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Sadorski et l’ange du péché de Romain Slocombe

Editeur : Robert Laffont (Grand format) ; Points (Format poche)

Je m’étais fixé un objectif de lire, en cette année 2020, la première trilogie consacrée à Léon Sadorski (L’affaire Léon Sadorski, L’étoile jaune de l’inspecteur Sadorski, Sadorski et l’ange du péché) et donc voici mon avis sur le troisième tome. Pourquoi je parle de première trilogie ? Parce qu’il y aura une deuxième trilogie. La première se nomme La trilogie des collabos. La deuxième s’appelle La trilogie de la guerre civile et comprendra La Gestapo Sadorski (qui vient de sortir aux éditions Robert Laffont), L’inspecteur Sadorski libère Paris (à venir en 2021) et J’étais le collabo Léon Sadorski (prévu en 2023).

L’inspecteur principal adjoint Léon Sadorski, chef du Rayon juif à la 3ème section des Renseignements généraux et des jeux, n’en est pas à sa première bassesse. Dans son métier, traquer les juifs pour les arrêter est son quotidien. Et quand il tombe sur une vendeuse de lingerie fine à la Samaritaine, il en profite pour lui faire un chantage et lui demander de voler des dessous pour sa femme adorée Yvette.

Sauf que tout semble dérailler pour lui. Alors qu’au travail, il est chargé de trouver une jeune femme juive qui a passé la ligne de démarcation avec de l’or, il intercepte une lettre anonyme pleine de menaces envoyée à sa femme qui lui montre que Paris est en train de changer en cette année 1943. Une bonne raison pour lui de serrer la vis et de se donner à fond, tout en faisant très attention aux policiers véreux de son service.

Alors que les lettres de dénonciation se multiplient, la Gestapo montre à Léon une lettre demandant de saisir les biens des parents de Julie Odwak, la petite juive qu’il loge chez lui dans l’espoir de la séduire. Il s’arrange pour être présent lors de la perquisition et arrive à mettre la main sur le journal intime de Julie avant que les Allemands ne le prennent. Heureusement, ils ne s’intéressent qu’aux toiles peintes. Ce qu’il va y lire va le sidérer.

Troisième tome et le plus volumineux de la trilogie, ce Sadorski et l’ange du péché comporte toutes les qualités qui m’ont fait adorer les deux précédents tomes :

Le personnage tout d’abord, immonde salaud raciste qui, tel une bête traquant sa proie, n’hésite à user de toutes les bassesses et les violences pour arrêter les juifs. Plus aveuglé que jamais dans son travail, il apparait comme un combattant du Mal lancé dans une croisade personnelle aveugle, mis à mal voire dépassé par un extrémisme antisémite qui va plus loin que ses convictions. Et malgré ses contradictions, on le retrouve concerné par l’extermination des juifs, mais il faut bien dire qu’il place son bien-être et sa survie au dessus de toute autre considération. Car Sadorski est avant tout un égoïste. La complexité de ce personnage ignoble en devient fascinante.

Le contexte du Paris occupé qui est toujours reconstitué avec minutie, force détails et des descriptions d’une réalité confondante. L’immersion dans un autre temps (pourtant pas si lointain) est insérée à l’intrigue et donne un rendu véridique, d’autant plus que peu de romans ont décrit avec autant d’acuité frontale la vie des Parisiens à cette époque et leurs pensées, leurs penchants en faveur d’un écrémage contre les juifs.

Le contexte historique de cette année 1943 y joue un rôle primordial. Alors que la famine et les restrictions font rage, la vie quotidienne devient une course à la survie. Comme devant tout événement majeur, on y trouve des victimes et des profiteurs. Une des trames du roman tourne donc autour du marché noir et de toute une mafia qui se monte et qui profite de la situation. Et 1943 constitue aussi le tournant de la guerre, l’année où les Allemands subissent leurs premières défaites. Dans la tête des Parisiens, commence à s’allumer une lueur d’espoir. Enfin, ils sont persuadés que les Allemands ne sont pas là pour toujours.

L’inspecteur adjoint Sadorski, aveuglé par sa chasse aux juifs, va être confronté à plus fort que lui. Tout d’abord les tenants du marché noir, mais aussi la vérité sur la déportation des juifs. Il va recevoir des témoignages lors d’interrogatoires ou de discussions qui vont lui ouvrir les yeux et le placer face à un choix impossible à faire pour lui. Les conséquences vont engendrer une tension dans le roman et des passages violents, très violents, d’autant plus violents qu’ils sonnent justes.

Dans cette thématique, il va découvrir le Journal Intime de Julie Odwak, sa petite protégée juive. Il a réussi à le conserver en prétendant l’utiliser pour trouver des pistes sur des juifs. En réalité, alors qu’il espère des sentiments de sa protégée, il lit le calvaire, la torture que les Nazis font subir aux juifs tous les jours. Sorte de continuité du journal d’Anne Franck (en version romancée), ces longs passages sont passionnants mais ont tendance à être plus des parenthèses dans l’intrigue que des éléments la faisant avancer.

Et c’est un peu ce que j’ai ressenti lors de cette lecture. Elle est passionnante, prenante, intéressante, instructive, inédite, impressionnante mais il m’a manqué un fil directeur. A chaque tome de la trilogie, on a droit à toujours plus de pages, et je dois dire que j’y ai trouvé des longueurs, des pages qui n’apportaient rien de plus. Pas décevant, loin de là, mais trop bavard par moment.

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L’affaire Léon Sadorski de Romain Slocombe

Editeur : Robert Laffont (Grand Format) ; Points (Format Poche)

L’un de mes challenges de cette année 2020 est de lire la trilogie consacrée à l’inspecteur Sadorski. Après le génialissime Monsieur le Commandant, Romain Slocombe revient à une période noire de notre histoire, à savoir l’occupation pendant la seconde guerre mondiale, à Paris, avec un personnage fantastique.

