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Les gentils de Michael Mention

Editeur : Belfond

Si vous êtes un fidèle de Black Novel, vous savez que je suis un fan de Michael Mention, dont j’ai lu tous les romans depuis 2014. De l’eau a coulé sous les ponts depuis, et il ne me viendrait pas à l’esprit de rater la dernière production d’un auteur au style particulier, personnel et assumé. Ce roman comporte toutes les passions de Michael.

Paris, 1978. Franck Lombard ne peut se résoudre à oublier le drame qui l’a frappé. Lors du braquage de la boulangerie du coin, un homme, drogué probablement, bouscule la fille de Franck. Violemment. La tête frappe le mur … Franck a perdu sa raison de vivre. Il croit que la police va vite trouver le meurtrier. Des jours passent, des semaines, des mois … et toujours aucun résultat.

Sa rage monte, devient insoutenable ; sa femme l’a quitté ; il ne lui reste que la voix de sa fille qui l’accompagne à chaque pas qu’il fait. Il se prend en main, en l’absence d’information, zone dans le quartier des drogués, et n’en retire qu’un passage à tabac. Quand il retourne dans la boulangerie, désaffectée depuis le drame, il tombe sur un squatteur qui lui parle d’un homme arborant un tatouage Anarchie sur l’épaule. Son assassin aurait migré à Toulouse dans une clinique de désintoxication.

Franck se résout à vendre sa boutique de disques à Didier, son collaborateur pour disposer d’argent liquide et se lancer dans sa quête personnelle de vengeance. Là-bas, avec la maigre description du bonhomme, il obtient un nom, Yannick et une destination : il serait tombé amoureux d’une Jane, camée aussi et le couple aurait rejoint une association d’aide aux drogués à Marseille. Le périple de Franck ne fait commencer …

Pour un passionné de musique comme Michael Mention, il fallait bien qu’un jour il aille plus loin que nous laisser en fin de roman sa play-list. C’est chose faite avec ce personnage de Franck, disquaire de métier, dont la musique majoritairement sombre des années 70 va rythmer sa vie, trouver un sombre écho à sa quête personnelle. Car ce roman nous impose un voyage autant intérieur qu’extérieur …

Voyage intérieur tout d’abord, puisque Franck est le narrateur de cette histoire. On y trouve donc beaucoup de pensées et très peu de descriptions extérieures (surtout dans la partie française du roman, puisqu’il est un homme refermé en lui-même, bouillonnant de rage aveugle. Dans ces moments-là, la rythmique lourde accompagne chaque battement de cœur, les pauses apparaissent à chaque indice avant de nous replonger avec une guitare basse entêtante, obsédante.

Voyage extérieur aussi et surtout car Michael Mention nous créé un scénario incroyable en France, puis en Guyane où la force, la puissance, la détermination ne suffise plus à le tenir debout. Ses pensées noires font place à un paysage d’un vert obsédant, tout aussi dangereux, où là aussi, la rythmique vient pulser les lignes, exploser les phrases, quand un danger surgit ou même quand il est aux portes de la mort de soif.

La rythmique est voulue omniprésente dans ce roman, l’auteur jouant avec les mots, adaptant ses phrases au moment raconté, sans jamais perdre l’objectif : montrer jusqu’au bout la passion ultime de son personnage, l’aspect subjectif de cette histoire, qui est une des plus grandes réussites sur un homme obstiné qui a tort (ou pas ?), une histoire qu’il use, torture, déforme pour un final que l’on ne peut deviner en entamant le roman.

De la culture populaire, autre que musicale, on y décerne bien l’influence du cinéma de la fin des années 70, ces films de fous tels que Apocalypse Now ou Voyage au bout de l’enfer (Mon film préféré de tous les temps). Michael Mention réussit la gageure de créer des scènes visuelles telles qu’elles m’ont ramené dans une jungle verte à vomir, opaques et tellement dangereuse car trop calmes.

Voilà pourquoi j’aime Michael Mention et ce qu’il écrit. Il nous parle des Hommes, de leur folie, passée ou présente, revendique sa culture, n’en a pas honte et la revendique, et fait revivre avec son propre style ce que l’on peut ressentir au plus profond de soi. Alors oui, Les Gentils est probablement son livre le plus personnel, probablement le plus difficile à écrire pour lui (imaginer pour un père de perdre sa fille est au-delà de l’horreur) mais c’est avant tout un grand roman de folie.

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Mystère rue des Saints-Pères de Claude Izner

Editeur : 10/18

Afin de fêter leurs 60 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux 10/18.

J’aurais préféré écrire cette chronique dans d’autres circonstances. Liliane Korb vient de nous quitter et je voulais donc lui rendre hommage à travers ce modeste billet.

Les auteures :

Claude Izner est le nom de plume commun de Liliane Korb (née à Paris le 6 janvier 1940 et morte le 9 mars 2022) et de sa sœur Laurence Korb (née à Paris le 10 avril 1951, également connue sous le nom de Laurence Lefèvre), romancières françaises, pour signer, depuis 2003, les Enquêtes de Victor Legris, romans policiers historiques situés à Paris la fin du XIXème siècle. Cette série est publiée dans la collection « Grands détectives » aux éditions 10/18.

