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Les lumières de l’aube de Jax Miller

Editeur : Plon

Traducteur : Claire-Marie Clévy

Comme j’ai adoré Candyland ! Forcément, je me devais de lire Les lumières de l’aube, le dernier roman en date de Jax Miller.

Le 30 décembre 1999, La ville de Welch dans l’Oklahoma est balayée par un vent glacial. La famille Freeman habite un mobil-home à l’extérieur de la ville, que l’on peut rejoindre en suivant un chemin rocailleux. Ashley Freeman fête son dix-septième anniversaire. Pour l’occasion, elle a invité son amie Lauria Bible à passer la nuit chez elle, ainsi que deux copains, avec l’accord de ses parents Danny et Kathy. Ces deux-là partiront en fin de soirée, laissant les deux filles allongées dans le canapé devant la télévision.

Le lendemain matin, une fumée dense s’élève de la colline. Le mobil-home est en feu et les pompiers mettront plusieurs heures pour circonscrire l’incendie. A l’intérieur, ils découvriront un cadavre, allongé sur le lit, écrasé par des briques qui avaient été entassées sur le toit et qui sont tombées à cause de la chaleur, quand tout n’est devenu que ruine. On ne retrouve aucune trace de Ashley et Lauria. Le corps étant féminin, tout le monde pense que Danny a enlevé les filles et est responsable de l’incendie.

Le shérif boucle rapidement le périmètre mais les habitants, regroupés autour du sinistre voient bien que l’affaire est gérée avec du laisser-aller. Le lendemain, Lorene Bible, la mère de Lauria est surprise de voir que les flics ont levé le camp. En fouillant aux alentours du mobile-home, ils découvrent un autre corps, celui de Danny, à moitié brûlé et tué d’une balle dans la tête. De toute évidence, la police a fait de nombreuses erreurs, volontaires ou non, mais une question demeure : où sont les filles ?

Il m’aura fallu une cinquantaine de pages pour comprendre où Jax Miller voulait en venir (je ne lis que rarement les quatrièmes de couverture). Pourtant, la mise en place du scénario se conforme aux règles du polar, avec des chapitres très descriptifs et centrés sur la psychologie des personnages. L’auteure passe alors en revue les filles, les parents et les voisins en y insérant des anecdotes qui amènent de l’épaisseur à l’intrigue.

Puis, les mystères s’épaississent avec les négligences de la police, les rumeurs de vengeance liées à de potentiels trafics de drogue et la mort du frère dont on n’a pas parlé au début. Malgré cela, le ton employé m’a laissé comme un goût de manque, a marqué une trop grande distance … jusqu’à ce que je comprenne le livre : Jax Miller a été obsédée par cette affaire et a mené elle-même l’enquête en se rendant sur place en 2015. D’ailleurs elle se met elle-même en scène en parlant de ses obsessions.

Et donc, ce roman n’est pas un polar au sens premier du terme mais plutôt le compte rendu minutieux de plus d’une dizaine d’années de recherche. Ce procédé fort prisé chez nos amis anglo-saxons est dénommé True crime. Chez nous, francophones, il semblerait que nous préférions des émissions du genre Investigations et autres. Je ne pense pas utile de vous préciser que j’abhorre ces émissions et préfère la lecture.

Donc, nous avons affaire à un True Crime, que l’on pourrait traduire par roman d’enquête criminelle. Car des meurtres, il va y en avoir alors que le début du roman ne nous le laissait pas présager. Jax Miller a organisé le roman pour appâter le lecteur de polar, une construction qui fait une large place sur la vie de campagnards américains avec ce qu’il faut de rumeurs, de mauvaises langues et de policiers qui ne veulent pas s’emmerder. Et elle arrive à faire passer à la fois sa passion et son obsession pour cette affaire. Franchement, les essais (ou documents) ne sont pas ma tasse de thé. Mais je dois reconnaitre que l’auteur sait vous attirer dans ses griffes, pour vous plonger dans un monde rural brutal sans autre loi que celle du plus fort. Et puis, on sent dans ces lignes la passion de l’auteure pour cette affaire, on y ressent comme une connexion directe avec ce qu’elle est, comme une communion autour d’une affaire bigre

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Le chouchou du mois de novembre 2019

Les gens n’aiment pas le mois de novembre … ça commence par la Toussaint, puis les jours diminuent, la pluie nous harcèle et le froid arrive. Eh bien moi, je dis, super ! Tout cela nous donne de mauvaises excuses pour nous isoler et lire, lire lire ! En plus, il va falloir songer aux cadeaux de Noel. Donc voici un résumé des avis que j’ai publié … en espérant qu’ils vous seront utiles dans vos choix.

Commençons avec mon coup de cœur du mois, mes coups de cœur, puisqu’il s’agit de La frontière de Don Winslow (Harper & Collins), dernier tome de la trilogie consacrée au trafic de drogue entre le Mexique et les Etats-Unis. Ce dernier tome est aussi fort que les deux premiers, et propose une vision à la fois géopolitique et personnelle de ce fléau. Si le constat est affligeant, déprimant, l’auteur nous propose en conclusion de potentielles solutions, la vision de quelqu’un qui aura consacré 25 ans de sa vie à cette œuvre.