Léon Sadorski est un vrai nationaliste, fidèle et œuvrant pour la grandeur de la nation, décoré de la Croix de Guerre 1914-1918. Âgé de 44 ans, marié à Yvette, il est Inspecteur Principal Adjoint à la 3ème section des Renseignements Généraux depuis 1941. Sa mission est de trouver des juifs en situation irrégulière et les communistes et de les transférer à Drancy, d’où ils seront envoyés en camp de travail ou camp de concentration.

Chaque jour, ce sont lectures des procès verbaux, descente sur le terrain pour enquête et écriture de rapports qui iront grossir les collectes d’information demandées par l’occupant. En ce 1er avril 1942, Sadorski lit un rapport sur 2 sœurs, Yolande et Marguerite Metzger qui semblent fricoter avec les Allemands. Leur nom suggère qu’elles soient juives. Il faudrait aller vérifier cela de plus près.

Puis, après déjeuner, leur tombe une nouvelle mission : aller contrôler un dénommé Rozinsky qui habite rue Mozart, au n°159. Sauf que ce numéro n’existe pas. Sadorski y voit une ruse et impose à son collègue Magne d’aller au n°59. C’est à cette adresse qu’ils trouvent le bonhomme, et le menacent. Rozinsky leur annonce être un diplomate, et Sadorski, en bon négociateur, récupère 5000 Francs en échange de son silence. Au passage il s’assure du silence de Magne en lui filant 1000 Francs.

En rentrant au bureau, Sadorski est convoqué par son chef, l’inspecteur principal Cury-Nodon. Ce dernier lui annonce qu’il est convoqué dès le lendemain chez le capitaine Voss, qui dirige les Affaires Juives à Paris, autrement dit la Gestapo. Sadorski s’y rend après une nuit agitée, ne comprenant pas ce qu’il a fait de travers.

Ce roman choisit délibérément de nous plonger dans cette époque trouble en nous mettant au premier un personnage nationaliste qui œuvre ou pense œuvrer pour le bien de la France. A force de la suivre, on s’aperçoit qu’il se contente surtout de suivre le plus fort et qu’il se persuade rapidement et facilement qu’il fait le bien. C’est surtout un homme faible qui se retrouve avec du pouvoir, un homme qui suit aveuglément les ordres et n’hésite pas à dire qu’il n’a rien fait de mal puisqu’il n’a fait que ce qu’on lui a demandé. Un bon soldat, en somme, comme il y en eut tant.

Au-delà de cette psychologie remarquable, j’ai adoré cette immersion dans le Paris de cette époque. L’auteur a su reproduire les ambiances et la vie d’alors avec une réelle justesse en parsemant de là des détails qui participent à notre voyage temporel. L’intrigue quant à elle est essentiellement composée de trois grandes parties qui sont la présentation du personnage, l’interrogatoire par la Gestapo à Berlin et enfin la résolution du meurtre de  Marguerite Metzger.

Si on peut regretter une intrigue faiblarde, on ne pourra que s’enthousiasmer devant ce personnage horrible et ignoble, tout en louant l’absence de scènes gore ainsi qu’une écriture d’une fluidité remarquable. D’ailleurs, la mise en garde en exergue de ce roman est suffisamment explicite pour montrer la raison de ce cycle : « Ni l’auteur, ni l’éditeur ne cautionnent les propos tenus par le personnage principal de ce livre. Mais ils sont le reflet de son époque, tout comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. Car « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». »

Ce roman est évidemment à lire, et à méditer dans nos temps troubles où on entend de plus en plus des propos inadmissibles, qui rappellent ceux d’une période noire que nous ne voudrions pas voir revenir. Le deuxième tome se nomme L’étoile jaune de l’inspecteur Sadorski et je vous en parle très bientôt.

Le chouchou du mois de mars 2019

Ça y est, on tient le bon bout. L’hiver s’éloigne, le printemps pointe le bout de son nez. Avec le soleil, le moral revient et l’envie de découvrir de nouveaux romans aussi. Mars, c’est aussi le mois du Salon du Livre de Paris et de Quais du Polar à Lyon (pour les salons que je visite cette année). Bref, ce ne sont que des bonnes raisons pour tourner les pages.

Commençons par mon premier coup de cœur de l’année : Né d’aucune femme de Franck Bouysse (Manufacture de livres). On connait l’auteur pour sa plume exceptionnelle de subtilité, sa faculté à créer de la poésie noire. Quand il se met au service d’une histoire universelle et magnifique, cela nous donne à lire l’un des meilleurs romans de cette année (à mon avis, bien sûr), et l’année ne vient que de commencer.

Vous devez être habitués maintenant : mon défi est de lire ou relire les romans relatant le combat entre Bob Morane et l’Ombre Jaune. L’épisode de ce mois se nomme La revanche de l’ombre jaune d’Henri Vernes (Marabout). Pour moi, c’est un épisode un cran en dessous des précédents, dont l’intrigue tire un peu en longueur. A suivre donc …

Il semblerait que l’un des sujets qui sortent en France en ce moment concerne le conflit entre les Blancs et les Noirs dans les années 60 aux Etats-Unis. Blanc sur noir de Kris Nelscott (Editions de l’Aube) nous plonge en 1968 à Chicago avec le personnage de Smokey Dalton, qui essaie d’élever son fils d’adoption loin des conflits raciaux. Un fruit amer de Nicolas Koch (De Saxus Editions) remonte un peu plus loin dans le temps, en 1963, en plein cœur du Ku Klux Klan dans une situation explosive. Voilà un premier roman à ne pas rater. Enfin, avec Manhattan chaos de Mickael Mention (10/18), c’est Miles Davis qui nous fait visiter New-York en 1973 mais aussi son esprit malade, paranoïaque et avide de drogue.