Avant d’adopter ce pseudonyme, les sœurs Korb avaient déjà signé en commun plusieurs œuvres, allant du roman d’aventures pour les enfants au roman de suspense pour les adultes, en passant par la science-fiction.

L’aînée des deux sœurs, Liliane Korb, est chef monteuse de cinéma, avant de devenir bouquiniste sur la rive droite de la Seine à Paris. La cadette, Laurence Korb, étudie l’archéologie jusqu’à l’obtention d’une licence, puis publie deux romans à la fin des années 1970, avant de devenir à son tour bouquiniste sur les bords de Seine.

Le besoin d’écrire, et de préférence en commun, les prendra (ou reprendra) à partir de la fin des années 1980, leur carrière d’écrivains étant menée de front avec leur activité de bouquinistes et de cinéastes.

Amorcée en 2003, la série des Enquêtes de Victor Legris a pour héros un libraire d’une trentaine d’années, propriétaire de la librairie L’Elzévir, sise au 18 rue des Saints-Pères, dans le Paris des années 1890-1900. Passionné de photographie et d’ouvrages anciens, il se trouve mêlé à des affaires criminelles qui défraient souvent la chronique. Parmi les autres personnages qu’il côtoie, citons Kenji Mori, père adoptif de Legris et son associé, Iris, fille de Mori, Tasha, peintre et épouse de Legris, Joseph, commis de librairie et friand de comptes rendus d’affaires criminelles dans les journaux, et époux d’Iris. La série est en outre l’occasion de croiser des personnages historiques réels, parmi lesquels, au premier rang, Henri de Toulouse-Lautrec, mais aussi Alphonse Bertillon, La Goulue, Ravachol, Paul Verlaine et d’autres célébrités de l’époque.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Comme nombre de visiteurs du monde entier, Victor Legris, libraire rue des Saints-Pères, se rend à l’Exposition Universelle où la Tour Eiffel, qui vient d’être achevée, trône en véritable vedette. En ce début d’été 1889, les Parisiens ont bien du mal à se frayer un chemin dans la foule qui se presse entre les kiosques multicolores, dans les allées envahies de pousse-pousse et d’âniers égyptiens… Au premier étage de la tour, Victor doit retrouver Kenji Mori, son associé et son vieil ami Marius Bonnet qui vient de lancer un nouveau journal, Le Passe-Partout. Mais leur rendez-vous est vite interrompu : une femme vient de s’écrouler sous le coup d’une étrange piqûre. S’ensuit une série de morts inexpliquées qui vont marquer les débuts d’enquêteur de Victor Legris…

Ces nouveaux mystères de Paris nous plongent dans la capitale des impressionnistes, ses  » villages  » et ses quartiers populaires.

Mon avis :

En cette année 1889, Paris va ouvrir ses bras à l’exposition universelle. Alors que débarque la troupe de Buffalo Bill, un homme ressent une pique d’insecte dans le cou et meurt instantanément. Victor Legris, qui travaille dans la librairie de son beau-père Kenji Mori. Il va assister à l’ouverture de la Tour Eiffel et rejoint à cette occasion Marius Bonnet, qui vient de créer Le Passe-Partout, un tout nouveau journal. Il rencontre à cette occasion toute l’équipe de rédaction, dont la belle Tasha dont il tombe immédiatement amoureux. Au même moment, une dame qui accompagne ses neveux meurt après une piqure d’abeille. Contre toute attente, Victor Legris va être impliqué dans cette série de meurtres.

Il faut se rappeler que ce roman consiste à présenter les différents personnages qui vont peupler les autres romans de la série. Ceci explique le début plutôt lent, qui permet aussi aux auteures de nous plonger dans cette période de joie et de fête. Elles nous donnent donc de nombreux détails sur cette époque et sur l’ambiance qui régnait en ce temps-là. En mêlant des personnages connus, en faisant montre d’une grande culture, on adore parcourir les rues de Paris de la fin du XIXème siècle.

Puis l’intrigue change, entrant de plein pied dans l’enquête, menée loin de la police, par un novice. Parce que ses proches semblent des suspects probables, Victor Legris va s’impliquer, ne rejetant aucune hypothèse et nous plongeant, nous lecteurs, dans des hypothèses aussi nombreuses que le sont les fausses pistes, tout en continuant à nous apprendre beaucoup de choses. Un exemple dans le genre !

Moi qui n’aime pas particulièrement les romans historiques, je me suis passionné pour cette époque, pour cette ambiance et pour ces personnages si bien décrits et psychologiquement réalistes. Et si j’en crois les spécialistes du genre, et le Dictionnaire des Littératures Policières du Maître Claude Mesplède, la deuxième enquête, La disparue du Père-Lachaise est une grande réussite. Je sais ce qu’il me reste à faire !

Sadorski et l’ange du péché de Romain Slocombe

Editeur : Robert Laffont (Grand format) ; Points (Format poche)

Je m’étais fixé un objectif de lire, en cette année 2020, la première trilogie consacrée à Léon Sadorski (L’affaire Léon Sadorski, L’étoile jaune de l’inspecteur Sadorski, Sadorski et l’ange du péché) et donc voici mon avis sur le troisième tome. Pourquoi je parle de première trilogie ? Parce qu’il y aura une deuxième trilogie. La première se nomme La trilogie des collabos. La deuxième s’appelle La trilogie de la guerre civile et comprendra La Gestapo Sadorski (qui vient de sortir aux éditions Robert Laffont), L’inspecteur Sadorski libère Paris (à venir en 2021) et J’étais le collabo Léon Sadorski (prévu en 2023).

