Archives du mot-clé Maltraitance

C’est ton nom de Laurent Rivière

Editeur : Toucan

J’avais découvert Laurent Rivière et son personnage récurrent Franck Bostik avec Le dernier Sycomore, et j’avais été agréablement surpris par sa plume simple mais évocatrice qui fournissait un réel plaisir à suivre la vie de cet ex-flic.

Dans ce nouveau roman, après la précédente et douloureuse affaire où Bostik devait enquêter sur la mort de Mathieu Groseiller (Le couz’), il a décidé de prendre le large, pour se ressourcer. Il laisse derrière lui sa femme adorée Lyly et prend la direction du Morvan, ses terres natales où l’attendent une vieille maison familiale. La proximité des bois lui permettra de devenir bucheron amateur, de faire des efforts physiques et se vider l’esprit.

En arrivant, une ancienne petite amie lui apprend qu’il est en réalité le père d’un adolescent. En apprenant qu’elle était enceinte, elle avait décidé de garder l’enfant sans en informer Bostik. Mais aujourd’hui, le bébé est devenu un adolescent difficile, qui sèche les cours, qui cache de l’argent dans sa chambre. Elle a peur qu’il soit impliqué dans des rackets ou pire, dans un trafic de drogue et pense qu’il a besoin d’être recadré par son père.

Bostik hésite, n’a pas encore pris sa décision mais la rencontre avec Livia, une amie archéologue va changer ses priorités. Lors de fouilles dans une cave des maisons noyées par le lac artificiel de Pannecière, elle a trouvé des ossements humains. Il semblerait qu’il s’agisse du squelette d’un enfant et les os attestent qu’il a été maltraité, ou du moins qu’il a reçu de nombreux coups. Bostik retrouve sa passion des enquêtes dans une affaire qui va lui en apprendre beaucoup sur sa région et sur lui-même.

Laurent Rivière va donc prendre comme argument la mise au vert de son personnage Franck Bostik pour nous parler de la dureté de la vie campagnarde mais aussi de la maltraitance des enfants. Il va aborder aussi la politique de repeuplement des campagnes dans les années 80 où l’on plaçait des orphelins dans des familles du Morvan (et probablement ailleurs) sans qu’aucun contrôle sérieux ne soit réalisé.

L’auteur aborde cet aspect en parallèle de la psychologie de Bostik, que l’on découvre hésitant, presque timide, en tous cas face à un problème qu’il ne sait pas gérer : comment prendre contact avec un adolescent de 12 ans alors que l’on est son père naturel ? Il fait cela sans esbroufe, de façon tout à fait naturel et je retrouve cette qualité que je cherche dans un roman : ce talent de dérouler une intrigue sans que l’on s’aperçoive de petits artifices.

Laurent Rivière confirme tout le bien que je pensais de sa plume et de sa faculté à dérouler une intrigue en mettant au premier plan la psychologie de son personnage. Il arrive à créer une intimité avec Bostik ce qui le rend attachant. Il ajoute dans ce roman un petit je-ne-sais-quoi qui rend son livre passionnant, intéressant, et on prend un grand plaisir à suivre Bostik dans ses problèmes personnels (qui vont se compliquer à la fin du roman et peut donner une idée pour la suite) et dans son enquête. Bostik devient un personnage que l’on a plaisir de fréquenter, de suivre ; en un mot, comme en cent, vivement le prochain !

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Oldies : Cinq femmes et demie de Francisco Gonzales Ledesma

Editeur : L’Atalante (2006) ; Points (2011)

En cette année 2020, nous allons fêter les 50 années d’existence de la collection Points, et les 40 ans de Points Policier. Cela faisait un bon bout de temps que je voulais découvrir Francisco Gonzales Ledesma et son personnage d’inspecteur récurrent Ricardo Méndez. Il aura fallu un cadeau de mon ami Jean le Belge pour que je me lance. Je peux vous dire qu’après cette lecture, je lirai toutes ses enquêtes.

