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Visite des abattoirs

Le hasard veut que j’aie lu à la suite deux romans totalement différents, dont le contexte était le même, de près ou de loin. Dans les deux cas, on y parle d’abattoir, ces usines où on abat puis découpe les bêtes pour nous les vendre en barquettes dans les supermarchés. J’ai donc eu l’idée de les regrouper dans le même billet.

Jusqu’à la bête de Timothée Demeillers (Asphalte)

Editeur : Asphalte

Du fond de sa cellule, Erwan ronge son frein. Il se rappelle le travail à la chaîne, à l’abattoir, à suspendre les carcasses de bœuf aux crochets. Il se rappelle le bruit incessant des esses qui claquent les unes contre les autres. Il se rappelle son soulagement quand il sortait, les tournées dans les bars, les soirées devant les programmes de télévision abêtissants. Mais rien n’était capable de lui faire oublier le bruit … clac … clac … clac …

Et il y avait Laetitia …

Ecrit à la première personne du singulier, Erwan nous raconte son quotidien, l’abrutissement du travail à la chaîne, son manque d’espoir par manque d’avenir. Sans esbroufe, l’auteur utilise un langage franc, direct, qui sonne vrai. Si au début cela peut sembler déstabilisant, plus on s’enfonce dans le roman, plus cela devient prenant et même impressionnant. Car c’est bien au fur et à mesure des pages que sa personnalité se construit, que le drame se joue, que l’issue se dessine de façon inéluctable.

Le résultat comme je viens de le dire, est redoutable, tout de violence contenue, on lit ce livre avec beaucoup de compassion, et on ne peut s’empêcher de suivre Erwan dans sa descente aux enfers. On est révolté contre les augmentations du rythme de production, réalisé de façon sournoise sans prévenir. On est outré par les conditions de travail, physiques, mentales surtout. Et on ne peut s’empêcher de trouver dans ce roman à la fois éprouvant mais aussi remarquablement bien fait, une forme qui s’allie avec ce qu’il veut montrer : l’horrible conséquence du taylorisme dans ce qu’il a de plus inhumain. C’est un roman dur, lucide, cynique à ne pas manquer.

Ne ratez les avis de Charybde, Jérôme, Yan et Emmanuelle

Bleu, saignant ou à point de James Holin (Ravet-Anceau)

Editeur : Ravet-Anceau

Michèle Scanzoni est avocate en droit du travail à Paris. Alors qu’elle est harcelée par son client présentateur célèbre de télévision, son amie la contacte pour défendre son père, Gilbert Castillon, vétérinaire dans l’énorme usine de viande hachée de Plankaert dont il vient de se faire virer. Comme l’oncle de Michèle est à l’hôpital au Touquet, au stade terminal d’un cancer, cela lui donne deux occasions d’aller dans le Nord.

Comme j’ai lu tous les livres de James Holin, je dois dire que je suis content de l’avoir défendu. Car ce roman est réellement un excellent divertissement, en même temps qu’il est une dénonciation des trafics sur la fabrication et la vente de la viande. C’est sur qu’après avoir lu ce roman, vous n’achèterez plus vos steaks hachés en grande surface, voire même vos boites de raviolis. Car en guise de bœuf haché, James Holin nous montre comment on y insère du porc, du cheval, et même de la viande avariée !

Mais revenons à l’auteur et ses écrits. Depuis son premier roman, il a doucement penché pour un comique de situation. Il enfonce le clou ici en insérant dans son intrigue des scènes tout simplement hilarantes, introduites doucement jusqu’à arriver à des situations absurdes. En cela, cela m’a fait penser à Donald Westlake dans sa façon de faire. Et je peux vous dire que j’ai bien rigolé à la lecture de ce roman.

Cela n’a pas d’impact sur le message de ce roman, et cela lui confère plus de force. Par un souci de gagner encore plus d’argent, tout est bon pour « faire de la merde » et la vendre sous une étiquette alléchante, comme dirait le regretté Jean-Pierre Coffe. Tout cela semble tellement réaliste qu’on ne peut que s’inquiéter en faisant ses courses. Je ne peux que vous engager à lire ce roman, ne serait-ce que pour passer un excellent moment de comédie intelligente.

