Archives du mot-clé Pédophilie

L’aigle noir de Jacques Saussey

Editeur : Fleuve Noir

Il ne doit me rester qu’un ou deux romans de Jacques Saussey, dont les plus célèbres sont le cycle consacré à Daniel Magne et Lisa Heslin. Il s’agit d’un changement d’éditeur pour cet auteur aux intrigues foisonnantes avec ce roman orphelin, qui nous convie à un voyage à la Réunion.

2016, Ghana. La jeune femme s’est endormie en bord de plage alors qu’un homme l’observe. Irrésistiblement attiré par elle, il s’approche. Quand elle se réveille, il est au dessus d’elle et prend peur. Sans hésiter, avec sa machette, il lui tranche la tête et s’enfuit dans la forêt en entrainant sa fille qui jouait à coté.

2020, Toulon. Hubert Bourdenais, directeur de la société chargée du traitement des déchets ménagers, accueille chez lui Paul Kessler, qu’il utilise pour régler de menus trafics orchestrés par ses ouvriers. Bourdenais sait que Paul a perdu son fils et que cette perte l’a fait démissionner de la police. Il lui propose une enquête en sous-main, inofficielle, celle de connaitre les causes de la mort en hélicoptère de son propre fils, Pierre Bourdenais. Le rapport légiste a conclu à un accident alors qu’il était un as du pilotage.

2020, Ecole Jacques Brel, La Réunion. Jean-Denis Pavadé, nouvellement nommé professeur des écoles, surveille les enfants dans la cour de récréation. Il voit la petite Louna dans un coin, en train de dessiner. Quand il lui demande de regarder ses œuvres, elle s’enfuit. Il est surpris de voir des croquis de monstres sur chaque page. Chloé la psychologue scolaire essaie de faire dire à l’enfant la raison de ces dessins, mais elle reste mutique. Chloé et Jean-Denis font part de leurs soupçons à la directrice de l’école.

Dès le départ de ce roman, l’auteur nous présente une multitude de personnages, pas loin d’une dizaine, dans des lieux et des contextes différents. Et chaque personnage va amener son lot de mystères, d’énigmes à résoudre, ce qui va forcément aiguiser l’esprit du lecteur de roman policier ou de thriller. Heureusement, Paul Kessler va faire le lien en progressant petit à petit dans sa propre enquête.

On louera donc la construction qui, si elle peut s’avérer complexe de prime abord, va ressembler à une toile d’araignée que nous allons parcourir en commençant par les fils extérieurs. Et Jacques Saussey sait comment nous tenir en haleine, comment mener une intrigue, nous passionner par dialogues remarquablement efficace, et utiliser les codes du thriller quand il le faut avec des chapitres courts.

Contrairement à beaucoup de ses confrères, Jacques Saussey ne prend pas son lectorat pour des imbéciles : j’en prends pour exemple les mentions des dates et des lieux en tête de chapitre qui ne sont présents que quand on en a besoin. De même, il a conçu son intrigue avec beaucoup de pistes à suivre, des trafics en tout genre, et l’itinéraire de Sobgwe sur quatre années sans jamais perdre l’intérêt du lecteur.

Enfin, on y trouve une description des deux facettes de la Réunion (sans que l’auteur n’y ait mis les pieds, il l’avoue en fin de roman), l’une faite de belles maisons pour les riches, l’autre plus misérable avec tout ce que cela comporte comme horreurs (même s’il reste très évasif et non démonstratif dans le glauque). L’aigle Noir est donc un thriller de très bonne facture de la part d’un auteur au savoir-faire incontestable, trop injustement méconnu à mon goût.

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La cour des mirages de Benjamin Dierstein

Editeur : Les Arènes – Equinox

Attention, Coup de cœur !

Après La sirène qui fume, après La défaite des idoles, voici donc le troisième tome de cette trilogie consacrée à la fin du Sarkozysme sur fond d’enquête policière au long cours sur la prostitution enfantine et les réseaux pédophiles. Le premier était très bon, le deuxième excellent, le troisième est fantastique, un véritable feu d’artifice. Autant vous prévenir tout de suite : par certaines scènes explicites, ce roman est dur et est à réserver à des lecteurs avertis.