L’inspecteur principal adjoint Léon Sadorski, chef du Rayon juif à la 3ème section des Renseignements généraux et des jeux, n’en est pas à sa première bassesse. Dans son métier, traquer les juifs pour les arrêter est son quotidien. Et quand il tombe sur une vendeuse de lingerie fine à la Samaritaine, il en profite pour lui faire un chantage et lui demander de voler des dessous pour sa femme adorée Yvette.

Sauf que tout semble dérailler pour lui. Alors qu’au travail, il est chargé de trouver une jeune femme juive qui a passé la ligne de démarcation avec de l’or, il intercepte une lettre anonyme pleine de menaces envoyée à sa femme qui lui montre que Paris est en train de changer en cette année 1943. Une bonne raison pour lui de serrer la vis et de se donner à fond, tout en faisant très attention aux policiers véreux de son service.

Alors que les lettres de dénonciation se multiplient, la Gestapo montre à Léon une lettre demandant de saisir les biens des parents de Julie Odwak, la petite juive qu’il loge chez lui dans l’espoir de la séduire. Il s’arrange pour être présent lors de la perquisition et arrive à mettre la main sur le journal intime de Julie avant que les Allemands ne le prennent. Heureusement, ils ne s’intéressent qu’aux toiles peintes. Ce qu’il va y lire va le sidérer.

Troisième tome et le plus volumineux de la trilogie, ce Sadorski et l’ange du péché comporte toutes les qualités qui m’ont fait adorer les deux précédents tomes :

Le personnage tout d’abord, immonde salaud raciste qui, tel une bête traquant sa proie, n’hésite à user de toutes les bassesses et les violences pour arrêter les juifs. Plus aveuglé que jamais dans son travail, il apparait comme un combattant du Mal lancé dans une croisade personnelle aveugle, mis à mal voire dépassé par un extrémisme antisémite qui va plus loin que ses convictions. Et malgré ses contradictions, on le retrouve concerné par l’extermination des juifs, mais il faut bien dire qu’il place son bien-être et sa survie au dessus de toute autre considération. Car Sadorski est avant tout un égoïste. La complexité de ce personnage ignoble en devient fascinante.

Le contexte du Paris occupé qui est toujours reconstitué avec minutie, force détails et des descriptions d’une réalité confondante. L’immersion dans un autre temps (pourtant pas si lointain) est insérée à l’intrigue et donne un rendu véridique, d’autant plus que peu de romans ont décrit avec autant d’acuité frontale la vie des Parisiens à cette époque et leurs pensées, leurs penchants en faveur d’un écrémage contre les juifs.

Le contexte historique de cette année 1943 y joue un rôle primordial. Alors que la famine et les restrictions font rage, la vie quotidienne devient une course à la survie. Comme devant tout événement majeur, on y trouve des victimes et des profiteurs. Une des trames du roman tourne donc autour du marché noir et de toute une mafia qui se monte et qui profite de la situation. Et 1943 constitue aussi le tournant de la guerre, l’année où les Allemands subissent leurs premières défaites. Dans la tête des Parisiens, commence à s’allumer une lueur d’espoir. Enfin, ils sont persuadés que les Allemands ne sont pas là pour toujours.

L’inspecteur adjoint Sadorski, aveuglé par sa chasse aux juifs, va être confronté à plus fort que lui. Tout d’abord les tenants du marché noir, mais aussi la vérité sur la déportation des juifs. Il va recevoir des témoignages lors d’interrogatoires ou de discussions qui vont lui ouvrir les yeux et le placer face à un choix impossible à faire pour lui. Les conséquences vont engendrer une tension dans le roman et des passages violents, très violents, d’autant plus violents qu’ils sonnent justes.

Dans cette thématique, il va découvrir le Journal Intime de Julie Odwak, sa petite protégée juive. Il a réussi à le conserver en prétendant l’utiliser pour trouver des pistes sur des juifs. En réalité, alors qu’il espère des sentiments de sa protégée, il lit le calvaire, la torture que les Nazis font subir aux juifs tous les jours. Sorte de continuité du journal d’Anne Franck (en version romancée), ces longs passages sont passionnants mais ont tendance à être plus des parenthèses dans l’intrigue que des éléments la faisant avancer.

Et c’est un peu ce que j’ai ressenti lors de cette lecture. Elle est passionnante, prenante, intéressante, instructive, inédite, impressionnante mais il m’a manqué un fil directeur. A chaque tome de la trilogie, on a droit à toujours plus de pages, et je dois dire que j’y ai trouvé des longueurs, des pages qui n’apportaient rien de plus. Pas décevant, loin de là, mais trop bavard par moment.

L’étoile jaune de L’inspecteur Sadorski de Romain Slocombe

Editeur : Robert Laffont (Grand Format) ; Points (Format poche)

Après L’affaire Léon Sadorski, Romain Slocombe revient avec ce deuxième tome de la vie de cet Inspecteur Principal Adjoint affecté aux affaires juives. Ce deuxième tome m’a paru encore plus fascinant que le premier.