Ne ratez pas l’avis de l‘oncle Paul

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Je suis innocent de Thomas Fecchio

Editeur : Ravet-Anceau

Voilà un premier roman encourageant, qui mérite que l’on en parle, même si, en lisant la quatrième de couverture, on peut être dubitatif et craindre le pire avec un sujet casse-gueule comme celui là. Jugez-en plutôt :

Au lever du jour, la porte de la chambre de Jean Boyer est défoncée par une équipe de la police. A plusieurs, ils parviennent rapidement à l’immobiliser, le menotter et l’emmener au commissariat. Jean Boyer est en effet un violeur meurtrier multirécidiviste et vient d’être remis en liberté quelques mois plus tôt. Il avait tué et violé sa petite amie de l’époque, en 1968, ne pouvant supporter sa frustration sexuelle de son adolescence. Puis, dans les années 80, il avait récidivé, avant d’être à nouveau arrêté. Au global, Jean Boyer a passé plus de temps en prison que dehors.

L’enquête est menée par le capitaine Germain, qui a épousé une carrière de policier pour combler un manque d’explications sur la mort de son père. La victime est une jeune femme tuée violée et partiellement enfouie dans une forêt. Germain a naturellement cherché les violeurs récemment relâchés et est tombé sur l’identité de Jean Boyer. Dès le début de l’interrogatoire, Boyer ne veut rien dire, se contentant d’annoncer qu’il est innocent.

Alors qu’il demande la présence d’un avocat, on lui octroie une jeune femme. Celle-ci assiste aux entretiens et lui conseille de ne parler qu’en sa présence. Alors que Boyer est emmené en cellule pour la nuit, il s’arrange pour s’automutiler, simulant des maltraitances policières. Cela permet à l’avocate de le faire relâcher par faute de preuves et à Boyer d’entamer sa propre enquête. Quant à Germain, sa quête de la vérité l’amènera à faire une enquête parallèle. Tous les deux arriveront à une issue étonnante et dramatique.

La moindre des choses que l’on peut dire, c’est que le sujet traité par l’auteur est difficile : Le danger avec ce sujet est d’éprouver de la sympathie pour Jean Boyer, qui est un monstre sanguinaire et sans morale. Thomas Fecchio s’en sort remarquablement en positionnant ses deux personnages, chacun d’un coté de la ligne jaune. Boyer est effectivement un monstre, et il va donc se donner tous les moyens pour démontrer son innocence, quitte à enfreindre la loi. Germain est lui du bon coté de la loi, et avide de vérité.

Le parallèle est remarquablement bien fait, et remarquablement bien maitrisé, surtout si on se rappelle que c’est un premier roman. Car la grande force et le grand talent de cet auteur, c’est de faire tenir son intrigue grâce à la psychologique extrêmement bien fouillée de ses personnages. Avec des événements marquants, et des petits détails toujours bien trouvés, il en fait des personnes vivantes que l’on va suivre sans difficultés.

Ce roman est donc un très bon polar, écrit sous tension, qui intelligemment, évite de tomber dans la piège d’éprouver une quelconque sympathie pour l’assassin, et qui se lit d’une traite, grace aux nombreux rebondissements et la logique de son déroulement. On notera tout de même que l’auteur montre les a priori des protagonistes et si Germain n’était pas si têtu et si avide de vérité, l’issue de ce roman n’aurait jamais démontré le véritable coupable, qui s’avère à la fois bien trouvé et rend ce roman un excellent coup d’essai ; Je vous le dis, il va falloir suivre Thomas Fecchio à l’avenir.

Ne ratez pas les avis de L’oncle Paul et de Cassiopée

Un zéro avant la virgule de James Holin

Editeur : Ravet-Anceau

J’avais beaucoup aimé son premier roman, Sacré temps de chien, qui nous emmenait en pleine Picardie. James Holin nous propose de changer de décor pour son deuxième roman, qui est un roman policier dans la plus pure tradition, et c’est un coup de maitre : ce roman est une vraie réussite !

Pierre de Vos, le président de la chambre régionale des comptes de Normandie demande à son premier conseiller Jean-François Lacroix de contrôler les comptes du musée de la sculpture contemporaine de Deauville. Il devra mener cette tâche avec Eglantine de Tournevire, sa collègue. Il lui faudra faire preuve de tact, puisque la directrice du musée, Isabelle Bokor est sur la liste du maire de Deauville, Henri Koutousov, pour les élections régionales, en deuxième place.

Ils débarquent à Deauville alors que l’on annonce l’inauguration d’une nouvelle statue, celle du Jockey, réalisée par le père du maire de la ville. A leur arrivée, Mme Bokor les met entre les mains Jean-Guy Bougival, l’agent comptable. Et la directrice est trop heureuse de leur faire une fleur en les invitant à l’inauguration prochaine.