Et aujourd’hui alors ?

Bien que Franconville Bâtiment B de Gilles Bornais (Gallimard) date de 2001, il est d’une actualité impressionnante. La vie en banlieue n’a jamais été aussi bien traitée, montrée et déroulée dans un polar (à ma connaissance). Indubitablement, ce roman mérite d’être plus connu et probablement réédité.

La vraie vie d’Adeline Dieudonné (L’Iconoclaste) est auréolé du prix Goncourt des lycéens et ce roman qui raconte la vie d’une jeune fille qui veut sauver son monde malgré un père violent est formidable. Il est impossible de ne pas aimer ce roman, tant il regorge d’émotions en toute simplicité.

Les romans de Paul Colize se suivent et ne se ressemblent pas. Un jour comme les autres de Paul Colize (HC éditions) ne déroge pas à la règle. Cet auteur s’amuse avec son lectorat, quitte à le déstabiliser. Je ne m’attendais pas à un roman psychologique traitant de l’absence de l’autre ; je ne m’attendais pas à une plume si douce, si évidente, si subtile (comme le dit mon amie Jeanne D.). Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

En parlant de lecture dérangeante, Si belle mais si morte de Rosa Mogliasso (Points) se pose là : Le corps d’une jeune femme gît dans un parc en peine ville. Comment les gens vont-ils réagir ? Ne me dites pas que vous ne pouvez pas consacrer 2 heures à un tel sujet ? Jetez-vous sur ce roman et posez-vous la question : et moi ? Je vous donne juste un conseil : ne lisez pas la dernière page avant d’y être arrivés.

On connaissait cet auteur pour sa série humoristique Stan Kurtz, il nous revient avec Rafale de Marc Falvo (Lajouanie), un polar d’action classique mais pour autant extrêmement bien fait. Jusqu’au dénouement final, Marc Falvo nous malmène et finit par nous surprendre avec son personnage de naïf au grand cœur et son histoire fort bien menée.

Le titre de chouchou du mois revient donc à L’empathie d’Antoine Renand (Robert Laffont – La Bête Noire). Parce que malgré son contexte dur (la brigade du viol) et une histoire de criminel en série, l’auteur arrive à nous créer une galerie de personnages d’une force incroyable et des scènes d’une force émotionnelle intense. Il est rare que je décerne un titre de chouchou à un premier roman, mais ce roman-là le mérite haut la main.

J’espère que ce bilan vous aura été utile dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

L’empathie d’Antoine Renand

Editeur : Robert Laffont – La Bête Noire

Si Muriel n’avait pas autant insisté, je n’aurais jamais lu ce roman. Sauf peut-être parce qu’il s’agit d’un premier roman … quoique. La phrase d’accroche sur la couverture ne me disait rien. J’avais peur d’avoir affaire à un énième thriller, et le thriller, ce n’est pas ma tasse de thé. Eh bien, parfois, on a tort. Ce roman est fort, très fort, trop fort.

Alpha a voyagé dans le monde entier, et se retrouve aux Etats-Unis, pour quelque temps. Il a acquis un talent pour se déplacer sans bruit, pour grimper aux murs même sans aucune aspérité. Cette nuit-là, il entre dans un appartement et observe un couple en train de dormir. Le plaisir qu’il en retire lui ouvre une nouvelle perspective : il a tous les pouvoirs sur les gens, même celui de vie ou de mort. Cette révélation va guider sa vie. C’est dans son pays natal qu’il va pouvoir s’épanouir, la France.

Déborah est infirmière à domicile. Ce jour-là, elle visite un de ses clients et laisse entrer dans le hall de l’immeuble un livreur motard, affublé de sa combinaison en cuir et de son casque. Dans l’ascenseur, le motard sort un couteau et oblige la jeune femme à lui faire une fellation. Quand elle se rend au commissariat de police, pour déposer sa plainte, elle apprend qu’elle est la troisième victime de ce violeur en série.

Ce sont Anthony Rauch et Marion Mesny qui la reçoivent et lui annoncent la nouvelle. Ils sont capitaines dans un département de la Police judiciaire, « la brigade du viol ». L’affaire du motard violeur fait partie de leur quotidien. Quand on leur apprend le viol d’un couple avec une extrême violence, ils doivent se rendre compte qu’ils ont affaire à un criminel autrement plus dangereux.

Le fait que je fasse le résumé du début du roman est parfois trompeur et bien peu vendeur, étant donné les qualités de ce roman. Alors, oui, le roman commence comme un thriller, et il est agréable à suivre, surtout grâce à la fluidité du style et à cette faculté à créer des personnages intéressants, à commencer par Rauch, que l’on surnomme La Poire, pour son physique (je ne vous fais pas un dessin). Et petit à petit, Antoine Renand va complexifier non pas son intrigue mais la psychologie des personnages.

Il commence par le contexte, en créant des liens entre les personnages : Déborah a soigné le père de Rauch, gravement malade. Il décédera d’ailleurs tôt dans le roman. Puis, apparaît la mère de Rauch, Louisa, avocate à succès, prête à défendre l’indéfendable. Entre elle et son fils, ce sont des joutes verbales, deux pôles liés par un lien indestructible mais que tout oppose. Et puis, il y a cette relation étrange qu’entretiennent Rauch et Mesny, inséparables au travail, sorte d’amitié platonique empreinte de respect.