Restons dans la politique avec un roman qui m’a énormément impressionné : La femme qui avait perdu son âme de Bob Shacochis (Gallmeister). Conseillé par mon ami Petite Souris, l’auteur nous montre une partie des actions de la politique étrangère américaine, et les conséquences sur les gens dont on fait bien peu de cas dans ces cas-là. Avec une écriture précise et détaillée, c’est un grand roman.

J’aurais publié beaucoup d’avis sur des romans psychologiques, à commencer par Expiations – celles qui voulaient se souvenir de Kanae Minato (Atelier Akatombo) qui a bénéficié d’une magnifique chronique de mon amie Suzie. En mettant en avant la réaction de différentes personnes après la mort d’une adolescente, ce polar semble être un must du genre (je vais le lire bientôt, je suis obligé après un tel billet).

Dans le genre bluffant et passionnant, Je ne suis pas un monstre de Carme Chaparro (Plon) est un premier roman choral qui prend une situation connue (déjà lue) et qui déroule une intrigue bigrement originale avec une chute énorme. Et c’est bien sa précision, son acuité et sa justesse qui font que ce roman sort du lot.

Du poison dans la tête de Jacques Saussey (French Pulp) est le dernier en date de cet auteur prolifique que j’adore. De roman en roman, Jacques Saussey pointe des sujets de société importants. Dans ce roman, les sujets, les personnages et les intrigues sont foisonnantes et cela donne un roman complet, plein qui une nouvelle fois fait mouche.

En guise de rappel, la dernière aventure de Charlie Parker sortie au format poche s’appelle Le temps des tourments de John Connolly (Pocket) et une nouvelle fois c’est un formidable thriller / polar. Je ne peux que vous conseiller de lire cette série.

Il y a une autre série dont on parle moins, celle de L’anonyme d’Anvers, cet homme érudit qui a connu Rubens. Sa mission, intervenir en sous-main pour résoudre des affaires criminelles et sauver l’humanité. Les tomes 2 et 3 ont été chroniqués : Tuer pour Dagon de Roger Facon et V.I.T.R.I.O.L de Jean-Pierre Bocquet (Presses du midi). Dans les deux cas, ce sont des romans policiers originaux qui portent la passion de leur auteur : Pour Roger Facon, un hommage à HP.Lovecraft et pour Jean-Pierre Bocquet la présence des femmes chez les francs-maçons.

Vu le temps de ce mois de novembre, je ne pouvais que vous conseiller des romans humoristiques. Les polars qui entrent dans cette catégorie ne sont pas si nombreux et ceux que je vous propose vont vous garantir des heures de rire.

La bouffe est chouette à Fatchakulla de Ned Crabb (Gallimard) est un roman totalement déjanté, un livre culte, et je peux vous assurer que vous ne lirez jamais un livre pareil. Plus dans la gaudriole, Opération Requiem de Stanislas Petroski (French Pulp) est déjà la cinquième enquête de ce curé pas comme les autres. Depuis quelques tomes, l’auteur aborde des sujets sérieux, sans se départir de son humour en dessous de la ceinture. Ici, il s’agit du massacre des espèces animales protégées pour le plaisir des plus riches et c’est un excellent tome.

Enfin, pour que vous puissiez loger des morceaux d’humour dans votre poche, la chronique Des poches pleines de poches est revenue en version spécial Humour cynique. Que ce soit La revanche des hauteurs de Guillaume Desmurs (Glénat) qui inaugure une nouvelle collection Neige noire, ; que ce soit Pension complète de Jacky Schwarzmann (Points) auréolé de son Prix des Chroniqueurs ou bien Un été sans dormir de Bram Dehouck (10/18), ces romans vous assurent plus de 200 pages de rire et d’humour féroce.

Pour le titre du chouchou du mois, j’aurais pu choisir la facilité avec Du poison dans la tête de Jacques Saussey (French Pulp), qui est vraiment excellent. J’ai décidé de mettre en avant un premier roman : Je ne suis pas un monstre de Carme Chaparro (Plon) tout simplement parce que ce roman est totalement bluffant.

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lecture (et de cadeaux !). Je vous donne rendez vous le mois prochain pour un bilan de l’année. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Je ne suis pas un monstre de Carme Chaparro

Editeur : Plon

Traductrice : Judith Vernant

J’ai bien hésité avant de lire ce livre, faute à la quatrième de couverture qui donne l’impression que l’on va lire un énième roman sur une disparition d’enfant. Il aura fallu l’avis de Jeanne Desaubry (http://jeanne.desaubry.over-blog.com/2019/10/vous-avez-dit-monstrueux.html) pour que je me décide. En fait de thriller bas de gamme, j’ai eu entre les mains un excellentissime roman choral. Et c’est un premier roman !

Inès est une journaliste pour une chaîne de télévision Canal Onze. Elle a un vrai don pour présenter des événements dramatiques et faire naître des émotions incroyables chez ses spectateurs. C’est pour cela qu’elle a eu un succès phénoménal quand elle a écrit son premier thriller, premier et unique pour le moment. Alors, son éditeur la pousse à se lancer dans l’écriture de son deuxième roman, mais elle ne tient pas le sujet. C’est lui qui lui propose d’assister à une réunion de thérapie de groupe. Là, elle entend un témoignage d’une femme prise dans une inondation avec ses enfants, obligée de sacrifier l’un de ses petits pour sauver les autres.

