa petite entreprise de travailler gratuitement pour les riches ! Pour arrondir ses fins de mois, il stocke des équipements « tombés du camion » sur lequel il touche une commission.

Au centre-ville, Fabrizio Gotti, le propriétaire d’une chaîne de boucheries a été retrouvé assassiné au pied de sa maison. On lui a tiré une balle dans la poitrine et une dans la tête, à bout portant. Le brigadier Carella et le sous-brigadier Ghezzi penchent pour un amateur plutôt que la mafia. Chose étonnante : un caillou a été posé sur le corps. Pourvu que ce ne soit pas un tueur en série ! Il va être difficile de trouver une raison à ce meurtre, l’homme semblant honnête, inconnu des services de police.

Quand Cesare Crisanti, un architecte connu est retrouvé assassiné d’une balle dans la tête avec un caillou, la panique gagne la justice et la police. On ne peut décemment pas laisser cette affaire aux mains de la police milanaise. Rome décide d’envoyer sa propre équipe de spécialistes, accompagnée d’un profileur, pour calmer les médias. Ne voulant pas lâcher l’affaire, Carella et Ghezzi se mettent en congés avec l’accord de leur chef pour poursuivre l’enquête. Les deux morts ont été tués par deux armes différentes dont le seul point commun est qu’elles sont mal entretenues.

Encore un mois à tenir avant d’être dégagé de ses obligations envers l’émission qu’il a créée : Crazy Love ! Carlo Monterossi se demande ce qu’il va faire après. Katia Sironi, son attachée de presse l’appelle : sa mère a cédé aux belles paroles d’un vendeur de religiosités et s’est fait voler une bague valant des millions. Elle demande à Carlo et Oscar, un détective secret de la récupérer en dehors de tout circuit légal.

On retrouve dans ce roman tout le charme que j’avais trouvé dans les deux premiers, avec un meilleur équilibre entre l’humour et la colère de Carlo (et donc de l’auteur ?). On y retrouve de l’humour froid, du cynisme mais aussi un aspect humain et social que l’auteur endosse pour dénoncer les conditions de vie des pauvres travailleurs. Il faut voir comment ils se retrouvent essorés par la mafia calabraise et vivent dans des conditions lamentables alors que la police et les politiques ferment les yeux.

Déjà dans De rage et de vent, Carella et Ghezzi prenaient de l’importance dans l’intrigue. Ici on les retrouve au même niveau que Carlo et Oscar et les deux fils de l’histoire sont menés en parallèle pour se retrouver à la fin de façon totalement inattendue. Alessandro Robecchi nous construit ici une intrigue que l’on aura du mal à oublier, de celles qui nous placent face à un dilemme, à des choix impossibles à prendre, à des questions impossibles à répondre.

Alessandro Robecchi arrive à nous faire vivre dans les familles italiennes, arrive à nous plonger dans des discussions typiques, où les italiens parlent vite, nous enrobent dans des circonvolutions, des phrases sans fin. Et puis, il donne une importance de plus en plus importante aux femmes, Katrina la moldave cuisinière pour Carlo mais aussi Madame Rosa, la femme de Ghezzi qui occupe un rôle central, et pas seulement pour les plats délicieux qu’elle concocte pour Carella et son mari.

Avec ce roman, Alessandro Robecchi s’impose comme un auteur de premier plan dans le polar milanais. Il apporte un fort aspect social et a décidé de montrer comment la majorité des gens vivent, ceux qui travaillent et n’ont pas assez d’argent pour se loger et manger décemment. Ajouté à cela, on trouve une intrigue qui pose clairement la question de la justice et on se retrouve face à un dilemme qui nous fait réfléchir. Je peux vous garantir que vous n’êtes pas prêt d’oublier cette histoire immensément dramatique et tristement réaliste.

Publicité

De rage et de vent d’Alessandro Robecchi

Editeur : Editions de l’Aube

Traducteurs : Paolo Bellomo et Agathe Lauriot dit Prévost

Deuxième tome des enquêtes de Carlo Monterossi, après Ceci n’est pas une chanson d’amour, ce roman change totalement le ton, car on passe d’un humour cynique agressif à de la rage pure et froide. Tout aussi excellent !

Andrea Serini, en tant que propriétaire de l’agence de vente de véhicules de luxe, tient absolument à fermer sa boutique et éteindre les lumières. Ce soir-là, un bruit de mouvement l’attire, quelqu’un est entré. Il se retrouve face à un vieux camarade qui veut retrouver son argent. Sous la menace, Andrea lui donne un nom, Anna Galinda, avant de prendre un balle en pleine tête. En sortant, un moine l’aperçoit et lui intime de s’arrêter. Il s’agit du sous-brigadier Tarcisio Ghezzi, qui n’a pas le temps de sortir son arme devant la rapidité de l’homme. En deux coups, il se retrouve assommé et son arme dérobée.