Le lendemain, deux cents invités se pressent dans les jardins du musée pour l’inauguration. Tout ce qui compte à Deauville se doit d’être présent. On ne parle que du Festival du film qui commence dans quelques jours avec la présence de la star John Baltimore. Soudain, lors du discours du maire, Jean-Guy Bougival s’effondre. Il semble qu’il ait été empoisonné. Le capitaine Arnaud Serano va enquêter et être obligé de le faire avec Eglantine …

Toutes les qualités de son premier roman se retrouvent ici, et en particulier cete facilité de peindre des personnages dont ressort Eglantine, jeune femme espiègle, n’ayant peur de rien. dApoureuse de chevaux, elle a aussi le défaut de tomber facilement amoureuse, et de se plonger dans l’aventure, sans compter. C’est bien pour cela qu’on la retrouve en train d’enquêter avec le capitaine Arnaud Serano.

Je suis vraiment impressionné par la maitrise de l’intrigue, menée non pas tambour battant, puisque c’est un roman policier sans effet superflu, mais avec une logique qui force le respect. On sent que l’auteur a mis beaucoup d’application pour construire son histoire et qu’il y a pris du plaisir, ce que l’on retrouve sans peine dans la lecture.

C’est aussi le style très littéraire qui m’a énormément plu. Alternant les descriptions de Deauville avec des dialogues parfaitement faits, le roman se lit vite et surtout, on se dit qu’il y a une vraie maitrise à dire juste ce qu’il faut quand il le faut. Pour tout vous dire, j’ai pris mon pied à lire ce roman, car pour un deuxième roman, c’est tenu à bout de bras, solidement, avec un style à la fois sautillant, espiègle comme son héroïne, mais aussi avec sérieux et application. Pour autant, le roman n’est pas dénué d’humour et je ne peux que vous conseiller le moment où débarque une baleine sur les plages de Deauville, c’est hilarant !

Ce roman n’est pas à proprement parler un « Whodunit », au sens où on sait plus ou moins qui est impliqué dans ce meurtre, et qui est potentiellement coupable. Mais le mystère est plutôt à chercher du coté des motivations et c’est là que l’on sera surpris car la résolution se révèle encore pire que ce que l’on pouvait imaginer.

James Holin passe donc haut la main l’épreuve du deuxième roman, et je dois dire que le personnage d’Eglantine restera longtemps dans ma mémoire tant j’ai aimé son humour et son inconscience, en même temps que son sérieux et son courage. Je vous encourage fortement à la découvrir dans cette enquête au milieu des stars de Deauville.

Vendetta chez les chtis de Elena Piacentini (Ravet-Anceau)

Ce roman est le troisième d’Elena Piacentini après Un corse à Lille et Art brut. On retrouve donc le commandant Pierre-Arsène Leoni, d’origine corse, à la tête de la Police Judiciaire de Lille.

En cet octobre 2003, on ne peut pas dire que Pierre-Arsène Leoni, commissaire corse à la tête de la Police judiciaire de Lille soit serein. Outre le fait que sa grand-mère Mémé Angèle soit retournée sur son île natale, l’accouchement de Marie, sa concubine est pour bientôt et le stress monte irrémédiablement chez le commissaire. Ce matin là, Baudouin l’appelle pour l’informer que l’on vient de découvrir le corps d’une jeune femme.

Dans un champ qui borde la route qui mène à Lesquin, le corps de Christelle Gallois, membre du personnel de l’aéroport, a été retrouvé mutilé, à un point que toute l’équipe de police a vomi son petit déjeuner. A part des traces de 4×4, il y a peu d’indices à se mettre sous la dent. En plus, Eliane Ducatel, la légiste habituelle qui a eu une aventure avec Leoni, a décidé de prendre une année sabbatique, et est remplacée par un personnage étrange, André Duval, avec lequel le courant passe mal.

On découvre des traces sur le corps de la morte. Ces marques font penser au Dieu du mal, Moloch. Ce meurtre serait-il un meurtre rituel ? Ou bien un nouveau tueur en série viendrait-il sévir dans le Nord ? Une autre piste apparait quand on apprend à Leoni qu’un tueur à gages se fait appeler Moloch. Dès ce moment, l’affaire se complique sérieusement alors que les corps s’amoncellent.