Depuis le 6 juin 1942, les juifs doivent arborer une étoile jaune, solidement cousue sur leur vêtement. L’inspecteur Sadorski, qui n’oublie jamais un visage, suit une jeune fille qu’il a déjà aperçue lors de l’attentat dans un café du Boulevard du Palais. Il est en arrêt maladie pour quelques jours encore, suite à sa blessure lors de cette explosion. Mais ce qui l’importe aujourd’hui n’est pas de suivre des juifs.

Attablé à une terrasse dans un accoutrement de plombier, il attend sa protégée, Julie Odwak, sa jeune voisine juive pour qui il a ressent une affection malsaine. Il a déjà fait arrêter sa mère, a ajouté la mention communiste sur son dossier, et continue à avancer ses pions pour la séduire, en lui faisant croire qu’il est un espion pour Londres. Aujourd’hui, le 8 juin, c’est son anniversaire et Léon Sadorski lui offre un magnifique stylo.

Le lendemain, il prévoit une balade en vélo avec Yvette, sa femme. Ils font une pause dans un café en bord de Marne, discutent avec le patron qui affectionne les émissions émises par Radio Londres. Léon Sadorski en profite pour écrire une lettre anonyme le dénonçant. Puis ils repartent et s’installent pour le pique-nique. Là Léon Sadorski découvre le corps d’une femme assassinée. Après son retour au bureau, c’est lui qui sera chargé de l’enquête.

Plus ignoble que jamais, le personnage de Léon Sadorski prend de l’ampleur dans cette intrigue aux multiples facettes qui fait suite à la fin du premier tome. On le découvre nationaliste jusqu’au bout des ongles, et apprécie l’occupation allemande en ce qu’elle apporte une rigueur et une sécurité face aux terroristes. Il abonde dans les théories contre les juifs, et n’hésite pas à faire son travail proprement, dénoncer ceux qui ne sont pas de bons français ou ceux qui ne portent pas leur étoile jaune.

Pour autant, il n’est pas sans de nombreuses contradictions, ce qui le rend encore plus réaliste. Il est amoureux de sa voisine juive alors qu’il est sensé les traquer. Il fait preuve d’une pitié étonnante quand il découvre les conditions d’enfermement, mais peut être d’une haine et d’une implacable férocité. Et il s’arrange toujours pour utiliser les événements à son avantage quitte à travestir la vérité et franchir la ligne jaune de la légalité, ce que sa carte d’Inspecteur lui permet.

Comme dans le premier tome, l’immersion dans la vie de tous les jours sous l’occupation allemande est énorme, parsemée de petits détails, ou même décrite par le détail dans des scènes énormes. J’en veux pour exemple cette séance de cinéma où Léon Sadorski invite Julie et où l’auteur nous décrit le reportage qui est projeté avant le film et qui se révèle une propagande ignoble pour justifier la traque des juifs.

Enfin, le gros du sujet revient sur la rafle du Vélodrome d’hiver. Là encore, la nouveauté est de nous montrer comment elle a été orchestrée et les conditions de vie (de survie plutôt) que les femmes et les enfants ont subi en attendant d’être déportés. Ces scènes glauques sont dégoûtantes et d’une vérité saisissante, et elles apportent un éclairage inédit, je crois, sur cette horreur.

A la fin du roman, l’auteur nous décrit ses nombreuses sources d’information, mais il nous explique aussi que son personnage principal a vraiment existé. Avec cette conclusion, on comprend mieux le travail de mémoire qu’a entamé Romain Slocombe, en nous rappelant en introduction du roman : Ni l’auteur, ni l’éditeur ne cautionnent les propos tenus par le personnage principal de ce livre. Mais ils sont le reflet de son époque, tout comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. Car « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ».  A ce titre, ces romans sont évidemment à lire, à ne pas rater.

L’affaire Léon Sadorski de Romain Slocombe

Editeur : Robert Laffont (Grand Format) ; Points (Format Poche)

L’un de mes challenges de cette année 2020 est de lire la trilogie consacrée à l’inspecteur Sadorski. Après le génialissime Monsieur le Commandant, Romain Slocombe revient à une période noire de notre histoire, à savoir l’occupation pendant la seconde guerre mondiale, à Paris, avec un personnage fantastique.

Léon Sadorski est un vrai nationaliste, fidèle et œuvrant pour la grandeur de la nation, décoré de la Croix de Guerre 1914-1918. Âgé de 44 ans, marié à Yvette, il est Inspecteur Principal Adjoint à la 3ème section des Renseignements Généraux depuis 1941. Sa mission est de trouver des juifs en situation irrégulière et les communistes et de les transférer à Drancy, d’où ils seront envoyés en camp de travail ou camp de concentration.

Chaque jour, ce sont lectures des procès verbaux, descente sur le terrain pour enquête et écriture de rapports qui iront grossir les collectes d’information demandées par l’occupant. En ce 1er avril 1942, Sadorski lit un rapport sur 2 sœurs, Yolande et Marguerite Metzger qui semblent fricoter avec les Allemands. Leur nom suggère qu’elles soient juives. Il faudrait aller vérifier cela de plus près.