L’auteur :

Francisco González Ledesma, né le 17 mars 1927 à Barcelone et mort le 2 mars 2015 à Barcelone, est un écrivain espagnol, auteur de nombreux romans policiers. Son personnage le plus célèbre, l’inspecteur Ricardo Méndez, apparaît pour la première fois dans Le Dossier Barcelone. La qualité et la force de ses romans lui ont valu les faveurs du public, la reconnaissance de ses pairs et de nombreux prix littéraires.

Né le 17 mars 1927 dans le quartier populaire de Poble Sec à Barcelone, c’est grâce à l’aide d’une tante qu’il étudie au collège, puis entreprend des études de droit qu’il finance avec des « petits boulots » et en écrivant des « pulps ». De 1951 à 1981, sous le pseudonyme de Silver Kane, Francisco González Ledesma écrit plus de mille westerns et romans d’aventures qu’il livre parfois au rythme de trois par mois. En parallèle, entre 1957 et 1965, il a recours au pseudonyme Rosa Alcázar pour faire paraître une vingtaine de romans d’amour. En 1948, son premier roman signé de son patronyme, Sombras viejas, est couronné par le Prix international du roman. Cependant, interdit trois fois, il ne sera jamais publié en Espagne.

Déçu par la profession d’avocat, il cherche une autre voie. L’assouplissement de la loi sur la presse lui permet de devenir journaliste en 1963, ce qui lui permet de « réaliser un vieux rêve d’enfance ». Il entre à La Vanguardia, dont il deviendra rédacteur en chef. Il y fonde un syndicat de journalistes clandestin auquel adhère un autre futur auteur de romans policiers, Manuel Vázquez Montalbán. Refusant d’écrire le moindre papier sur Franco pour ne pas trahir ses opinions, il devient un orfèvre dans l’art de rédiger les informations de façon défavorable au régime sans encourir les foudres de la censure.

La transition démocratique qui suit la mort du caudillo lui permet de faire publier un premier roman sous sa véritable identité : Los Napoleones. Cet ouvrage, écrit en 1967, n’avait jamais été présenté à la censure par l’éditeur, de peur de le voir interdit. Les années 1980 sont fécondes pour Francisco González Ledesma qui crée le personnage de l’inspecteur Ricardo Méndez dans Le Dossier Barcelone (Expediente Barcelona, 1983), suivi par sept titres dans le même cycle. Il publie également dix autres romans noirs. Il utilise à deux reprises le pseudonyme Enrique Moriel pour faire paraître des romans noirs.

Il reçoit la Creu de Sant Jordi en 2010.

Quatrième de couverture :

Palmira Canadell est morte violée puis assassinée par trois voyous. Et Méndez n’a reçu pour mission que d’assister à son enterrement. Il fera davantage en partant explorer les petits cafés, les rues étroites, les appartements et les cours intérieures où se cachent les secrets de Barcelone. Le sang coule dans la cité catalane, et des ombres y planent aussi.

Méndez observe que cinq femmes se réunissent dans un bar en vue d’un tournage publicitaire : certains trembleraient s’ils savaient la vérité. Tandis que, depuis la fenêtre de sa chambre, une autre femme découvre en son nouveau voisin un tueur chargé de l’assassiner.

« Voici l’histoire la plus intime de Méndez, de ses vieilles solitudes et de ses rues qui n’ont l’air de conduire nulle part. C’est aussi l’histoire secrète de six femmes (peut-être cinq et demie seulement) que leur naissance destinait à n’être que des victimes, dévorées l’une après l’autre par les hommes riches de la ville. »

Mon avis :

Quelle personnage que ce Ricardo Méndez ! Relativement âgé mais refusant de prendre sa retraite, son chef le charge d’activités sans importance. Mais il s’intéresse aux affaires envers et contre tous, de façon non officielle. Il n’arrête pas non plus les truands ou assassins, s’arrangeant pour leur passer l’envie de franchir la ligne jaune. Mais c’est surtout un personnage à l’image de son pays, regrettant le passé illustre de l’Espagne, celle avant la dictature, regrettant la décrépitude de Barcelone, regrettant la modernité qui transforme les humains en machines sans sentiments.

