Archives du mot-clé Max Obione

Chronique virtuelle : Il est N …

Editeur : Ska

Retour de la chronique virtuelle, consacrée aux lectures électroniques. Une nouvelle série est née :

Personne ne connait son nom, ni son visage, ni son sexe.

Son nom fait trembler toutes les polices, les puissants le redoutent.

N est l’ennemi public numéro 1.

Comme ces feuilletons de l’époque, N est un projet collectif de littérature de genre, populaire, à la marge. N n’appartient à personne.

Chaque auteur propose un texte. Des récits courts, noirs, transgressifs, dérangeants, qui interrogent. Un Fantômas actuel qui aurait bouffé du Poulpe enragé.

Il est N est une collection créée par Jérémy Bouquin. Ces polars sont des novellas d’une quarantaine de pages à moins de 3 euros. N’hésitez pas !

Swooch de Max Obione :

On dénombre plusieurs dizaines de victimes, suite aux attentats agrémentés d’un N. Jusqu’au plus niveau de l’état, on s’inquiète, on réunit les meilleurs représentants des différents services d’ordre. L’agent spécial Bulot va être chargée de découvrir qui est réellement N. Et s’il n’était qu’un androïde déréglé ?

Je retrouve avec grand plaisir la plume de Max Obione, si cynique, si noire, si expressive pour nous transporter dans un futur proche. Ça va vite, je regrette presque qu’il n’y ait pas eu quelques pages de plus, et surtout, la fin noire et amorale est à ravir.

Cochon qui s’en dédit de Pascal Millet :

Lydie Nédélec, journaliste, subit la pression (un couteau sous la gorge) de la part de N pour faire un article sur l’abattoir de porcs de Porc&Co. Arrivée sur place, l’usine semble propre, respectueuse et bien sous tous rapports, à part ces lettres N taguées sur les murs. Heureusement, elle prend des photos à l’insu de ses hôtes. Elle n’est pas au bout de ses surprises.

Bénéficiant d’un style redoutablement efficace, cette nouvelle va vite et imagine un scenario horrible dont l’issue ne sera dévoilée que dans les dernières pages. La scène violente de la fin apporte un supplément de rage à ce titre et retranscrit toute la colère de l’auteur.

Bonjour Haine de Luis Alfredo :

Sur un écran de télévision, Martin Shkreli gestionnaire de fonds d’investissement spéculatifs dans la santé, se vante de faire flamber les prix du Daraprim de 13.50 $ à 750 $, au nom du profit. Quand l’image se coupe, Guillaume Sauveur, numéro 2 de l’entreprise, est ligoté sur une chaise afin d’être interrogé par N.

Avec cette intrigue simple portant sur l’interrogatoire d’un magnat de la finance, Luis Alfredo évite la violence gratuite et nous dévoile celle non moins violente des bénéfices scandaleux des groupes pharmaceutiques au mépris des malades qui ne peuvent se procurer des médicaments devenus hors de pris. Edifiant.

Antisocial Network de Nils Barrelon :

Quand Alexandre Blokhine écoute les informations, ce matin-là, c’est pour apprendre la mort atroce du directeur général de FaceApp, agrémenté d’un N majuscule. Il trouve sur le Dark Web la vidéo et lit la revendication de celui qui se fait appeler N contre les réseaux sociaux qui abrutissent les gens. Il va contacter une amie de lycée, devenue hacker, Lila Slezak.

Décidément, Nils Barrelon est fort. En quelques lignes, il nous présente un personnage comme si on le connaissait depuis une éternité. Il entre dans le contexte en défonçant la porte et nous mène à une conclusion géniale à une vitesse vertigineuse. Franchement, c’est une excellente nouvelle.

Euthanasia de Franck Membribe :

Les crimes de N s’internationalisent. Richard Wyatt Jr, magnat du gaz de schiste est découvert dans sa voiture, victime d’une injection de Pentobarbital. Laurent Rebsamen, économiste spécialiste de l’énergie, se rend en Russie pour rencontrer l’inventeur d’une innovation qui va révolutionner l’extraction du gaz.

Ayant décidé de nous dépayser, l’auteur nous envoie dans les plaines de Sibérie où il fait -20°C, avec juste ce qu’il faut de descriptions. Les personnages sont vite brossés et le sujet de la nouvelle nous alerte sur la taux de fuites dans l’extraction du gaz, qui peut atteindre 40% A la fois ahurissante et scandaleuse, cette très bonne nouvelle bénéficie d’une fin bien noire comme je les aime.

Sans mobile apparent de Sandrine Cohen :

Pourquoi Rose, 6 ans, a-t-elle sauté de la Pointe du Raz ? Anna Belkacem est mutée à Plogoff pour s’être fait justice elle-même dans sa précédente enquête. Accueillie par son nouveau collègue Alban Doria, elle a peur de s’ennuyer au fin fond de la Bretagne. Jusqu’à ce qu’on retrouve le corps de la mairesse sur la falaise avec un N gravée sur le pubis.