On dit souvent que le deuxième roman est celui de la confirmation, et que le troisième celui de l’affirmation. C’est exactement ce que j’ai éprouvé à la lecture de cette troisième enquête de Pierre-Arsène Leoni. On retrouve donc tout le talent de cette auteure, que décidément j’adore, pour peindre des psychologies, sans en dire trop, mais en révélant l’état de chacun par des dialogues essentiellement. L’enquête va alterner entre Leoni et Eliane, car même si elle n’est pas présente, elle va bien s’occuper de cette affaire à distance.

J’admire cette façon, l’air de rien, de partir d’un meurtre, et de multiplier les pistes, les hypothèses, les causes possibles, d’une façon tout à fait logique. Dans cet opus là, c’est mieux fait que les autres, plus maitrisé. Alors, certes, le processus est classique, mais quand c’est bien fait, c’est du pur plaisir.

Puis l’intrigue va petit à petit se rapprocher de Leoni, et on va effleurer son passé. C’est à partir de ce moment que le roman prend du rythme, se transforme en roman d’action au lieu de roman policier. Et si j’avais un bémol à mettre, c’est que ces chapitres d’une demi-page m’ont désarçonné, et j’ai même été perdu parfois, ne sachant plus où  se déroulait l’action. Par contre, attendez-vous à avoir un bon gros choc noir à la fin, du genre gros coup sur la tête, qui m’a fait réagir en tant que lecteur : Si j’aime le noir, j’aime ces fins désespérantes. Mais avec un personnage comme Leoni, que l’on finit par aimer pour son humanité, j’ai été traversé par un sentiment d’injustice. C’est avec ce roman, je pense, que l’on devient accro à l’univers d’Elena Piacentini.

Les enquêtes du commissaire Pierre-Arsène Leoni sont, à ce jour, au nombre de 6 :

Un Corse à Lille

Art Brut

Vendetta chez les Chtis

Carrières Noires

Le cimetière des chimères

Des forêts et des âmes – Coup de cœur Black Novel0808

Sacré temps de chien de James Holin (Ravet-Anceau)

Décidément, le mois de septembre aura été l’occasion de lire des premiers romans. Celui-ci nous vient du Nord, bien que l’auteur habite en Ile de France, et nous parle de la Picardie. Je vous recommande de lire ce roman car il se pourrait bien que l’on entende prochainement parler de cet auteur.

Ce roman s’articule autour de deux personnages principaux :

Mireille Panckoucke est une journaliste d’une cinquantaine d’années qui habite à Saint Valery, en Picardie. Elle y a débuté sa carrière, puis a passé une vingtaine d’années comme grand reporter pour des journaux parisiens. A la suite d’un problème de santé, elle a du revenir à Saint Valery et se contenter d’un simple poste de journaliste local pour Le Courrier Picard. Elle a une fille adolescente, Julie, qu’elle a eu d’un précédent mariage et vit actuellement avec un célèbre critique de cinéma, Alexandre, qui vient de temps en temps passer un week-end dans sa maison.

Albert Emery est un petit truand qui a fait partie du gang des pêcheurs. Il a été condamné à cinq ans de prison, a bénéficié de remises de peine qui vont lui permettre de bientôt sortir de Fleury-Mérogis. Son rêve, c’est de récupérer son voilier, gardé par son oncle Marcel, et de partir pour les iles, au soleil. Mais avant, il doit retrouver François le Boulanger qui faisait partie du gang, qui s’en est sorti et qui se cache avec son argent.

Au courrier Picard, le journaliste qui s’occupe des tribunes politiques est malade. Le rédacteur en chef Jérôme Coucy demande à Mireille de pallier à cette défection et d’assurer quelques reportages concernant les élections législatives. D’autant plus que se présentent à ces élections Leleu, un propriétaire de bateaux de pêche local à moitié véreux et Mirlitouze un parachuté de la capitale. Dans ce contexte, il n’y a pas que les bateaux de pêche qui vont remuer la vase …

Surprenant, ce roman est surprenant. Car c’est un premier roman et je l’ai trouvé remarquablement maitrisé … et surtout remarquablement bien écrit. Car malgré le nombre de personnages, on s’y retrouve aisément puisqu’ils sont bien dessinés et vivants, et l’intérêt de la lecture est sans cesse relancé par des rebondissements multiples sans vouloir en mettre plein la vue.