Avec toute cette galerie de personnages formidables, l’auteur aurait pu se contenter de construire son intrigue, en inventant des scènes fortes pour aboutir au duel final. Que nenni ! cela n’aurait donné qu’un thriller intéressant, au mieux bien fait. J’ai été impressionné et je dois le dire bouleversé quand Antoine Renand nous invite à revisiter le passé de ses personnages. Non seulement c’est très bien écrit et construit, mais cela donne en plus une épaisseur, un vécu, une histoire à ses personnages, qui, il faut bien le dire travaillent dans le glauque. Et c’est encore plus fort de les avoir créés avec un historique tel que c’est le département où Rauch et Mesny voulaient tous les deux travailler. Ces passages constituent pour moi le summum du livre, rajoutent des liens insoupçonnés, et nous offrent des scènes d’une terrible force émotionnelle.

Alors, il faut bien le dire, le roman aborde le cas de monstres. Il nous montre les terribles statistiques : « En France, 75 000 viols avaient lieu chaque année, soit 206 par jour ; 1 femme sur 6 serait victime d’un viol au cours de sa vie, ou d’une tentative de viol ; 80 % des victimes étaient bien entendu des femmes. La moitié de ces victimes l’était de façon répétée avec, dans 8 cas sur 10, un agresseur qu’elles connaissaient bien : un ami, ami de la famille, membre de la famille… Et tous les milieux étaient touchés, prolos comme bourgeois, anonymes comme grands de ce monde… Enfin et surtout, 90 % des femmes violées ne portaient pas plainte. »

Mais il aborde aussi bien d’autres thèmes tels que les relations père / mère / fils ou fille, la question de la justice, celle de la difficulté de ces flics, de la compassion, de l’empathie dont ils doivent faire preuve … ou pas. Antoine Renand ne prend que rarement position, préférant laisser la parole à ses personnages. Il dénonce par contre, les médias qui courent après les titres les plus attirants pour le grand public, pourvu que cela saigne. Et puis, au milieu de tout cela, il y a des hommes et des femmes, avec leur passé et leur présent, qui doivent faire leur boulot.

J’ai du mal à croire que ce roman soit un premier roman, tant tout y est construit avec beaucoup de courage et d’ambition, tant tout y est réussi. Je dois vous avouer qu’il y a des passages d’une force telle que j’ai raté quelques arrêts de bus, que j’ai aimé dévorer ce roman qui en dit tant et si bien. Antoine Renand fait une entrée fracassante dans le monde du Polar thriller et nous allons être nombreux à attendre son deuxième roman. Impressionnant !

Au passage, je remercie Muriel Leroy qui a fortement insisté pour que j’achète ce livre et que je le lise. Grâce à toi, j’ai passé un grand moment. BIZ

La chronique de Kris : Kaboul Express de Cédric Bannel

(Une enquête de Nicole LAGUNA et du Gomaandaan KANDAR)

Editeur : Robert Laffont – La Bête Noire

Il est impossible de rater Kris dans un salon … quoique l’on se soit raté à Lyon cette année. Je ne me rappelle plus si nous avons été en contact d’abord sur un salon ou sur un réseau social mais le fait est que c’est une personne avenante qui a toujours le sourire. Et pour moi, ça compte énormément. Sur le réseau social en question, je lis ses avis sur les livres qu’elle lit, souvent des polars, quelques thrillers, et j’y trouve une sincérité que je lui envie, une faculté à exprimer en peu de mots ce qu’elle ressent, et qui donne envie de lire le livre dont elle parle. Souriante et passionnée, ce sont les deux adjectifs qui me viennent à l’esprit, la concernant.

Je me rappelle, c’était à Saint Maur, lui avoir dit que le jour où elle voudrait publier un avis sur un roman qu’elle a adoré, je serais honoré de l’accueillir dans cette rubrique des invités de Black Novel. C’était il y a 3 ans … mais je suis patient. Je l’ai revu quelques fois après, lui rappelant ma proposition et elle me répondait qu’elle attendait le bon livre pour ça. Finalement, je suis heureux comme un gamin, car c’est elle qui est revenue vers moi pour me proposer son billet. Et c’est un putain de bon billet qui me donne envie de lire le roman de Cédric Bannel.

Que dire d’autre ? C’est un honneur pour moi de vous présenter l’avis de Kris :

J’ai découvert Cédric BANNEL avec « BAAD » et  sa connaissance  de l’Afghanistan m’a beaucoup marquée ! Je reprendrais ici ses propres termes que je trouve tout à fait appropriés « Il existe un autre Afghanistan que celui décrit par les médias » et « son » Afghanistan est de fait bien différent de tout ce que  peuvent nous asséner les médias.

Cette  nouvelle enquête policière autour de faits qui collent à l’actualité comme ce jeune Zwak, d’une intelligence supérieure, qui rejoint DAESH, la traque du qomaandaan KANDAR aidé de Nicole, une Commissaire française, ancienne de la DGSE et avec qui il a déjà mené plusieurs investigations, nous livre de nouvelles facettes de ce pays bien méconnu.

Il y a l’enquête policière, certes captivante mais qui  dévoilera  en réalité un beaucoup plus gros gibier puisque qu’elle se transformera en enquête antiterroriste (un vrai travail de fourmi). Ce « Kaboul Express » qui désigne un pick-up qui ne transporte que des Afghans d’Istanbul à la Syrie vous entraînera dans les contrées détenues par DAESH et apportera  un éclairage avisé sur leur mode de fonctionnement.

Et puis il ya le charisme du qomaandaan KANDAR (sniper hors pair), son épouse, gynécologue qui refuse le port du voile, l’entourage dévoué du qomaandaan, enquêteurs, gardes du corps qui sont marqués au fer rouge par cette guerre contre les talibans et puis  ce peuple  nomade, surprenant  par sa liberté de penser, tout un panel d’une population ignorée du monde occidental.