Pour cela, il vit dans son quartier pauvreux et sale, et se retrouve avec une affaire dont il ne doit pas s’occuper : Une femme a été enlevée, violée et tabassée à mort. Son corps a été retrouvé dans un terrain vague. Pourtant, elle était du genre à ne pas se laisser faire. En parallèle, il se croit suivi par un tueur à gages, Reglan et se tient prêt à toute agression. Et puis, il y a cette femme qui raconte sa vie, poussée à la prostitution par sa mère … et puis il y a ces cinq femmes qui se préparent à un tournage publicitaire …

Roman foisonnant, roman déstructuré, roman baroque, le ton y est des plus originaux mais aussi parfaitement cohérent, à la fois par le sujet, le décor et le personnage de Ricardo Méndez. On n’y est jamais perdu, et même, on s’attache à tous ces personnages rencontrés, tous ces lieux visités. Le Barcelone que l’on parcourt est loin du faste de Las Remblas, les trottoirs sont sales, les nuits glauques, et Ledesma nous partage son amour de ces immeubles populaires, de ces quartiers humains.

Et puis, il y a ce sujet terrible, ces scènes d’une dureté et d’une ignominie infâme : ces femmes tour à tour insultées, maltraitées, battues, violées, voire tuées par des hommes riches, dont l’impunité fait monter la rage, la colère et l’envie de tout balayer d’un coup de balayette. La plume de Francisco Gonzales Ledesma a cette puissance unique pour faire passer ce message et il montre que malgré les années qui passent, rien ne change jamais, la société s’enfonce de plus en plus dans l’ignominie. Et ces femmes représentent une belle allégorie de la ville de Barcelone, qui s’est laissée séduire par l’argent et a laissé son peuple perdre son espoir au profit du capitalisme, quand la corruption et l’impunité sont élevées au rang de nouvelle religion. Un roman toujours d’actualité, hélas.

Celle qui pleurait sous l’eau de Niko Tackian

Editeur : Calmann Levy

Après une infidélité à son personnage récurrent, Niko Tackian revient à Tomar Kahn, à travers une enquête qui va nous plonger dans une actualité sociétale dramatique, la violence faite aux femmes. C’est un polar costaud.

Une jeune femme a été découverte dans la piscine Pailleron, flottant en plein milieu, ses cheveux comme une corolle. Apparemment, elle s’est ouverte les veines et n’avait aucune chance de s’en sortir. La question qui se pose est : comment a-t-elle fait pour s’introduire dans l’établissement de nuit, alors qu’il est fermé au public ? Et puis, pourquoi a-t-on repéré des traces de pied plus grands que sa pointure ?

On sait bien peu de choses à propos de Clara Delattre, si ce n’est qu’elle venait souvent faire de la natation, qu’elle était instituteur et qu’elle était du genre solitaire. On sait tout juste par une collègue de travail qu’elle avait rencontré un homme. L’autopsie démontre qu’elle a pris des anticoagulants, ce qui finit par convaincre la hiérarchie policière qu’il s’agit bel et bien d’un suicide. Et sa relation avec le maître-nageur José Mendez ne semble être qu’un non-événement.

Le commandant Tomar Kahn n’a pas trop la tête à se pencher sur ce cas, d’autant plus que tout converge vers un suicide. L’arrivée d’une nouvelle procureure Ovidie Metzger va bouleverser son quotidien, d’autant plus qu’elle veut faire le jour sur l’assassinat de Thomas Müller, un inspecteur de l’IGPN qui voulait mettre en cause Tomar. Et puis, la mère de Tomar, Ara, a affaire avec des voisins dont la femme subit les assauts violents de son mari. Seule Rhonda Lamarck, la lieutenante et amante de Tomar, ne croit pas au suicide et s’obstine à faire éclater la vérité.