En fait, je trouve que James Holin a écrit un polar honnête, plongeant dans cette région dont tout le monde a entendu parler mais que peu de gens connaissent ou apprécient vraiment. Il y a des passages d’une simplicité appréciable, qui montrent le paysage, et cette ambiance si particulière de cette Picardie si belle. Lauteur aime cette région, il le fait simplement, et le partage avec beaucoup d’honnêteté et de générosité. Pour autant, les scènes de vie sont très réalistes, et on a vraiment l’impression de passer en touriste, mais en touriste qui s’attarde chez les gens et apprend à les connaitre.

Il y a bien un aspect politique (local, je précise) qui sert de contexte à ce roman, mais cela n’étouffe pas le reste du roman. En tous cas, l’auteur évite l’écueil de clamer que tous les politiques sont des pourris. Il ne prend pas partie, il montre des petites gens profitant du système pour leur propre profit. On a maintes fois vu et lu cela, mais ici, c’est bien fait, légèrement, subtilement.

Et puis, on y trouve aussi des scènes impressionnantes telle celle de la pêche en pleine tempête qui est formidable. Certaines autres fonctionnent moins bien et j’ai aussi trouvé que la fin était un peu brutale bien qu’elle soit noire à souhait. On y trouve quelques petits défauts comme la présentation des personnages au début qui m’a paru inutilement bavarde et qui aurait pu être insérée dans l’histoire plus simplement. Mais sinon, j’ai été très surpris par ce roman, qui m’a procuré beaucoup de plaisir. Et je vous le dis, vous devriez inscrire ce nom dans vos tablettes, car il se pourrait bien qu’on en reparle très bientôt, tant ce roman est prometteur.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul et l’interview du Concierge Masqué

Art brut de Elena Piacentini (Ravet Anceau)

Ce roman là, vous aurez du mal à le trouver, car, sauf erreur de ma part, il est épuisé et ne sera pas réédité … pour le moment. Voici donc la deuxième enquête du commandant Pierre-Arsène Leoni, flic d’origine corse en poste à Lille.

D’ailleurs, Ce roman commence avec un Pierre-Arsène en demi-teinte. Il vit avec Marie, rencontrée dans le précédent roman, Un Corse à Lille, et donc, Mémé Angèle, sa grand-mère qui l’a élevé, a décidé de faire ses bagages pour retourner dans son île natale. Ensuite, Marie a décidé de laisser libre cours à son esprit humaniste et s’est envolée pour le Sri Lanka, où elle a ouvert un orphelinat. Heureusement, le travail est là pour occuper son esprit chafouin.

Une statue est déposée devant le Musée des Beaux Arts de Lille. Cette œuvre en trois dimensions est la reproduction du tableau de Francis Bacon, Le pape qui hurle. Sauf, qu’en y regardant de plus près, on s’aperçoit que cette sculpture est faite à partir d’un corps. Voilà une énigme bien étrange, et une étrange façon de montrer un cadavre.

Les pistes sont nombreuses : Est-ce un collectif d’artistes en mal de reconnaissance ? A-t-on voulu faire pression sur le directeur du musée Denis Hennaut, dont le père s’est suicidé après une vente de tableaux de maîtres ? Ou bien la personne visée était-elle tout simplement le corps retrouvé, celui d’une SDF nommé Félix Renan, qui avait des antécédents de pédophile ? Voilà une enquête bien complexe à résoudre.

Pour cette deuxième enquête de Pierre-Arsène Leoni, la part belle est faite à l’intrigue. D’un simple meurtre, l’auteure complique les choses en multipliant les pistes et les personnages de façon à embrouiller le lecteur. Il est à noter que les membres de l’équipe de Leoni prennent de l’importance, leur personnalité prend de l’ampleur. On a vraiment l’impression de vivre au milieu de ce commissariat avec leurs soucis, leurs problèmes et surtout, on a l’impression de les avoir côtoyés depuis toujours.

Si l’enquête parait étrange, le meurtre bizarre, on se dit que la partition qui parait simple est en fait bien compliquée. Le sujet avance surtout grâce à des dialogues très bien faits, qui servent aussi à positionner les psychologies des personnages, et c’est très bien fait ; je dirai même que cette justesse dans la peinture des psychologies humaines est la marque de fabrique de Elena Piacentini.

Et puis, il y a cette incursion dans le monde des arts. Personnellement, je suis une bille en peinture ou en sculpture, mais certains passages décrivant des œuvres d’art sont d’une beauté époustouflante. De même que le personnage de Leoni est d’une humanité attachante. Avec ce deuxième roman, Elena Piacentini signe une enquête policière empreinte d’humanité et de beautés qui lance cette série sur de bons rails.

