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Mortels trafics / Overdose de Pierre Pouchairet

Editeur : Fayard / Livre de Poche

Prix du quai des Orfèvres 2017, ce roman a été adapté par Olivier Marchal sous le titre Overdose et réédité à cette occasion au Livre de Poche. Nous faisons donc connaissance avec Léanne Vallauri.

La base militaire anglaise du détroit de Gibraltar est en émoi : un Zodiac navigue dans leur direction. Par peur d’un attentat, la caserne se mobilise, avant de s’apercevoir que le bateau se dirige vers la plage toute proche. Ahuris, les militaires assistent à distance, à travers leur paire de jumelles au débarquement de nombreux paquets de drogue sur la plage réservée aux touristes.

A l’hôpital Necker de Paris, la brigade criminelle est appelée d’urgence. Deux enfants ont été assassinés et on a peint sur les murs « Allahu Akbar » avec le sang des victimes. Le commandant Patrick Girard va être chargé de cette affaire, pour savoir s’il y a un lien avec les réseaux extrémistes. Quand ils vont rendre visite à la mère d’un des jeunes enfants qui loge chez un cousin, ils s’aperçoivent qu’elle a disparu.

La brigade des stupéfiants de Nice s’apprête à arrêter un réseau de trafiquants de drogue, dès qu’ils passeront la douane. Un de leurs indics les a prévenus que des BMW vont faire le trajet de Marbella à la France comme de simples touristes … finis les Go-Fast. Avec l’aide des autorités espagnoles, la commandante Léanne Vallauri va suivre la progression des véhicules jusqu’à ce qu’un accident sur l’autoroute ne chamboule leur plan.

Comme tous les lauréats du Prix du Quai des orfèvres, ce roman offre une bonne intrigue et nous montre tous les rouages du système policier en respectant les relations entre la police et la justice et ici, particulièrement, les relations entre les différents services. Contrairement à d’autres romans, on ne va pas assister à une guerre entre services mais bien à une collaboration entre la police judiciaire et la brigade des stupéfiants.

J’ai particulièrement apprécié les personnages et la façon dont Pierre Pouchairet les a créés, avec Léanne que l’on retrouvera ensuite dans la série des Trois Brestoises et Patrick Girard. Malgré le grand nombre de personnages, on ne se retrouve jamais perdu et on alterne entre les différents lieux avec une aisance remarquable, aidés en cela par un style fluide et une construction maitrisée.

Et dès le début du roman, on se sent pris par le rythme de l’action. Malgré le fait que l’on parle d’un « Go-Slow », on ressent une célérité, une vitesse, un rythme qui nous empêche de lâcher ce roman. Du transfert de la drogue à l’enquête sur les meurtres d’enfants, les pièces du puzzle vont se mettre en place avec en filigrane une certaine urgence à boucler les dossiers pour cause de réduction de budget. Pierre Pouchairet nous offre avec Mortels Trafics (ou Overdose) un polar agréable, costaud, bien fait.

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Le chouchou du mois de novembre 2022

Pour ce mois de novembre, les billets publiés vont vous donner des idées de lecture mais aussi des idées de cadeau de Noël, puisque j’aurais abordé beaucoup de genres différents, de la littérature blanche au thriller. Faites votre marché !

Je tiens à vous faire remarquer que l’ordre d’apparition est par genre puis par ordre alphabétique de nom d’auteur. Je vous souhaite de bonnes lectures.

Commençons par un premier roman, dans le genre Polar noir avec Le fric ou l’éternité de Paul Chazen (Jigal). Le narrateur nous décrit sa vie de tueur à gages, profession qu’il a adopté par hasard, par manque de débouchés ou d’envie. Si le roman est court, il impressionne par sa maitrise et par ce qu’il sous-entend de notre société.

Cela ne doit pas vous surprendre, j’adore les comédies et je vous en propose deux ce mois-ci. Aimez-vous les uns les autres de James Holin (Editions du Caïman) propose une négociation autour d’un héritage dans une famille qui représente une bonne partie des strates sociales actuelles. Les situations hilarantes, les nombreux rebondissements et les dialogues savoureux font de ce roman un pur plaisir de lecture.

La dernière aventure en date de Requiem, Sur des Breizh ardentes de Stanislas Petrosky (Eaux troubles) nous emmène dans un EHPAD et Stanislas Petrosky utilise tout son talent pour déployer une intrigue hilarante (et de mauvais goût pour les âmes sensibles), ce qui nous (me) garantit un éclat de rire par page.

Je n’avais pas trouvé le temps de le chroniquer quand il est sorti en grand format, et je profite de sa sortie en format poche pour parler de L’âme du fusil d’Elsa Marpeau (Gallimard Folio), un Polar rural très immersif, au rythme lent mais avec une fin remarquablement bien trouvée. C’est une nouvelle réussite à mettre au crédit de cette auteure.