Malgré le peu de pages, cette histoire va vite et se déroule avec une logique remarquable, grâce aux indices et aux questionnements d’Anna. On retrouve ici le rythme de l’auteure de Rosine, sa volonté de rechercher les causes d’un crime ainsi que sa faculté à nous emporter à une vitesse effrénée vers un final fort réussi. Excellentissime.

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Ska cru 2020 :

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/

Canon de Max Obione :

Après la représentation du Karnas Circus, Monsieur Zompani se précipite dans la loge de Rosa, la femme canon avec du champagne pour la féliciter. Il profite surtout du fait que l’amant de Rosa Wladimir est en train de démonter les gradins pour obtenir ses faveurs. Les enfants sont les témoins de ce drame pendant lequel Zamponi va perdre un œil. Ce sont des jumeaux siamois attachés par le dos qui partagent les organes et ne peuvent donc être séparés par une opération chirurgicale.

Max Obione est au meilleur de sa forme en évoquant les petits cirques dans une époque non déterminée. Cette nouvelle qui évoque les freaks chers à Harry Crews ont plus de sentiments et sont plus émouvants que les gens normaux. Il aborde aussi le drame que j’appellerai le « With or Without you », en référence à la superbe chanson de U2, pour déboucher sur une fin qui m’a fait pleurer. Juste magnifique.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Deux heures à tuer de Gaëtan Brixtel :

Ce jeune auteur bigrement doué nous propose de passer, le temps d’une nouvelle, deux heures dans un esprit malade, entre paranoïa et schizophrénie. Les deux heures représentent le laps de temps entre le sandwich du midi et l’ouverture de la médiathèque. Entre temps, il imagine des scènes sanglantes où il se débarrasse de ses nuisibles à lui, jusqu’à ce que ses pilules d’anxiolytiques ne fassent leur travail. Une nouvelle tout simplement hallucinante dont Paul Maugendre a dit aussi tant de bien ici :

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2020/04/gaetan-brixtel-deux-heures-a-tuer.html

Eva de Roland Sadaune :

Samo et Willys vivent la belle vie en tant que petits dealers, roulant dans de belles voitures, évoquant les grands auteurs de hard-boiled américains. Samo, le narrateur, aime emmener Eva dans ses balades mais ce qu’il nous raconte est loin de la vérité.

Roland Sadaune joue sur les registres rêve / réalité, nous projetant dans de grands espaces avant de rétrécir violemment l’horizon possible. La chute comme tout bonne nouvelle, est brutale et cruelle, donnant une bien belle lecture.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Rabbit run de Gaëtan Brixtel :

Vincent est un chômeur solitaire qui garde un contact social grâce à son amie Adélie. Elle lui propose de prendre un animal de compagnie, pas un chien, ni un chat mais plutôt un lapin. Il l’appellera Gustave. Et bientôt Vincent va reporter son inquiétude sur l’animal, oubliant son mal-être.

Hasard de la vie, nous avons aussi pris un lapin pour animal domestique. Et quand j’ai lu le début de cette nouvelle, j’ai retrouvé les premiers instants de l’arrivée de notre lapin, puis sa progression au fur et à mesure qu’il grandissait. Je me suis forcément identifié à Vincent, même si je suis moins gaga que lui de la bête. Et je ébahi par la justesse et la façon de raconter cette histoire. Gaëtan Brixtel a un vrai talent : celui de vous glisser et cajoler dans un cocon tout doux et chaud avant de vous allonger d’une belle claque. C’est encore le cas ici : la chute est aussi brutale que cruelle.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Dragon noir de Stéphane Kirchacker :

Roro a pris l’ascenseur social pour échapper à la cité des Lilas, et obtenir un diplôme d’architecte. Roro et Juliette, c’est le coup de foudre depuis quelque temps, et il voudrait bien l’épouser. Mais son père, le Comte, issu d’une lignée royale s’oppose à cette union contre nature. Quand Juliette se fait enlever, poussée de force dans une BMW, le comte fait appel au prétendant puisque les ravisseurs viennent de cette cité maudite.

Stéphane Kirchaker réussit le tour de force d’écrire un polar en forme de conte des Mille et une nuits, aussi romantique que chevaleresque. Vous trouverez au détour d’une cité malfamée, des fées, des trolls, des nains et des elfes. Vous y trouverez aussi de l’action, et surtout de l’humour. Tout ça en 12 pages sur ma liseuse. Quand je vous dis que c’est un tour de force, c’est une formidable réussite.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

La viande hurle de Jeanne Desaubry :

Martine travaille dans une usine du Nord de la France. Elle n’est pas gréviste, contrairement aux ouvriers qui bloquent l’entrée, ou même son père qui a passé sa vie sur les chaines. Elle veut juste passer inaperçue, que personne ne voit son ventre qui grossit. Elle veut oublier celui qui lui a fait subir ça.

Avec une économie de mots remarquable, Jeanne Desaubry présente un drame, malheureusement commun, entre viol et harcèlement sexuel, d’autant plus horrible que l’on est plongé dans ce quotidien des ouvriers de façon réaliste. Et la chute de cette nouvelle est conforme à la noirceur de l’histoire.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

En mon cœur ces racines de Valérie Allam :

Sous son hangar de tôle, ce vieillard aveugle raconte sa vie, ses souvenirs, ses regrets au petit Kouakou, si sage, si patient. Il se rappelle Khadija, son amour de jeunesse qu’il a perdu le jour où il est parti rejoindre la France.