Carlo Monterossi, créateur de l’émission Crazy Love pour la grande usine à merde (la télévision) où il s’agit d’étaler au grand jour les histoires d’amour du grand public, veut depuis un certain temps stopper sa collaboration. Pour lui, ce concept est devenu indécent. Mais son agente Katia Sironi insiste : il ne peut pas partir comme ça, Ils sont prêts à lui offrir un pont d’or (sur lequel un touchera un copieux pourcentage). Elle veut qu’il rencontre le Boss en personne, Luca Calleri. Et contre toute attente, Carlo accepte.

Dans le restaurant de luxe, Carlo arrive en avance et assiste à l’arrivée du « Ponte », devant qui tout le monde plie. Son temps est compté, il n’accorde pas dix minutes à quiconque, et d’ailleurs, il ne mange pas et confirme qu’il compte sur Carlo. Dépité par cette attitude, Carlo finit au bar et est accosté par une femme. Tous deux boivent et Carlo raccompagne la jeune femme chez elle, la couche sur canapé et la couvre. En sortant, il claque la porte, avec un bruit sec, un CLAC qui résonnera longtemps dans la tête de Carlo. Le lendemain, il apprend qu’elle a été torturée et tuée avec le même revolver qu’Andréa Serini.

Par rapport au premier roman, qui étalait un humour cynique que j’avais adoré, cette deuxième enquête se révèle bien plus sérieuse. On y trouve bien quelques traits d’humour dans les dialogues ou quand il s’agit de se moquer des policiers. Mais le ton est irrémédiablement noir, à l’image de cette ville de Milan, balayée par un vent glacial, qui correspond bien au titre et à l’humeur de Carlo Monterossi.

Le décor hivernal anormal, ce vent infernal, fait ressurgir une rage froide, que Carlo va ressentir, ajouté à un sentiment de culpabilité envers la mort d’Anna Galinda. Il ne cessera de se rappeler cette porte se fermant dans un CLAC fatal, croyant qu’il est à l’origine de sa mort. Il va donc se lancer dans cette croisade pour dénicher les coupables et comprendre cet engrenage mortel.

Car derrière Carlo et son humeur noire, l’auteur nous montre combien les richards se servent des pauvres et rien de plus efficace que de mettre sur le devant de la scène les prostituées. Il nous montre une caste sans aucune pitié ni humanité, une frange d’ultra-riches fiers de leur impunité, usant et abusant de gens qui, finalement, ne peuvent qu’être définitivement les perdants de cette société.

A nouveau, on trouve dans ce roman colérique un scénario remarquable, complexe à souhait où les intrigues sont menées en parallèle entre Carlo, Ghezzi et Carella, où l’auteur nous imprègne de cette ville glacée par ce vent inhabituel. Cette deuxième enquête, très différente de la première, confirme que cette série est à suivre avec impatience, avec une mention spéciale pour Katrina, la cuisinière moldave de Carlo, une vraie mama qui prend soin de son protégé. 

L’illusion du mal de Piergiorgio Pulixi

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons-Reumaux

Dans L’île des âmes, nous faisions la connaissance de Mara Rais et Eva Croce, la première sarde et mutée aux affaires non élucidées et la deuxième milanaise ayant demandé sa mutation suite à la mort de sa petite fille. Autant L’île aux âmes faisait la part belle aux paysages et aux légendes de la Sardaigne, autant nous nous retrouvons dans un pur thriller qui respecte à la lettre les codes du genre. Un thriller de haut vol, 600 pages avalées en trois jours seulement.

Le verdict vient de tomber dans le procès d’un pédophile avéré et stupéfie l’assistance. Le beau-père ayant abusé de la jeune fille est acquitté parce qu’à force de faire trainer en longueur les délais d’enquête, les faits qui lui sont reprochés sont devenus prescrits. La présidence du tribunal ne peut que commencer son annonce par des excuses : « Je vous demande pardon au nom du peuple italien pour cette grave injustice dont nous avons tous conscience… »

Après avoir remercié son avocat, Daniele Truzzu rentre chez lui. A son domicile, un homme l’attend et l’endort. Plus tard, ce jour-là, une vidéo est postée sur Whatsapp. On y voit Truzzu attaché sur une chaise, les dents arrachées, la bouche ensanglantée. Puisque la justice ne peut faire son travail, le peuple devra voter sur le sort du violeur. Le ravisseur donne trois heures aux gens pour entre la vie et la mort.

Eva, en pèlerinage sur ses terres natales à Belfast, reçoit un appel de Mara. Elle doit vite revenir pour retrouver le violeur, dont les dents ont été offertes dans un sac en plastique à la victime de Truzzu, sa belle-fille. Quand la vidéo déferle sur les réseaux sociaux, tout le monde ne parle que de cela. En haut lieu, à Milan, tout le système judiciaire est sur les dents (désolé, je n’ai pas pu m’empêcher de la faire !). On dépêche sur place un excellent policier habitué aux cas difficiles, Vito Strega.