Le « Oldies » de ce mois se trouvera au rayon Littérature. La douleur de Manfred de Robert McLiam Wilson (10/18) aura réussi à me choquer par son sujet, mais aussi et surtout par cette façon de présenter ce vieillard aux portes de la fin de sa vie, que l’on va plaindre dans un premier temps avec d’éprouver une féroce haine contre ce salaud. Très fort.

Après son premier roman policier original et plein d’humour, l’auteur nous propose un Polar social avec Je crois que j’ai tué ma femme de Frasse Mikardsson (Editions de l’Aube). Partant d’une affaire criminelle réelle où un homme a tué sa femme, il aborde les sujets actuels de meurtres familiaux et de l’égalité des sexes, dans un roman engagé tout en insistant sur la difficulté de régler ces problèmes sociétaux.

Comme à son habitude, Muriel Mourgue nous offre avec La loi des vents tournants de Muriel Mourgue (Encre Rouge éditions) un roman policier classique, positionné dans un futur proche. Il s’agira ici de découvrir l’assassin de la femme du premier ministre et on n’y trouvera aucune effusion de sang, juste un scénario mené de façon fluide avec un personnage récurrent que l’on a plaisir à retrouver, Angie Werther.

Si les thrillers ne sont pas ma tasse de thé, je dois dire que deux d’entre eux m’ont emballé. L’illusion du mal de Pierluigi Pulixi (Gallmeister), la deuxième enquête de Mara et Eva, respecte les codes du genre, impose un rythme haletant et pose la question des moyens insuffisants de la justice et le risque que le peuple veuille se faire juge. L’aigle noir de Jacques Saussey (Fleuve Noir) nous envoie à la réunion dans une aventure prenante et détaille les différents trafics, de la part d’un auteur dont on ne parle pas assez.

Avec le dernier Sycomore, j’avais découvert un auteur et un personnage auprès duquel on prend un grand plaisir à suivre ses enquêtes. C’est ton nom de Laurent Rivière (Toucan) confirme tout le bien que j’en pensais ; une nouvelle fois, j’ai aimé les balades dans le Morvan, cette histoire d’orphelins placés pour contrer l’exode dans les années 80 et les atermoiements du personnage principal Franck Bostik à prendre contact avec son fils, âgé de 12 ans, dont il n’avait pas connaissance.

Avec du retard cette année, je vous ai concocté quelques Nouvelles de chez Ska. Vous aurez l’occasion de découvrir des auteurs tels que Régine Paquet, Alain Emery, Claude Picq, Aline Tosca, Sébastien Gehan, Jean-Hugues Oppel, Pierrisnard et Gaëtan Brixtel.

Le titre du Chouchou du mois revient donc à L’or vert du Sangha de Pierre Pouchairet (Alibi), parce que ce roman qui mélange roman policier et politique, écrit comme un thriller nous permet de découvrir l’Afrique, même si le pays du roman se veut fictif. Autant par les personnages, les situations, les rebondissements et la vision d’une Afrique pillée, esclave moderne, ce roman me parait indispensable et le meilleur de l’auteur prolifique qu’est Pierre Pouchairet à ce jour.

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lectures et de cadeaux. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour le bilan de fin d’année. En attendant, n’oubliez pas le principal, protégez-vous, protégez les autres et surtout lisez !

L’or vert du Sangha de Pierre Pouchairet

Editeur : Alibi (Ex-Filatures)

Et si avec L’or vert du Sangha, Pierre Pouchairet avait été son grand roman. Je ne lui souhaite pas car j’espère lire encore beaucoup de romans de cet auteur prolifique de ce niveau là. Pour ce faire, il a créé un pays africain de toutes pièces et nous dresse un état actuel des pays de l’Afrique noire.

Le Sangha est un pays d’Afrique centrale bordé par l’Océan atlantique. Il est richement doté de ressources naturelles, telles que le pétrole, le gaz, les minerais ou les bois précieux. Bien qu’il soit considéré comme une démocratie, le pays se prépare aux élections qui vont opposer le président sortant Honoré-Martin Atangana, qui en est déjà à son sixième mandat à une ancienne star du football Luc Otsiemi.

Luc Otsiemi s’est fait prendre la main dans le sac de cocaïne par la Police Judiciaire. Alors qu’il s’attendait à faire de la prison, on lui propose de jouer le rôle du challenger dans les élections du Sangha. On lui octroie pour l’occasion un chef de campagne, Jacques Lavergne, rompu à ce genre d’événements. Depuis, avec son slogan promettant le pouvoir au peuple et l’arrêt de la corruption, sa côte monte en flèche.