Ana Arén est inspectrice-chef à la brigade des mineurs de Madrid avec un dossier plus que parfait. Comme elle est physiquement superbe, elle attire forcément les convoitises. Ce matin-là, le commissaire Luis Bermudez convoque tout le monde : il leur annonce qu’il va y avoir du changement ; la direction lui demande de partir pour laisser la place à David Ruipérez, un homme à la réputation impitoyable. Au même moment, des appels téléphoniques font état de la disparition d’un petit garçon, Kike. Ana veut réussir cette enquête à tout prix. En effet, deux ans auparavant, un petit Nicolas a disparu au même endroit. On ne l’a jamais retrouvé, et c’est le seul échec d’Ana. La légende créée par les médias dit qu’il a été enlevé par Slender man.

Quand on commence la découverte d’un nouvel auteur (en l’occurrence une nouvelle auteure), il y a toujours une adaptation à faire quant au style ou à la construction du roman. C’est ce que j’ai ressenti lors des 2 premiers chapitres (soit 12 pages), étant surpris par le punch et la brutalité de l’écriture. Les phrases claquent, il n’y a pas de temps mort et je n’ai pas l’habitude de lire ça dans un roman psychologique.

Car si la quatrième de couverture peut nous faire croire à un thriller, c’est bien un roman psychologique que nous propose Carme Chaparro, avec un scénario d’enfer et une fin que je qualifierai d’anthologie. Si la construction est classique, proche d’un roman choral, ce roman se détache par son acuité à présenter les réactions des différents protagonistes aux événements dramatiques auxquels ils vont être confrontés.

Ana et Inès vont constituer le fil conducteur de cette histoire et donner l’occasion de présenter des problématiques telles que la guerre des polices, les influences des politiques dans une enquête, les relations conflictuelles avec les chefs, ou même le rôle des médias dans les résolutions des enquêtes. Dans chacun de ces thèmes, Carme Chaparro excelle car elle y place au centre un être humain avec ses sentiments, ses problèmes, ses réactions humaines (ou non).

Et je dois dire que j’ai été totalement bluffé par les émotions qui déferlent de ces pages malgré un style brut, la justesse des réactions et cette capacité à trouver les mots justes au bon moment. Je peux vous assurer qu’à certains moments, votre gorge va se serrer, ou vos yeux vont s’ouvrir devant l’horreur. Quant à la chute de ce roman, et chute est le bon terme, elle ouvre sur une dénonciation des monstres de notre société (et ce ne sont pas ceux que vous croyez, mais je ne peux vous en dire plus).

Je ne suis pas un monstre s’avère au final une belle dénonciation de cette société avide de sensations, avide d’opportunités au nom de l’argent, avide de sang et surtout celui des autres. C’est aussi et surtout un premier roman impressionnant, époustouflant, émotionnellement très fort et qui ne peut que vous faire réagir. J’espère sincèrement que mon avis vous donnera envie de lire le livre et qu’il n’en a pas trop dit quant à l’intrigue …

Tuez les tous … mais pas ici de Pierre Pouchairet

Editeur : Plon – Sang neuf

Voilà un auteur que j’avais découvert chez Jigal, avec la Prophétie de Langley, roman qui nous plongeait dans une situation d’attentat contre une centrale nucléaire. Pierre Pouchairet confirme avec ce roman tout le bien que je pense de ses intrigues.

Au commissariat de Quimper, la sous-brigadier Geneviève Louedec assure la réception des plaintes et les rédactions des main-courantes. Martine et Louis Loubriac sont à l’accueil pour faire part de la disparition de leur fille Julie. Martine est une femme sèche, désagréable au premier contact. Quant à à Louis, c’est un ex-tout : ex-flic, ex-journaliste, ex-mari. Geneviève essaie de les rassurer puisque Julie est connue pour faire des fugues. Mais là, elle est partie sans rien, ni affaires, ni argent.

Louis ne peut se résoudre à attendre que la police veuille bien faire quelque chose. Il a peu dormi cette nuit, réveille sa compagne Jennifer en se levant, et décide de fouiller la chambre de sa fille chez Martine. Il trouve son ordinateur, protégé par un mot de passe. Louis décide de faire jouer ses anciennes relations pour trouver une piste. Et petit à petit, il va se lancer lui-même dans cette enquête.

Julie est réveillée par un bruit de coups de pied dans les murs de la cabane en tôle. Il fait encore nuit mais c’est l’heure de l’Adhan, l’appel à la prière. Elle s’est vite liée d’amitié avec Aicha, une infirmière du 9-3, parmi toutes les jeunes filles de nationalités différentes. Elle a aussi une pensée pour Yacine, son amoureux qui l’a demandée en mariage il y a 3 semaines. Au jour levé, Julie voit que les garçons et les filles ont été séparées dans deux cabanes différentes. Des véhicules approchent, soulevant un nuage de poussière épais. Ce sont de gros 4×4, qui entourent les cabanes. Des hommes sortent et tirent sans pitié avec des mitraillettes. La cabane des garçons est criblée de balles. Les filles sont épargnées. Julie s’attend au pire, être maltraitée, tuée, violée …

Quand j’étais petit, je n’étais pas grand … Soyons sérieux, au moins quelques minutes. Quand j’étais plus jeune, j’aimais beaucoup les romans américains où un homme (ou une femme) standard comme vous et moi se retrouvait embringué dans une affaire qui le dépassait … et finissait par se retrouver dans une machination diabolique ayant des répercutions aussi extraordinaires qu’internationales (le plus souvent). Avec la multiplication des attentats, on voit ressortir des romans qui, sans être conspirationnistes, permettent des intrigues originales et surtout renversantes.

