Editeur : Jigal
Thierry Brun, voilà un auteur que j’apprécie tout particulièrement. J’ai lu quasiment tous ses romans, et à chaque fois, j’ai l’impression qu’il construit des personnages, qu’il écrit des histoires qui me parlent.
Thomas Asano a connu les guerres, hors de France. Il a passé un pan de sa vie derrière les barreaux en France. Alors qu’il est encore en liberté conditionnelle, il a décidé de s’isoler dans une petite cahute, perdue au fond des Vosges. Le plus sûr moyen pour tourner la page et ne pas faire de bêtises, reste encore de quitter ce monde et de couper les ponts avec les gens civilisés. Alors, les soirs, il se réfugie dans ses souvenirs de l’amour de sa vie, Béatrice.
Vivant de braconnage, il se fait embaucher comme manutentionnaire auprès de Cheuvreux, propriétaire d’une entreprise de bois. La fille du patron, Elise, sort de l’adolescence, se brouille avec son père et trouve refuge dans la cahute d’Asano. Il arrive à s’accommoder du harcèlement des gendarmes venus vérifier qu’il ne franchit pas la ligne jaune.
Quand Chervier récupère par hasard un chargement de cocaïne, qu’il veut garder pour lui, Asano se retrouve sous la menace du gang de trafiquants de drogue. Cheuvreux n’a aucune idée de la violence de ces truands, et il craint pour la vie d’Elise. Asano se voit contraint et forcé de reprendre du service.
A nouveau, c’est bien dans sa forme que le dernier roman de Thierry Brun se démarque. Avec des chapitres découpés en scènes, il va alterner entre présent et futur et faire un mélange sans pour autant donner de clé au lecteur. Cela n’en fait pas forcément une lecture exigeante mais cela nécessite au début du roman une certaine adaptation.
Le personnage principal Asano va occuper la majeure partie du roman, et sa psychologie est juste et remarquable, d’un homme qui bout, qui demande de l’action et qui est obligé de se cacher. Malgré la taille réduite du roman (200 pages à peine), la créativité de l’auteur fait merveille en amoncelant d’innombrables petites scènes, comme une descente vers un enfer promis. En cela, ce roman ressemble à un tableau, fait de tâches de peinture jetées au hasard (mais pas tout à fait), commençant par le haut, la lumière, pour finir en bas, dans le noir.
De ce tableau, on en retire cette thématique d’un Icare moderne, Asano ayant connu l’Amour et s’étant brûlé les ailes, qui ne demande qu’à retourner, approcher, toucher le soleil. Thierry Brun nous présente l’Amour comme une drogue, attirante, irrésistible, et qui nous fait faire les pires bêtises, au péril de notre vie. Il a l’habitude de nous présenter la Femme comme l’avenir de l’Homme, il nous peint ici l’illusion d’une rédemption par l’Amour dans notre société d’aujourd’hui.