« En Italie, le meurtre vend plus que le cul. » Luana Rubicondi a commencé comme simple journaliste avant d’arriver devant les écrans pour les informations télévisées. Approchant de la cinquantaine, après un passage au télé-achat, elle a profité du regain d’intérêt pour les faits divers et créé son émission Verdict. Quand elle apprend l’existence de la video du Dentiste, elle change son programme et improvise une émission spéciale qui va mettre le feu aux poudres.

Les qualités qu’attendent les fanas du thriller peuvent se résumer en quelques mots : des personnages forts, une histoire prenante et du rythme. Ce que j’attends des thrillers, c’est une belle écriture et un thème qui permet d’élever le débat au dessus d’une simple course poursuite après un serial killer. Avec ce roman là, les fanas du genre vont être comblés et j’ai été happé, ébloui par ses qualités et les différences avec le premier roman.

On retrouve avec une joie non dissimulée nos deux inspectrices dont tous les traits de caractère sont aussi opposés que l’eau et le feu. Malgré cela, elles forment un duo imparable, implacable et redoutablement efficace. A la limite, on n’avait pas besoin de Vito Strega sauf pour les scènes finales. S’il n’est pas nécessaire d’avoir lu L’île des âmes auparavant, je vous conseille tout de même de la faire, pour deux raisons : vous appréhenderez mieux les personnalités de Mara et Eva ainsi que la Sardaigne ; et il vient de sortir au format poche.

L’histoire est implacablement menée, avec ses morts toutes les deux cent pages, le passage d’un personnage à l’autre, les dialogues qui claquent, des phrases courtes, les chapitres qui ne dépassent que rarement les quatre pages. Toutes ces qualités font que cela nous pousse à aller toujours plus loin, à vouloir connaitre la suite et ne pas le lâcher. De ce point de vue là aussi, ce roman est une grande réussite.

Enfin le sujet qui se rapproche de 7 milliards de jurés ? de Frédéric Bertin-Denis, fera forcément réagir beaucoup de gens. L’état étant le garant du progrès de la société, il est inadmissible que les budgets de la justice soient sabrés, que les procès trainent en longueur et que des coupables évidents s’en sortent avec des dessous de table ou juste un avocat doué. Piergiorgio Pulixi s’en sort remarquablement bien en abordant tous les points de vue et en cela, ce roman s’avère bigrement passionnant aussi.

Allez, je vais chipoter un peu, alors que ce thriller est réellement un excellent roman. Tout d’abord, comme je l’ai dit, le personnage de Vito Strenga n’était pas nécessaire, sauf pour la fin. Ensuite, il a tendance à insister sur le mal-être de Mara, sur la dureté d’Eva, et cela se voit, même si j’apprécie Eva. Enfin, les événements, c’est à dire chaque kidnapping, interviennent de façon un peu trop rythmé (toutes les 150 pages environ) et j’aurais aimé un peu plus de surprise. Mais au regard du plaisir que j’ai eu à le lire, je chipote.

Ne ratez pas cet excellent thriller, il en vaut largement le coup.

Black’s Creek de Sam Millar

Editeur : Le Beau jardin

Traducteur : Patrick Raynal

Pour ceux qui connaissent Sam Millar, cet incontournable auteur irlandais de romans noirs, Black’s Creek va les surprendre. Il nous permet de découvrir une autre facette de cet auteur à travers une intrigue impeccablement construite.

Tommy Henderson se rappelle cet été de son adolescence, alors qu’il est en train de lire un article faisant mention d’un drame survenu dans la petite ville de Black’s Creek. Il se rappelle qu’il passait tous ses après-midis avec ses deux amis, Brent Fleming et Horseshoe, à discuter des performances des super-héros tels que Hulk ou les quatre fantastiques, allongés au soleil au bord du lac.

Tommy se rappelle quand Joey Maxwell, un adolescent de leur âge, le fils du gardien de la prison, s’est approché et a commencé à entrer dans le lac, s’est dirigé vers le large. Il se rappelle que Brent, Horseshoe et lui l’ont encouragé à aller plus loin, pour plaisanter, avant de le voir se noyer. Tommy a plongé pour le secourir mais Joey s’était attaché avec les menottes de son père à une épave de voiture au fond du lac.

Grâce à sa tentative de sauvetage, Tommy est passé pour un héros local. Mais cet événement a irrémédiablement marqué les trois amis, qui furent persuadés que Norman Armstrong, le caissier du cinéma, en était le responsable et coupable. Armstrong, surnommé Not normal à cause de son allure, subissait des accusations de pédophilie dont les garçons ont entendu parler.

Tommy étant le fils du shérif, il était au courant de l’avancement de l’enquête lors des repas en famille. Il s’était rendu compte du fossé séparant la police et la justice. Partageant son désaccord avec ses deux amis, ils se sont unis par un serment de sang de venger Joey en récupérant une arme pour au moins tirer une balle dans les couilles de Not Normal. Ils avaient alors bâti un plan.

