Editeur : Gallmeister
Traducteur : Elie Robert-Nicoud
J’avais adoré Montana 1948 et j’ai donc acquis tout naturellement le roman paru cette année mais qui date de 2013 en réalité. Si le scénario est d’une simplicité extrême, les personnages et la façon de les présenter m’ont impressionné.
1951, Dakota du Nord. George Blackledge a occupé le poste de sheriff et profite d’une semi-retraite en compagnie de sa femme Margaret. Ils déplorent la mort de leur fils, dans un accident de cheval, qui a laissé une veuve Lorna, et son fils Jimmy. Lorna a quitté le ranch de ses beaux-parents au bras de Donnie son amoureux, et a rejoint sa nouvelle famille, le clan Weboy, dans le Montana.
Margaret se rend compte que son petit-fils n’est pas bien considéré dans le clan Weboy, laissé de côté. Il n’est pas dans des conditions acceptables pour s’épanouir. Cette situation devient insoutenable pour elle, et un matin, elle décide de voyager dans le Montana et de le ramener chez eux, coûte que coûte.
George sait très bien que Margaret ne changera pas d’avis. Quand elle a décidé quelque chose, elle prend les choses en main. Elle a tout préparé, des affaires à la nourriture, a récupéré l’argent disponible, et lui présente la situation : avec ou sans lui, elle ira récupérer Jimmy. George connait sa femme ; il décide de l’accompagner dans son long voyage vers l’inconnu.
Avec un tel sujet, on aurait pu s’attendre à la description d’une itinérance de nos deux sexagénaires à travers les Etats-Unis pour rejoindre le Montana et affronter le clan Weboy. Larry Watson préfère s’attarder sur la psychologie des deux personnages principaux et nous concocte des dialogues remarquables qui vont nous en dire bien plus sur George et Margaret que de longs discours.
Nous allons donc vivre avec George et Margaret, plus que les suivre, en appréciant la ténacité féminine et l’amour fou de George pour sa femme. Nous allons aussi voir leur attitude, leurs réactions évoluer dans trois scènes marquantes, la première rencontre avec le clan Weboy, la deuxième rencontre à l’hôtel et enfin la scène finale. Assurément vous n’oublierez pas ce roman avec ses pièces angulaires si émotionnellement fortes.
Larry Watson nous présente donc, avec son style personnel, sa façon d’en dire le moins possible laissant son lecteur interpréter ses personnages, avec sa faculté de créer une tension insoutenable en une phrase, avec son talent d’alterner la douceur avec l’agression extrême (non explicite) l’Amérique rurale, faite de clans, de groupes dans lesquels on n’accepte pas les étrangers et où la seule façon de réagir est de se replier derrière un mur de violence.
Malgré des personnages caricaturaux, on s’attache à George et Margaret ainsi qu’à tous ceux qui gravitent autour d’eux et les aident dans leur entreprise. Outre son scénario simple, on retiendra son traitement original et surtout cette plume unique capable de d’entrer dans la tête des protagonistes grâce à une phrase de dialogue géniale. Et puis, il faut bien s’avouer que le portrait de l’Amérique rurale fait froid dans le dos, d’autant plus qu’il a des accents intemporels qui nous permettent de faire le parallèle avec la situation d’aujourd’hui.