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Orphelin X de Gregg Hurwitz

Editeur : H&O

Traducteur : Olivier Bosseau

Cela faisait un moment que j’entendais parler de cet auteur. En regardant de plus près sa bibliographie, je me suis rendu compte qu’il venait de la Bande Dessinée et qu’il était prolifique. Orphelin X, premier tome d’une série, est un pur roman d’action et il vaut mieux vous prévenir : Accrochez-vous !

Alors qu’il était hébergé dans un orphelinat, le jeune garçon a été adopté par Jack. Il a été élevé dans une maison loin des autres, apprenant tous les arts du combat, auprès de professeurs émérites. Il décide de prendre le nom de jeune fille de la femme de Jack, Evan Smoak. Puis, on lui a donné des missions à remplir, bien souvent l’élimination de gens jugés gênants pour le gouvernement des Etats-Unis. Devenu adulte, il a commencé à douter du bien fondé de ses missions et a disparu des radars. Depuis, avec l’argent qu’il a caché dans des comptes obscurs, il consacre sa vie à aider ceux qui en ont besoin. Sa vie s’articule maintenant autour de Dix Commandements, comme une loi de survie.

Revenant dans son appartement situé au dernier étage d’un immeuble de Los Angeles, Castle Heights, il range les deux silencieux qu’il vient de récupérer et se soigne d’une blessure occasionnée lors d’une rixe pour défendre une jeune fille. Puis il se sert une Vodka glacée, sa boisson favorite. Il se sent en sécurité dans cet appartement qu’il a érigé comme une forteresse, avec moultes caméras et issues de secours.

Alors qu’il rencontre ses voisins Mia, procureure de district et mère célibataire du petit Peter, il reçoit un coup de téléphone sur le numéro que peu de personnes connaissent. Une jeune femme, Morena Aguilar lui demande de l’aide pour se débarrasser d’un flic qui abuse d’elle et veut violer sa fille de 11 ans. Quelques jours plus tard, il descend le flic et se débarrasse du corps. Morena sait qu’elle doit fournir le numéro d’Evan à quelqu’un en détresse, et ce, une seule fois. Sauf que le téléphone sonne dès le lendemain, ce qui est trop rapide, en général. Evan vient de mettre le doigt dans un engrenage mortel.

Les romans mettant en scène des enfants devenus des tueurs à gages sont légion dans le polar. Ceux qui montrent des enfants élevés dans ce but le sont aussi. Pour autant, ce personnage m’a beaucoup fait penser à Neal Carey de Don Winslow, à la fois par son parcours et son éducation. Dans le traitement, il faut plutôt regarder du coté de Shibumi sans l’aspect politique, ou Lee Child pour les scènes d’action.

Bref, ce roman prend de nombreuses références tout en y ajoutant sa propre identité dans ce personnage, à la fois meurtrier et humain dans son choix d’aider les autres. Et puis, il faut bien dire que l’auteur, tout en évitant les scènes morbides ou sanglantes, arrive à créer des morceaux de pure action grâce à son style visuel, même si parfois il en rajoute dans les détails.

Agréablement surpris, à la fois par le contenu et par ma lecture, mais aussi franchement pris dans le mouvement, j’ai apprécié cette lecture très divertissante, qui ne prend pas la tête. En fait, ce roman ressemble à un film de Mission Impossible : on sait qu’Evan va s’en sortir, qu’il va s’en prendre plein la tête et que nous, on en aura pris plein les mirettes. Et comme la série comporte déjà sept volumes, je suis curieux de lire la suite, pour savoir si Gregg Hurvitz tient le rythme. En somme, voilà une lecture fortement conseillée pour vos lectures estivales.

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Origine Paradis de Thierry Brun

Editeur : Hors d’Atteinte

Le rythme de parution des romans de Thierry Brun s’accélère, puisqu’un an seulement nous sépare de Ce qui reste de candeur, sorti chez Jigal. Et comme à chaque fois, on trouve dans Origine Paradis plusieurs niveaux de lecture.

A dix ans, Thomas ne peut pas comprendre ce qui lui arrive, quand il se lève ce matin-là. Il surprend des gens dans leur appartement, alors que ses parents viennent de mourir. A dix ans, on ne peut pas comprendre que ses parents se sont défenestrés. Ce jour-là, Thomas a perdu plus que ses parents, ses sentiments, ses émotions envers le monde, envers les gens se sont envolés.

Sa tante va donc l’élever, même si elle ne l’a pas voulu ni demandé et Thomas va se construire sa vie tout seul, dans un internat où il va passer ses années de collège. Tout le pousse à mener sa vie tout seul, à se construire son avenir, en toute méfiance vis-à-vis des autres. Il se construit un cercle très restreint de copains, pas d’amis, Laurent et Mounir. Et Thomas décide de sortir du système, d’arrêter sa scolarité à 16 ans.

De petits boulots en travail au noir, il arrive tant bien que mal à payer son loyer, n’ayant pas de besoins particuliers en termes d’argent. S’il ne ressent aucune empathie envers les autres, les gens le trouvent sympathiques et travailleur. Son oncle lui trouve alors un poste de rédacteur dactylo chez France Réelle, une association dirigée par un homme froid et paranoïaque Damien Saint-Clair.

Fait de chapitres courts, ce roman, qui présente la vie d’un jeune homme marqué par son passé, est écrit dans un style froid et distant, ce qui colle parfaitement avec le personnage principal. On sent aussi que Thierry Brun a volontairement voulu se positionner en retrait de son histoire, préférant laisser le devant de la scène à ses personnages. Pour autant, on va suivre la vie de Thomas, et le voir évoluer sous nos yeux.

