Archives du mot-clé Roman policier

Ce n’est qu’un début, Commissaire Soneri de Valerio Varesi

Editeur : Agullo

Traducteur : Florence Rigollet

Chaque année, je retrouve le Commissaire Soneri comme on rencontre un vieil ami. Lors de cette rencontre, nous devisons sur divers sujets qui bien évidemment dévient sur des sujets contemporains. Avec son air désabusé, il fait montre d’une lucidité remarquable et nous parle ici d’héritage.

Soneri regarde la pluie tomber sur Parme quand Juvara, son adjoint vient lui annoncer la découverte d’un corps. L’homme, retrouvé pendu avec une ceinture, a réussi à sectionner les barbelés enfermant le chantier et pénétrer dans ce lieu peu fréquenté avant de se donner la mort, qui remonte au moins à douze heures. Le problème qui se pose à Soneri est de découvrir son identité puisqu’aucun papier n’a été trouvé.

« Les suicidés sont beaucoup plus clairvoyants qu’on le croit. »

En sortant, Soneri voit une dépanneuse manœuvrer pour emmener une Vespa Primavera 125. Le petit scooter a été trouvé près d’un camp de Roms. Dans la valise du mort, Juvara y trouve des habits de marque. Alors qu’il déjeune avec son ami Nanetti, le téléphone vient les déranger : un homme vient d’être assassiné devant chez lui de 23 coups de couteau, pendant que sa compagne prenait sa douche.

« Les hommes vieillissent mieux que les motos. »

Franca Pezzani les reçoit en état de choc. Elle a entendu l’interphone de la porte, puis plus rien. Quand elle s’est inquiétée, elle est allée voir et a trouvé son mari mort, poignardé. Quand elle donne son nom, Guglielmo Boselli, Soneri se rappelle son surnom, Elmo, l’un des leaders du Mouvement Etudiant de 1968. Pourtant, pour lui, Elmo s’était rangé des affaires politiques. Bizarrement, la Vespa s’avère appartenir à Elmo ; la déclaration de vol date de 34 ans !

« Malheureusement, on a tendance à embellir tous nos souvenirs. La mémoire les arrange. »

Dans chaque roman, Valerio Varesi nous parle d’un aspect de la société avec un recul et une lucidité impressionnante, et propose sa vision avec plusieurs années d’avance. Il faut se rappeler que la série a commencé a être publiée en 2003 et montre des aspects dont on retrouve les conséquences aujourd’hui. Si on répertorie les romans sortis en France par rapport aux dates de publication italienne, on trouve :

Le Fleuve des brumes (2003) : Métaphore entre le Pô et l’état de l’Italie

La pension de Via Saffi (2004) : Regrets vis-à-vis de ses propres erreurs passées

Les ombres de Montelupo (2005) : Les erreurs sur le mauvais jugement de son père

Les mains vides (2006) : Le Nouveau Monde a choisi une idole unique : l’argent

Or, encens et poussière (2007) : La fracture entre les pauvres et les riches

La Maison du Commandant (2008) : Le rejet des étrangers et leur statut de boucs émissaires

La Main de Dieu (2009) : La place de la religion dans la société moderne

« le problème n’est pas tant la mort des autres, mais la part de nous-mêmes qui meurt avec eux. »

Ce roman est sorti en 2010 et aborde le sujet des révoltes communistes des années 60 et de l’héritage à la fois sur la société mais aussi, d’une façon plus intime, sur les conséquences des enfants des leaders. On y trouve une réflexion d’un des personnages interrogés qui dit, (je paraphrase car je n’ai pas retrouvé le passage exact) : Les communistes ont créé le bordel, et les gens veulent des règles, de l’ordre. Il n’est pas étonnant que le peuple se tourne vers l’extrême-droite qui leur promet de la discipline.