Claire Dorval se voit proposer un reportage pour suivre les élections présidentielles par son patron Jean-Michel Mebareck. Arrivée à l’aéroport de Bénoué, elle est « fraichement » accueillie par les officiers des douanes avant de retrouver son chauffeur Abou. Après sa rencontre avec Otsiemi, elle décide de revenir an France pour enquêter sur sa jeunesse. Mais elle doit bien vite retourner au Sangha quand on retrouve le corps dévoré par des crocodiles de Jean-Pierre Mounier, un collègue journaliste.

Il ne faut pas avoir peur devant les 440 pages de ce pavé, surtout quand on y voit la police de caractère de petite taille. Car dès les premières pages, on sait que l’on a devant les yeux un polar costaud, un polar d’aventure, un polar politique, un polar engagé. Et nous retrouvons après une centaine de pages les deux personnages principaux de ce roman, Claire Dorval et le commissaire Kuate, en charge du meurtre de Jean-Pierre Mounier.

Evidemment, les deux enquêtes vont se dérouler en parallèle, et les deux personnages se rencontrer pour mettre en commun leurs informations. Et si les chapitres ne sont pas courts (comme dans un thriller), on sent bien que Pierre Pouchairet a pris son sujet à bars le corps et y a insufflé sa passion pour des pays qui se font exploiter par toutes les grandes puissances du monde.

D’ailleurs, on ne s’y trompe pas, on y verra la présence des chinois, des russes, des turcs sans compter les corses et les italiens, tout cela pour y exercer des trafics en tous genres tels que la drogue ou le bois, du bois rare de plusieurs centaines d’années, dont la coupe et le commerce est soi-disant réglementé. Et on peut passer d’un personnage à l’autre, d’un pays à l’autre, que l’on se rassure : Pierre Pouchairet est un conteur hors-pair, capable de nous emmener au bout du monde.

Plus que costaud, je qualifierai ce roman de génial tant j’y ai trouvé tout ce que j’attends d’un polar politique. Les situations sont réalistes, les personnages plus vrais que nature dans leurs réactions, les dialogues formidables, et la tension croissante jusqu’à une scène (presque finale) dans le port décoiffante. Et ne croyez pas que ce roman se terminera à l’eau de rose, le Sangha, comme tous les pays d’Afrique, est sans pitié où chacun essaie de rattraper un peu de la manne financière qui lui passe sous le nez.

Forcément, on prend énormément de plaisir à parcourir ces pages, on espère, on a peur, on est enchanté par la façon dont les scènes s’enchainent, et surtout, on a la rage au ventre de voir ces populations exploitées, spoliées, décimées. On a envie de hurler devant le massacre des forêts africaines dont on ne parle jamais (la forêt amazonienne est plus à la mode), de dire STOP !

La consule assassinée de Pierre Pouchairet

Editeur : Filatures

De la part de cet auteur prolifique, on peut s’attendre à tout. On connait Pierre Pouchairet pour avoir remporté le Prix du Quai des Orfèvres, pour son cycle des Trois Brestoises (chez Palemon) ou ses romans plus géopolitiques (chez Jigal, Plon et Filatures). Prenons la direction de l’Europe de l’Est pour celui-ci.

Comme tous les soirs, Baha Babaef va faire le ménage du consulat français à Schimansky, au Beyazstan. Arrivé dans le bureau de la consule, il branche une clé USB sur l’ordinateur qui va installer un logiciel espion. Puis, entendant un gémissement dans la pièce attenante, il prend peur et s’enfuit en prenant soin de voler une autre clé USB qui trainait sur le bureau. La consule Guenola Fontaine agonise à coté et mourra de ses blessures.

Le soir même, Baha reçoit un appel lui donnant rendez-vous en bas de chez lui. Le chef des services secrets qui lui avaient demandé d’installer le logiciel tient à le remercier personnellement. Baha se rend compte qu’on le conduit en pleine campagne, vraisemblablement pour le tuer. Prenant comme excuse une envie pressante, il parvient à s’échapper.

A Paris, le monde politique est en ébullition : l’assassinat de la consule est pris au sérieux. Bien que les services de police du Beyazstan assurent que le coupable n’est autre que l’homme de ménage, le gouvernement veut diligenter une équipe qui coopérera avec l’enquête. Delaroque, un ancien ambassadeur et Girard, inspecteur de la Police Judiciaire vont faire équipe pour résoudre ce mystère.

Il peut y avoir mille façons de traiter ce genre de scenario, du roman d’action au roman policier. Pierre Pouchairet va prendre le temps d’installer tous les protagonistes et dérouler son histoire selon tous les points de vue : la fuite de Baha, la chasse menée par les Services Secrets, les aides venant de certains habitants et même d’un mafieux, les relations diplomates des politiques et l’enquête policière elle-même.