Jeudi 13 juillet 2006. La foule se masse dans le métro de Rennes, après le feu d’artifice. Un homme arrive à séparer une jeune fille de 8 ans de son père, et lui fait rater l’arrêt où elle aurait pu rejoindre son père. Au terminus, il lui fait croire qu’elle pourra téléphoner à son père, dans la camionnette blanche là-bas. On ne l’a plus revue. Le capitaine Gabriel Prigent ne s’est jamais remis de la disparition de sa fille Juliette.

Dimanche 17 juin 2012. Les élections législatives donnent une majorité confortable au nouveau président de la république François Hollande. Même Claude Guéant est battu à Boulogne-Billancourt. La commandante Laurence Verhaegen se moque de ce cirque. Elle attend Michel Morroni, son ancien chef à la Brigade criminelle, qui est à la retraite. Elle veut faire payer à ce pourri les menaces qu’il a fait peser sur sa fille Océane. Après une courte promenade, il s’assoit sur un banc public. Elle s’approche et lui tire une balle dans la tête.

Lundi 25 juin 2012. Prigent a pris trente kilos lors de son séjour en hôpital psychiatrique et les dizaines de pilules qu’il devait ingurgiter par jour. Il est accueilli par Nadia Châtel, la commissaire, et ses collègues n’oublient pas son passé de collabo, quand il a donné ses collègues à l’IGPN. Si on lui autorise un poste, c’est parce qu’il apparait aux yeux du public comme un héros suite à l’affaire de la Sirène qui fume.

Lundi 2 juillet 2012. Séparée de son mari Fab, Verhaegen subit les humeurs d’Océane qui entre dans l’adolescence et lui mène la vie dure. Océane préférerait aller vivre avec son père et Nadine sa belle-mère. Du coté professionnel, Verhaegen est virée de la DCRI et obligée d’intégrer la Police Judiciaire car elle a été suivie quand elle a tué Morroni. Les policiers à la charge de Manuel Valls veulent une taupe à la Préfecture de Paris, pour être surs que rien ne se trame contre les nouveaux hommes au pouvoir. Verhaegen intègre le service de Nadia Châtel.

Samedi 7 juillet 2012. Jacques Guillot, un ancien cadre politique est retrouvé pendu chez lui. Stéphanie, sa femme a été tuée dans la chambre de la propriété, un sac en plastique sur la tête. On a massacré la tête de Valentin, le fils, avec un jouet métallique. Seule manque à l’appel Zoé, la fille de Guillot. Le groupe de la brigade criminelle est sous haute pression. Prigent va suivre la piste de l’argent car Guillot avait des difficultés d’argent ; Verhaegen quant à elle prend celle des réseaux pédophiles.

Sur un pavé de plus de 800 pages, je peux me permettre de faire un résumé un peu long, mais il est nécessaire de bien planter le décor. Il s’agit du troisième tome de la trilogie sur la chute du Sarkozysme et Benjamin Dierstein va prendre une cinquantaine de pages pour présenter le contexte et les personnages principaux, Gabriel Prigent rencontré dans La sirène qui fume et Laurence Verhaegen qui était présente dans La défaite des idoles. Si l’on peut lire ce roman indépendamment des autres, je vous conseille de commencer par les autres tant ces trois romans forment une unité rare.

Si le premier tome abordait la prostitution d’adolescentes et le lien avec des hommes politiques, et le deuxième les magouilles politiques pour détenir le pouvoir policier entre ses mains, ce roman relie ces deux thèmes en y ajoutant l’évasion fiscale et les transferts d’argent vers des paradis fiscaux et les réseaux pédophiles internationaux. Et si de nombreux personnages connus apparaissent dans ces romans, l’auteur assure que cette intrigue est totalement inventée. Aux premières places de ce monument, on trouve deux personnages de flics fissurés, cassés, en passe d’être broyés par la machine que représente l’Etat.

Deux flics nous racontent cette histoire en alternance. D’un côté, Gabriel Prigent qui sort d’une énième cure en hôpital psychiatrique, bourré de médicaments. Hanté par la disparition de sa fille dont il refuse la funeste issue, il poursuit son enquête en douce et se lance à corps perdu dans les liens financiers de Jacques Guillot, quand il découvre ses liens avec Marchand, un spécialiste de finance internationale. On a droit à une démonstration du travail génial de ce flic, entrecoupé de visions hallucinées, de voix qui le hantent dans des paragraphes longs où son obsession devient la nôtre.