Puis, après déjeuner, leur tombe une nouvelle mission : aller contrôler un dénommé Rozinsky qui habite rue Mozart, au n°159. Sauf que ce numéro n’existe pas. Sadorski y voit une ruse et impose à son collègue Magne d’aller au n°59. C’est à cette adresse qu’ils trouvent le bonhomme, et le menacent. Rozinsky leur annonce être un diplomate, et Sadorski, en bon négociateur, récupère 5000 Francs en échange de son silence. Au passage il s’assure du silence de Magne en lui filant 1000 Francs.

En rentrant au bureau, Sadorski est convoqué par son chef, l’inspecteur principal Cury-Nodon. Ce dernier lui annonce qu’il est convoqué dès le lendemain chez le capitaine Voss, qui dirige les Affaires Juives à Paris, autrement dit la Gestapo. Sadorski s’y rend après une nuit agitée, ne comprenant pas ce qu’il a fait de travers.

Ce roman choisit délibérément de nous plonger dans cette époque trouble en nous mettant au premier un personnage nationaliste qui œuvre ou pense œuvrer pour le bien de la France. A force de la suivre, on s’aperçoit qu’il se contente surtout de suivre le plus fort et qu’il se persuade rapidement et facilement qu’il fait le bien. C’est surtout un homme faible qui se retrouve avec du pouvoir, un homme qui suit aveuglément les ordres et n’hésite pas à dire qu’il n’a rien fait de mal puisqu’il n’a fait que ce qu’on lui a demandé. Un bon soldat, en somme, comme il y en eut tant.

Au-delà de cette psychologie remarquable, j’ai adoré cette immersion dans le Paris de cette époque. L’auteur a su reproduire les ambiances et la vie d’alors avec une réelle justesse en parsemant de là des détails qui participent à notre voyage temporel. L’intrigue quant à elle est essentiellement composée de trois grandes parties qui sont la présentation du personnage, l’interrogatoire par la Gestapo à Berlin et enfin la résolution du meurtre de  Marguerite Metzger.

Si on peut regretter une intrigue faiblarde, on ne pourra que s’enthousiasmer devant ce personnage horrible et ignoble, tout en louant l’absence de scènes gore ainsi qu’une écriture d’une fluidité remarquable. D’ailleurs, la mise en garde en exergue de ce roman est suffisamment explicite pour montrer la raison de ce cycle : « Ni l’auteur, ni l’éditeur ne cautionnent les propos tenus par le personnage principal de ce livre. Mais ils sont le reflet de son époque, tout comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. Car « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». »

Ce roman est évidemment à lire, et à méditer dans nos temps troubles où on entend de plus en plus des propos inadmissibles, qui rappellent ceux d’une période noire que nous ne voudrions pas voir revenir. Le deuxième tome se nomme L’étoile jaune de l’inspecteur Sadorski et je vous en parle très bientôt.

Escalier B, Paris 12 de Pierre Lunère

Editeur : Harper & Collins

En été, certains cherchent de la lecture facile, de quoi se divertir sans se prendre la tête. Ce roman m’est arrivé entre les mains presque par hasard et je l’ai lu au bon moment, c’est-à-dire que je cherchais un livre drôle. Bonne pioche !

Pierre est concierge dans un immeuble du douzième arrondissement de Paris, près du boulevard Soult, qui comporte 2 bâtiments (entendez deux escaliers). Il est affublé d’un Pékinois albinos et vit en colocation avec Danny. En ce dimanche, une personne fait des allers-retours dans l’escalier en jogging et en faisant du bruit. Evidemment, tous les habitants viennent se plaindre auprès de Pierre, d’autant plus qu’après les montées et descentes  d’escaliers s’ajoute un bruit incessant.

Quand il sonne, il se retrouve face à la nouvelle locataire de l’immeuble, Marion-Lara. Il se propose de l’aider à monter ses meubles avant de découvrir qu’elle est lieutenant de police. Comme elle le trouve sympathique, elle lui propose de l’accompagner à un mariage. Mais pendant la fête qui suit la cérémonie, au petit matin, une petite fille a disparu : elle se nomme Myrtille, une nièce de Marion-Lara.

Or Pierre a un don pour arrondir ses fins de mois : il est voyant et tireur de cartes. Il est donc fin observateur, fin psychologue et il entend une petite voix qui lui susurre parfois des mots qui peuvent aider. Il accepte d’aider Marion-Lara et de regarder les photos du mariage, car le couple avait installé un photomaton derrière le château. En regardant les photos de poche, Pierre arrive à donner quelques pistes à Marion-Lara.

Et ce n’est que le début des aventures de nos deux comparses tant ils vont avoir à résoudre un grand nombre de mystères, de la présence de prostituées dans l’immeuble à la disparition de l’une d’elle, d’un envoûtement chinois à la prolifération de tuyaux de plomb, d’un mystérieux suicide à des enlèvements.

Ce roman est foisonnant d’intrigues, aidé en cela par des personnages hauts en couleurs. Entre les femmes qui entourent Pierre, de sa colocataire et l’actrice qui fait tout pour décrocher un rôle, entre les emmerdeurs (Madame Dijoub qui fait signer des pétitions à tout va) à ceux qui veulent faire déguerpir les étrangers, on s’amuse beaucoup.