Mené tambour battant cette nouvelle enquête que nous sert Cédric Banel est d’une grande dimension humaine et c’est  à regret que j’ai tourné la dernière page.

Quatrième de couverture :

Zwak, Afghan, dix-sept ans et l’air d’en avoir treize, un QI de 160, et la rage au coeur depuis que son père a été une “victime collatérale” des Occidentaux. Devant son ordinateur, il a programmé un jeu d’un genre nouveau. Un jeu pour de vrai, avec la France en ligne de mire. Et là-bas, en Syrie, quelqu’un a entendu son appel… De Kaboul au désert de la mort, des villes syriennes occupées par les fanatiques de l’Etat islamique à la Turquie et la Roumanie, la commissaire de la DGSI Nicole Laguna et le qomaandaan Kandar, chef de la Crim de Kaboul, traquent Zwak et ses complices. Contre ceux qui veulent commettre l’indicible, le temps est compté.

Biographie de l’auteur :

Cédric Bannel est un homme d’affaires et écrivain français, né en 1966.

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), il a d’abord occupé des responsabilités à la Direction du Trésor du Ministère des Finances, au contrôle des investissements étrangers en France et au bureau des sanctions financières internationales (contre l’Irak et la Libye). Il a ensuite participé à plusieurs opérations d’ouverture du capital avant d’être nommé Attaché financier à l’Ambassade de France à Londres. Il a rejoint le groupe Renault-Nissan comme membre du Comité de direction financière et Directeur des relations financières, le plus jeune cadre dirigeant de Renault à avoir occupé de telles fonctions, et a participé activement aux rachats de Nissan, de Samsung Motors et de Dacia. Il a fondé en 2000 avec le soutien d’investisseurs institutionnels emmenés par le groupe japonais Nomura et par Renault le site Caradisiac.com, site d’information et d’intermédiation automobile qui s’est rapidement imposé comme le numéro 1 français devant E Bay motors et l’AutoJournal.fr. Caradisiac.com est devenue la première régie automobile sur Internet. Après avoir cédé Caradisiac.com au groupe Spir, Cédric Bannel l’a fusionné avec la Centrale des particuliers pour créer un des premiers acteurs du Web français. Il a ensuite intégré le fonds d’investissement britannique 3i comme Senior Partner (Coté à Londres, 3i est un des leaders mondiaux du Private Equity, spécialisé dans les opérations de Mid Capital en LBO). Depuis mi 2009, Cédric Bannel a lancé ses propres activités d’investissements.

Aux éditions Robert Laffont, Cédric Bannel a publié Le Huitième Fléau (1999), La Menace Mercure (2000), Élixir (2004) et L’Homme de Kaboul (2011). Son cinquième roman BAAD est paru en 2016 chez Robert Laffont – collection La Bête Noire. Ses romans sont traduits dans de nombreux pays.

Dompteur d’anges de Claire Favan

Editeur : Robert Laffont

J’ai déjà dit et redit tout le bien que je pense de Claire Favan, sa capacité à écrire des histoires marquantes, à créer des personnages incroyables et à nous prendre dans ses filets pour nous faire passer d’excellents moments de lecture. A chaque fois, ses romans sont différents, et encore une fois, Dompteur d’anges est une formidable réussite.

Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Max Ender est depuis sa naissance marqué d’une sorte de destin funeste. Quand il est né, sa mère Faye a vu son père Derek partir, arguant qu’il ne voulait pas d’enfant. Alors elle l’élève seule, courageusement. Quand un camion la fauche, Max se retrouve seul à gérer sa vie, alors qu’il a à peine 19 ans. Et comme il est gentil, les gens lui confient des petits travaux.

Il rencontre Kyle, le fils des Legrand chez qui il travaille. A 12 ans, Kyle est remarquablement intelligent et ils deviennent les meilleurs amis du monde. Alors que Max se blesse, Kyle propose de rentrer chez lui pour aller chercher des compresses. Kyle prend son vélo et se précipite, pendant que Max se rend chez Mme Briggs, son prochain chantier. Personne ne reverra Kyle.

La mère de Kyle appelle Max le soir. Elle est inquiète. Alors Max refait le chemin retour pour retrouver son ami. Il aperçoit un vélo caché sur le bas-côté de la route, et découvre le corps de Kyle. Il a été violé et assassiné. Max n’étant pas très cultivé, il fait figure de coupable idéal. La police ne cherche pas plus loin et l’envoie en prison. Mais en prison, on n’aime pas les violeurs d’enfants.

Max va subir les pires outrages, pendant plusieurs années. Et son histoire, il va la mettre sur le dos de son manque de culture. Il va lire des livres et des livres … jusqu’à ce que le véritable coupable soit trouvé et Max se retrouve dehors. Son calvaire, sa torture va devenir sa motivation : la société devra payer et ceux qui l’ont enfermé vont souffrir comme lui a souffert. Avec l’argent qu’il touche, il achète une caravane et rencontre Suzy. Son avenir, il le voit très simplement : il va élever des enfants dans la haine de la société. Pour cela, il va enlever Tom Porter, le fils d’un de ceux qui l’ont enfermé.

Construit en trois actes, nommés Dompteur d’anges, Frères de sang et Frères ennemis, ce roman est un excellent exemple de ce que Claire Favan est capable de nous écrire en termes de créativité de l’intrigue. Je ne vais pas vous le cacher longtemps, j’ai lu ce roman de 400 pages en 2 jours, et m’a presque fait passer une nuit blanche ! Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas été pris dans un engrenage si savamment dosé, accroché aux pages pour savoir comment cela allait se dérouler.