De l’autre, Laurence Verhaegen, sous pression de toutes part, membre du syndicat Synergie-Officiers ancré à droite et obligée de travailler en tant que taupe pour le SNOP (Syndicat National des Officiers de Police) qui défend le nouveau pouvoir en place. Deux flics en perdition, deux tons dans la narration, deux fils d’enquête, deux pans sur l’horreur de notre société moderne. Quand elle est sur le devant de la scène, le style est plus haché, en particulier dans les scènes d’interrogatoires géniales et l’auteur arrive à nous imprégner du stress ressenti par cette flic.

Car outre les magouilles politicardes pour protéger les gens en place, Benjamin Dierstein nous dévoile l’horreur inimaginable que représentent les réseaux pédophiles et leur façon de manipuler des enfants dès le plus jeune âge. Il est juste impossible de ne pas réagir devant la façon dont il démontre ces organisations ignobles, impliquant des familles, des enfants rabatteurs et des hommes riches de tous bords profitant des enfants. Il utilise des images tenant en une phrase, souvent hachée, pour mieux nous faire ressentir l’infamie d’un polaroïd. Le cœur au bord des lèvres, la rage monte avec une envie de meurtre.

En même temps, ce mélange des genres fait naitre une sensation de révolte, où on s’aperçoit que pour protéger des gens immensément riches, au-dessus des lois, on se permet de laisser filer d’immondes assassins. Des flics, des juges, des procureurs, tout le monde est impliqué et fait passer avant tout la nécessité de détenir le pouvoir par le contrôle de la police et de la justice. On ressent la peur de la Gauche de se trouver déstabilisée par des enquêtes, en même temps qu’ils veulent faire tomber les sympathisants de la Droite. Un portrait effarant, édifiant, scandaleux de notre société corrompue jusqu’à la moelle. Et au bout de ce roman, à la toute fin, avec toute la tension accumulée, Benjamin Dierstein a réussi à me faire pleurer.

Mêlant la politique, la police, la justice à des affaires d’évasion fiscale et de réseaux pédophiles, le portrait que nous offre apparait édifiant et bien noir. Autant dans la forme que dans le fond, ce pavé de plus de 800 pages s’avale aussi facilement que la pilule est difficile à avaler. Il apparait effectivement bien difficile à distinguer le vrai du faux, tant Benjamin Dierstein nous dévoile des affaires qui ne peuvent que nous faire réagir et nous dégouter. Ce roman ressemble à un pavé dans la mare, un sacré monument, un grand roman noir sur notre époque, dont il ne faut pas avoir peur.

Coup de cœur, je vous dis !

Je m’appelle Requiem et je t’… de Stanislas Petrosky

Editeur : Editions Lajouanie

J’avais rencontré (littérairement parlant) Stanislas Pétrosky avec Ravensbrück, mon amour, un roman sur les camps de concentration très dur. Avec ce roman, changement d’histoire, de style, avec autant de réussite. Cela doit s’appeler le talent !

Réquiem, c’est évidemment un surnom ! Il s’appelle Estéban Lehydeux, et va nous conter une de ses aventures. Pourtant, en tant que curé exorciste, on aurait pu imaginer que sa vie était plutôt tranquille. Sauf qu’en terme d’exorcisme, Requiem a une façon toute personnelle de chasser le démon ou le diable, ou tout ce que vous voulez. Disons qu’il règle définitivement le cas pour des personnages qui sont au-delà de la malhonnêteté, et disons le carrément, qui sont de pures ordures, des enfoirés, la pire engeance de l’humanité.

Alors qu’il assure les confessions qui font partie de sa mission divine, une jeune femme vient le voir parce qu’elle a reçu un message inquiétant. Martine Rutebeuf est une jeune femme fort belle, qui occupe son temps libre à réaliser des vidéos pornographiques pour les poster sur Internet. Tout le monde dans le quartier est au courant et s’est accommodé de ce passe-temps. Martine, donc, reçoit un mail lui proposant une forte somme d’argent pour participer à un tournage de film pédophile, photos des gamins à l’appui.