Le rythme ne va pas être rapide, l’auteur préférant prendre le temps de décrire à la fois les tenants et les aboutissants, les décors, les personnages et leurs réactions. On va découvrir les dessous de la politique, les informations officielles et officieuses, et petit à petit, le voile va se lever sur un personnage moins lisse que prévu.

De nombreux passages, en effet, vont montrer comment Guenola Fontaine va arriver au poste de consule. Et la jeune femme que tout le monde semble apprécier va se révéler quelqu’un maltraité et détesté dans son milieu professionnel. On se retrouve donc avec une multitude de mobiles en parallèle de la course poursuite pour éliminer Baha et on ne sait plus où donner de la tête.

J’ajouterai quelques cerises sur le gâteau. Les relations entre les deux enquêteurs, loin d’être orageuses va surtout montrer deux façons de mener l’enquête, totalement opposées. Enfin, les fans des trois brestoises ne seront pas déçus puisqu’elles apparaitront bien à la fin du roman et participeront activement à la résolution de l’énigme. Cette Consule Assassinée s’avère un roman à la croisée des genres, un polar costaud que l’on a grand plaisir à lire.

Larmes de fond de Pierre Pouchairet

Editeur : Filature(s)

Au rythme où Pierre Pouchairet publie ses romans, je dois avouer que j’ai du mal à suivre. J’avais le choix entre lire les deux petits derniers de la série Les trois brestoises, achetés lors de mes vacances estivales, ou bien lire celui-ci qui sort dans une toute nouvelle collection. On retrouve dans ce roman toutes les qualités que j’adore chez cet auteur.

Quimper. Yvonnick Oger tient une petite boutique de réparation informatique. Au moment de fermer, une sexagénaire lui apporte, affolée, son ordinateur qui n’a pas apprécié la dernière mise à jour. Rentré chez lui, il retrouve sa compagne Sandrine avec qui il partage son amour de la plongée sous-marine. Un coup de fil va abréger sa soirée : on a besoin de lui pour une mission pour récupérer un conteneur en forme de torpilles sous l’eau, de la part d’un de ses clients qui penche du coté des fachos.

Quimper. Jean de Frécourt a dépassé les soixante-dix ans après avoir magouillé auprès de tous les politiques de tous bords. En rentrant chez lui, un livreur lui amène un paquet, avant de le malmener avec un couteau. Puis on lui met une cagoule sur la tête et il atterrit dans le coffre d’une voiture, puis dans un bateau. Il doit se rendre à l’évidence, il vient de se faire enlever et se demande ce que ses ravisseurs lui veulent.

Brest. En ce dimanche matin, Léanne se réveille difficilement après le bœuf qu’elle a fait la veille au soir avec ses deux amies Sandrine et Elodie. Après un footing, direction le commissariat central où elle est sure de ne trouver personne. Elle en profite pour passer en revue ses écoutes téléphoniques en cours sur un jeune geek potentiellement livreur de drogue et un homme d’affaires douteuses. Les discussions sur le téléphone de de Frécourt montrent sa femme Gisèle affolée : elle est persuadée que l’on a enlevé son mari.

Divisé en trois parties, ce roman va réunir les deux sœurs que les habitués des romans de Pierre Pouchairet connaissent bien. La première est consacrée à Léanne, la deuxième à Johanna et la troisième se nommant Deux flics peut se passer de commentaires. L’intrigue commence donc en Bretagne, fait ensuite un détour à Nice puisque Johanna vient d’y être nommée commandant.

Deux lieux différents, deux enquêtes différentes, mais deux personnages de femme flic qui ont les mêmes qualités : une force humaine hors du commun. Toutes deux ont leurs failles, leurs cicatrices, faute à un passé tumultueux et à des regrets pesants : Léanne a vu son mari mourir et Johanna est affublée d’un boitement suite à une affaire précédente. Toutes deux ont plutôt tendance à être des têtes brulées.

Même si on n’a pas lu les enquêtes précédentes, Pierre Pouchairet nous explique brièvement les affaires précédentes, non pas pour spolier les histoires mais pour justifier la psychologie de ses personnages. Et ces enquêtes-là, qui vont se rejoindre, vont encore une fois malmener nos deux héroïnes et mettre à jour des complots qui démontrent une fois de plus l’étendue de l’imagination de l’auteur. En fait, Pierre Pouchairet donne à son œuvre une cohérence globale avec ce roman qui fait le lien entre le cycle des trois Brestoises, Tuez les tous et La prophétie de Langley.

Comme bien souvent, quand l’auteur a exercé le métier de flic, l’intrigue suit scrupuleusement les étapes d’une enquête, ce qui donne un accent vrai à l’histoire et c’est grandement appréciable. Et encore une fois, on se retrouve avec un super polar, au rythme trépident qui ne vous lâchera pas du début à la fin. Les romans de Pierre Pouchairet sont comme une drogue dure : quand on y a goûté, on ne peut plus s’en passer et on ne rêve que d’une chose, en reprendre un autre.