« Tout est bon à prendre, surtout quand on n’a rien. »

Quand on voit la situation actuelle de l’Italie, on mesure l’aspect visionnaire de Valerio Varesi. Avec son air débonnaire, son art de l’interrogatoire, où il laisse parler les gens mais sait les provoquer au bon moment, Soneri va réussir à démêler cette pelote de laine bien complexe en nous parlant de nous, en nous mettant en garde. Et après avoir tourné la dernière page, je me suis senti plus serein après ma discussion avec mon ami Soneri. On se donne rendez-vous l’année prochaine, bien entendu ! 

«  – Qu’avons-nous à voir avec la politique et tout ce qui s’ensuit ? se récria Coriani
– Rien, rien …, répéta Soneri, déçu et rempli d’amertume. Nous, on est seulement là pour ramasser les morceaux. »

Publicité

Le sang de nos ennemis de Gérard Lecas

Editeur : Rivages

On a peu l’habitude de voir Gérard Lecas sur les étals des libraires, et j’avais découvert sa plume avec Deux balles, un court roman au style coup de poing paru chez Jigal. Changement de temps, changement de décor, nous voilà transportés à Marseille en 1962.

Juillet 1962. Alors que l’Algérie vient d’accéder à son indépendance, de nombreux réfugiés débarquent dans le port de Marseille. Ils se retrouvent rejetés de toutes parts, expulsés de leur pays de naissance et détestés par les marseillais. La situation politique n’est pas plus calme : L’OAS devant cet échec envisage des actions terroristes sur le sol français et devient la cible du SAC, le service armé du Général de Gaulle. Le paysage civique se retrouve aussi scindé entre communistes et extrême droite, entre résistants et collaborateurs ; Gérard Lecas situe donc son roman dans un lieu et une période explosive.

Le ministère de l’Intérieur décide de nommer Louis Anthureau à la police criminelle de Marseille, surtout par reconnaissance pour son père qui fut un résistant émérite aujourd’hui décédé et dont la mère à disparu. Il a en charge aussi de surveiller Jacques Molinari, un ancien résistant cinquantenaire proche de l’extrême droite. Ces deux-là ressemblent à s’y méprendre à une alliance du feu avec de l’eau.

Louis assiste à une fusillade sur un marché et reconnait Jacques parmi les assassins, mais il décide de ne rien dire. Il ne sait pas que Jacques joue sur plusieurs tableaux, de l’OAS à l’extrême droite en passant par les parrains locaux qui veulent monter un laboratoire d’affinage de drogue avec plusieurs centaines de kilogrammes en transit. Louis et Jacques vont devoir faire équipe sur une enquête compliquée : un maghrébin a été retrouvé avec un jerrican à coté plein de son sang. 

Voilà typiquement le genre de roman que j’adore. Je trouve que peu de romans traitent de cette période mouvementée alors que c’est un décor idéal pour un polar. Alors il faudra de l’attention pour bien appréhender les différents personnages et les différentes parties mais j’ai trouvé cela remarquablement clair, et le mélange entre les personnages réels et fictifs m’a semblé parfait.

On ressent à la lecture le savoir-faire d’un grand scénariste, tant les événements vont s’enchainer sans que l’on puisse réellement déterminer jusqu’où cela va nous mener. Devant toutes les factions en lutte, Louis et Jacques sont montrés beaucoup moins monolithiques et plus complexes qu’il n’y parait. Personne n’est tout blanc ou tout noir, ni gentil ni méchant. Un véritable panier de crabe dans une situation inextricable dont je me demande toujours comment on sen est sorti ! Et je suis resté béat d’admiration devant les dialogues justes et brillants. 

L’intrigue va se séparer en trois : Les meurtres de maghrébins, la recherche de la mère de Louis et la recherche du chargement de drogue qui a été dérobé. Ceci permet de montrer la lutte politique et policière en œuvre dans cette région qui ressemble à s’y méprendre à un baril de poudre où la mèche a été allumée depuis belle lurette. Avec ce roman, Gérard Lecas nous offre un roman bien complexe, bien passionnant, bien costaud, bien instructif. Le sang de nos ennemis est clairement à ne pas rater pour les amateurs d’histoire contemporaine.