Le sang de Requiem ne fait qu’un tour. Il va décider de piéger ces suppôts de Satan, et mener l’enquête avec l’aide de Martine. Il lui demande ses mots de passe, et lui dit de répondre positivement à la demande. La réponse ne se fait pas attendre : Martine recevra un acompte dès le lendemain. Pendant ce temps là, Requiem plonge dans les abimes du Darknet, où on y rencontre toutes sortes de fêlés de tous genres. Hélas, quelques jours plus tard, Martine est découverte atrocement mutilée chez elle. Alors qu’il avait été son amant, Requiem trouve une nouvelle motivation pour exercer un exorcisme en profondeur.

Il suffit de lire la préface de ce livre, écrite par Madame Nadine Monfils pour savoir à quoi s’attendre et surtout la qualité du roman. Car La Grande Nadine ne fait pas de compliments si facilement que cela. Et je plussoie tout ce qu’elle dit : Ce roman est politiquement incorrect. Et alors ? Ce roman te prend à parti. Et alors ? Ce roman est foutrement drôle. Oh que oui ! Ce roman, c’est un antidote à la morosité, que certains liront sous le manteau. Eh bien non, soyez fier qu’il y ait des auteurs comme ça qui osent et qui réussissent, et soyez fier de ce que vous lisez !

Car ce roman fonctionne du début à la fin, sans aucun temps mort. Alors, certes, Requiem interpelle le lecteur, lui montre ce qu’il fait, parle vrai, cru, comme les gens de tous les jours, sans détours. Il n’hésite même pas à parler de nos travers (enfin ceux de certains) et à s’en moquer, car rien de tel que l’autodérision. Ceci dit, le sujet est bien grave, lui, et parle des frappés, des malades du sexe, des pédophiles qui profitent du Darknet pour donner cours à leurs envies les plus dégueulasses.

Heureusement, il y a Requiem, qui à son niveau (local, dirai-je) va faire le ménage dans son quartier. C’est un personnage peu commun, qui officie comme un vrai curé, mais qui s’octroie quelques légèretés et autres adaptations par rapport à sa fonction. Ce qui m’a amusé, c’est cette façon qu’il a de rappeler qu’il doit obéir aux désirs de son Patron, son Fils passant au deuxième plan, car pour Requiem, si on le tape sur la joue gauche, il ne tend pas la joue droite !

Alors, je vais être clair : Vous allez courir chez votre libraire et lire ce putain de bouquin, parce que, si par moment, il va vous secouer, il va surtout vous amuser, vous faire rire et vous faire passer un excellent moment. Vous y trouverez des références à Nadine Monfils, à Michel Audiard, à San Antonio et ce sont des compliments. Moi, ça m’a fait penser à Ben Orton aussi, avec cette façon de plonger le lecteur dans l’action et de l’interpeler aussi directement. Bref, que du bon !

La proie des ombres de John Connolly

Editeur : Presses de la cité (Grand Format) ; Pocket (Format poche)

Traducteur : Jacques Martinache

Je continue ma découverte de l’univers de Charlie Parker, le personnage récurrent de John Connoly avec sa septième aventure.

Quatrième de couverture :

Fille d’un psychiatre de renom, Rebecca Clay fait appel au détective privé Charlie Parker : un inconnu la harcèle et exige d’elle des renseignements sur son père, Daniel Clay, disparu cinq ans plus tôt après avoir été mis en cause dans une affaire d’abus sexuels sur mineurs.

A tort, assure-t-elle… Parker découvre que l’inconnu, dénommé Merrick et récemment libéré de prison, est un tueur à gages qui veut venger la mort de sa fille, à laquelle il est persuadé que Daniel Clay a été mêlé.

Une course-poursuite s’engage alors entre les deux hommes pour retrouver au plus vite les traces du psychiatre. Bientôt, Parker comprend que l’affaire est encore plus sombre qu’il ne le pressentait, pleine de souffrance, de sang et d’indicibles secrets.

Traversant les superbes paysages du Maine, toujours hanté par ses fantômes, il va découvrir la vérité. Une vérité sombre, cruelle, bouleversante…

Mon avis :

Je dois dire qu’après le coup raté (en ce qui me concerne) du précédent opus L’ange noir, celui-ci me réconcilie avec John Connoly et cette façon bien à lui de construire ses intrigues, de décrire ses personnages et de nous envouter dans des ambiances glauques, entre réel et fiction, entre vivants et morts. On retrouve un Charlie Parker séparé de sa femme et de sa fille, qui accepte une affaire bien difficile qui va vite se complexifier pour aboutir à un dénouement inattendu, ce que l’on attend de ce genre de thrillers.