Les 3 brestoises tomes 2 et 3

Depuis Haines, j’ai découvert le personnage de Léanne Vallauri, qui a vu le jour dans Mortels trafics, prix du Quai des Orfèvres 2017. Depuis qu’elle revenue à Brest, elle a retrouvée ses deux amies d’enfance, Elodie médecin légiste et Vanessa psychologue judiciaire. Ses deux dernières enquêtes viennent de paraître aux éditions du Palémon, toujours sous la plume de Pierre Pouchairet.

La cage de l’Albatros :

Cela fait 25 ans, 3 mois et 22 jours que Jean-Luc Kernivel est veuf pour son bonheur. Depuis, il collectionne les aventures féminines. Chaque matin, il fait un footing pour entretenir sa forme. Comme il fait beau, il va pouvoir suivre le sentier des falaises, son préféré. A mi-chemin, il longe un parking et sent quelqu’un qui le suit. Un peu plus loin, il se sent poussé vers le précipice et subit une chute mortelle.

En planque dans une voiture, Léanne attend le bon moment pour déclencher la descente visant une énorme livraison de drogue, en compagnie de Noreen Lebel, la petite nouvelle. Quand l’action se déclenche, tout ne se déroule pas comme il faut et Léanne se retrouve menacée par un trafiquant. Noreen n’hésite pas un seconde et abat le truand. Léanne va devoir gérer ce cas devant la Police des polices.

Que ceux qui n’ont pas lu le premier tome se rassurent, ils peuvent lire celui-ci sans être gênés. Par contre, ce roman est bien la suite du précédent, et fait référence à des personnages qui ont été présentés dans Haines. Je ne peux que vous conseiller de lire donc Haines avant de lire celui-ci.

La cage de l’Albatros dispose des mêmes qualités que le précédent, à savoir une enquêtes classique avec plein de fausses pistes, des personnages forts et réalistes, et surtout une impression de plonger dans une enquête réaliste. Je dois dire que je suis épaté de lire comment Pierre Pouchairet arrive à insérer ses trois personnages féminins dans une même enquête, sans qu’aucune d’elles ne reste au second plan.

Avec de telles forces de caractère, je verrai bien cette série adaptée en série télévisée, car on y trouve tous les ingrédients pour passionner le spectateur. Il est à noter les nombreux clins d’œil faits aux collègues, dont Nicolas Lebel ou Olivier Norek qui donnent un aspect plus léger à une enquête qui s’avère bien noire. Et la fin est bien noire comme il se doit, et donne envie de lire la suite immédiatement. Ce qui démontre qu’il y a une forme d’addiction à lire les enquêtes des 3 brestoises.

L’assassin qui aimait Paul Bloas :

Rien ne va plus pour Léanne, puisqu’elle vient d’être mise en examen par l’’IGPN (la Police des Polices) suite à sa précédente affaire. C’est une nouvelle affaire qui lui permet de s’en sortir, mais elle n’aura pas droit à l’erreur. Un cadavre a été découvert dans les tunnels qui peuplent les alentours de Brest : le corps a subi de nombreuses coupures puis une mise à mort par poignard. A-t-il été torturé ? Bien vite, les équipes trouvent un deuxième corps et Léanne se voit affublée de 4 autres morts suspectes et identiques, bien que le coupable soit soi-disant sous les barreaux.

Autant on peut lire le précédent tome sans avoir lu les autres, autant il vaut mieux avoir lu La cage de l’Albatros avant d’entamer celui-ci, puisqu’il en est directement la suite. Je ne louerai jamais assez le talent de Pierre Pouchairet pour bâtir des intrigues complexes en les rendant à la fois simples et passionnantes. On a l’impression que l’histoire se déroule normalement comme dans la vraie vie, aidée en cela par un souci de véracité qui rend cette lecture addictive.

On retrouve les trois femmes aux affaires, Vanessa, Elodie et Léanne en proie avec une intrigue bien difficile à démêler et avec cette urgence dans l’écriture que j’adore. La visite des tunnels (les mines et ceux reliant les blockhaus entre eux) est passionnante et certaines scènes sont impressionnantes. On aura droit aussi à une fin haletante ce qui démontre une fois de plus que Pierre Pouchairet respecte les codes du polar en les adaptant à sa façon de raconter. Et c’est encore une belle réussite à mettre au crédit de cet auteur prolifique pour notre plus grand plaisir.

Honneur à Pierre Pouchairet

A force d’entasser les romans, il était temps que je me penche sérieusement sur les romans de Pierre Pouchairet et tente ainsi de rattraper mon retard.

L’auteur :

Biographie réalisée par mes soins à partir de celle disponible sur le site de l’auteur : https://pierrepouchairet.com/biographie/

Pierre Pouchairet, né en 1957, est un écrivain français, auteur de roman policier.