Tout démarre par une situation à laquelle tout le monde peut être confrontée, à savoir la fugue de sa fille. Après avoir présenté le couple Loubriac, en quelques chapitres, on entre réellement dans le vif du sujet. Pour être franc, le début ne m’a pas convaincu, ce qui fait que j’avais laissé tomber le bouquin. Et puis, vacances aidant, je l’ai repris et j’ai été pris dans le rythme imposé par l’intrigue.

Si les psychologies ne sont pas le fort de ce roman, au sens où elles passent au second plan après l’action de l’histoire, il n’en reste pas moins qu’elles restent crédibles. Louis, qui a tout raté dans sa vie, retrouve un sens à sa vie pour aller sauver sa fille. Placé au premier plan, Louis va assurer l’avancée de l’intrigue, bien qu’il soit entouré de personnages intrigants. Et c’est là où la narration de vient forte : Entre les islamistes et de sombres personnages qui œuvrent dans des bureaux et dirigent des pantins, le lecteur que je suis se retrouve tout le temps en terrain dangereux, malmené et me demandant où tout cela peut bien nous emmener.

Car, au bout de ce roman de 480 pages, on voit se dessiner une machination aussi inhumaine que démoniaque, que l’on peut éventuellement entrevoir plus tôt dans le terrain. Et c’est là où Pierre Pouchairet est fort : nous construire des intrigues folles, tout en restant crédible. Car ce roman finit par faire passer un frisson désagréable dans le dos, et on finit par croire à toutes les magouilles possibles et imaginables que l’on ne nous raconte pas. Voilà un roman de divertissement haut de gamme, qui m’a impressionné.

Tu ne perds rien pour attendre de Janis Otsiemi

Editeur : Plon – Sang Neuf

Voilà un auteur dont je lis tous les romans, que je défends ardemment, autant pour ses intrigues, ses messages que son style inimitable. Alors que ses précédents romans étaient édités chez Jigal, le voici qui débarque dans la nouvelle collection de Plon, consacrée au polar, Sang Neuf. Janis Otsiemi nous invite dans son pays, le Gabon, plus précisément à Libreville.

Jean-Marc Ossavou est lieutenant de police dans la brigade de la Sûreté Urbaine. A l’âge de 10 ans, il avait perdu sa mère et sa sœur, fauchées par un chauffard que l’on n’a jamais retrouvé. Cet esprit de vengeance l’a amené à entrer dans la Police Judiciaire, et lui a donné cette envie, ce besoin de rendre la justice. Lassé des mœurs de la PJ, il a préféré être muté à la Sûreté Urbaine où les flics sont moins corrompus. Son poste lui permet d’appliquer sa propre justice.

Si Jean-Marc vit maritalement avec Marie mais n’habite pas la même demeure, il lui arrive de draguer des femmes. Au sortir du bar Chez Maxime, il voit une jeune femme qui attend sur le trottoir. Il lui propose de la remmener chez elle, à Awendjé. Elle lui dit s’appeler Svetlana, et travailler comme serveuse au casino La Roulette. Il la dépose devant un portail noir, enfermant une baraque blanche.

Le lendemain, il retourne à la maison pour revoir Svetlana. Il rencontre sa mère, éplorée quand il prononce son nom. Georgette lui explique que Svetlana est morte, deux auparavant, assassiné. On n’a jamais retrouvé son assassin. Jean-Marc, sur d’avoir rencontré un fantôme, se croit investi d’une mission : Trouver le coupable du meurtre de Svetlana.

Les fans de Janis Otsiemi vont être agréablement surpris par ce nouveau roman. On y retrouve bien cette langue si particulière, si poétique et imagée, faite d’expression gabonaises, et qui sont suffisamment explicites pour un Français moyen. Par contre, on avait droit en tête de chapitres à des proverbes que l’on a perdus en route, même si certains sont inclus dans le texte.

Dans ce nouvel opus, on retrouve avec plaisir cette écriture fluide et cette façon très logique de construire son intrigue. Au lieu d’avoir deux ou trois intrigues entremêlées,  nous allons suivre l’itinéraire d’un policier de la brigade de sureté urbaine. Du coup, j’ai trouvé que le style se faisait plus simple, et que Janis Otsiemi prenait son temps pour développer son intrigue, qu’il avait écrit son polar avec beaucoup de rigueur et d’application.

Dans sa façon de décrire ses personnages, dans sa façon d’amener les scènes, et dans le déroulement de l’intrigue, on est très proche des polars américains. On y trouve peu de sentiments et la psychologie se déduit surtout des actions des uns et des autres. Le détail amené dans les scènes fait que le rythme est moins élevé que pour ses précédents romans. En fait, j’ai surtout l’impression que l’auteur a grandi, en prenant comme exemple ses prédécesseurs, mais en y apportant sa patte, en gardant son identité.