Le sujet de ce roman concerne les pédophiles et en particulier les psychanalystes qui sont chargés d’étudier les cas d’abus sexuels sur les enfants. En particulier, l’auteur nous pose la question de l’efficacité de ces spécialistes et de leur utilité car ils ne pourront jamais réparer l’irréparable. John Connoly nous offre aussi de nouveaux personnages énigmatiques, dont le Devineur, le Vengeur et ce roman est l’occasion de retrouver le Collectionneur. Avec eux, John Connoly nous place devant un dilemme qui est celui de la vengeance, sujet bien difficile surtout quand on est face à une horreur. Heureusement qu’on y trouve beaucoup de traits d’humour, grâce à Louis et Angel.

Vous l’avez compris, c’est un roman dense, et très riche et si mon avis vous parait énigmatique, c’est bien parce que je ne veux pas vous en dire plus, pour que vous puissiez le découvrir. C’est en tous cas un excellent épisode pour cette série qui alterne entre polar, roman noir et fantastique, à ne rater sous aucun prétexte.

Vous pouvez retrouver les précédentes enquêtes de Charlie Parker en suivants les liens suivants :

Episode 1 : Tout ce qui meurt ;

Episode 2 : Laissez toute espérance ;

Episode 3 : Le pouvoir des ténèbres ;

Episode 4 : Le baiser de Caïn ;

Episode 5 : La maison des miroirs ;

Episode 6 : L’ange noir ;

La rose oubliée d’Alexandre Geoffroy

Editeur : Ex-Aequo

A la lecture de ce deuxième roman d’Alexandre Geoffroy, jeune auteur ayant obtenu le Balai de la découverte pour Les Roses volées, on pourrait croire qu’il a une obsession pour les enlèvements d’enfants, ou bien qu’il a conçu ses romans comme un diptyque. Je pencherai pour la deuxième hypothèse pour deux raisons : Lors de la cérémonie de remise des Balais, il m’avait confié écrire une suite aux Roses volées, qui n’en était pas tout à fait une. Ensuite, ce roman est effectivement la suite de la précédente intrigue, vu cette fois par le tortionnaire que l’on à peine entrevu dans le premier roman.

Issu d’une famille riche dont le père fut un des pionnier de l’aéronautique française, Jean-François Latour, la bonne soixantaine, a bien profité de la fortune familiale et laissé libre cours à ses penchants les plus vils. A tel point que dans une de ses propriétés des Landes, il a arrangé ses caves en prison pour de petites filles qu’il vendait à ses amis. Mais son avenir devient incertain quand son fils Marc, pédophile lui aussi, se fait arrêter par la police. Par pur instinct de survie, il se maquille et abat son fils à l’entrée du tribunal avant de fuir.

C’est pour lui le moment de disparaitre. Il prend la route en direction de la Suisse, prend rendez vous avec une de ses connaissances qui planque son argent dans plusieurs banques situées dans des paradis fiscaux, et se rend dans la clinique de chirurgie plastique de Helmut Hansen pour se faire arranger le portrait. A son réveil, l’anesthésie lui a fait perdre la mémoire et par la même occasion ses penchants maléfiques.

Après quelques jours de repos, Latour décide de partir quand Hansen lui rappelle ses agissements, dont il a bien profité d’ailleurs. Dégoutté par lui-même, il décide de réparer ses méfaits avec l’argent dont il dispose. C’est alors qu’une jeune femme le kidnappe et le menace de mort. Elle s’appelle Mélanie et a été enlevée sur une plage vingt ans auparavant. Depuis ce jour, elle ne cherche qu’à assouvir sa vengeance contre ceux qui l’ont violée. Seul Latour peut lui permettre de mener sa mission à bien.

Voilà un début de roman passionnant par son idée de départ, qui reprend la même thématique que le précédent, et c’est pourquoi je vous conseille de lire le premier. De la même façon, avec ce sujet difficile de la vengeance à tout prix, Alexandre Geoffroy évite les écueils en ne prenant pas parti, mais en déroulant son intrigue sans pathos ni surplus de sentimentalisme … et surtout sans voyeurisme facile.