Dès que l’on a affaire à un roman portant sur une histoire d’un groupes d’adolescent, on pense naturellement à Stephen King et sa novella Le corps (The body) adapté en film sous le titre Stand by me. Depuis, de nombreux romans ont fouillé les relations entre amis lors du passage à l’âge adulte avec plus ou moins de réussite. Black’s Creek, disons-le d’emblée, est à placer en haut du panier.

Après un prologue qui nous permet de faire connaissance avec Tommy et de positionner le mystère de l’intrigue, nous voilà projetés trente ans en arrière, quand nos trois adolescents passaient des vacances insouciantes. Et sans effectuer de longues descriptions, la magie et le talent de Sam Millar opèrent comme si nous avions toujours connu Brent le chef, Horseshoe le craintif et Tommy le modérateur du groupe.

Avec Tommy, nous allons vivre le passage dans le monde adulte, fait de règles absconses, mais aussi la difficulté du métier de policier, la façon innocente que peut avoir un enfant de la justice et par voie de conséquence l’injustice qui en résulte quand un coupable est défendu par un bon avocat et acquitté. On va aussi être confronté à des éducations différentes, aux aprioris envers les gens qui nous pourrissent la vie et nous aveuglent. On va aussi connaitre avec Tommy son premier amour. On va surtout vivre une histoire dramatique, noire, tellement bien racontée qu’elle pourrait être vraie.

Tommy étant le narrateur, le roman bénéficie pleinement de l’objectivité de son regard, et de l’évolution de sa psychologie. En particulier, la façon de montrer son évolution, ses relations avec sa mère, autoritaire et son père, qu’il voit comme le seul apte à débloquer la situation, est tout simplement fascinante. J’ai ressenti une très agréable sensation lors de la lecture de ce roman, celle que chaque personnage faisait progresser l’intrigue et non l’inverse, ce qui ajoute au plaisir et donne une véracité à cette histoire.

Enfin, il faut bien le dire, Sam Millar déploie tout son talent d’écriture, cette façon de tout décrire sans en rajouter, d’atteindre une efficacité parfaite, tant dans le contexte, les décors, les psychologies. A cela, s’ajoute le don d’écrire des dialogues savoureux, humoristiques quand il le faut, plein de tension à certains moments, expressifs en juste quelques mots. Je vous le disais précédemment, ce roman se place tout en haut du panier, une pépite noire illustrant le passage à l’âge adulte dans un environnement rural.

La mécanique du pire de Marco Pianelli

Editeur : Jigal

Alors que je suis passé au travers de son premier roman, ce nouvel opus représentait la bonne occasion de rattraper mon erreur ou mon oubli. Il faut dire que j’ai été fortement motivé par le billet de Yves :

https://www.lyvres.fr/2022/06/la-mecanique-du-pire.html

Lander (ou quelque soir son nom) se rend à paris pour exécuter sa dernière mission, équipé de nouveaux papiers avec ce nouveau nom. Ancien soldat ayant parcouru de nombreuses zones de combat, il s’est reconverti dans des opérations solitaires d’exécutions. Afin de ne pas laisser de traces, il prend un bus payé en liquide et prend son mal en patience, l’esprit concentré sur l’instant présent.

Sur le chemin, le bus rencontre une voiture en panne, une femme attendant les bras croisés. Le conducteur lui demande si elle veut de l’aide, mais elle refuse. Lander descend et lui propose d’y jeter un coup d’œil. Il trouve rapidement un fil dénudé qui fait court-circuit, l’entoure d’un film adhésif et la voiture peut repartir. Marie lui propose de le déposer dans la maison d’hôtes tenue par sa mère.

Lander fait ainsi connaissance de Marie, Josette la mère et des deux enfants Mathias et Emilie. La famille se montre méfiante envers cet étranger baraqué mais il arrive à découvrir le passé de Marie. Son mari, Lucas, était flic, à la BAC 96 et s’est donné la mort, après avoir demande de nombreuses fois sa mutation. On ne verse pas de pension en cas de suicide mais Lander va se rendre compte des magouilles de la BAC 96 et de son chef Ciani. Il va mettre en place sa propre notion de justice.

Voilà un roman d’action qui va vous pousser dans vos retranchements. Après quelques dizaines de pages ayant pour objectif de situer le contexte, Marco Pianelli nous convie à un voyage à très haute vitesse. Il va additionner les scènes, dans le but de nous détailler la stratégie de Lander qui vont aboutir à des purs moments de violence qui sont toutes sans exception une grande réussite.

Marco Pianelli réussit le pari de créer une intrigue simple et de la dérouler en utilisant différents points de vue, toujours dans un rythme élevé. On est amené à lire ce livre en retenant son souffle, et de se dire à plusieurs reprises : « La vache ! comme c’est bien fait ! ». car les auteurs capables d’écrire des romans d’action, de décrire des scènes de bagarre tout en restant passionnants ne sont pas nombreux. Plusieurs fois, pendant ma lecture, j’ai pris comme référence JOB, Jacques Olivier Bosco qui excelle dans le domaine.