Si l’histoire commence avec Max Ender, comme je l’ai fait lors de mon résumé (qui ne couvre qu’une cinquantaine de pages, rassurez-vous), elle va vite s’orienter sur Cameron (le nouveau nom de Tom Porter, après son adoption par Max). Max va alors former, éduquer Cameron à devenir une arme contre la société, de façon à réaliser sa vengeance, qui prend ici une dimension inédite.

Si la vengeance est bien le thème central du début du livre, la question qui est posée par Claire Favan est bien celle de l’éducation de nos chères têtes blondes. En grossissant le trait, parce que nous sommes dans un roman, Claire Favan nous montre comment on peut créer des monstres, ou des antisociaux. Et le lecteur que je suis, qui a depuis belle lurette éteint sa télévision pour ne pas subir les programmes débilitants, a fortement apprécié ces questionnements.

Le début du livre est donc dur, psychologiquement parlant, bien sur. Car en plus de nous placer face à ce débat, Claire Favan place ses personnages dans une situation ambigüe, et les rend attachants, ou du moins suffisamment pour que l’on se pose en juge. Evidemment, cela n’est possible que parce que les personnages sont encore une fois formidables et les situations potentielles possibles. Et surtout, logique. L’enchainement des rebondissements est un pur plaisir, et il y en a tellement qu’on est pris par la narration pour ne plus s’arrêter, d’où ma nuit presque blanche.

La suite du roman est à l’avenant : nous sommes questionnés sur les relations fraternelles, sur la culpabilité, sur les erreurs de la justice, sur la subjectivité des gens, sur les couleuvres qu’on nous fait avaler à longueur de la journée. Et tout cela dans un roman à suspense, un parfait page-turner, qui ne vous laissera jamais tranquille. Même lors du dernier chapitre, on se demande si cela va se terminer bien ou mal.

Voilà, voilà. Vous trouverez tout cela et même plus dans ce roman. Vous l’aurez compris, Claire Favan est incontournable dans le paysage polardeux français, et avec ce roman, elle a écrit une fois écrit un fantastique thriller (dans le bon sens du terme). Et jusqu’à maintenant, en ce qui me concerne, elle a réalisé un sans fautes ! Terrible, ce roman !

Brutale de Jacques-Olivier Bosco

Editeur : Robert Laffont – La Bête Noire

C’est avec un grand plaisir que je vous présente le tout dernier Jacques-Olivier Bosco, dit JOB. Et quand on attaque un livre de JOB, il vaut mieux avoir la santé, car ça va vite, très vite. Place à l’action !

Quatrième de couverture :

Elle est jeune. Elle est belle. Elle est flic. Elle est brutale.

Des jeunes vierges vidées de leur sang sont retrouvées abandonnées dans des lieux déserts, comme dans les films d’horreur. Les responsables ? Des cinglés opérant entre la Tchétchénie, la Belgique et la France. Les mêmes qui, un soir, mitraillent à l’arme lourde un peloton de gendarmerie au sud de Paris.

Que veulent-ils ? Qui est cet « Ultime » qui les terrorise et à qui ils obéissent ?

Face à cette barbarie, il faut un monstre. Lise Lartéguy en est un. Le jour, elle est flic au Bastion, aux Batignolles, le nouveau QG de la PJ parisienne. La nuit, un terrible secret la transforme en bête sauvage. Lise, qui peut être si douce et aimante, sait que seul le Mal peut combattre le Mal, quitte à en souffrir, et à faire souffrir sa famille.

Mon avis :

Je connais peu d’auteurs qui œuvrent sur le créneau du roman d’action pure. Je connais encore moins d’auteurs qui le font avec un tel talent. Comme je le disais plus haut, quand on ouvre un livre de JOB, il vaut mieux être en bonne santé, et se préparer à un sprint. Avec Brutale, le sprint va durer 400 pages, dans une course effrénée contre des monstres qui, je l’espère, n’existent pas et n’existeront pas.

Il ne faut pas chercher de message dans ce livre, mais pour autant, on y retrouve les mêmes thèmes qui sont la justice ou l’injustice, et la vengeance expéditive. Le personnage qui va incarner ces thèmes se nomme Lise Lartéguy. Depuis sa plus tendre enfance, elle a des accès de violence qui mettent en danger ses proches. Grace à son père, elle entre dans la police et s’avère être une enquêtrice chevronnée mais totalement hors contrôle. Et lors de ses accès de rage meurtrière, elle devient aussi féroce et mortelle que les ennemis qu’elle pourchasse.

Et c’est parti pour 400 pages de folie. JOB maitrise parfaitement le sens du rythme, alternant les scènes d’action effarantes avec des pauses fort bien venues où il peut approfondir la psychologie de ses personnages. Cela donne un livre que l’on ne peut pas lâcher de la première à la dernière page. Je peux vous garantir qu’il y a des scènes d’action dans ce roman qui sont tout simplement époustouflantes, tout cela grace à ce style si évocateur et visuel et aussi grace à cette faculté de ne dire que ce qui est nécessaire.

Il faut tout de même ajouter que le but des romans de Job n’est pas d’être toujours crédible. Les méchants sont très méchants, les innocents sont gentils. Les traits sont grossis à la limite de la caricature, comme ce que fait Tarantino au cinéma. Et quand il nous lance dans le feu de l’action, la lecture est tout simplement jouissive. J’y ai juste trouvé quelques indices qui tombent du ciel pour guider Lise dans sa quête et j’ai trouvé cela dommage.