Construit comme un scénario de film, ce roman va vite à l’aide de ses chapitres courts. Je ne vais pas revenir sur les qualités d’auteur de Niko Tackian, tant tout y est construit avec beaucoup d’application et de savoir-faire. A part des paragraphes un peu longs à mon goût, les descriptions sont efficaces, les dialogues exemplaires de concision et il est bien difficile de trouver des défauts dans ce roman policier costaud.

Si les deux précédentes enquêtes (Toxique et Fantazmë) reposaient sur le personnage principal, Tomar Kahn, celui-ci se divise en deux entre Tomar et Rhonda. Tomar va essayer de lever les doutes sur les accusations qui le visent, et Rhonda va se pencher sur le cas de ce soi-disant suicide. Si le passé des personnages est bien expliqué au début du roman, je vous conseille tout de même de lire les deux précédentes enquêtes de Tomar, ne serait-ce que pour suivre l’évolution du personnage et des intrigues connexes.

Un dernier mot concernant ce roman et le sujet de fond abordé ici. Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. Et on ne parle pas des femmes (ou hommes) poussés au suicide. Faut-il que le polar aborde mille fois ce sujet pour que, enfin, quelque chose bouge ? La France est-elle à ce point dans l’immobilisme pour ne pas prendre de mesures afin que cela cesse ? C’est le deuxième roman qui aborde ce thème que je lis, après Du poison dans la tête de Jacques Saussey (French Pulp). Je vous conseille fortement ces deux lectures, car les deux sont des polars costauds.

Les Polaroids de 2019

Editeur : Editions In8

Lus en toute fin de 2019, entre deux coupes de champagne, il fallait que je vous parle des deux petits derniers Polaroids parus aux éditions In8. Petits parce qu’il s’agit de novellas, dont la taille ne dépasse pas 100 pages, mais grands par leur identité, le ton personnel donné par chaque auteur.

Rose Royal de Nicolas Mathieu :

Rose a la cinquantaine et la vie ne lui a pas fait de cadeaux. Mariée, divorcée, elle a eu deux enfants qui ont chacun fait leur vie, loin d’elle évidemment. Elle rencontre toujours quelques hommes, mais ce n’est pas pour s’attacher. Elle préfère passer son temps au Royal, un bar miteux ; et y retrouver sa copine Marie-Jeanne, qui le week-end propose de coiffer les clients. Par peur des violences masculines, mais aussi pour se donner la force de se défendre, elle porte sur elle un petit révolver. Cette nuit-là, un homme entre au bar avec son chien qui vient de se faire écraser. Rose va achever ses douleurs et lui tirer une balle dans la tête. Cet homme, Luc, est séduisant. Sera-ce la bonne rencontre pour Rose ?

Avec un style posé et imaginatif, Nicolas Mathieu, auréolé du Prix Goncourt pour Leurs Enfants Après Eux, nous raconte la vie quotidienne des petites gens, avec cette poésie noire qui n’appartient qu’à lui. Il arrive à trouver de la beauté dans les zincs crasseux, à illuminer les visages ridés et tristes, marqués par la vie. En 70 pages, il nous offre un texte lumineux pour une histoire bien noire.

Car la vie n’a pas été rose pour Rose (désolé !). Est-ce dû à de mauvais choix ? Est-ce dû au destin qui lui joue toujours de mauvais tours ? Elle qui a su résister à tant de violences va se laisser mener par un homme qui pourrait tout changer. Et nous voudrions qu’elle y arrive, qu’elle soit moins brute, qu’elle est un peu de chance. Hélas, on ne change pas une trajectoire qui se dirige vers le vide. Et Nicolas Mathieu saura nous montrer une fin brutale et brève (une phrase) d’autant plus brutale qu’on avait espéré. Mais espéré quoi ?