Comme j’ai adoré avaler ce roman, en moins de deux jours. A chaque fois, j’ai regretté d’être obligé de le poser, ne serait-ce que pour dormir. Car entre les scènes d’action, l’auteur y ajoute des scènes intimistes qui donnent de l’épaisseur aux personnages, et même là, on y croit à fond. Ce roman, c’est de l’adrénaline pure, une lecture jouissive tout du long. Et peu importe que cela soit réaliste ou probable, l’important est que le plaisir soit au rendez-vous.

Adieu Poulet ! de Raf Vallet

Editeur : Gallimard – Série Noire

Quelle judicieuse idée de rééditer les polars de Raf Vallet, depuis longtemps épuisés. Je ne suis pas sûr que grand monde connaisse ce roman ; par contre ils n’auront pas oublié le fil de Pierre Granier-Deferre, avec Lino Ventura et Patrick Dewaere. En lisant ce roman, on a l’impression de revoir le film devant nos yeux.

Le roman s’ouvre par la scène finale du film. Un homme s’est retranché dans son appartement, en compagnie de ses deux enfants, armé d’un fusil de chasse. Le procureur n’aime pas le commissaire Verjeat et le met au défi de résoudre cette affaire en moins de deux heures, sans quoi, il lancera l’assaut.

La seule chance de Verjeat réside dans le lien téléphonique qu’il a avec le forcené, qui ne veut rien d’autre que récupérer ses gosses et être entendu. Et pour être entendu, il va être entendu ! Verjeat branche la ligne téléphonique sur le haut parleur de la voiture et tout le voisinage peut entendre ses récriminations … et tout le monde en prend pour son grade. Puis Verjeat monte à l’appartement et désarme facilement le père.

Malgré ses faits d’armes reconnus par tous, Verjeat est sur la sellette. Son collègue et ami, l’inspecteur Maurat lui annonce que Madame Claude a déposé un témoignage qui le charge en tant que policier corrompu. Le chef de la sureté mais aussi le procureur, tous aussi corrompus, préféreraient sacrifier un des leurs, quitte à ce qu’il soit un bon élément, pour sauver leur peau. Verjeat va alors concocter un plan incontournable pour se mettre à l’abri.

Ce roman confirme tout le bien que je pense des polars anciens. Certes, certaines expressions sont datées, mais le style est vif et va à l’essentiel. Les personnages sont dignes de ce que l’on trouvait dans les polars des années 70, un peu macho, musclé, indéboulonnable, mais toujours franc, direct et humain. Et l’intrigue ne va pas souffrir du format obligé de l’époque qui limitait les polars à 250 pages maximum.

Si dans le roman, le personnage de Maurat est placé au second plan par rapport au film, il n’en reste pas moins qu’on les reconnait tout de suite derrière ces mots, et qu’on se rappelle combien Ventura et Dewaere nous manquent. Et finalement, on se rend compte que la situation d’aujourd’hui est semblable à celle d’avant, que rien ne change et qu’il est bon, par moments de lire des romans où des « petits » arrivent à s’en sortir. Quelle bonne bouffée de nostalgie !

L’Ombre des Autres de CJ. Tudor

Editeur : Pygmalion

Traducteur : Thibaud Eliroff

J’avais découvert CJ.Tudor avec L’Homme-Craie, son premier roman, que j’avais adoré, au point de lui décerner un Coup de Cœur. Ces lectures de fin d’année 2021 m’ont permis de renouer avec cette auteure douée.

Bloqué dans les embouteillages en rentrant chez lui, Gabe Forman remarque tout d’abord les autocollants affichés sur la vitre arrière de la voiture qui le précède. Pour une fois qu’il était sorti tôt du boulot, il se retrouve coincé dans les travaux de l’autoroute M1. Alors qu’il s’apprête à changer de file, le visage de sa fille apparait derrière le pare-brise arrière de la voiture précédente. Elle semble prononcer « Papa ».

Impossible ! Elle devait être avec sa mère ! Alors que la circulation se fluidifie, la voiture accélère. Il essaie de la suivre mais la perd rapidement. Mettant cet événement sur le compte de la fatigue, il s’arrête dans une station-service déprimante. Il reçoit alors un coup de téléphone du capitaine Maddock, qui lui annonçant que sa femme Jenny et sa fille Izzy ont été tuées.

Trois ans plus tard, un homme maigre et désespéré est assis à une table de la station-service de Newton Green, buvant son café. Katie, la serveuse, le connait bien, il passe de temps en temps avec son affiche montrant le portrait d’une jeune fille et l’inscription « M’avez-vous vue ? ». Le rumeur disait qu’il arpentait la M1 à la recherche de sa fille disparue. Il reçoit un SMS d’un numéro inconnu : « G trouvé la voiture ».