Après avoir intégré l’école des inspecteurs de police à Cannes écluses en 1980, il commence sa carrière dans la police judiciaire à Versailles. Jusqu’en 2012, il passera de la police judiciaire à la brigade des stupéfiants, et exercera son métier de Marseille au Kazakhstan en passant par Beyrouth, Ankara, Grenoble, ou l’Afghanistan.

A partir de 2012, il prend sa retraite et se consacre à l’écriture. Son premier polar sort en 2014, Coke d’azur (Editions Ovadia). Depuis 2014, ce ne sont pas moins de 10 polars écrits et publiés par cet auteur prolifique, chez Jigal, Plon et les Editions du Palémon. La reconnaissance advient en 2016, quand il remporte le Prix du Quai des Orfèvres avec Mortels trafics en 2016.

Les romans de Pierre Pouchairet peuvent se diviser en deux catégories, tout en restant dans le genre « polar ». D’un côté, des intrigues évoquant le crime international et la géopolitique ou le terrorisme, d’un autre coté des romans policiers nationaux. A chaque fois, ce sont des intrigues solides portées par des personnages forts et vivants. Du pur plaisir de lecture.

Haines :

Editeur : Editions du Palémon

Léanne Galji, l’héroïne de Mortels trafics (que je dois lire) a choisi de quitter la brigade des stups pour sa Bretagne natale. A la tête de la Police Judicaire de Brest, elle doit s’occuper de sa première « grosse » affaire : Un meurtre vient d’être signalé. Corentine Ledantec, une dame âgée de 89 ans a été retrouvée assassinée à son domicile. Vraisemblablement, elle a été frappée et étranglée. De là à penser à un cambriolage qui a mal tourné, il n’y a qu’un pas. Mais la Bretagne, c’est aussi l’occasion pour Léanne de retrouver ses amies d’enfance, à savoir Elodie, médecin légiste et Vanessa, psychologue. Ces trois jeunes femmes, les trois Brestoises, vont chacune participer à la résolution de cette enquête.

Pierre Pouchairet va construire un roman policier classique, dont l’intrigue est simple, mais sans renier pour autant les fausses pistes et les mystères. Et il faudra bien compter sur les aides de ses amies pour arriver à une conclusion pour le moins étonnante. Et je peux vous dire que quand un roman policier est bien fait, bien mené, bien construit, bien écrit, sa lecture devient passionnante. Il m’aura fallu 2 jours pour dévorer ce roman. Tout sent le vécu : les personnages sont vrais, les situations sont vraies, le déroulement de l’intrigue est vrai.

J’ajouterai juste une chose. Il faut un sacré talent pour ne pas en dire trop sur l’enquête précédente de Léanne, et pour plonger le lecteur dans un contexte nouveau sans le perdre. N’ayant pas lu Mortels trafics, je n’ai jamais été perdu. Et j’ai tout de suite adhéré aux trois personnages principaux. On a l’impression de les avoir toujours suivies, de les avoir toujours connues. Il se créé une certaine connivence avec le lecteur, ce qui est très fort. Bref, du début à la fin, ce fut une belle lecture plaisir, de celles qui font passer le temps très agréablement. Du vrai bon roman populaire, du vrai bon roman de gare, dans le bon sens du terme.

A noter que le tome 2, La cage de l’albatros, est sorti et que le tome 3 devrait sortir en mai. J’aurais donc l’occasion d’y revenir.

A l’ombre des patriarches :

Editeur : Jigal

Changement de décor, changement d’ambiance.

Jérusalem. Le corps d’une jeune femme dévêtu est découvert dans un terrain vague. Guy et Dany, deux flics de la police judiciaire israélienne (rencontrés dans Une terre pas si sainte) vont être chargés de l’affaire. Et il s’agit bien d’une affaire brûlante, car la jeune morte, juive, est retrouvée en plein quartier arabe. De quoi exacerber les tensions entre deux peuples qui se détestent et sont obligés de cohabiter. Il leur faut d’abord déterminer l’identité de la morte, puis suivre les premières pistes, dont de jeunes arabes qui jouent au football dans ce terrain vague.

Je ne veux pas en dire plus sur ce roman, tant j’ai peur de vous aiguiller sur la piste, mais aussi parce que l’intrigue foisonne de pistes, de personnages et d’ambiances lourdes. A partir d’un départ classique, Pierre Pouchairet nous plonge sans ménagement dans un contexte pesant de guerre, d’occupation, de haine, de racisme, de violence. Sans prendre parti et se contentant d’être factuel, il nous décrit une situation où l’on se rend compte qu’il n’y aura jamais d’issue, ni facile, ni positive mais forcément dramatique.

