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Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin

Editeur : Manufacture de livres

Dès sa sortie, les collègues et amis blogueurs ont décoré ce roman de superlatifs, ce qui est étonnant pour un premier roman. Effectivement, c’est un des romans coup de poing de cette rentrée littéraire, impressionnant de bout en bout, jusqu’à la dernière ligne.

Un père raconte sa vie, la vie de sa famille, en Meurthe et Moselle, près de Metz. Ils ont tous des surnoms affectueux, Pa pour lui, Moman, et les deux fils, Fus et Gillou. Fus, c’est pour Fussball, car le grand est doué pour le football. Pa l’accompagne aux entraînements, aux matches, et un week-end sur deux, ils voir le FC Metz au stade. C’est une façon de se retrouver en famille.

Alors que les deux gamins abordent l’adolescence, Moman tombe gravement malade. Tumeur au cerveau. Elle s’est battue jusqu’au bout, mais elle a fini à l’hôpital, à agoniser pendant trois longues années. Après la perte de Moman, la famille se retrouve bancale, comme une chaise à trois pieds. Il a fallu se réorganiser, pour la vie de tous les jours, et le dimanche, ils vont rendre visite à Moman, au cimetière.

Fus grandissant, il fait petit à petit sa vie, rentrant tard en plein repas, traînant avec des copains. Les résultats scolaires s’en ressentent ; ils font comme un yo-yo. Fus et Gillou sont restés très complices, s’épaulant toujours sans hésiter. Puis, un jour, au détour d’une conversation avec un collègue du syndicat, Pa apprend que Fus traîne avec les gars du FN. Comment réagir dans un tel cas, quand on est syndicaliste et issu d’une veine socialiste ? Pa décide de ne rien dire pour ne pas casser le lien familial. Mais le pire est à venir.

Même si le premier chapitre m’a paru plombant, avec l’agonie de Moman, la chronique familiale présentée par Laurent Petitmangin ressort de ces quelques pages sur la pointe des pieds. L’auteur nous présente une histoire simple, écrite simplement, en la plantant dans un contexte social fort et actuel, la Lorraine et la montée du chômage.

Cette histoire va probablement faire résonner des fibres douloureuses dans les aspects abordés, comme tout juste esquissés, mais véritablement présents dans chaque mot exprimé. Car le centre du roman, c’est bien la famille, le cœur de la société, et la façon de gérer les relations avec ses enfants quand ils grandissent. Pa a décidé de faire le taiseux, pour éviter le conflit. Bien que syndicaliste, il a toujours préféré le dialogue. Mais quand Fus distribue des tracts pour le FN, il semble comme dépassé, inquiet des conséquences. Il préfère ne rien dire, plutôt que de casser la cellule familiale qui a réussi à s’en sortir après la disparition de Moman.

Sans esbroufe, avec des phrases simples, des mots simples, Pa, qui est le narrateur va exprimer simplement ce qu’il ressent, mettant au premier ses sentiments plutôt que les faits. Et c’est bien grâce à cette simplicité que l’émotion passe, nous prend à la gorge et finalement remplit son objectif : nous faire passer un beau moment de littérature. Ce qu’il faut de nuit est probablement l’un des plus émouvants romans de cette rentrée littéraire.

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Aux vagabonds l’immensité de Pierre Hanot

Editeur : Manufacture de livres

J’avais adoré Gueule de fer, le précédent roman de Pierre Hanot, qui abordait avec une économie de mots remarquable la vie d’Eugène Criqui, champion du monde de boxe oublié aujourd’hui. Avec ce nouveau roman, Pierre Hanot, qui a choisi de rappeler des moments oubliés de notre histoire contemporaine, évoque la nuit du 23 juillet 1961, autrement appelée « La nuit des paras ».

André, adjudant dans la 1ère RCP, premier Régiment de Chasseurs Parachutistes, était en Indochine où il a pris le bouillon face aux Viets, mais appris les nouvelles règles de la guerre moderne : torture, interrogatoires et pas de pitié. Il a appliqué ses connaissances en Algérie, puis a subi le putsch des généraux et sa sanction : rapatriement en métropole, à Metz. Frustration et rage l’animent, comme ses hommes.

Hocine a échappé au carnage en Algérie et rejoint la France, où il recrute parmi ses coreligionnaires des futurs membres du FLN.

La priorité de la vie de Christiane est de s’occuper de sa mère, à qui on a détecté une sénilité précoce. Elle aimerait pourtant bien trouver l’amour.

L’oncle de Nourredine s’est abîmé la santé dans les mines, avant de se recycler en tant que boucher. Nourredine a eu l’idée d’acheter une camionnette et de faire de la vente mobile.

Marcel n’a qu’une chose en tête : préparer ses vacances à l‘ile d’Oléron. Lui qui a connu la seconde guerre mondiale n’aspire qu’à la paix. L’arrivée des paras à Metz ne peut que l’inquiéter.

Richard est apprenti journaliste au Républicain Lorrain. Il tient un journal dans lequel il va consigner tout ce qui s’est passé pendant ce mois de juillet 1961.

En évoquant divers personnages, sans prendre parti ni pour les uns ni pour les autres, Pierre Hanot montre la tension qui monte entre deux clans qui s’opposent pour de mauvaises raisons. A tour de rôle, chacun va avancer vers une issue dramatique pour la plupart.

Une nouvelle fois, l’écriture est dépouillée, minimaliste, préférant laisser le devant de la scène aux personnages, criant de vérité. Même les scènes de baston, les batailles et les meurtres ne seront qu’évoqués.

Ce roman se place donc comme une somme de témoignage, en même temps qu’il est un bel objet littéraire. C’est une sorte de pierre gravée dans notre histoire pour ne pas oublier que l’obsession des Hommes peut conduire à des faits inacceptables.

Un roman indispensable pour un événement marquant, raconté par le petit bout de la lorgnette, celui des gens simples qui tentent de vivre et subissent.