Un Corse à Lille de Elena Piacentini (Ravet-Anceau)

Je l’annonce haut et fort, Elena Piacentini aura été l’auteure que j’aurais le plus lue cette année, avec l’inévitable Nadine Monfils. Les deux romans précédents, Le cimetière des chimères et Des forêts et des âmes, m’auront finalement décidé à remonter dans le temps, à acquérir puis lire les enquêtes du commissaire Leoni. Sauf que, cette fois-ci, je reprends tout depuis le début. Voici donc la première enquête du commissaire Leoni, nommé sobrement Un Corse à Lille, roman qui est paru chez Ravet-Anceau en 2008, et qui, sauf erreur de ma part, est malheureusement épuisé. J’en profite pour lancer un appel : rééditez le premier roman d’Elena Piacentini, s’il vous plait.

Le commissaire Leoni débarque à Lille après une mutation de Marseille. En même temps que lui, arrive sa grand-mère qui l’a élevé, Mémé Angèle. Entre eux, c’est l’amour filial que personne ne peut altérer. D’ailleurs, il est amusant de voir qu’ils se parlent en Corse quand ils se disent des mots d’amour. Pierre-Arsène Leoni débarque donc à Lille et est directement accueilli par des gens parlant ch’ti.

Il va faire connaissance avec son équipe, son adjoint cinquantenaire et bon vivant Baudoin Vangerghe, le lieutenant Casanova et bourreau des cœurs Thierry Muissen, le capitaine François de Saint-Venant qui est un prêtre défroqué marié et père de famille nombreuse, et le lieutenant et futur retraité Grégoire Parsky qui est un transfuge de l’armée. A cette équipe va venir s’ajouter une stagiaire Eleanore Martens, belle comme un cœur et fille de bonne famille.

Ils ne vont pas avoir l’occasion de faire connaissance bien longtemps, puisque deux affaires vont largement les occuper : Une belle jeune femme a été retrouvée assassinée dans un canal près des abattoirs. C’est probablement une prostituée mais malgré cela, Pierre-Arsène Leoni considère que cette affaire est aussi importante que les autres. Enfin, un chef d’entreprise retrouvé poignardé dans son bureau. Son corps comportait des inscriptions tracées sur le torse, et il avait été tué vraisemblablement ailleurs, étant donné le peu de traces de sang autour du corps. L’équipe de Leoni va être bien occupée.

Pour un premier roman, je dois dire qu’il m’a impressionné. Car c’est un roman policier dans la plus pure tradition, avec deux affaires principales, qui au-delà d’une intrigue fort bien menée, vient aborder des thèmes plus graves. Elena Piacentini aborde en effet le sujet de la prostitution de jeunes femmes, obligées de faire cela pour survivre, mais évoque aussi les enlèvements de ces jeunes femmes, peut-être pour pouvoir réaliser des snuff movies. Elle montre dans la deuxième enquête le monde des consultants en management, chargés d’éduquer les dirigeants inhumains et insensibles de certaines sociétés. A chaque fois, l’auteure ne prend pas partie, n’écrit pas un roman pour dénoncer, mais pour parler de sujets graves, ce que j’avais apprécié dans mes précédentes lectures.

Evidemment, le style est fluide, mais à ce point là, je dois dire que j’ai rarement eu l’occasion de lire un roman avec cette façon simple d’écrire une histoire et de la dérouler aussi facilement. Et ce qui fait la différence, c’est bien la façon d’aborder les personnages. L’auteure ne choisit pas forcément des noms faciles à retenir, mais elle met l’accent (avec subtilité) sur les personnalités, sur leur caractère. On a vraiment l’impression de vivre au milieu d’eux, et au bout d’un seul roman, de les connaitre depuis longtemps.

J’ai ainsi pu lire le premier roman de cette série, dont j’ai maintenant tous les volumes (merci Jean Michel Isebe), qui m’aura passionné puisque j’aurais mis à peine trois jours pour avaler ce polar de 450 pages environ. Tout juste pourrait-on reprocher que certains passages sont bavards, que l’auteure passe bien vite sur l’intégration d’un Corse parmi les gens du Nord, mais j’ai pour ma part été convaincu par ce roman, et il me tarde de lire la deuxième enquête de Pierre-Arsène Leoni, Art brut.