C’est en scrutant ses personnages, en décrivant leurs réactions, tout en restant en retrait dans un style clinique, froid, journalistique que Pierre Pouchairet nous montre un pays sous haute tension. A chaque minute, on peut être enlevé, tué, être victime d’un attentat ou même d’une agression. Et tout est fait pour monter les deux camps l’un contre l’autre, ce qui va à l’encontre des pseudo-efforts des grands pays « civilisés » qui veulent œuvrer pour la paix dans cette zone stratégique.

Cet écart entre ce que l’on nous raconte à la télévision par exemple et ce que Pierre Pouchairet nous montre est frappant, le résultat brutal. Et Pierre Pouchairet connait bien le sujet, pour avoir vécu sur le terrain. On comprend bien qu’au final, le combat, la haine est tellement ancrée chez chacun que cela ne peut que mal se terminer. Alors que ce roman n’est pas un reportage sur la situation de cette zone, il nous en montre bien plus que beaucoup d’émissions télévisées et est en cela bien plus précieux. C’est un excellent polar qu’il ne faut rater sous aucun prétexte.

Tuez les tous … mais pas ici de Pierre Pouchairet

Editeur : Plon – Sang neuf

Voilà un auteur que j’avais découvert chez Jigal, avec la Prophétie de Langley, roman qui nous plongeait dans une situation d’attentat contre une centrale nucléaire. Pierre Pouchairet confirme avec ce roman tout le bien que je pense de ses intrigues.

Au commissariat de Quimper, la sous-brigadier Geneviève Louedec assure la réception des plaintes et les rédactions des main-courantes. Martine et Louis Loubriac sont à l’accueil pour faire part de la disparition de leur fille Julie. Martine est une femme sèche, désagréable au premier contact. Quant à à Louis, c’est un ex-tout : ex-flic, ex-journaliste, ex-mari. Geneviève essaie de les rassurer puisque Julie est connue pour faire des fugues. Mais là, elle est partie sans rien, ni affaires, ni argent.

Louis ne peut se résoudre à attendre que la police veuille bien faire quelque chose. Il a peu dormi cette nuit, réveille sa compagne Jennifer en se levant, et décide de fouiller la chambre de sa fille chez Martine. Il trouve son ordinateur, protégé par un mot de passe. Louis décide de faire jouer ses anciennes relations pour trouver une piste. Et petit à petit, il va se lancer lui-même dans cette enquête.

Julie est réveillée par un bruit de coups de pied dans les murs de la cabane en tôle. Il fait encore nuit mais c’est l’heure de l’Adhan, l’appel à la prière. Elle s’est vite liée d’amitié avec Aicha, une infirmière du 9-3, parmi toutes les jeunes filles de nationalités différentes. Elle a aussi une pensée pour Yacine, son amoureux qui l’a demandée en mariage il y a 3 semaines. Au jour levé, Julie voit que les garçons et les filles ont été séparées dans deux cabanes différentes. Des véhicules approchent, soulevant un nuage de poussière épais. Ce sont de gros 4×4, qui entourent les cabanes. Des hommes sortent et tirent sans pitié avec des mitraillettes. La cabane des garçons est criblée de balles. Les filles sont épargnées. Julie s’attend au pire, être maltraitée, tuée, violée …

Quand j’étais petit, je n’étais pas grand … Soyons sérieux, au moins quelques minutes. Quand j’étais plus jeune, j’aimais beaucoup les romans américains où un homme (ou une femme) standard comme vous et moi se retrouvait embringué dans une affaire qui le dépassait … et finissait par se retrouver dans une machination diabolique ayant des répercutions aussi extraordinaires qu’internationales (le plus souvent). Avec la multiplication des attentats, on voit ressortir des romans qui, sans être conspirationnistes, permettent des intrigues originales et surtout renversantes.

Tout démarre par une situation à laquelle tout le monde peut être confrontée, à savoir la fugue de sa fille. Après avoir présenté le couple Loubriac, en quelques chapitres, on entre réellement dans le vif du sujet. Pour être franc, le début ne m’a pas convaincu, ce qui fait que j’avais laissé tomber le bouquin. Et puis, vacances aidant, je l’ai repris et j’ai été pris dans le rythme imposé par l’intrigue.

Si les psychologies ne sont pas le fort de ce roman, au sens où elles passent au second plan après l’action de l’histoire, il n’en reste pas moins qu’elles restent crédibles. Louis, qui a tout raté dans sa vie, retrouve un sens à sa vie pour aller sauver sa fille. Placé au premier plan, Louis va assurer l’avancée de l’intrigue, bien qu’il soit entouré de personnages intrigants. Et c’est là où la narration de vient forte : Entre les islamistes et de sombres personnages qui œuvrent dans des bureaux et dirigent des pantins, le lecteur que je suis se retrouve tout le temps en terrain dangereux, malmené et me demandant où tout cela peut bien nous emmener.