Le thème, enfin, devrais-je dire, le premier thème de ce roman est donc la nécessité de se rattacher à ses racines, mais aussi l’impact de ses origines sur notre vie. Entre les environnements familiaux ou professionnels, Thomas qui souffre d’amnésie dissociative selon les médecins, subit des accès de colère ou de violence sans pouvoir rien y faire ; sa seule défense étant de s’éloigner des autres. Peut-on décemment envisager l’avenir en effaçant, négligeant, oubliant le passé ?

Le deuxième thème plus matériel et évident, concerne les associations qui orientent les sources d’argent vers les partis politiques, comment dans un cadre légal, elles arrivent, en créant des micro-partis pour noyauter le système politique. Sans rentrer dans les détails, ce qui aurait pu faire de ce roman un document intéressant, ce thème sert de trame pour justifier la fin du roman. Moins engagé que les romans de Jérôme Leroy, il est suffisamment explicite pour démonter cette mécanique.

Enfin, l’auteur revient sur un thème qui lui est cher, celui de la lucidité par les autres et par les femmes. Thomas va rencontrer Audrey Lourre, journaliste d’investigation, avec laquelle il va vivre une histoire d’amour. Elle va aussi lui ouvrir les yeux sur la réalité du monde et par là-même, sur son passé. Thierry Brun nous montre comment nous devons tenir et assumer le passé, comment nous devons vivre avec les autres, combien les femmes peuvent sauver le monde (même si ce n’est que celui de Thomas). Les femmes et l’amour sont-ils les seuls espoirs qu’il nous reste ? Même si le ton est clinique, ce roman est un plaidoyer pour l’amour, l’amour des autres et l’amour de soi.

Privé d’origine de Jérémy Bouquin

Editeur : French Pulp

Je suis un ardent défenseur de Jérémy Bouquin, et vous qui êtes un fidèle de cet humble blog, vous devez le savoir. Ce roman est sorti en fin d’année dernière, dans un anonymat que je qualifierais de scandaleux. Lisez Jérémy Bouquin !

Kloé, avril 2014. Elle est bassiste dans le groupe de rock Vynille Rondelle. Après des mois de tournée, le groupe est enfin récompensé de succès. Il n’y a qu’à entendre les vivats du public du printemps de Bourges, qui en redemande ! Du vrai punk ! En sortant de scène, elle a un message. Jasper Zenderro lui annonce qu’il a des informations sur son père. Cela fait deux ans maintenant qu’elle est partie à la recherche de ses origines, elle qui est une enfant abandonnée à la naissance.

Rota, avril 1979. Depuis 1969, les brigades rouges sèment la terreur en Italie. Le commissaire Rota est appelé sur une scène de crime, le casse d’une bijouterie qui a mal tourné, puisque le propriétaire a été abattu. Si les armes utilisées fait penser à l’organisation d’extrême gauche, Rota pense que le bijoutier a voulu se défendre avec une arme et l’a payé de sa vie. La présence de sang sur le trottoir laisse à penser qu’un des voleurs a été blessé.

KLoé, avril 2014. Elle prend rendez- vous avec Zenderro, dans un petit bar de Mehun-sur-Yèvre. Il annonce avoir cherché du coté de l’hôpital où Kloé est née. Elle voit son vrai prénom écrit : Chloé. Zenderro n’en sait pas plus sur sa mère. En ce qui concerne sa mère, des amis « bien placés » lui ont conseillé d’abandonner. Ils ont été tellement persuasifs qu’il a décidé d’abandonner l’affaire, qui flirte avec des dossiers de terrorisme international.

Tony Marretti, avril 1979. Après le casse manqué, les camarades ont porté Tony, blessé, dans la voiture. Tony a perdu beaucoup de sang ; Giuseppe lui tient la main, lui parle. Il plonge dans le coma, se réveille sur un bateau, replonge, puis se retrouve en Corse chez un docteur … enfin, un vétérinaire, Peyo. Tony va devoir tout abandonner, sa vie, son identité, et fuir pour éviter de se retrouver en prison.

J’ai plutôt l’habitude de retrouver Jérémy Bouquin dans des intrigues bien ancrées dans notre quotidien. Il a l’habitude de prendre des personnages marginaux, et de grossir le trait dans un style direct et redoutablement évocateur. Et dans tous les cas, on retrouve sa patte, sa façon de peindre les décors et d’éviter les morales à deux balles pour offrir du vrai bon polar populaire (dans le bon sens du terme).

Quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai ouvert ce roman ! La narration fait des allers retours entre aujourd’hui et les années 80. Entre la recherche de Kloé sur ses racines et les groupes terroristes d’il y a 30 ans, on a droit à la fois à des moments d’émotion pure, d’action, de mystère, et de découvertes. Jérémy Bouquin s’est surpassé pour nous fournir un roman plein, documenté juste comme il faut pour ne pas alourdir l’histoire, et des rebondissements qui vont nous retourner jusqu’à la dernière page (ou au moins jusqu’au dernier chapitre).

Avec ce roman là, Jérémy Bouquin a densifié ses personnages, qu’ils soient au premier plan ou pas, les a multipliés aussi, s’est évertué à construire une grande intrigue, en prenant son temps tout en restant passionnant. Il n’est pas question de juger les uns ou les autres, juste de se mettre au service de l’histoire. Jérémy Bouquin n’a pas monté une marche, il a grimpé un étage d’un coup, et a écrit avec ce roman son meilleur à ce jour. Enfin, c’est mon avis. J’ai adoré.

Ne ratez pas les avis de Laulo, Mel, et Garoupe.