A la station-service de Tibshelf, Fran fait une pause avec sa petite fille Alice. Elle observe les clients, car elle sait qu’ils ne lui laisseront aucun moment de répit. Alice demande à aller aux toilettes, et elle lui autorise d’y aller seule. Alice entre et évite les miroirs. Elle sait qu’ils peuvent lui faire du mal. Alors qu’elle se lave les mains, elle ne peut s’empêcher de lever le regard. Et elle aperçoit le visage d’une petite fille avec les yeux blancs. Alice s’évanouit.

Construit comme un puzzle, avec trois personnages principaux, l’histoire va petit à petit prendre forme et remonter dans le passé pour nous expliquer tout ce qu’il s’est passé. Grâce à des chapitres courts et l’art de nous surprendre par une simple phrase, on ne peut qu’être attiré par la suite, et ressentir une envie irrépressible de connaitre la fin. Voilà la définition même d’un page-turner.

Et cela marche. Le style de l’auteure s’avérant très agréable et fluide, nous allons suivre Gabe dans sa quête de réponses, Katie dans sa vie compliquée de serveuse, et Fran dans sa fuite éperdue face à une menace que l’on ressent sans réellement savoir de quoi elle est faite. La psychologie des personnages étant réellement attachante, il devient difficile de poser le bouquin.

Je dois dire que cette façon de dérouler le scénario est originale, que ce dernier est très travaillé pour ne nous en dévoiler qu’une petite partie à chaque fois, jusqu’à nous expliquer ce que sont les Autres. Etant fan de Stephen King, elle ajoute à son histoire une pincée de Fantastique qui, je dois le dire, n’apporte pas grand-chose à l’ensemble, sauf pour la scène de fin, ce que j’ai trouvé dommage. L’Ombre des Autres est donc un excellent divertissement.

La chasse

Cette année, nous avons vu apparaitre deux romans portant le même titre, d’où l’idée de les regrouper dans le même billet. Ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre, ni dans le sujet traité, ni dans le genre abordé.

La chasse de Gabriel Bergmoser

Editeur : Sonatine

Traducteur : Charles Recoursé

Maintenant. Franck tient une station-service à 10 kilomètres de la ville, ce qui fait qu’il ne voit quasiment personne. Pour rendre service à son fils, il garde Allie, sa petite-fille de 14 ans. Deux jeunes gens s’arrêtent pour cause de panne de voiture. Puis une autre voiture déboule. Une jeune femme en sort, et s’écroule, couverte de boue et de sang.

Avant. Simon veut découvrir l’Australie authentique et part à l’aventure. Dans un bar, il rencontre une jeune femme, Maggie. Ils décident de faire la route ensemble, et elle choisit la route à l’aide d’une carte étalée sur les genoux. Ils débarquent bientôt dans un village perdu en plein désert, un village à l’atmosphère étrange.

On a affaire à un pur roman d’action et les comparaisons indiquées sur la quatrième de couverture sont quelque peu erronées. Seule la mention de Sam Peckinpah peut donner une idée de cette intrigue et de la façon dont elle est menée. Après être déclinée sur deux fils narratifs, l’histoire va rapidement se concentrer sur l’assaut de la station-service, et là, c’est un véritable massacre.

Le style, direct, descriptif et sans concession, laisse la place à l’action avec une ultra violence, ce qui fait que je conseillerai d’éviter ce roman aux âmes sensibles. Il faut dire que les habitants de ce village n’ayant aucune limite veulent coute que coute récupérer Maggie, dans un univers proche de Mad Max, sans l’humour mais avec l’hémoglobine. Un bon roman, bien violent, et surtout un premier roman d’un auteur intéressant dans sa façon de gérer ses scènes.

La chasse de Bernard Minier

Editeur : XO éditions

Octobre 2020. Un homme court dans les bois, poursuivi par ses assassins. Il débouche, apeuré, sur une petite départementale. Les phares d’une voiture l’éblouissent ; le conducteur, un infirmier, n’a pas le temps de freiner. Le choc est fatal. Quand il sort de sa voiture, l’infirmier s’aperçoit qu’il s’agit d’un homme nu, portant une tête de cerf irrémédiablement fixée sur son occiput.

L’équipe de Servaz est appelée sur place, celui-ci étant étonné de devoir intervenir sur un accident de la route. Quand il se penche sur le corps, il aperçoit le mot JUSTICE gravé sur la poitrine du jeune mort. Peu après, il obtient son identité : Moussa Sarr, 18 ans, reconnu coupable d’un viol et tout juste relâché de prison. Il semble que certains veuillent se faire justice eux-même.

Dans cette enquête, Martin Servaz doit faire face à quelques changements. Son nouveau patron se nomme Chabrillac, et semble être le genre d’homme à ne pas se mouiller, trop politique. Et il doit intégrer un petit jeune, Raphael Karz, tout juste sorti de l’école de police. Bref, Bernard Minier dévoile tout son art à mettre en place un scénario avec un déroulement dont il a seul le secret.