D’une tendresse et d’une sensibilité rare, Valérie Allam raconte une vie, deux vies, des vies en une dizaine de pages. Plantant son décor sous un abri au toit de tôle, la pauvreté du lieu fait ressortir la puissance des sentiments et des rendez-vous ratés.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Ciel rouge de Jean-Hugues Oppel :

Maurice G. brûle le bitume sur l’autoroute de nuit. A bord de sa Fuego, Max une peluche pleine de drogue et un corps dans le coffre. En musique de fond, du rock, du hard, à fond la caisse. Max doit se vider et faire le plein. Pause pipi caca dans une station habitée. Pour son malheur.

Quel plaisir de retrouver Jean-Hugues Oppel et son style haché. De morceaux de phrases, des mots mis bout à bout pour mieux faire ressentir le mouvement, l’action, le rythme et le stress. Cette nouvelle est digne des meilleurs films d’action. Un must !

Je suis un génie de Stanislas Petrosky :

Doté d’un quotient intellectuel hors-norme, avec un coefficient de 170 sur l’échelle de Wechsler, le narrateur n’a jamais connu l’amour. Il est malheureusement atteint de déformation congénitale, comme Elephant Man. Alors il se consacre à la mise au point de prothèses commandées par le cerveau. Mais la désillusion est au bout de la route.

Cette nouvelle est juste incroyable : être capable de faire de la vulgarisation scientifique comme si un génie vous parle. Et la lecture en devient tellement simple que l’on entre dans le jeu, jusqu’à arriver à une chute mémorable, pleine de hargne et de haine.

Soudain partir de Frédérique Trigodet :

Caroline, jeune femme quarantenaire, a vu grandir ses enfants, les a vus quitter la maison et se retrouve avec son mari qu’elle nomme monmari. Passionné de Formule 1, il s’assomme de télévision avant de se coucher tôt, alors qu’elle est insomniaque. Alors, sur le balcon, elle regarde les bateaux partir …

Cette nouvelle aurait plus sa place dans une collection littéraire que chez Noire Sœur. Car nous nous trouvons là en face d’un texte toute en émotion, subtil et introspectif sur une femme qui, à un tournant de sa vie, se pose des questions quant à son avenir. Elle a été une bonne mère ? Soit. Mais après ? Avec une plume descriptive et magnifique, l’auteure nous prend dans ses serres et nous immerge dans les questionnements d’une mère à la recherche de questions et de la figure de son père.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Super N de Jeanne Desaubry :

Léa et Sandrine sont deux sœurs. Elles ont une idée pour se payer leurs courses au Super N. Emprunter le gosse de la voisine et planquer dans la poussette leurs emplettes. Mais le vigile du Super N veille au grain. Et il est prêt à profiter de la situation.

D’un fait divers, l’auteure en tire une nouvelle bien noire qui dégénère vers la fin. Ecrite avec beaucoup de recul, voire de froideur, c’est une plongée ignoble dans le quotidien des pauvres gens.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Double Noir Saison 2

Claude Mesplède, le pape du polar s’est lancé dans une nouvelle aventure. L’association Nèfle Noire propose des nouvelles noires sous un format original (Format A6, c’est-à-dire tout petit, ça tient dans une poche de pantalon) à un prix tout aussi original (2€ !). Le contenu est aussi original, puisqu’il regroupe dans chaque volume 2 nouvelles, l’une écrite par une auteur classique, l’autre par un auteur contemporain. Ce qui veut dire que pour 2 euros, vous avez droit à une heure de lecture.

Chaque année, nous avons donc droit à une série de nouvelles. La saison 1 se compose de 4 volumes (ou épisodes si on se réfère aux séries télévisées), La saison 2 en compte 5. Et la troisième saison vient tout juste de sortir.

Ah oui, j’ai oublié de vous dire : les frais d’envoi à partir de 4 livres sont de 2 euros ! C’est donné ! Franchement, parfois, je me demande pourquoi vous hésitez encore !

Ah oui, j’ai une question d’une petite dame au fond de la salle. Comment ? Où peut-on se procurer ces petits volumes au contenu aussi étonnant que formidable ? C’est simple : vous allez sur le site www.doublenoir.fr/, vous téléchargez le bon de commande, un petit chèque et hop ! L’affaire est conclue.

Ah oui ! une autre question de la petite dame du fond : De quoi parlent la première saison ? Jetez donc un coup d’œil sur mon billet ici. Et pour la saison 2 ? Eh bien, voici un petit aperçu des 10 nouvelles de la saison 2 :

Saison 2 – Episode 1

Guy de MAUPASSANT : LA PARURE

« C’était une de ces jolies et charmantes filles, nées, comme par une erreur du destin, dans une famille d’employés. Elle n’avait pas de dot, pas d’espérances, aucun moyen d’être connue, comprise, aimée, épousée par un homme riche et distingué; et elle se laissa marier avec un petit commis du ministère de l’Instruction publique. »

Ainsi commence l’histoire de Mme Loisel qui, suite à une invitation à une soirée organisée par le ministre de l’instruction publique, se prend à rêver de grandeurs. Cette nouvelle est un pur plaisir de cynisme et d’humour, écrit dans un style à la fois simple et terriblement évocateur. La chute de cette histoire qui fait penser à La Mouche qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf de jean de La Fontaine s’avère méchante autant qu’inattendue.