Car le but de Janis Otsiemi est bien rempli : A travers le polar, il nous montre comment les gens vivent à Libreville, il nous décrit les quartiers pauvres, et les quartiers riches, les croyances ancestrales qui sont toujours en vigueur aujourd’hui, et la corruption qui gangrène la société. Et je trouve que, par rapport à ses précédents romans, on peut y lire un espoir puisqu’il y a des policiers qui font leur boulot en refusant l’argent facilement gagné. Ce roman vient s’inscrire dans une œuvre qui compte, et sa lecture vous est fortement conseillée.

Un dernier petit message personnel : Le titre de ce roman me rappelle une expression que ma mère utilisait souvent quand j’avais fait une connerie. Ce n’en est pas une d’avoir lu ce livre.

Les précédents romans chroniqués sur Black Novel sont :

La vie est un sale boulot ;

La bouche qui mange ne parle pas ;

Le chasseur de lucioles ;

African Tabloid ;

Les voleurs de sexe ;

Sa vie dans les yeux d’une poupée de Ingrid Desjours (Plon)

Je sortais d’une lecture noire et marquante, et je me demandais ce que j’allais bien pouvoir lire ensuite. Alors, emporté par mon enthousiasme, je me suis dit : Pourquoi ne pas prendre un thriller. A coté de mon bureau, se trouvait le dernier roman en date de Ingrid Desjours. J’avais déjà lu et beaucoup apprécié ses deux premiers, Potens et Echo, alors pourquoi pas attaquer un livre qui serait à coup sur un bon divertissement ? Erreur ! ce roman est à la fois un thriller mais aussi un roman noir et très dur !

Je commence le livre, et je m’aperçois que j’ai affaire à deux destinées, deux personnages qui, d’emblée sont deux écorchés vifs. Ils ne devraient pas se rencontrer et pourtant, leur rencontre semble inéluctable en même temps qu’elle va les entrainer dans les abimes de leur cerveau atteint.

D’un coté il y a Barbara, jeune fille de vingt quatre ans, qui n’a connu que des drames dans sa vie. Elle vit avec sa mère aveugle, dont elle s’occupe, et son père est parti du foyer familial. Sa passion, c’est de s’occuper de ses poupées. Elle est esthéticienne dans un centre de beauté et un soir, elle se fait violer dans un parc par un homme moustachu. Ce drame va être comme la goutte qui fait déborder le vase, et l’entrainer dans un enfer dont vous n’avez pas idée.

De l’autre coté, il y a le capitaine Percolès qui revient au travail après un arrêt maladie, pour convalescence. Marié malheureux puisqu’il a découvert que sa femme le trompait, il a connu un accident de la route dramatique qui l’a vu perdre sa femme brulée vive. Dans cet accident, il y a aussi perdu une jambe. Alors qu’il fait preuve d’une agressivité rare envers ses collègues, son chef lui trouve une mutation à la brigade des mœurs.

En deux chapitres courts, Ingrid Desjours va nous présenter ses deux personnages, avec une efficacité telle que j’ai tout de suite eu envie d’en savoir plus. Plongé dans l’intrigue, je me suis laissé emporter par ce style direct, entre Barbara qui va subir un viol dont la scène m’a paru d’une dureté incroyable tant Ingrid Desjours reste spectatrice et nous assène des phrases insoutenables, et Percolès avec son humour noir, misogyne et méchamment cynique. Le décor est planté, et la psychologie des personnages implantée, et le livre décidément et implacablement impossible à lâcher.

Ce roman oscille entre thriller et roman noir, avec une construction implacable. Et je ne peux même pas vous en dire plus sur l’intrigue, de peur de vous en dévoiler le dénouement. Alors, sachez juste que la grande qualité de Ingrid Desjours est de faire vivre ses personnages au travers d’une psychologie très réaliste, et forcer le lecteur à s’imprégner de leurs actes, de plonger dans des esprits fragiles, malades, écorchés vifs, et cachés derrière une apparence trompeuse qui va même tromper le lecteur.

La différence avec ses deux précédents romans, Echo et Potens, est impressionnante tant on sent que Ingrid Desjours s’est amusée à écrire et manipuler le lecteur. Le style est devenu dur, âpre, direct, à un tel point que je suis content d’avoir su décerner une grande auteure de thriller et que ce roman, mi-thriller mi-roman noir est excellent. Et malgré cela, on sent que Ingrid Desjours peut nous concocter un roman encore plus fort pour notre plus grand plaisir. En tous cas, le scenario est implacable, redoutable, vicieux dans sa mise en place et la rigueur de son déroulement.

Clairement, c’est un excellent thriller et probablement le meilleur thriller français que j’aurais lu en 2013. Je ne dirai qu’une chose, en fait deux : lisez ce livre, vous n’en reviendrez pas ! et merci Mme Ingrid Desjours pour cet excellent moment de lecture !

Un grand merci aussi aux copines de Bookenstock grâce à qui j’ai pu lire rapidement ce livre.