Donneur de Mouloud Akkouche :

Carole se réveille à coté de son compagnon Fabien. Il faut bien se rendre à l’évidence, lui qui prend tant soin de son corps et de sa santé est mort dans son sommeil. Elle sait qu’il a formulé le souhait de donner son corps à la science. Pour cela, elle doit prévenir les urgences dans les 48 heures suivant le décès. Mais elle n’arrive pas à se faire à cette idée, elle n’arrive pas à faire un choix, sauter le pas. Alors elle part pour le week-end dans la maison familiale du Pays Basque, une ancienne baraque de pêcheur que tout le monde a abandonné. Mais quand elle arrive là-bas, c’est un margoulin qui l’attend, Samir.

Avec des chapitres courts, des dialogues qui claquent, Mouloud Akkouche va nous exposer la rencontre de deux êtres abandonnés, perdus, comme deux bêtes sauvages prises dans les phares d’une voiture. Ils vont se parler, apprendre à se connaitre le temps d’un week-end. Sans esbroufe, sûr de sa force, l’auteur construit une courte histoire, un subtil moment dans une existence, une sorte de rencontre rêvée et destinée à ne pas durer. Et il nous montre l’inutilité de la solitude et l’importance des autres, car la fuite n’est pas une solution.

Ne ratez pas l’avis de la Petite Souris

 

Elijah de Noël Boudou

Editeur : Flamant noir

Si je ne connais pas l’auteur personnellement, si je ne l’ai jamais rencontré physiquement, nous avons eu l’occasion de deviser parfois sur un réseau social. Quand j’ai appris qu’il allait sortir son premier roman, j’étais évidemment intéressé, avant même de connaitre son sujet. Ce premier roman laisse augurer d’un futur radieux pour Noël, tant il regorge de rage.

Le personnage principal de ce roman se nomme Gabriel. Depuis sa plus tendre enfance, il subit les violences de son père, à chaque fois qu’il rentre saoul à la maison. Dans ces moments là, les coups pleuvent sur sa mère ou lui. Alors il s’est forgé un moral d’acier, a tout fait pour s’endurcir, jusqu’à ne plus ressentir de douleur. Il s’est aussi fait une promesse : Il tuera son père pour ce qu’il lui a fait.

Quand il a atteint l’âge de 18 ans, son père a tellement frappé sa mère qu’elle s’est retrouvée à l’hôpital. C’est à ce moment là qu’il a mis au point son plan, attirant son père dans la cave avant de tuer le Monstre de manière atroce, à l’image de ce qu’il a subi. Sa mère ne survivra pas, mais elle mettra au monde un petit frère, lourdement handicapé. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir sa garde et le nommera Elijah.

Pendant 10 ans, Gabriel subviendra aux besoins de son frère Elijah, les deux devenant inséparables. A chaque date anniversaire, Gabriel deviendra l’ange vengeur, tuant un autre monstre, coupable de violences conjugales. Et pour trouver l’argent nécessaire à l’entretien de son frère, il se fera gigolo auprès de dames âgées en mal de sensations. Leur vie va être bouleversée avec l’apparition d’AlineHandi

Autant vous prévenir tout de suite : ce livre est ultra violent, à la limite du gore dans certaines scènes. Il faut dire que le sujet s’y apprête bien pour marquer le lecteur et mettre sur le devant de la scène un sujet dont on parle, mais dont on ne mesure pas ni la réalité, ni les conséquences. A partir de cette réalité devenant hélas un fait divers commun, Noël Boudou grossit le trait pour nous narrer le destin de Gabriel.

Concernant l’écriture, je dois dire que j’ai tout de suite accroché au style de Noël Boudou, s’avérant très direct, sans entrer dans des descriptions psychologiques sans fin. Il y a une efficacité remarquable dans ce qu’il écrit, faisant ressortir toute la rage qui l’anime. Cela en fait un roman attachant, malgré la violence des scènes, très crues. Malgré les coincidences du début du roman, l’auteur arrive à éviter les scènes mièvres pleines de bons sentiments.