Par contre, j’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver un personnage que j’aime beaucoup (le Cramé) ainsi que Mako (hommage à Laurent Guillaume), croisés au fil des pages. Et puis, j’y ai trouvé une bande son qui me parle, essentiellement rock (AC/DC, Unwalkers, U2 …) ou bien faite de bruit et de fureur, avec quelques passages de douceur dont Amy Winehouse. Cela donne aussi le ton de ce livre, qui alterne entre action et calme et qui procure une sensation de passer du bon temps. De la bonne vraie littérature divertissante et populaire, quoi !

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude

Le chouchou du mois de février 2016

Corrosion Serre moi fort

Petit mois, petit nombre de chroniques. Vous voilà prévenus. Il n’y aura donc eu que 8 romans chroniqués … et encore ! puisque dans ce nombre, j’ajoute un roman lu par mon invitée préférée. Pas terrible comme score, ou comme ils disent dans Scènes de ménage (Nota : Série de sketches qui passe sur M6 à 20H15 en semaine) : « Tu déclines, Pierre, tu déclines ». Soit, je décline. Mais il y eut quand même de quoi et même de quoi bien lire.

Commençons donc par les auto-proclamés Best Sellers.

Si vous aviez prévu de faire l’impasse sur le dernier Paul Cleave, qui s’appelle Un prisonnier modèle (Sonatine), je crains bien qu’il vous faille changer d’avis. Suzie nous (vous) a décrit dans le détail pourquoi elle avait adoré ce roman et sa fin surprenante. Au bout du compte, je pense que cet auteur vient de se faire une nouvelle fan.

Nous continuerons avec Promesse de Jussi Adler Olsen (Albin Michel) . C’est le troisième tome des enquêtes du département V que je lis, et je dois dire que j’y prends toujours beaucoup de plaisir. C’est bien écrit, logique de bout en bout, et la fin vous laissera pantois devant tant d’imagination.

Si vous êtes un peu limités du coté du porte-monnaie, vous pouvez vous tourner vers des moyens formats. Les deux que je vous ai proposé ce mois ci sont sortis chez Ombres Noires. Pour ma part, j’ai préféré Châtié par le feu de Jeffery Deaver que La cavale de l’étranger de David Bell. A vous de faire votre idée.

Du coté des curiosités, Psychiko de Paul Nirvanas (Mirobole) vaut son pesant d’or. A travers l’histoire d’un jeune homme riche en recherche de sensations, l’auteur signe une charge de la société grecque sans avoir l’air d’y toucher. Ça m’a beaucoup fait penser à Candide de Voltaire, c’est vous dire le niveau ! A oui, juste un mot de plus : le roman date de 1928. J’ai aussi été surpris par Léo tout faux de Claude Richard (Editions Territoires Témoins). Sur la base d’un casse basé sur des détournements de virements bancaires, l’auteur en fait un roman basé sur les caractères (forts) de ses personnages. Un très bon scenario avec des dialogues nombreux et truculents.

Du coté des auteurs que je défends, sur Black Novel, La vérité sur Anna Klein de Thomas H.Cook (Points) m’a encore enchanté par sa subtilité même si je ne suis pas un fan de romans d’espionnage romantiques. Mais les ambiances, les rebondissements et les intrigues sont nombreux. De même, Les sentiers de la nuit de Gilles Vidal (Jasmin noir) m’a enchanté parce que c’est un roman fort avec des personnages formidables. Et les thèmes abordés, esquissés ont une certaine résonance pour moi.

J’ai passé des jours et des jours à essayer de choisir entre les deux derniers. Et j’ai fini par me dire : « Et puis merde ! S’ils doivent être deux, ils seront deux ! ». Ils sont donc deux à se partager la palme. Ils sont très différents mais ils ont un point commun : ce sont deux romans émotionnellement forts. Corrosion de Jon Bassoff (Gallmeister) vous plongera dans l’esprit de deux malades de façon extrêmement prenante. Serre moi fort de Claire Favan (Robert Laffont) jouera sur vos nerfs, sur votre résistance à des situations de la vie commune, avec un scenario, un style et des revirements de situations parfaits. Bref, ces deux romans, je vous le dis, c’est du tout bon !

Je vous donne rendez-vous le mois prochain. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Serre-moi fort de Claire Favan (Robert Laffont – La Bête Noire)

Cela fait un petit moment que je lis les romans de Claire Favan. Même si ses romans seraient plutôt à classer dans la catégorie Thriller, ce que j’adore dans ses romans, c’est l’aspect psychologique de ses personnages, cette écriture si juste qui nous met à la place de ses protagonistes. Disons le tout de suite, et ne tournons pas autour du pot, ce roman est, à mon avis, son meilleur à ce jour.

Pour résumer mon ressenti, je vais juste faire une métaphore. Ce roman est construit en trois parties et je dois dire que chacune est différente de l’autre. Mais chacune m’a fait le même effet. Car avec la première partie, je me suis pris une belle baffe dans la gueule, une bien envoyée, une belle droite. Avec la deuxième partie, le démarrage fut plus lent, avant de m’en prendre une deuxième de baffe, une belle gauche, qui m’a donné envie de vomir. Mais comme je ne suis pas homme à me laisser abattre, j’ai attaqué la troisième partie et Claire Favan m’a achevé. Car c’est bien connu, quand on se prend deux baffes, il ne nous reste plus qu’à baisser la tête et attendre le couperet.