Jack MOFFITT : LA PARURE SUITE

Reprenant l’histoire là où Guy de Maupassant l’avait laissée, Jack Moffitt met un point final avec cette intrigue, en la rendant plus dramatique que sarcastique. Avec un style littéraire très différent de celui du maître, cette nouvelle nous donne une bouffée d’espoir avant de nous replonger dans le noir. De l’art de faire une suite toute aussi dramatique et une fin toute aussi cruelle mais avec moins de sarcasme.

Saison 2 – Episode 2

Alexandre DUMAS : D’ARTAGNAN DÉTECTIVE

Le bien connu D’Artagnan vient rendre compte de son enquête au Sire Louis (comprenez Louis XIV). Celui-ci doit lui faire part de ses déductions quant au déroulement d’un duel. Or, rien qu’en faisant des observations sur le terrain, D’Artagnan arrive à recréer ce qui s’est exactement passé.

En quatre petites pages, Alexandre Dumas va utiliser tous les détails et les remettre dans l’ordre, pour reconstruire une histoire. On a l’impression d’avoir à faire avec Sherlock Holmes, et le fait que cela soit un extrait du Vicomte de Bragelonne tronqué n’en est que plus frustrant.

Georges ARNAUD : LA DAME AVEC UNE PETITE CHIENNE GRISE

Dans une résidence, Nicole Bastide a dans les 50 ans et ne sort presque jamais. Sa seule occupation est de recevoir sa femme de ménage Jany Bossi et de dire du mal d’un monsieur qui habite l’immeuble. Car elle en est sure : c’est lui qui a tué la dame qui promenait son caniche gris et qui a disparu.

Plus que dotée de suspense, c’est plutôt de mystère qu’est auréolée cette nouvelle, avec son atmosphère pesante comme un huis-clos. Partant d’une scène domestique banale, GJ.Arnaud construit cette histoire finalement dramatique avec application, prenant le temps de détailler les dialogues et faisant monter la mayonnaise … jusqu’à une chute cyniquement drôle.

Saison 2 – Episode 3

Louis PERGAUD : UN PETIT LOGEMENT

A Velrans, petit village français, tout le monde s’est mis d’accord pour faire déguerpir Arsène Barit dit Cacaine. Il n’arrête pas de dire du mal des gens, de colporter des mensonges et cherche la bagarre. Il loue un appartement chez Ferréol Tournier, qui l’a bien vite mis à la porte, et personne n’accepte de le prendre en locataire. Le dernier mot qu’on entendit de lui fut : « Vous me le paierez ! ». Puis Cacine disparut …

L’auteur de La guerre des boutons n’avait pas son pareil pour peindre la vie des villageois. C’est encore le cas ici, où l’ambiance fleure bon le calme des campagnes d’antan. Avec une écriture simple mais évocatrice, cette nouvelle propose une histoire à la fois drôle et cynique, juqu’à une conclusion surprenante.

Marin LEDUN : QUELQUES PAS DE DANSE

Emilie Diez est la propriétaire d’un chenil et vit avec Simon. Son rêve est de devenir une danseuse et d’enflammer les pistes des discothèques. Lors d’une sortie, elle rencontre Luis Amorena dit L.A. le videur, et espère utiliser ce jeune homme musclé pour se faire embaucher par la boite de nuit et ainsi devenir la star de la nuit.

Marin Ledun reprend ses personnages de En douce, et écrit une histoire qui n’en est ni le début ni la suite, mais plutôt une parenthèse, un passage oublié dans le roman cité. On ne peut qu’être emporté par les décors et par sa conclusion si dramatique, racontée avec aussi peu de mots. Les personnages sont toujours aussi touchants, malgré la touche noire de l’ensemble. C’est une réussite supplémentaire à mettre au crédit de ce grand auteur.

Saison 2 – Episode 4

Prosper MÉRIMÉE : MATEO FALCONE

A coté de Porto-Vecchio, le maquis est si épais qu’il peut cacher n’importe quel criminel. Mateo Falcone habite une petite maison juste à coté. Il a eu 3 filles et un fils, Fortunato, de sa femme Giuseppa. Quand débarque un fugitif poursuivi par la police, blessé à la jambe, le jeune Fortunato accepte de le cacher dans le tas de paille, en l’échange d’une montre en or. Il n’aurait pas du …

On peut lire cette nouvelle à plusieurs niveaux. Prosper Mérimée montre la loyauté même si elle va contre la loi. Il montre aussi des personnages forts et fiers. Mais il montre aussi la bêtise de cette loyauté, quand elle est jusqu’au-boutiste et qu’elle se termine en drame. Avec un style bigrement efficace et moderne, cette histoire est impressionnante autant qu’elle surprend par sa fin définitivement noire.