D’ailleurs, c’est bien la facilité à dérouler un scenario de course poursuite qui m’impressionne. Car les scènes vont se suivre avec une certaine vitesse et on a bien hâte de savoir ce qui va arriver. L’écriture simple mais par ailleurs efficace nous y aide bien. Le petit plus réside dans l’alternance entre les chapitres à la première personne, narrés par Latour et ceux à la troisième personne qui parlent du couple … étrange. Le procédé n’est pas nouveau, mais il est bien fait, surtout qu’entendre un véritable salaud narrer ses aventures alors qu’il est devenu un agneau innocent est une expérience bizarre. Pour autant, on ne va jamais le plaindre …

Du coup, l’emploi du présent se justifie dans l’histoire, ce que je n’aime pas trop, je vous le rappelle (mais on ne se refait pas). Là où je m’interroge, c’est sur la façon dont est écrite la fin. En effet, l’auteur introduit quelques chapitres écrits à la première personne par Mélanie et je trouve que cela n’apporte rien à la narration. De plus, les derniers chapitres passent au passé (et non au présent) et à nouveau je m’interroge.

Ceci dit, j’ai lu ce roman en à peine deux jours, car c’est réellement passionnant, et les petites réserves dont j’ai parlé, voulues ou non, n’ont pas gêné loin de là mon plaisir de lecture. En tous cas, je ne peux que vous encourager à découvrir cet auteur qui a, j’en suis sur, beaucoup d’intrigues à suspense à partager.

Ne ratez pas l’interview de l’auteur par le concierge masqué

Les chants de la mort de Nicole Gonthier (Pygmalion)

Je dois dire que les romans historiques, ce n’est pas trop mon genre de prédilection. J’ai toujours un peu peur que l’auteur étale son érudition en laissant le lecteur sur le bas-côté. Ce n’est pas le cas pour ce roman policier qui vous plonge dans la France de la fin du Moyen Age, en 1482.

En cette année là, la France connait une canicule, qui prend à revers les habitants et entraine une famine inquiétante. Quand, en plus, Louis XI, qui est sur sa fin de règne, exige toujours plus d’impôts, cela créé beaucoup de mécontents. La séparation entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi flagrante. C’est dans ce contexte que s’inscrit la dernière enquête en date d’Arthaud de Varey.

Pierre Chapuis est à la tête du groupe d’hommes chargés de creuser les fossés, près de Lyon. Il est réputé pour être intraitable, voire violent. Son rôle est de trouver de la main d’œuvre, mais aussi de mener les terrassiers pour faire le travail en temps et en heure. Soudain, on l’appelle. Au fond d’un ravin, les ouvriers déterrent un corps ; cela ressemble bien à un meurtre. En plus, le corps a été émasculé.

Arthaud de Varey, prévôt de la police de l’archevêque, est appelé sur les lieux. Il s’aperçoit que le corps comporte une croix chrétienne tatouée au dessus de son sexe. Rapidement, Arthaud veut connaitre l’identité du mort et se dirige vers une maison de prostituées, chez La Bourguignote. Là, il apprend que l’homme est plus intéressé par les petits garçons et qu’il a l’habitude de se rendre dans une maison non loin de là.

Nicole Gonthier nous conte une enquête policière qui n’a rien à envier à tous les auteurs du genre. Malgré l‘aspect sombre des meurtres, c’est bien une intrigue où il va s’agir de trouver le responsable de ces meurtres, car il va y en avoir bien d’autres. Ce qui m’a surpris, c’est que la première partie du roman consiste à trouver l’identité du mort, car à l’époque, les gens n’ont pas forcément de papiers. Et Arthaud n’a pas de recherche ADN à sa disposition pour l’aider dans sa quête.

Évidemment, cette partie de l’enquête participe à l’immersion dans cette époque lointaine, de même que le style très fluide, et parsemé d’expression que l’on n’utilise plus aujourd’hui. Et l’auteure ne nous encombre pas de son savoir, elle préfère décrire les habitudes des uns, la vie des autres, par petites touches, ou par des scènes qui nous montrent les croyances du peuple et les abus des riches.