Je ne vais pas dévoiler l’intrigue, donc je ne parlerai pas de la troisième partie. Mais revenons sur la première : en scène, une famille américaine tout ce qu’il y a de plus normale, un couple, John et Gina Hoffman. Tout débute un soir d’aout 1994, quand la mère demande à son fils Nick s’il n’a pas vu sa sœur Lana. Elles devaient se donner rendez-vous dans un centre commercial pour faire les magasins. Lana n’est pas venue. Inquiétude … puis disparition. La police cherche, Nick observe, assiste impuissant à la déchéance de ses parents qui restent sans réponse. Sa mère s’abrutit de calmants, son père plonge dans l’alcoolisme, et Nick est obligé de tenir ou retenir une maison qui s’effondre. Avec des chapitres courts, un style plus épuré que jamais et d’une justesse impressionnante, cette partie écrite à la première personne avec Nick en narrateur est un pur joyau. C’est prenant, c’est impressionnant … jusqu’à la première baffe monumentale sur la dernière ligne de cette putain de première partie !

La deuxième partie démarre en mai 2014 en Alabama. Deux gamins Callum et Darren s’amusent à faire peur au petit frère de l’un d’eux, Sean. Malheureusement, Sean tombe dans une crevasse. Ils découvrent une grotte, dans laquelle sont allongés des dizaines de corps de jeunes femmes, un véritable charnier. La priorité pour Alan Gibson est de trouver l’identité de ces jeunes femmes dont le corps s’est remarquablement bien conservé grâce aux conditions de température et d’humidité de la grotte. Toutes ont été étranglées mais pas violées. Si on peut imaginer une enquête sur un Tueur en série classique, le personnage du flic Adam Gibson est plus complexe qu’il n’y parait. Sa femme vient de mourir d’un cancer, ses enfants adolescents lui en veulent d’avoir laissé mourir leur mère. Harcelé entre ses enfants et sa peine, il s’enferme dans son travail tout en essayant de respecter ses devoirs de père. Jusqu’à la deuxième baffe …

Ce qui est terrible dans ce roman, c’est que Claire Favan prend des gens comme vous et moi, et qu’elle les place dans des situations dramatiques qui ne peuvent que nous émouvoir. Pour autant l’auteure ne cherche pas à nous tirer les larmes, mais bien à s’amuser avec nos nerfs, après nous avoir gentiment décrit le contexte et caressé dans le sens du poil. L’effet est saisissant, impressionnant, presque vicieux, car en tant que lecteur, j’ai aimé ça, cette torture volontaire. Je dois être un grand malade, en fait.

Surtout, Claire Favan s’est surpassée dans ce roman, puisqu’elle a su être plus efficace, plus concise dans son style, tout en gardant ce talent de peindre de façon si juste les émotions humaines. Le résultat est sans appel : ce roman fait mouche. Et je trouve que c’est le meilleur roman de Claire Favan à ce jour, un roman immanquable, fort, qui ne peut que vous faire vibrer, trembler, m’a effaré, horrifié. Un thriller psychologique impeccable.

Couleur Champagne de Lorraine Fouchet (Robert Laffont)

Dans le cadre de l’élection du meilleur polar français du site Confidentielles.com, dont j’ai la chance de faire partie, voici un roman aux allures de chroniques familiales avec une enquête qui s’étale sur plusieurs dizaines d’années.

En 1851, Eugène Mercier, un jeune garçon de treize ans, va voir sa vie chamboulée en quelques  semaines. Alors qu’il a de plus en plus de mal avec son statut de fils naturel, puisqu’il est élevé par sa mère seule. Ses deux meilleurs amis vont le quitter, Paul va aller au collège de Reims et Antonin va devenir apprenti chez son père. Le dernier jour de classe, Eugène et Paul apprennent la mort d’Antonin, qui ne s’est jamais remis du cholera qu’il a contracté durant l’hiver.

Une nuit, le père de Paul est retrouvé assassiné dans son bureau. Lors d’un repas de famille auquel Eugène est convié, Paul est accusé par son frère Pierre d’avoir tué leur père. Leur mère répudie alors Paul et l’envoie chez leur oncle aux Etats-Unis. Eugène, à cause de cet exil, va se retrouver seul et commencer son journal intime. Eugène va se fixer trois objectifs dans sa vie : démocratiser le champagne, trouver le tueur du père de Paul et découvrir l’identité de son véritable père.

1970, Mary Robinson apprend que le corps de son père, disparu depuis plus de 30 ans, a été retrouvé dans les caves Mercier. Il a été assassiné, la nuque brisée. Il y a 30 ans, elle l’avait attendu le jour de son anniversaire, car il lui avait promis un voyage en dirigeable. Cette cicatrice est toujours ouverte pour Mary qui va essayer de découvrir qui l’a tué et ses relations avec la France et le champagne.

Passons sur ce qui m’énerve un peu : la mention Best seller sur la couverture a tendance à me hérisser le poil. Afficher ce que les gens doivent acheter, ça a tendance à me rebuter. Donc, j’ai commencé la lecture avec des aprioris négatifs, puis je me suis laissé prendre par le style fluide l’auteur et par sa construction à la fois ingénieuse et non linéaire.

C’est donc un roman que j’ai pris plaisir à parcourir, car Lorraine Fouchet privilégie ses personnages, et nous immerge par de petits détails qui nous immergent dans les différentes époques. Elle aurait pu nous asséner de longues descriptions, elle a préféré faire dans le léger, par petites touches, et cela donne d’autant plus de plaisir.

Dans ce roman, on va alterner entre l’enquête de Mary et ses découvertes sur des secrets de famille et le journal intime de Eugène Mercier. Les chapitres sur le journal intime, créé de toutes pièces par l’auteur deviennent tout simplement passionnants tant tout sonne vrai et juste. Et comme Eugène Mercier est un aïeul de l’auteur, le lecteur que je suis est admiratif devant l’hommage rendu envers une personne qui aura marqué à la fois sa famille mais aussi le monde entier. Cet ouvrage qui m’a fait passer un bon moment est tout de même à réserver aux adeptes de sagas familiales, et qui ne recherchent pas de suspense à outrance ou de mystères insolubles.