Max OBIONE : BOBBIE

Sébastien raconte son histoire, celle d’un gamin malheureux, en lutte contre sa famille. Ses frères et sœurs obéissent au doigt et à l’œil. Lui a décidé de vivre en autarcie, s’occupant de Bobbie, la chienne que Pépé leur a confiée, pendant qu’il est en maison de retraite. Mais tous les maux qu’il subit au jour le jour, il leur fera payer un jour.

Max Obione, grand expert de nouvelles noires, utilise la narration en forme d’interrogatoire pour nous raconter la psychologie d’un jeune garçon rebelle, déterminé à aller au bout. D’une simplicité apparente mais avec un sens de la véracité, cette histoire fait froid dans le dos par ce qu’elle implique. C’est une vraie réussite.

Saison 2 – Episode 5 (Hors Série)

Jean-François COATMEUR : BONHOMME SOLEIL

Kovacs a passé trop de temps dans cette maison de vieux, cet asile comme il l’appelle. Il a pris un taxi, s’est fait déposer chez lui. C’est la nuit de la Saint Jean, ses enfants sont partis s’amuser. Quand il entre, la maison a peu changé, juste quelques touches de décoration. Quand il arrive en haut, un enfant le surprend …

Avec peu de pages et une belle fluidité, Jean-François Coatmeur nous surprend avec cette histoire à la fois pleine de ressentiments et de tendresse. Tout au long de la lecture, on fait des hypothèses sur la fin, et quand on a fini, on est triste et on voudrait tant que cela dure plus longtemps.

Claude MESPLÈDE : Y’ A PAS PHOTO

13 mai 2007, en pleine compagnes pour les élections législatives. Pierre Delafon voit une affiche pour la candidature de Joseph Baie. Il se rappelle alors le passé, 1968, quand ils faisaient la grève pour avoir plus d’argent, juste l’envie de vivre mieux.

Avec beaucoup de cynisme sous-jacent, Claude Mesplède met dos à dos les politiques et le peuple, les uns luttant pour vivre mieux, les autres pour avoir plus de pouvoir. Et les néfastes ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Voilà une nouvelle qui fait du bien, bien menée et jouissive jusqu’à son final. Noir c’est noir …

Barouf de Max Obione

Editeur : Editions In8

Collection : Court-circuit

Cela faisait un petit bout de temps que je n’avais pas lu de roman de Max Obione. Je le considère comme un auteur de roman noir et de polar injustement méconnu. Pourquoi ? Parce qu’il écrit sans concession, dans un style plein de verve et « rentre-dedans ». Ce roman entre totalement dans cette catégorie.

4e de couverture

Il n’y a pas plus indépendant que le journaliste Bob Mougin. Le reporter havrais n’a pas son pareil pour fourrer son nez dans les affaires douteuses et les révéler dans Web Hebdo, le journal alternatif qu’il a lui-même monté. On n’est jamais mieux servi… Quand un parc éolien surgit dans les vertes prairies du pays de Caux, il n’hésite pas une seconde, enfourche Rosalinde, sa moto mythique, et part prendre le pouls des autochtones. Tandis qu’à la ville, des oiseaux décapités viennent ensanglanter la jolie place de la mairie, à la campagne, quelques rétifs s’opposent à l’implantation des géants ailés, qui défigurent le paysage et vrombissent à rendre fou. Ils osent mettre en question le tout éolien pourtant prôné comme une alternative crédible au tout nucléaire : de véritables criminels climatiques. Et si le criminel était ailleurs ?

Note de l’éditeur

Fidèle à son tempérament libertaire, Max Obione n’hésite pas à prendre le parti qui contredit la bien-pensance écologique sur l’énergie éolienne terrestre, au titre du grand barnum du développement durable. Il manie la langue avec subtilité, donne libre court à son écriture, laisse éclater un humour foutraque et jouissif. Ses nombreux personnages sont croqués en quelques lignes, ses digressions pimentent le récit, et son attachement à la ruralité normande transparaît tout au long de la fiction.

Mon avis :

Il existe pléthore de petits polars mettant en scène des héros, tels que des détectives privés, des journalistes ou même simplement des redresseurs de tort (Le plus connu étant surement Gabriel Lecouvreur, dit Le Poulpe). Max Obione en invente un nouveau, et il se nomme Bob. Bob est journaliste et tient un hebdomadaire sur internet. Son crédo : Enquêter dans son voisinage, aller remuer la merde dans le caniveau d’à coté. Et comme il est doué pour faire parler les gens, il arrive à déterrer de beaux scandales. Par contre, il est moins doué pour les bagarres …

Ici, Max Obione remet les points sur les i, et de belle façon. Vous croyez que l’énergie éolienne est propre ? Que nenni ! C’est surtout un bon moyen de faire de l’argent sale. Bob Mougin va donc interroger les gens du cru, et en particulier le comité opposé à l’installation d’un champ d’éolienne, et découvrir un pan dont on ne vous parle pas. Il n’est pas question de critiquer les écologistes (qui entre parenthèse feraient mieux de prôner l’économie d’énergie !), mais de montrer ce qu’on ne nous dit pas.