Vous prendrez bien une tasse de thé ? de Claude Keller (Plon) et Au pays des kangourous de Gilles Paris (Don Quichotte)

Je continue mon petit voyage dans le wagon de la littérature blanche, dans le cadre du meilleur roman français de http://www.confidentielles.com avec deux romans qui ont beaucoup de choses en commun, dont les personnages principaux qui sont des enfants ou des adolescents.

Vous prendrez bien une tasse de thé ?de  Claude Keller (Plon)

tasse de thé

4ème de couverture : Les beaux quartiers de Lyon, immeubles de pierre de taille, appartements sombres où l’on rencontre des choses bizarres, des familles à secrets : Francine Kennedy, une gentille grand-mère qui peine à refréner ses pulsions meurtrières ; Isabelle Vital-Ronget, la dame catéchiste qui entretient une liaison clandestine ; Aurélie, seize ans, qui couche avec Etienne de la Salle, l’écrivain raté du grenier ; et Marie-Cécile, la mère d’Aurélie, qui ignore tant de choses.

Et puis, cachés quelque part, il y a ces deux amoureux en rupture de ban. Fille de psy, Dora, quinze ans, vient de fuguer sur un coup de tête. Enfant de personne, Ben est un petit voyou qui croit en l’impossible. Ils s’aiment mais autour d’eux le monde s’agite férocement et les bouscule.

Mon avis : Si les deux personnages principaux sont bien Dora et Ben, ils sont entourés d’une pléiade de caractères tous aussi vivants les uns que les autres. Et si Claude Keller nous donne l’impression d’une intrigue un peu décousue, elle s’avère vite débridée et anarchique, à l’image du bordel (excusez la grossièreté) qu’ils vont mettre dans un petit immeuble de la rue d’Auvergne. Le livre pourrait perdre le lecteur, mais le plaisir de la lecture est au rendez vous avec un style sautillant, léger et débridé, fait de petite phrases, de mots et de bons mots qui donnent le sourire. Car finalement, le but n’est pas de passer un message, mais bien de divertir. Et en l’occurrence, la mission est remplie.

Au pays des kangourous de Gilles Paris (Don Quichotte)

Au pays des kangourous

4ème de couverture : « Ce matin, j’ai trouvé papa dans le lave-vaisselle. En entrant dans la cuisine, j’ai vu le panier en plastique sur le sol, avec le reste de la vaisselle d’hier soir. J’ai ouvert le lave-vaisselle, papa était dedans. Il m’a regardé comme le chien de la voisine du dessous quand il fait pipi dans les escaliers. Il était tout replié sur lui-même. Et je ne sais pas comment il a pu rentrer dedans : il est grand mon papa. »

Simon, neuf ans, vit avec son père Paul et sa mère Carole dans un vaste appartement parisien. En fait, le couple n’en est plus un depuis longtemps, la faute au métier de Carole, qui l’accapare. Paul est écrivain, il écrit pour les autres. Carole est une femme d’affaires, elle passe sa vie en Australie, loin d’un mari qu’elle n’admire plus et d’un enfant qu’elle ne sait pas aimer. Le jour où Paul est interné pour dépression, Simon voit son quotidien bouleversé. L’enfant sans mère est recueilli par Lola, grand-mère fantasque et jamais mariée, adepte des séances de spiritisme avec ses amies « les sorcières », et prête à tout pour le protéger. Mais il rencontre aussi l’évanescente Lily, enfant autiste aux yeux violets, que les couloirs trop blancs de l’hôpital font paraître irréelle et qui semble pourtant résolue à lui offrir son aide. Porté par l’amour de Lily, perdu dans un univers dont le sens lui résiste, Simon va tâcher, au travers des songes qu’il s’invente en fermant les yeux, de mettre des mots sur la maladie de son père, jusqu’à toucher du doigt une vérité que l’on croyait indicible.

Mon avis : Ce roman est une vraie découverte pour moi, un roman empli de tendresse qui va rejoindre les livres dont je relis souvent des passages. Le parti-pris de l’auteur est de raconter par la voix de Simon sa vie alors que son père subit une dépression. Gilles Paris utilise le vocabulaire d’un enfant de 9 ans, et surtout, face aux petits moments de la vie quotidienne, nous glisse sa logique. Le coup de force de l’auteur, c’est bien de tenir la distance, d’en faire un roman passionnant au long duquel on rit, on sourit, et surtout on fond d’amour pour ce gamin. C’est un roman rempli de tendresse, d’humour, d’optimisme, pour lequel on peut que craquer. N’hésitez plus, lisez ce roman qui est une vraie réussite.

Oldies : Noel au chaud de Georges Jean Arnaud (Plon-Noir Rétro)

Voici donc le premier billet de cette nouvelle rubrique Oldies, où je vais découvrir d’anciens romans. C’est une façon aussi de fouiller dans la malle de l’histoire du polar, et de remettre en lumière des romans que l’on a tendance à oublier avec les sommes de nouveautés qui sortent chaque année.