Pour autant, après le cycle consacré à la poursuite de Julian Hirtmann, Bernard Minier sort de son confort pour nous parler de nous, de notre société. Il a minutieusement choisi son thème pour parler de la place de la police dans notre société, du mal-être de ceux sensés faire régner l’ordre et détestés par le plus grand nombre, mais aussi des journalistes qui mettent de l’huile sur le feu, des trafiquants de drogue et des cités. Bref, voilà un vrai bon roman social dans lequel l’auteur s’engage, et qui nous surprend par le fait qu’on ne l’attendait pas sur ce terrain là. Très bien.

Les ombres de Wojciech Chmielarz

Editeur : Agullo

Traducteur : Caroline Raszka-Dewez

Attention, coup de cœur !

Cinquième roman de Wojciech Chmielarz, ce roman clôt surtout un cycle en donnant à l’ensemble une cohérence impressionnante et une analyse des maux de la société polonaise, mêlant la police, la justice, les politiques et la mafia. Grandiose !

Jakub Mortka dit le Kub est appelé sur le lieu d’un assassinat dans une petite maison des environs de Varsovie. Une jeune femme et sa mère ont été retrouvées abattues dans ce qui ressemble à une exécution en bonne et due forme. Sur place, les policiers ont trouvé l’arme de service de Darek Kochan, le collègue du Kub, réputé pour être violent et frapper sa femme. Même s’il n’a pas l’intention de lui trouver de circonstances atténuantes, le Kub ne croit pas à la culpabilité de Kochan et veut découvrir la vérité. Sauf que Kochan a disparu …

De son côté, la lieutenante Suchocka, dite la Sèche, n’en finit pas de regarder une vidéo, enregistrée sur une clé USB, qu’elle a conservée suite à sa précédente affaire. Sur le film, on y voit trois hommes entrainer un jeune homme, vraisemblablement drogué, et le violer. La Sèche ne veut pas confier ce film à ses collègues, car elle sait que les trois hommes, facilement identifiables et très riches, s’en sortiraient en sortant quelques liasses de billets. Et elle fera en sorte qu’ils ne s’en sortent pas …

L’allure de Borzestowski dit Boro fait penser à un colosse. Lui qui dirige de main de maître tous les trafics imaginables à Varsovie, a intérêt à ce qu’on retrouve une preuve qui pourrait l’accuser d’un meurtre. L’inspecteur Gruda de la section Criminalité et Antiterrorisme de la police métropolitaine lui rend visite dans son hôtel, proche de l’aéroport. Il vient lui transmettre le message de quitter la Pologne mais la menace tombe à l’eau. Boro lui demande de faire taire Mieszko, actuellement en prison et de passer le message au directeur adjoint de la police Andrzejewski. Sinon Boro parlera de la découverte des corps de trois chefs de gangs par Kochan. De son coté, Andrzejewski et Gruda vont se mettre à la recherche d’un costume tâché du sang d’une victime de Boro que Mieszko a précautionneusement caché.

En guise de préambule, je dois vous dire que ce volume, le cinquième donc, peut se lire indépendamment des autres. De nombreuses références sont faites aux précédentes enquêtes, et sont suffisamment explicites pour que l’on puisse suivre. Ceci dit, ces cinq romans s’emboitent parfaitement, et trouvent une conclusion magnifique dans ce cinquième tome. Il serait donc dommage de ne pas avoir lu les autres romans qui sont : Pyromane, La ferme des poupées, La colombienne et La cité des rêves. Personnellement, il m’en reste un à lire.

Quand on attaque un roman de Wojciech Chmielarz, on a affaire à une enquête policière que l’on pourrait qualifier de classique. Ici, elle part sur au moins quatre axes différents : la recherche de l’innocence de Kochan, la recherche des coupables du viol du jeune homme, les manigances des responsables de la police pour se débarrasser du témoin gênant dans le cadre du procès de Borzestowski, et les magouilles de ce dernier pour se sortir des griffes de la justice.

A travers cette intrigue à multiples facettes, l’auteur montre l’ampleur de la puissance de la mafia dans la société polonaise, la main mise sur la police au plus haut niveau, sur la justice, sur la politique. Il nous montre comment les puissants de ce pays, ceux qui détiennent l’argent et le pouvoir peuvent tout se permettre et passer entre les mailles du filet à chaque fois. Pour cela, Wojciech Chmielarz a construit des personnages forts et détaillé leurs tactiques pour mieux montrer de quoi ils sont capables.

Le personnage de Lazarowitch, dit Lazare est à cet égard le parfait exemple de la situation. Par ses relations, les services qu’il rend aux uns et aux autres, les informations qui lui servent de chantage, il arrive à regrouper entre ses mains un pouvoir aussi invisible que gigantesque, que ce soit chez les truands comme chez les gens qui dirigent la société. Lazare est présenté comme le pendant de Boro, la seule différence résidant dans le fait que Lazare a les mains propres et que personne ne le connait dans le grand public. Dans le rôle des Don Quichotte de service, on trouve le Kub et la Sèche.