Sinon, c’est un polar au style vif, très agréable à lire, avec son lot de dialogues, de rebondissements, d’action pour arriver à un épilogue tout à fait amusant et montrant avec beaucoup d’humour et d’auto-dérision qu’il faut arrêter de se prendre la tête. Vous ne comprenez pas ? C’est parce que j’ai oublié de vous signaler que Bob Mougin écrit des polars ! Bref, une lecture fort divertissante que je vous conseille.

Allez jeter un oeil chez l’éditeur i

Chronique virtuelle : ça boxe chez SkA

Ska, c’est une maison d’édition exclusivement dédiée au numérique. Cette maison d’édition édite aussi bien des romans que des nouvelles, soit de littérature blanche, soit de la littérature érotique soit des polars.

Par contre, on retrouve chez Ska de grands nooms du polar, et je citerai parmi les plus connus : Antoine Blocier, Claude Soloy, Damien Ruzé, Didier Daeninckx, Dominique Sylvain, Elena Piacentini, Elisa Vix, Francis Zamponi, Frank Thlliez, Gilles Vidal, Hafed Benotman, Zolma, Jan Thirion, Jeanne Desaubry, Jerome Leroy, Joseph Incardona, Laurence Biberfeld, Marc Villard, Marie Vindy, Max Obione, Maxime Gillio, Michel Bussi, Olivier Bordaçarre, Paul Colize, Rachid Santaki …

Au mois d’avril, ils ont édité des romans et nouvelles sur le thème de la boxe, et je vous en présente quelques lectures, dont certaines sont tout bonnement géniales. Comme je l’ai lu ailleurs, essayer ska, c’est l’adopter. Tous les titres de Ska sont disponibles ici : http://ska-librairie.net/index.php

A piece of steak de Jack London :

Piece of steak

Tom King est un boxeur professionnel vieillissant. Oh, pas le genre star de la boxe. C’est un boxeur qui combat pour survivre, pour acheter quelque chose à manger pour sa famille. Ce matin, en se levant, il a rêvé qu’il mangeait un steak. Toute la journée, cette envie lui a tenaillé le ventre. Ce soir, c’est le grand soir, il rencontre Sandel, et s’il gagne, il pourra rembourser toutes ses dettes.

Vous ne rêvez pas, c’est bien l’auteur de L’appel de la forêt et de Martin Eden qui a écrit cette nouvelle. Et tout y est, de l’ambiance à la noirceur du propos, Jack London est génial quand il s’agit de montrer ce qu’endurent les pauvres gens. Et quoi de mieux que de prendre l’exemple de la boxe. Il y a dans cette nouvelle tout le génie que l’on peut trouver dans un film tel que Nous avons gagné ce soir. Une nouvelle géniale. Un pur morceau d’anthologie !

Cette version de ce texte est proposée en fin de volume en version originale. Cela s’appelle une version complète et respectueuse de l’auteur. Chapeau !

Adrénaline de Joseph Incardona :

Adrenaline

Cette nouvelle raconte le combat de Max Chavez contre Paul Norman, vu du coté de Norman. Nomran est un boxeur vieillissant dont cela pourrait bien être le dernier combat. Chavez, plus jeune, est en route pour le championnat du monde. Norman n’a rien à perdre sinon montrer qu’il est encore capable de faire quelque chose de sa vie, qu’il a raté.

On a affaire là à un combat entre deux générations, entre deux hommes que tout oppose. Si cette nouvelle fait la part belle au match, avec des passages hallucinants qui sentent la sueur, le sang et la mort, c’est aussi une excellente façon de fouiller la psychologie d’un homme qui est au pied du mur, qui se bat non pas pour lui-même mais contre l’image que les autres ont de lui. C’est un combat coup de poing qui se déroule devant nos yeux effarés, violent et humain, qui montre toute la beauté de ce sport et dont on ressort groggy. Un bel exercice de style qui vous laissera KO.

Ring à putes de Rachid Santaki :

Ring à putes

« Les choses ne se passent jamais comme prévu. Alors Georges préfère prévenir que punir.

— Elle doit se coucher avant la fin. On a mis un paquet de fric, alors tu gères ! Chuchote le caillera.

— Mais on peut parier sur elle. On peut miser, tu vois bien qu’elle va gagner ! lui répond Claude.

— On ne change pas les plans. Ta putain se couche et tu fermes ta gueule ! lui lâche le man. Il regagne sa place, s’adresse à son voisin. Les deux crapules scrutent le combat avec inquiétude. Y a un paquet de cash en jeu. Une certitude : tirer dans le tas en cas de perte. »

Une nouvelle fois, c’est un combat entre une paumée et une championne que Rachid Santaki nous convie. Car la boxe entre hommes ou entre femmes n’a pas tant de différences, il s’agit d’opposer deux caractères et il n’y aura au bout du compte qu’une gagnante : la meilleure. Rachid Santaki n’a pas son pareil pour nous décrire les jeunes qui vivent à la marge de la société, ceux ou celles qui sont nés perdants et finiront perdants. On espère, on espère, car on veut que Marie gagne ce match mais la réalité est plus cruelle que la vie. Quels beaux portraits, quelles émotions, quels espoirs nous fait vivre cette nouvelle noire.