Le premier auteur que je vous propose de découvrir est Georges Jean Arnaud, un auteur très prolifique, puisqu’il a écrit sous son propre nom et sous des pseudonymes plus de 400 romans. né le 3 juillet 1928 à Saint-Gilles-du-Gard, et est l’auteur de La compagnie des glaces, d’une centaine de polars et de romans d’espionnage ainsi que de quelques dizaines de romans érotiques. Il a reçu de nombreux prix littéraires depuis ses débuts dont :
le prix du Quai des Orfèvres 1952 pour Ne tirez pas sur l’inspecteur

la Palme d’Or du roman d’espionnage 1966 pour Les égarés

le prix Mystère de la critique 1977 pour Enfantasme

le prix Apollo 1988 pour La Compagnie des glaces

le prix RTL grand public 1988 pour Les moulins à nuages (Source Wikipedia)

Noel au chaud, paru initialement au Fleuve Noir dans la collection Spécial Police, a été réédité en 2010 chez Plon dans la regrettée collection Noir Rétro. Voici le sujet de ce polar passionnant par la description d’un petit village provençal.

Région de Toulon. Raymonde Mallet, veuve de 76 ans, vit seule dans une grande maison. Tout le village a les yeux braqués sur elle et aimerait bien qu’elle vende sa propriété pour que le gigantesque projet immobilier voit le jour. Entre sa voisine et amie Augusta Pesenti, qui se montre envahissante et Mme Hauser l’assistante sociale qui veut l’envoyer trois semaines en vacances dans une résidence de personnes âgées, Mme Mallet tient bon envers et contre tous.

La solution serait de louer un grand garage situé à droite du parc au fils de Augusta, Laurent, qui va perdre son emploi de mécanicien automobile et de loger toute la famille Pesenti. Ainsi, elle ne serait plus seule et pourrait rester chez elle. Le seul inconvénient serait la cohabitation avec ses voisins et en particulier la petite Léonie. Mais les choses ne vont pas exactement se passer comme Raymonde l’avait prévu.

C’est un sacré portrait de mamie (même si elle n’a jamais eu d’enfants) auquel on a droit ici, une mamie déterminée, butée et imaginative, prête à tout pour arriver à ses fins, à savoir rester dans sa maison. Elle va utiliser son entourage, manipuler ses voisins pour résister au harcèlement venant des autres, avides d’argent, pressés de faire bâtir le nouveau complexe immobilier qui rapportera tant d’argent au maire et toute sa clique.

Sans jamais juger ni les uns ni les autres, en se contentant de décrire les actes des personnages et en les agrémentant de dialogues savoureux, GJ. Arnaud construit son intrigue avec beaucoup d’ingéniosité, et sans que le lecteur n’ait la moindre idée du dénouement qu’il nous réserve. Et si le style est bien loin de ce que l’on trouve actuellement, le plaisir de la lecture, quand on se fait mener par le bout du nez, est là.

Du duel par dialogues interposés avec Augusta, de la résistance envers l’assistante sociale, des tentatives de séduction pour attirer la petite Léonie, de l’ambiance des petits villages où tout se sait, où tout se raconte, ce roman, qui est à classer dans les très bons polars français, vous fera passer un excellent moment et il serait dommage de le négliger. D’ailleurs, je compte sur les érudits du polar pour m’indiquer les meilleurs polars de GJ.Arnaud. Si ce n’est pas un appel du pied …

Rictus de Jean Pierre Ferrière (Plon – Noir Retro)

Je persiste dans la découverte du roman noir français des années 50 à 70 avec cet excellent roman noir signé Jean Pierre Ferrière, toujours édité par Plon dans leur décidément excellente collection Noir Rétro.

Que faire quand on est père de famille et que l’on se sait condamné à court terme pour mettre sa famille à l’abri du besoin ? C’est la situation à laquelle est confronté Mathieu Collard, marié à Jeanne, père d’un petit François de deux ans, et ouvrier aux Cartonneries du Loiret. Depuis quelques temps, il a des douleurs à l’estomac et dort très mal. Son docteur généraliste Jean Louis Tristan l’ausculte, lui fait passer des radios et en arrive à la terrible conclusion qu’il lui reste entre six et huit mois à vivre. Comme il doit payer sa maison et assumer la vie future de sa famille, Collard cherche une solution rapide pour gagner de l’argent : gagner au loto ou commettre un acte illégal.

Alors, Collard erre dans les rues, ne laissant rien transparaître de ses problèmes de santé, ni à sa femme, ni à son travail. Il rencontre Sandra, une prostituée, à qui il se confie, puis Mlle Simone, la secrétaire du docteur Tristan qui va lui apporter une solution : en l’échange de 150 000 francs, il devra tuer Alexandre Chassagne. Après négociation, il touchera 100 000 francs avant le meurtre, et 50 000 francs après. Une nuit, il intercepte la voiture de Chassagne et l’étrangle.

Il ne verra jamais la deuxième partie de la somme, mais cela lui permet de payer sa maison et de s’offrir une voiture. Lors d’un accident de la route, sa femme et son enfant meurent, et il se retrouve à l’hôpital, seul rescapé, seul. Il apprend alors par le docteur Brunel qu’il n’est pas condamné, qu’il n’a qu’une simple gastrite. Commence alors pour Collard sa quête de vengeance.