Et puis, l’écriture, si elle n’est pas extraordinaire, est fluide et drôle. Le ton est virevoltant, pas cynique ou méchant pour un poil, juste distrayant et léger comme il faut. La quatrième de couverture fait un rapprochement avec la saga Malaussène de Daniel Pennac. J’y rajouterai Gilles Legardinier, période Demain j’arrête. Bref, comme je vous l’ai dit plus haut, il ne faut pas chercher dans ce roman un livre inoubliable mais juste une lecture distrayante qui remplit son rôle parfaitement.

L’inspecteur Dalil à Paris de Soufiane Chakkouche

Editeur : Jigal

On trouve souvent sur Internet cette phrase : Jigal, découvreur de talents. On ne peut qu’être d’accord après la lecture de ce roman qui, s’il peut paraître un simple roman policier, possède un vrai style, un vrai ton et un superbe personnage que l’on espère revoir.

L’inspecteur Dalil coule une retraite paisible en pêchant au bord de la plage avec sa chienne quand une silhouette se dirige vers lui. La petite voix qui lui donne des conseils dans sa tête lui indique qu’il s’agit de l’inspecteur Brahim, son ancien collègue. Celui-ci lui propose de reprendre du service dès aujourd’hui afin de résoudre une enquête qui pourrait bien revêtir une importance vitale pour son pays, le Maroc. Sa petite voix saute de joie à l’idée de retravailler,

Il est reçu par Ali Aliouate, le directeur du Bureau Central d’Investigation Judiciaire, l’équivalent du FBI marocain. Bien vite, Aliouate donne à Dalil une carte de police officielle ainsi qu’une arme. Mais Dalil ne veut pas d’arme, et il n’en a jamais voulu. Aliouate connait bien le dossier de Dalil, et le taux de réussite de ses enquêtes de 100%. L’affaire qu’il lui propose concerne le terrorisme et la France.

Un jeune homme a été enlevé devant une mosquée en plein Paris. Il s’appelle Bader Farisse et est étudiant en transhumanisme. La France accuse le Maroc de ne pas en faire assez contre le terrorisme. L’inspecteur Dalil va être envoyé à Paris pour faire équipe avec le commissaire Maugin, la crème du 36 Quai des Orfèvres. Dalil est accueilli par le commissaire mais bien vite, les petits gestes de Maugin montrent bien que la méfiance est à l’ordre du jour entre les deux hommes.

On aurait pu imaginer un couple de flics dépareillés dans ce roman, mais on a plutôt affaire à deux personnages forts qui font chacun leur enquête dans leur coin, et cela, surtout parce qu’ils se méfient l’un de l’autre. Quoiqu’il en soit, ce roman est un vrai roman policier qui repose sur deux personnages forts, en plaçant au premier plan l’inspecteur Dalil. Et quel personnage que ce Marocain exilé au milieu des fous, c’est-à-dire en France.

Cet inspecteur, habitué à tâter du poisson loin du vacarme de la ville, se retrouve en plein Paris. Si l’on ajoute à cela qu’il parle souvent tout seul, pour répondre à la petite voix qui fait des remarques dans sa tête, cela nous donne des scènes d’une drôlerie irrésistible. Ajoutons à cela qu’il est un fin psychologue, puisqu’il arrive à tirer les vers du nez du plus récalcitrant juste en menant ses questions d’une façon fort intelligente, et vous avez un personnage de flic qu’il va falloir suivre de très près à l’avenir.

Ceci démontre que les dialogues sont extrêmement bien faits, et que l’intrigue est menée avec une maîtrise qui force l’admiration. Et puis, je ne peux que louer ces remarques sur notre mode de vie, ces évidences que l’on ne voit plus puisque la vie parisienne est vue par un provincial étranger. Il n’y a qu’à apprécier ces passages sur le métro, ou la désolation de l’inspecteur Dalil devant les gens qui demandent de l’argent pour manger.

Si le sujet est grave et tout de même bien flippant, la faculté d’implanter une puce connectée à Internet dans votre cerveau, le ton se révèle dans l’ensemble léger, drôle et lucide, même si la scène finale est noire. D’une plume fluide, Soufiane Chakkouche fait une entrée fracassante dans le monde du polar avec un ton remarquablement neuf et rafraîchissant. Ce roman est totalement bluffant et je suis d’hors et déjà fan. Vivement la suite !

Ne ratez pas les avis de Yves et Psycho-Pat

Espace Bob Morane : Le cycle de l’Ombre Jaune 3

La revanche de l’Ombre Jaune d’Henri Vernes

Editeur : Marabout – 1959

J’ai lu beaucoup d’aventures de Bob Morane quand j’étais au collège, peut-être une centaine, et j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Il fallait bien que je me limite dans les centaines de romans publiés et donc j’ai choisi le cycle de l’Ombre Jaune tel qu’il est décrit dans Wikipedia, soit 23 romans.

Par un bel après-midi de printemps, Bob Morane rentre chez lui, dans sa Jaguar, en passant par les quais de Seine. Il aperçoit un mendiant, entouré par un groupe d’enfants, faisant des tours avec un petit singe. Intrigué mais obligé de rouler, il a le temps de voir le visage, caché sous un large chapeau, et des yeux jaunes inoubliables. Se pourrait-il que ce soit l’Ombre Jaune ?