Amin’s blues de Max Obione :

Amin blues

3 rounds, c’est ce que Amin Lodge doit tenir, avant de se coucher. Effectivement, il se prend un direct en pleine face et pourrait bien simuler la chute et la fin du combat. Mais les insultes de son adversaire lui insufflent la rage. Le quatrième round démarre, ses jambes flageollent, il s’accroche à son adversaire. Il sait qu’en sortie d’accrochage, il y a une possibilité alors il l’exploite à fond et envoie un uppercut, tellement bien fait que l’autre en meurt.

En parallèle, un journaliste du Blues Monthly Stars, Nad Burnsteen enquête que cet étrange personnage.

Une sorte de Road book, à mi chemin entre histoires parallèles et course poursuite se déroule. Tout l’art de Max Obione à construire une histoire parallèle entre plusieurs personnages avec un style redoutablement efficace fait de ce roman un pur plaisir noir.

Avec Max Obione, le divertissement noir est forcément au rendez vous, et si je dois vous convaincre, lisez donc Scarelife.

No limit de Jeremy Bouquin :

No limit

Le Girl fight, c’est un combat sans règles entre deux jeunes filles dévêtues, organisé clandestinement dans un hangar. Il n’y a pas de ring, les spectateurs sont en cercle et les deux combattantes sont au milieu de la foule en rut, se battant jusqu’à la mort. Le narrateur est entraineur et croit dans les chances de Jane. Mais l’issue du combat va réserver quelques surprises bien noires.

Je ne connaissais pas Jeremy Bouquin, mais je peux vous dire que cet auteur m’a tout simplement impressionné. Dans cette nouvelle (comptez une heure de lecture), le décor est planté, les personnages sont vivants, la violence est crue. On a vraiment l’impression de vivre le combat de l’intérieur, on sue, on a peur, on s’accroche et on se prend des coups. Et quand, après nous avoir mis KO, Jeremy Bouquin nous assène sa fin, c’est bien parce que le lecteur est déjà à terre et qu’il peut prendre un coup de pied en plus, la bouche ouverte. Une excellente découverte et un auteur à suivre.

L’ironie du short de Max Obione (Krakoen)

Toute promesse n’a de valeur que si elle est tenue. J’ai plusieurs fois discuté avec Max Obione sur les nouvelles. J’ai un problème avec les nouvelles, ce n’est pas que je n’aime pas cela, mais je n’ai pas le temps de m’installer dans un lieu, dans un personnage, de m’accaparer un contexte.

Alors, voilà, j’avais écrit à Max Obione : « Je n’aime pas les nouvelles ».

Et il m’avait répondu : « je te ferai aimer les nouvelles ».

D’où ma promesse de lire cette Ironie du short, au titre évocateur et plein de dérision. Je dois dire que sur les 18 nouvelles que j’ai lu avec beaucoup de plaisir, certaines ont ma préférence :

Marcel Bovaryou l’exemple type d’un pétage de plomb, bourré d’adrénaline et d’humour noir, avec un style percutant comme une giclée de chevrotine.

Arrière cuisine(et si dans Blanche Neige, il y avait eu 10 nains et pas 7?) ou comment faire du grand n’importe quoi à partir d’une idée hilarante et transformer cela en gigantesque éclat de rire.

L’ironie du shortest l’exemple type du fait divers atroce, raconté sans pathos mais avec un beau pied de nez final.

Au dessus du royaume bleu des mouchesdonne à lire de purs passages de poésie et c’est probablement la plus belle nouvelle, même si elle se termine mal.

Plat froidest une nouvelle marrante avec une psychologie impeccable brossée en quelques pages. Un véritable coup de force.

Mandigo, que j’adore, est plein d’un cynisme tristement réel.

Il y aussi beaucoup de nouvelles légèrement décalées comme dans Aurel et Maddy ou Crâne d’os ou D’amour tendre, du plus classique dans Au bout du bout,

Au global, ce sont 18 personnages, 18 morceaux de vie, 18 traits d’humour noir, cyniques et parfois méchants, et dans tous les cas sans concession aucune. Donc ce fut une lecture fort plaisante, marrante et dérangeante, de celles qui ne laissent pas de marbre mais qui fait frémir ou rire.

Et puis, avec une couverture aussi belle, Max en pleine forme dans son petit short, peut on réellement résister ? Alors foncez sur le site de Krakoen (www.krakoen.fr) ou chez votre meilleur libraire.

Novella : Boulette de Max Obione (Editions de l’Atelier)

4ème de couverture :

Eh, la grosse ! Qu’est-ce que t’as à me regarder ? Bouge ton gros cul…
Tais-toi le père ! Je suis Boulette, un homme est venu, un bougnoule comme tu dis.
Il m’a prise dans ses bras. La mer est devant nous, il m’emmènera.
Là-bas.
— You… arab ?
— No, Kurd !
— Vous êtes Kurd ?
— Yes, Kurd of Iraq.
Crève, vieux pourri, et adieu !
La mer nous emporte, tu vois ?