Car, au bout de ce roman de 480 pages, on voit se dessiner une machination aussi inhumaine que démoniaque, que l’on peut éventuellement entrevoir plus tôt dans le terrain. Et c’est là où Pierre Pouchairet est fort : nous construire des intrigues folles, tout en restant crédible. Car ce roman finit par faire passer un frisson désagréable dans le dos, et on finit par croire à toutes les magouilles possibles et imaginables que l’on ne nous raconte pas. Voilà un roman de divertissement haut de gamme, qui m’a impressionné.

La prophétie de Langley de Pierre Pouchairet

Editeur : Jigal

Depuis le temps que l’on me dit qu’il fut que je découvre Pierre Pouchairet, c’est chose faite. Avec une telle qualité d’écriture, cet auteur arrive à nous emmener dans une histoire qui fait froid dans le dos. Et portant, ça commençait tranquillement …

En effet, l’ambiance est feutrée dans la salle qui regroupe les traders du Crédit Parisien. Il faut dire que le contexte est calme. Parmi les traders les plus prometteurs, Ludovic d’Estres est issu d’une famille aisée et fait partie du Front Office, c’est-à-dire ceux qui, par leur réflexion, vont donner la marche à suivre (achats ou ventes d’actions ou d’obligations). Reda Soudami est un jeune des banlieues, de Trappes plus exactement et fait partie du Back Office, c’est-à-dire qu’il réalise les actions qu’on lui demande. Ces deux-là ne travaillent pas au même étage mais s’entendent à merveille.

Ce matin-là, Reda alerte Ludovic sur des mouvements suspects de ventes de titres d’EDF à la baisse (c’est-à-dire qu’un ou plusieurs traders dans le monde parient que l’action va baisser en valeur), alors qu’il n’y a aucune raison à cela. Ludovic ne s’inquiète pas mais demande à Réda de creuser le sujet. Réda découvre alors que ces demandes de ventes proviennent d’une banque du Moyen Orient, la First Islamic Bank. Ils décident alors de rendre visite au représentant de cette banque situé à Versailles.

L’entretien avec le directeur du bureau de représentation n’apporte rien à Ludovic et Reda. Tout juste ont-ils l’impression de l’avoir agacé. En sortant, Ludovic veut aller saluer sa tante qui habite à coté. Alors qu’il sonne à la porte, un 4×4 déboule et une fusillade éclate. Ludovic est mortellement atteint. Reda, resté dans la voiture, démarre en trombe, blessé à l’épaule. Dans la précipitation, pousuivi par le 4×4, il renverse une jeune fille. Dans sa tête, tout est clair : Etant un jeune de Trappes, il ne peut plus se rendre à la police et doit fuir.

En fait, ce roman va tellement vite que je ne sais pas où arrêter mon bref résumé. Si vous voulez connaitre la suite, vous savez ce qu’il vous reste à faire … Car ce roman, ce polar, a toutes les qualités que j’aime.

J’aime les personnages, qui sont décrits simplement, finement. Il n’y a pas besoin de s’appesantir, leurs actions en disant beaucoup plus. Dans ce domaine, ce roman est un modèle du genre, Reda étant paniqué à l’idée d’aller en prison, Johana, la commandante de police, que l’on retrouve plus loin dans le livre, et qui est chargée de l’enquête, étant d’une logique implacable et résistant aux pressions de sa hiérarchie.

J’aime apprendre des choses et c’est amplement le cas ici. Sans dévoiler toute l’intrigue, on va savoir comment travaillent les traders (des gens que j’apprécie bien peu), comment fonctionnent les mécanismes de la finance, et comment on peut les utiliser à des fins criminelles. A la fois instructif et empli d’exemples choisis avec parcimonie, il établit un scenario catastrophe qui fait froid dans le dos.

J’aime l’équilibre entre les dialogues et la narration, ce délicat mélange qui parait si naturel au lecteur et qui est si difficile à obtenir. Pour le coup, ce polar se lit d’une traite, et il y a tant de rebondissements que j’ai été fasciné par l’imagination et la créativité de l’auteur (ou des auteurs devrais-je dire, puisqu’il est indiqué sur la couverture Sur une idée et avec la collaboration de L.Gordon).

J’aime le rythme parce que ça va à 100 à l’heure. On n’a pas le temps de se reposer, on passe d’un personnage à l’autre, on court à coté d’eux pour arriver à une conclusion sur le terrorisme qui fait tout simplement froid dans le dos. En fait, ce roman est construit comme un champignon atomique : en bas, le tronc est de faible diamètre, et plus on monte, plus c’est énorme, gigantesque, avant de nous retomber dessus. La prophétie de Langley est un polar costaud, effarant, impressionnant, à ne pas rater.