Ce roman est l’exemple type d’une histoire simple racontée avec logique. Outre le fait que le roman soit court (170 pages), il se lit vite grâce aux grandes qualités littéraires de la narration. Si l’intrigue est positionnée dans les années 60-70, la psychologie des personnages n’a pas d’age. Car nous suivons Collard dans toute sa logique de père de famille responsable, dont l’obsession est de sauver sa famille d’une vie pénible, sans argent, sans avenir. Puis, après son drame, il se retrouve sans attache, sans but, sans avenir. La logique de Collard est effrayante, la talent de Jean Pierre ferrière pour nous le faire ressentir énorme.

Les autres personnages ne sont pas là en tant que faire valoir. Ils sont aussi importants dans le déroulement de l’histoire que peut l’être Collard. Faire vivre six ou sept caractères en aussi peu de pages, c’est aussi une épreuve de force réalisée par ce livre. Du docteur à la prostituée, tous ont leur motivation, leurs objectifs, leur petite vie, leurs amours, leurs soucis. Parfait dans sa description, subtil dans son style simple et imagé, ce roman est un régal dans une collection qui s’affirme de plus en plus comme une mine de petits trésors.

Potens de Ingrid Desjours (Plon – Nuit Blanche)

Retour sur une lecture qui date un peu. Après Echo que j’avais pris beaucoup de plaisir à lire, il me tardait de lire la deuxième aventure du couple Patrik Vivier / Garance Hermosa. Ingrid Desjours semble être quelqu’un de doué pour batir des intrigues tordues et complexes avec une psychologie des personnages fouillée.

Charlotte Delaumait est mère de cinq enfants, a 35 ans, et vient de se faire assassinée chez elle dans sa cuisine.  Elle a été ébouillantée puis poignardée à de multiples reprises. C’est son fils Quentin qui la découvre et est naturellement sous le choc. Il s’avère que Charlotte faisait partie d’un club, Potens, regroupant des individus ayant un Quotient Intellectuel très élevé. Le policier Patrik Vivier mène l’enquête avec l’assistance de la psychologue Garance Hermosa. Celle-ci va s’inscrire dans ce club un peu particulier, pour essayer de découvrir l’identité de cet assassin.

Garance est rapidement persuadée que c’est dans ce club qu’elle doit chercher le tueur. Charlotte était une personne dépravée, passant d’un amant à l’autre, faisant un enfant avec certains de ses membres, et accumulant des détails dérangeants sur chaque membre qui pouvaient servir pour un éventuel chantage. Au nombre de ces potentiels suspects, on trouve le compagnon actuel de la victime, Jérémie Taudel, qui n’a pas d’alibi, le bavard Deplavat, l’omniprésent Vasili, Boisseau le patron de Charlotte, ou bien Albin Pomeni qui brigue la présidence de Potens. Alors que Potens ressemble plus à des réunions de salon de thé, Garance découvre qu’il pourrait cacher un groupe nommé Alpha Pi, dont le but serait de réunir une élite visant à obtenir de plus en plus de pouvoir et d’influence.

Garance, elle, n’est pas au mieux depuis la mort de sa sœur Felicia. Elle se plonge dans cette enquête, pour oublier, pour ne pas se retrouver seule, pour se donner un objectif. Elle se renferme sur elle-même et refuse toute aide de Patrik. Alors que les pistes se multiplient, les petits secrets de chacun se dévoilent sans que l’identité du tueur n’apparaisse. Garance est elle apte à résoudre cette affaire, ou bien se fait elle simplement manipuler par un esprit machiavélique ?

On retrouve dans ce roman toute la facilité de Ingrid Desjours à dérouler une intrigue complexe, basée essentiellement sur la psychologie des personnages. Et, par rapport au précédent opus, Echo, Potens a permis à Ingrid de franchir un pas : C’est tout aussi passionnant, mais moins bavard, moins démonstratif. Et comme c’est remarquablement écrit, sans grandes descriptions mais avec beaucoup de fluidité, le plaisir du lecteur est au rendez vous.

Le premier aspect qui m’a plu, c’est l’évolution du personnage de Garance, qui n’est plus aussi sure d’elle-même, mais qui est une personne qui souffre, qui doit surmonter un drame personnel. Par contre, le personnage de Patrik passe un peu au second plan, ce qui est dommage.

Le deuxième aspect qui m’a plu, c’est cette description de ce petit monde des génies, qui sont forcément à part, mais qui par voie de conséquence se replient sur eux-mêmes. Ces gens d’une intelligence supérieure deviennent sous la plume d’Ingrid Desjours des névrosés, avec chacun des déviances, des défauts, voire des maladies mentales. C’est un bien triste paysage.

Le troisième aspect de ce livre, c’est le nombre de personnages important et je dois dire que j’ai mis un peu de temps à mettre un nom sur un personnage. Si les profils des personnages sont très fouillés, la façon de nourrir l’intrigue au fur et à mesure, par petits dénouements, par petites révélations m’a donné un peu de mal. J’ai l’impression que, par rapport à Echo, on y perd en enthousiasme et en spontanéité mais on y gagne en efficacité de la narration. Mais, encore une fois, la fin du livre mérite que l’on lise ce livre.

Ingrid Desjours a quand même l’art de trouver des intrigues tordues et de nous mener par le bout du nez de façon assez incroyable. Dans ce livre très recommandable, je vous assure de passer un bon moment pour peu que vous soyez adepte de romans policiers avec des profils psychologiques poussés.