D’ailleurs, je qualifierai ce roman de vicieux, plaçant le lecteur en face de ses responsabilités. Le personnage de Gabriel, tout meurtrier qu’il est, est un homme plein de courage, plein de bons sentiments. Malgré qu’il soit un Monstre, Noël Boudou nous demande de choisir entre l’amour et le dégout. Sa quête de vengeance n’est pas justifiable, mais pour autant, l’impunité de ces Monstres fait rager. Et on sent bien toute la passion de l’auteur pour son sujet, grossissant le trait à la limite de la caricature pour mieux nous poser ses questions en pleine figure. C’est un roman rageur certes, mais aussi passionné et provocateur, vicieux dans sa forme.

Il faut tout de même que je vous avoue que j’ai moins gouté les scènes de violence, extrêmement crues, Je ne suis pas fan de scènes gore, et là, j’ai été servi. J’ai même sauté des passages tant c’est détaillé. Si je comprends le but de Noël Boudou, qui est de faire réagir, ce défaut (vu mes gouts de lecture) est facilement gommable. Il n’en reste pas moins que ce roman est une lecture que j’aurais beaucoup de difficultés à oublier, à mi-chemin entre le roman noir et le thriller. Un livre plein de rage écrit avec des tripes.

Noël : j’attends ton prochain avec impatience !

La maison de Nicolas Jaillet

Editeur : La rue du départ (2013) ; Bragelonne Thriller (Format poche)

Découvert avec Nous, les maîtres du monde, un roman de super-héros dont je garde un fantastique souvenir de la fin, j’avais raté ce petit roman à sa sortie. Les éditions Bragelonne ont eu la bonne idée de le ressortir pour lui donner une visibilité plus grande. C’est un roman d’une rare subtilité, d’une incroyable douceur.

Quatrième de couverture :

« Deux heures de lecture gravées à vie dans votre mémoire. » Emmanuel Delhomme, France Inter

« Une merveille. Un livre incandescent. » Gérard Collard, Librairie La Griffe Noire

En robe blanche, son bouquet à la main, Martine sait qu’elle n’aimera jamais Jean, l’homme triste et violent qu’elle vient d’épouser. Mais en elle, une graine est en train de germer. Pendant des années, elle survit à son quotidien et élève leur enfant. En silence, avec une audace et une obstination extraordinaires, elle prépare son évasion.

En bonus, deux histoires inédites

La Robe : Entre eux, c’est devenu un rituel : pour leur anniversaire, elle remet sa robe de mariée. Leurs amis les envient. Samuel et Sandra vivent un conte de fées…

La Bague : Une femme caresse une bague à son doigt. Dans le train, un homme observe le visage de cette grande amoureuse changer…

Mon avis :

D’une photographie, prise le jour de son mariage, on devine la joie, les tensions et une femme triste. Elle va subir les coups, les harcèlements mais va garder intact son rêve, qu’elle cultive et qu’elle garde pour elle seule dans le débarras de la maison.

Avec seulement 120 pages, ce court roman est fait de polaroids pour construire l’histoire d’une vie, de deux vies en fait, puisque le narrateur va nous raconter ses racines, ses origines, celles de sa mère. Chaque scène est comme une feuille posée sur une pelouse, aussi légère que l’air et ballottée par les turbulences. Ce portrait de femme est fondant, impressionnant de courage, de volonté.

On ne peut que fondre devant ces horreurs racontées ou esquissées et être empli de rage impuissante pour cette femme qui va subir les pires outrages de son mari. Elle va patiemment emplir son rêve de peut-être, possibles, à force de ténacité. Je n’aurais qu’un mot : Magnifique !

Ce roman est accompagné d’une formidable préface de Marcus Malte et agrémenté de deux nouvelles tout aussi subtiles.