Editeur : Gallmeister
Traducteur : Daniel Lemoine
Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose de poursuivre la découverte des romans de Larry Brown, avec ce roman qui est la suite de Joe, chroniqué ici avec un coup de cœur.
Quatrième de couverture :
À dix-sept ans à peine, Fay fuit une vie de misère. Elle s’élance sur les routes du Mississippi pour gagner la mer et un autre avenir. Elle n’a pas mis les pieds à l’école depuis longtemps, ignore beaucoup des règles de la vie en société et ne sait pas vraiment ce que les hommes attendent des femmes. Belle, lumineuse et parfois inconsciente, elle trace sa destinée au hasard de ses rencontres, s’abandonnant aussi facilement qu’elle prend la fuite. Mais cette femme-enfant, qui ne réalise qu’à demi l’emprise qu’elle exerce sur ceux qui croisent son chemin, laissera dans son sillage une traînée de cendres et de sang.
Mon avis :
Ayant décidé de fuir sa famille et en particulier son père alcoolique, fainéant, violeur et violent, Fay Jones, du haut de ses 17 ans, va parcourir le Mississipi pour rejoindre Biloxi et ses plages paradisiaques vers une vie de rêve. A la fois naïve et belle comme un cœur, elle va apprendre la vie à travers différentes expériences et devenir une femme fatale à qui aucun homme ne peut résister. Elle va trouver un lit dans un camping auprès de jeunes gens vivant d’alcool et de drogue avant de rencontrer Sam, un policier de la route.
Sam et sa femme ont du mal à surmonter la mort de leur fille. Ils accueillent donc les bras ouverts Fay qui va découvrir cette nouvelle vie comme un paradis. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte que Sam trompe sa femme devenue alcoolique. C’est d’ailleurs à cause de l’alcool qu’elle trouvera la mort et que Fay la remplacera … jusqu’à un nouveau drame qui l’obligera à reprendre la route et à rencontrer Aaron, un videur de boite de nuit violent tombé fou amoureux d’elle.
Ecrit dans un style littéraire et méticuleux, Larry Brown continue à nous montrer la société américaine, en s’écartant des miséreux pour détailler la vie des ouvriers. Il montre des gens qui dépensent leur argent en alcool ou en drogues dans un monde sans pitié, un monde sauvage ne respectant que la loi du plus fort. Il est d’ailleurs intéressant de voir que l’auteur oppose Sam à Aaron, comme deux faces d’une même pièce de monnaie, le Bien et le Mal. Pour autant, chacun de ces deux mâles vont succomber aux charmes de Fay et avoir une psychologie complexe et bien plus nuancée qu’une simple opposition Bien/Mal.
On voit aussi Fay, une femme fatale moderne, qui va devenir consciente de son pouvoir d’attraction envers les hommes, et sa capacité à les utiliser. De jeune femme victime, elle va orchestrer les événements à son profit et devenir femme manipulatrice. Personnage éminemment complexe, semblant parfois rechercher une sécurité, parfois prenant des décisions, elle démontre une sacrée faculté à obtenir ce qu’elle veut avec un beau machiavélisme.
De ce personnage féminin d’une force remarquable, de cette peinture de la société sans concession, de ce style si détaillé, de cette intrigue suivant l’itinéraire d’une adolescente, nous garderons cette image bien noire des Etats-Unis brossée par Larry Brown, avec la sensation d’avoir parcouru un sacré chemin et avoir abordé des thèmes divers qui font réfléchir. De la grande littérature, tout simplement.