Curieux mais aussi fortement inquiet, il ressort de chez lui, pour arpenter le Quai Voltaire, sans rien apercevoir. En s’arrêtant dans une brasserie de Saint-Germain-des-Prés, une diseuse de bonne aventure lui prédit sa mort. Fichtre ! Lui qui n’est pas sujet aux diverses croyances, il fait quelques recherches et s’aperçoit que des morts mystérieuses ont eu lieu à la suite prédictions funestes. Il décide d’en avoir le cœur net et de retourner sur les quais le lendemain.

Troisième confrontation entre Bob Morane et l’Ombre Jaune, où la tension est à son comble. Le roman tourne à un véritable duel entre les deux hommes, avec un Bill Balantine qui va arriver toujours trop tard. Si Bob a sauvé M.Ming dans le premier, s’il a tué l’Ombre Jaune dans le deuxième, ce roman ressemble à une revanche d’où le titre du  livre. Et la fin donne fichtrement envie de lire la suite.

Ce roman va nous faire voyager : des puces de Paris à la visite des égouts, après un passage par Bruxelles, pour rencontrer un spécialiste en botanique, Bob Morane va poursuivre son ennemi juré jusqu’en Egypte, sur l’île Éléphantine. Ce roman s’avère moins rythmé. J’y ai même trouvé des moments un peu longuets où l’auteur tire un peu son intrigue, comme les explications sur les égouts de Paris. Ce n’est probablement pas le meilleur de la série, mais la fin relève l’ensemble avec un suspense insoutenable.

Dans le livre que j’ai lu, édité par Marabout Junior, l’accent est mis sur les prothèses animées telles celle que M.Ming a pour remplacer sa main perdue. Comme le roman date un peu, nous savons aujourd’hui que de grands progrès ont été faits depuis les années 60. Et on ne peut que louer l’aspect visionnaire des progrès scientifiques à venir d’Henri Vernes.

Les romans chroniqués sur le duel entre Bob Morane et L’Ombre Jaune sont :

La couronne de Golconde

L’Ombre Jaune

Requiem pour une république de Thomas Cantalouble

Editeur : Gallimard – Série Noire

Du coté de la Série Noire, en ce début d’année, on annonçait un polar politique ancré dans un contexte historique fort, la France du début des années 60. Sur le papier, ce roman a tout pour me plaire.

Septembre 1959. Sirius Volkstrom, ancien collabo, a quitté la France à la défaite des Allemands, pour rejoindre l’Indochine et l’Algérie, où il y a perdu un bras. Malgré cela, il a gardé son instinct de tueur. Convoqué par Jean-Paul Deogratias, directeur adjoint de cabinet du préfet de police Maurice Papon, il apprend que la police veut se débarrasser d’un avocat proche du FLN,  Abderhamane Bentoui. Deogratias a acheté les services d’un tueur à gages, Victor Lemaître, et Sirius Volkstrom devra se débarrasser de Lemaitre. Mais le complot ne se déroule pas comme prévu, puisque Lemaitre assassine de sang froid toute la famille présente et s’enfuit. Sirius ayant laissé ses empreintes sur une poignée par inadvertance, doit retrouver très vite le tueur à gages.

Antoine Carrega est conducteur de camionnette et transporte du pastis de Marseille à Paris. Il connait bien la route, l’endroit des barrages policiers et comment s’en sortir sans encombre ; même quand il n’y a pas que du pastis à l’arrière de la camionnette. Ancien résistant, il répond positivement à son ami maquisard Aimé de la Salle de Rochemaure, quand il lui demande de retrouver l’assassin de sa fille. En effet, celle-ci était la femme de l’avocat Abderhamane Bentoui. Il va se renseigner auprès de ses connaissances dans la pègre parisienne.

Maurice Papon l’annonce et le clame haut et fort : ce crime ne restera pas impuni. Aux cotés de son directeur adjoint, il va annoncer à la presse que le FLN sera puni pour ce crime, et qu’il a choisi la meilleure équipe pour cette enquête : Amédée Janvier l’ancien qui tête souvent de la bouteille, et Luc Blanchard le petit jeune qui débarque. Cela n’arrange pas Luc Blanchard, qui aurait bien voulu résoudre l’affaire de viol dont il s’occupe, et à propos de laquelle il cherche l’Algérien coupable.

Trois personnages, trois piliers pour raconter un versant de la France de 1959 à 1962. Rien de tel pour faire un roman équilibré que de s’appuyer sur trois bases solides. C’est bien ce que sont Blanchard, Carrega et Volkstrom, trois personnages forts, ni tout à fait blancs, ni tout à fait noirs, sillonnant entre les événements noirs dans une période pour le moins trouble. On ne peut qu’être attiré par Blanchard et sa naïveté liée à sa jeunesse, par Carrega et sa loyauté à toute épreuve, par Volkstrom et la poursuite de son but ultime qui n’a rien à voir avec les meurtres.

Depuis quelque temps, on voit fleurir des polars évoquant ce début des années 60, où le monde a digéré la deuxième guerre mondiale, où l’on rêve de paix éternelle, cette stratégie de repousser les combats le plus loin possible de ses frontières. On parle enfin de cette France, menée de main de maître, et tous les courants idéaux qui manœuvrent dans l’ombre pour obtenir un peu plus de pouvoir, de la montée des extrêmes, des nazis aux extrêmes gauches, des luttes pour redorer le blason d’une France forte.