L’intrigue nous balance de droite et de gauche, introduit des personnages pour appuyer le propos, créé des scènes avec une limpidité et une inventivité impressionnantes, et malgré le nombre de protagonistes, malgré le nombre d’événements, malgré le nombre de lieux visités, on n’est jamais perdus. Ce roman m’a impressionné par ce parfait équilibre qu’on y trouve entre les descriptions et l’avancement de l’intrigue, entre les impressions ou les sentiments des personnages et les dialogues. Quant à la scène finale, elle se situe dans un abri antiatomique et vaut son pesant d’or. Et surtout, ce cinquième tome se place comme la pièce finale d’un puzzle, sorte de conclusion d’un cycle qui fait montre d’une incroyable lucidité et d’un implacable constat sur le niveau de corruption générale.

Rares sont les romans qui arrivent à me laisser sans voix devant l’ampleur de l’œuvre. En lisant ce roman, on le trouvera excellent. Après avoir lu les cinq tomes, cela en devient impressionnant, impressionnant. Il ne reste plus qu’à savoir si on reverra le Kub et la Sèche dans un nouveau cycle. Car la fin du roman semble pencher en ce sens plutôt qu’une fin de la série complète. Enfin, j’espère !

Coup de cœur, je vous dis !

Harry Bosch 3 : La blonde en béton de Michael Connelly

Editeur : Points

Traducteur : Jean Esch

Après Les égouts de Los Angeles et La glace noire, voici donc la troisième enquête de Hieronymus Bosch, dit Harry, qui va creuser un nouvel aspect de la justice américaine, tout en approfondissant le personnage de Harry. Un très bon opus.

Alors que la police est à la recherche du tueur en série qui sévit sur Los Angeles, Harry Bosch reçoit un appel lui indiquant qu’une prostituée vient de lui échapper. Il se rend chez Norman Church, suspecté d’être le Dollmaker, celui qui maquille ses victimes comme des poupées, guidé par le jeune femme et lui demande de rester dans la voiture. Voyant une ombre devant la fenêtre, il imagine que le tueur a peut-être déjà trouvé une autre victime.

Harry défonce la porte, s’annonce et aperçoit une ombre dans la chambre. Il lui demande de ne pas faire un geste, de mettre les mains sur la tête. Norman Church tend doucement sa main vers le coussin et cherche quelque chose dessous. Harry lui demande de s’arrêter, mais l’autre continue. Harry est obligé de faire feu. Quand il regarde sous le coussin, il trouve une perruque et dans l’armoire de la salle de bain, des produits cosmétiques, appartenant probablement à ses victimes.

Quatre ans ont passé depuis la mort du Dollmaker et Harry est poursuivi dans un procès en civil par la veuve de Norman Church. Il est accusé d’avoir joué au cow-boy, d’avoir tué un innocent. Pendant une pause, un coup de téléphone lui apprend qu’une lettre vient d’arriver au commissariat, un poème dans le style du Dollmaker, indiquant l’emplacement d’une de ses victimes. Harry va devoir mener une enquête en même temps que son procès.

Marchant dans les traces d’un John Grisham, Michael Connelly nous offre ici un pur roman judiciaire, accompagné en parallèle d’une enquête policière en temps limité. C’est l’occasion pour l’auteur de creuser plusieurs thèmes dont le principal est la façon de mener un procès. Comme d’habitude, tout y est d’une véracité impressionnante des stratégies des avocats aux dépositions en passant par les motivations pécuniaires des uns et des autres.

Los Angeles va aussi occuper une place prépondérante, nous faisant visiter l’autre facette du cinéma, à savoir le monde de la pornographie et la vie des actrices, qui arrondissent leur fin de mois en se prostituant. Puis, quand elles tombent dans la drogue, elles deviennent des épaves, cherchant le moindre client pour assouvir leur besoin avant de mourir abandonnées dans une ruelle sombre.

On va aussi voir toutes les différentes relations entre les défenseurs de la loi, la police, les spécialistes, les légistes et les journalistes. Tout ce petit monde œuvre pour l’argent, ou pour la gloire, celle par exemple, d’avoir un article en première page du journal, au dessus du pli ! j’ai particulièrement apprécié les descriptions des psychologies des tueurs en série, quand Harry va demander l’aide du professeur Locke.

Si le rythme se fait plutôt lent dans les trois quart du roman, suivant en cela le déroulement du procès, la tension monte petit à petit quand l’issue se fait sentir. Harry doit trouver le coupable, l’imitateur du Dollmaker, nommé le Disciple, et c’est bien un coup de chance qui l’aidera dans cette tâche. Une nouvelle fois, c’est un très bon roman policier, instructif, qui assoit Harry dans son rôle de personnage récurrent tout en nous montrant une nouvelle facette de cette ville maudite qu’est Los Angeles.