Et puis, il y a des passages qui interpellent, rappelant que l’histoire doit nous aider à construire l’avenir, tel celui-ci extrait d’un dialogue (page 196) :

« Ne constatez-vous pas combien tout va à vau-l’eau actuellement ? Les anciens privilèges sont bafoués et les mœurs déshonnêtes s’affichent. Ce n’est partout que recherche du profit et du plaisir immédiat, énormes et exécrables vices pratiqués dans les étuves et les bordels, sans parler d’un orgueil immodéré qui poussent nos concitoyens à se parer de vêtements bien au dessus de leur statut et condition. Chacun veut paraitre plus riche qu’il n’est, La gloire règne même entre les consuls ! L’Antéchrist ! Maitre Maurin, l’Antéchrist est parmi nous ! »

Dans ma culture personnelle, je n’ai retenu des romans historiques que Le nom de la rose et Les rois maudits. Sans atteindre la classe du Nom de la rose, je dois dire que ce roman est une très bonne surprise et devrait plaire à tout amateur de roman policier historique.

African Tabloid de Janis Otsiemi (Jigal)

Janis Otsiemi est un auteur que j’adore pour ses intrigues polardesques, pour la description vue de l’intérieur du Gabon et surtout de son style, parfait mélange de phrases efficaces et d’expression du cru imagées. Une nouvelle fois, Janis Otsiemi m’a enchanté.

Nous allons suivre deux groupes d’enquêteurs dans ce roman, Koumba et Owoula de la Police Judiciaire d’un coté ; et Boukinda et Envame de la gendarmerie de l’autre. Koumba et Owoula sont très occupés depuis qu’ils sont à la recherche d’un homme qui a écrasé une femme et son enfant. Mais ce n’est pas la seule affaire dont ils ont la charge. Des jeunes filles sont retrouvées assassinées, et il semblerait que cela soit du au fait qu’elles apparaissent sur des vidéos pédophiles sur internet.

Baoukida et Envame ont affaire quant à eux à une affaire plus chaude. Un corps est retrouvé près de la résidence du président, executé d’une balle dans la tête et les deux doigts d’une main coupée. Cela ressemble à un meurtre de la pègre locale, mais cela devient étrange quand on connait l’identité du mort : le célèbre journaliste Roger Missang. Entre l’indignation de la presse et le risque de voir le président mouillé dans une affaire alors qu’il est très agé et proche de la fin, la pression est grande sur nos gendarmes.

Le titre est évidemment un hommage à James Ellroy, plus qu’à Jean Hugues Oppel, pour mieux montrer l’influence de la politique sur la vie de tous les jours des policiers. Car c’est évidemment eux qui sont au centre de l’intrigue, ou plutôt des intrigues. Comme pour ses précédents romans, Janis Otsiemi nous fait découvrir un autre pan de son pays, avec son langage si beau, parsemé de mots du cru ou d’expressions explicites comme par exemple : « Quand le tambour change de rythme, le danseur change de pied. »

Je suis étonné de la facilité avec laquelle cet auteur arrive à installer des personnages sans en rajouter plus que ça, d’une efficacité qui force le respect. Evidemment, les policiers ne sont pas très clairs, pas tout blancs. Chaque infraction qu’ils voient leur permet de négocier auprès du fautif du liquide pour éviter une amende ou un procès. Mais quand cela touche le pouvoir en place, c’est un peu plus difficile.

Ce roman lève un nouveau voile de la société gabonaise, à savoir les hommes blancs venant utiliser les jeunes filles mineures pour faire des vidéos pédophiles jetées sur internet. Cela permet aussi à l’auteur de montrer l’impunité dont font preuve les blancs par rapport aux Gabonais. Par moments, sans en avoir l’air, Janis Otsiemi jette quelques remarques bien acerbes qui sont fort bien senties.

On s’aperçoit aussi que les policiers, aussi doués soient ils pour faire des déductions et trouver les coupables en sont réduits à suivre les indices donnés par leurs indics, devant le manque de moyens qu’ils ont à leur disposition pour résoudre les meurtres. On y voit aussi les rivalités entre services, ce qui semble exister dans tous les pays. Bref, vous l’aurez compris, si vous ètes fan de Janis Otsiemi, vous allez adorer. Si vous ne le connaissez pas, ce roman est une bonne occasion de lire un auteur africain témoin de son pays, porte parole des pauvres gens. J’adore !

Ne ratez pas son message sur livresque du noir : Janis Otsiemi écrit sans trame par avance, il se laisse porter par ses personnages. Alors, moi je dis : formidable et chapeau bas !

Ne ratez pas également les avis des amis Claude, Oncle Paul et Yvan.