La période 1959-1962 choisie par l’auteur en est un bon exemple. Et si tout cela n’avait pas été vrai, cela donnerait un formidable polar. Sauf que voilà, tout ce qui est relaté dans ce roman est vrai, et nos trois personnages vont le vivre en étant plus ou moins impliqués. C’est avec un beau plaisir que l’on suit cette histoire, d’autant plus que les personnages sont vivants et la plume d’une belle fluidité.

Mais ce roman m’a fait réagir. Ayant non pas connu cette période, mais discuté avec des gens qui l’ont connue, je trouve que la vision montrée par l’auteur est très centrée sur Paris. La France provinciale dont on m’a parlé était totalement derrière De Gaulle, seul personnage absent du livre d’ailleurs, et les fauteurs de trouble (français ou étrangers) des terroristes qu’il fallait passer par la guillotine. Du coup, j’ai eu l’impression d’une certaine superficialité car je n’ai pas été totalement convaincu par ce qui y était écrit. J’ai eu l’impression d’y voir une vision parigo-parisienne de cette période. Ceci dit, je serai bigrement intéressé de connaitre votre avis sur ce polar que je vous conseille, ne serait-ce que par l’aspect historique qui vaut le détour.

Ne ratez pas les avis de Marie-Laure et Jean-Marc

Vous cherchez des novellas ?

Entre deux romans, j’aime m’attaquer à des livres plus courts, de l’ordre d’une cinquantaine de pages. Cela me permet en une journée de changer d’univers. Je vous propose mon avis sur 2 novellas qui m’ont marqué récemment :

Désoxy de Jean-Marc Demetz

Editeur : Presses du midi

20 octobre. Le corps d’une jeune étudiante de Valenciennes a été retrouvé décapité, et l’enquête n’avance pas. Anouck Furhman et son équipe sont sur des charbons ardents, mais ils n’ont pas une seule piste à suivre. Un soir, alors qu’elle rentre chez elle, un homme mystérieux l’attend dans sa cage d’escalier. Il réussit à s’enfuir après l’avoir bousculée. elle trouve un mot sous sa porte :

« Prélève-t-il les cerveaux ?

S OUI, une feuille blanche sur le siège arrière de votre voiture.

Si NON, une feuille blanche chiffonée en boule. »

Puis elle ramasse le chapeau qu’il a laissé tomber. Après analyse, ce chapeau daterait de l’époque de Rubens. S’agirait-il d’un collectionneur ? Quand une deuxième étudiante disparait, le mystère reste entier alors que Furhman n’a pas plus de pistes.

Franchement, on ne pouvait espérer plus de Jean-Marc Demetz, tant ce polar ou roman policier sort des sentiers battus. Vous qui êtes lecteurs de romans policiers, n’avez-vous jamais espérer voir un enquêteur qui est perdu dans son intrigue et qui ne sait pas où aller, ou quoi faire ? C’est le pari que fait l’auteur en nous plongeant directement dans le feu de l’action, dès le début de ce roman.

Pendant tout le roman, on se fait donc balader, en comptabilisant les corps, et on reste toujours dans le flou. Seul un personnage énigmatique nous guide et fait avancer l’intrigue vers une résolution qui apparaîtra à la fin du roman. En flirtant vers le fantastique, on se retrouve avec une fin qui est comme le roman : est-ce bien la vérité ? Indéniablement, ce roman original remplit son objectif de nous prendre dans ses serres et de ne pas nous lâcher sans nous donner toutes les clés. A découvrir.

Ne ratez pas les avis des Amis Claude et Paul

A Paris coule la mer du Nord d’Astrid Monet

Editeur : Les chemins du Hasard

Mary débarque à Paris avec son violon. Son objectif est de devenir violoniste professionnelle. Elle aperçoit Popeye un jeune homme assis dans la gare qui lit des vers poétiques de William Blake. Le coup de foudre est immédiat. Alors que Mary va loger chez une amie, Popeye va habiter chez Max, son ami d’enfance. Mary va vouloir sauver son amour quand Popeye va se laisser entrainer dans des casses de bijouterie pour honorer ses dettes de jeu. Mary va se lancer dans une croisade difficile … perdue d’avance ?

Avec une intrigue simple, Astrid Monet déroule son roman en faisant un zoom sur ses personnages et leurs sentiments, dans un décor enchanteur de Paris nocturne. Malgré quelques maladresses au début du roman, en particulier pour présenter le passé des protagonistes, j’ai été bien souvent fasciné par des passages d’une beauté épurée dans le style de l’auteur. Les mots ne sont pas inscrits sur la page du livre, ils volent au dessus et laissent une sensation éthérée de magie.

On se laisse porter par par les mots, qui se marient si bien avec le décor, tout juste épuré. Et si on sent que l’itinéraire descend vers une issue dramatique, on se prend à espérer. Astrid Monet ajoute une pierre au mythe de Romeo et Juliette sans esbroufe, mais avec une belle ambition de superbes promesses. Voilà une jeune auteure qu’il va falloir suivre de très très près.