Mon avis :

Environs de Sangatte. Boulette, une jeune fille grosse, malaimée et décriée par tous les gens du village va rencontrer un Kurde, qui veut partir en Angleterre. Malheureusement, elle croit qu’elle est amoureuse.

N’étant pas adepte ni lecteur de nouvelles, je ne vais pas juger cette courte histoire par rapport à d’autres novellistes. Le format de l’histoire (24 pages) est parfaitement maitrisé, surtout grâce à son style très direct. Pas le temps de faire de la psychologie de supermarché, il faut aller droit au but. Max Obione met tout son cynisme et sa cruauté au service de cette fable dramatique.

Alors j’ai avalé Boulette et sans en faire trop (de boulette), je dois dire que cette histoire m’a pris aux tripes, et l’air de rien, le final est surprenant. Et je me suis dit : Pour les gens qui ont une demi heure de trajet à faire, à 4 euros, c’est une sacré bonne affaire. Alors il faudrait vendre ces nouvelles (il y en a une soixantaine dans cette collection) sur les quais des gares. Alors, avis aux distributeurs !

Scarelife de Max Obione (Editions Krakoen)

Cela faisait un bout de temps que je voulais lire ce roman, un roman bien sec, bien nerveux pour changer. Après avoir appris qu’il faisait partie de la sélection 2010 du trophée 813, je ne pouvais attendre plus longtemps. En voici le début :

Mosley J.Varell a commencé comme scénariste d’un feuilleton comique de quatrième catégorie La Famille Wreegless. Il s’occupait principalement des répliques de l’actrice principale Bess qui jouait le rôle de Tana. La série a duré 3 saisons et Mosley et Bess se sont mis à vivre ensemble. Mais Bess a fini par prendre du poids et par baiser dans son dos. Après dix années de prison à Potern Bay, pendant lesquelles Bess lui rendait visite, Mosley est devenu le scénariste d’un dessin animé Gougou le kangourou.

Un matin, Mosley reçoit une lettre de son père Edwin Varell, pour qui il voue une haine farouche. Il décide de le retrouver à Rochelle, mais comme il déteste les avions, il doit traverser les Etats-Unis du Montana à la Louisiane en bus. Pendant son trajet, il en profite pour travailler sur le scénario d’un film retraçant la vie du romancier David Goodis.

Le bus s’arrête au milieu de nulle part. Une superbe femme monte, c’est Leen. Elle l’invite chez elle à Tykerall, et ils font l’amour, devant son mari, le major Garb Vihanos, revenu à moitié aveugle, à moitié sourd et paraplégique d’Irak. Puis il passe la nuit avec Leen et au petit matin, il étouffe le major avec un sac en plastique en guise de cadeau de remerciement. Sa route se poursuit dans le camion de Sanchez Smith, qui transporte des bibles « pour les nègres d’Afrique », puis dans la Chevrolet de quatre loustics un peu allumés.

Cette cavalcade meurtrière va être suivie par Herbie Erbs. Herbie a l’inconvénient d’être petit avec un air de cocker triste, comme Droopy. C’est lui qui a arrêté Mosley et il a du mal à accepter qu’il soit retourné dans la nature pour bonne conduite. Il va donc le traquer jusqu’en Louisiane, pour assouvir son obsession.

Fantastique, c’est le premier adjectif qui me vient pour ce polar dans la plus pure tradition des romans noirs américains (alors que l’auteur est français et qu’il situe l’action outre-atlantique). Ce roman est un vrai hommage envers les grands auteurs du siècle passé mais aussi envers ceux d’aujourd’hui. Un hommage réussi qui a l’avantage de porter la signature personnelle de Max Obione. Il ne fait pas comme eux, mais prend tous les codes du genre pour en faire son œuvre, et c’est très réussi.

Il y a Mosley le méchant, le tueur qui transforme ses crimes en accidents, sans sentiments, uniquement mené par ses pulsions et poussé par son objectif : retrouver son père. Il y a Herbie le gentil, le flic obsédé, qui délaisse son ménage pour enfermer celui qui incarne le mal absolu, peut être par vengeance envers ceux qui se moquent de son apparence. Il y a le contexte d’une Amérique pauvre, sale, faite de gens laissés sur la bas coté de la grande route. Tout cela est bien noir.

Et puis, il y a le style. Ce roman divisé en deux se lit comme on boit un café, court serré et sans sucre. Les chapitres consacrés à Mosley sont écrits à la première personne, avec un style court, sec, acéré, parfois sans verbe ce qui permet de ressentir le manque d’humanité du bonhomme, ceux consacrés à Herbie à la troisième personne, avec un style plus littéraire. Quel brio d’opposer aussi les deux personnages par ce biais !

Malgré les hommages à une littérature que certains jugeraient dépassés, ce roman est bien rafraîchissant, et vous vous devez de le lire urgemment. Tout de l’intrigue aux personnages, du style à l’ambiance y sont parfaits pour passer un excellent moment de littérature noire, tout ce que j’aime. S’il risque d’être dur à trouver depuis que les éditions Krakoen ont disparu, je ne peux que souhaiter que quelqu’un réédite cet excellent roman.