Rue Mexico de Simone Buchholz

Editeur : L’Atalante – Fusion

Traductrice : Claudine Layre

Il y a un certain nombre de personnages récurrents que je suivrais au bout du monde. Parce que ce personnage de Chastity Riley possède sa propre vie et nous parle de notre société, de façon rude, juste et lucide.

Une voiture a brûlé à Hambourg, à City-Nord. Rien d’étonnant à cela, cela arrive à Hambourg et n’importe où ailleurs dans le monde. Chastity Riley a été appelée ce matin, car cette fois-ci, il y a un corps dans la Fiat fermée à clé. Le jeune homme est transporté dans un état critique, après avoir inhalé des gaz toxiques pendant plus de dix minutes. Effectivement, il ne passe pas la journée.

La carte grise dénichée dans la boite à gants est au nom de Nouri Saroukhan. L’hôpital déniche les papiers de la victime qui confirme son identité, né à Brême, résidant à Eimsbüttel dans les immeubles du Grindel. Autour d’un café dégueulasse, Chastity et son collègue Ivo Stepanovic aperçoivent quelqu’un qui les épie d’un toit. Quand ils s’y rendent, il est trop tard pour l’appréhender.

Un groupe de travail est formé et les informations sur Nouri Saroukhan tombent : Il a interrompu ses études de droit et est employé par une compagnie d’assurances ; il fait partie du clan Saroukhan, qui détient tous les trafics imaginables de Brême. Les origines du clan sont à chercher dans la communauté Mahallami, une tribu ottomane apatride. Chastity et Stepanovic vont enquêter à Brême.

Quatrième enquête de Chastity Riley, quatrième pur plaisir de lecture ! Quel fantastique personnage que cette procureure qui promène son mal-être personnel et professionnel au long de ces romans courts, comme des uppercuts fatals. Derrière un style simple, se cache une salve d’émotions et un souci d’efficacité qui créé un besoin viscéral de la suivre dans ses enquêtes liées à des faits de société.

Car on ne peut que craquer pour ses mésaventures privées tant elle montre dans sa narration une honnêteté, une mise à nu, une crudité vraie. Et on ne peut que la suivre dans ses enquêtes qui montrent à chaque un problème de société sans jamais juger mais en posant clairement un problème, souvent insoluble, toujours dramatique, qui heurte la parcelle humaniste qui se rebelle en moi.

Simone Buchholz aborde le sujet de l’immigration, et le conflit de civilisation en montrant ce clan sans territoire, dédié à la protection de l’empire ottoman. Ultra violent et se basant sur la protection de la tribu, les Mahallami n’ont aucun sentiment humain autre que la survie des siens. Ils n’adoptent aucun précepte de la civilisation occidentale dite civilisée et ne croient qu’en la violence pour gérer les conflits. Je ne vous parle même pas de la façon dont sont traitées les femmes, simples monnaies d’échange pour calmer une bataille entre deux clans.

Loin de prendre position, Simone Buchholz, fort intelligemment, préfère poser les faits tels qu’ils sont, vieux de plusieurs centenaires, et nous déroule une histoire d’amour à la façon de Roméo et Juliette. Et son minimalisme stylistique fait mouche et nous tire des larmes dans la scène finale, nous faisant soupirer de façon bien fataliste. Cette quatrième enquête est à nouveau fantastique.

Je vous rappelle les enquêtes de Chastity Riley :

Quartier rouge (Piranha éditions)

Nuit Bleue (L’Atalante – Fusion)

Béton Rouge (L’Atalante – Fusion)

Itinéraire d’un flic saison #2 de Luis Alfredo

Editeur : Ska (Format numérique) ; Horsain (Format papier)

A l’origine, les enquêtes du commandant René-Charles de Villemur sont publiées chez Ska sous la forme de novellas, et regroupées par lot de cinq pour former des « saisons ». Les voici maintenant disponibles en format papier chez Horsain. J’avais adoré la saison #1, et je trouve le même plaisir de cette plume érudite dans ces cinq nouvelles enquêtes.

Téléréalité :

Alors qu’il se morfond chez lui, suite à la mort de son amant Christian, le commandant René-Charles de Villemur est instamment demandé sur le plateau télé d’une émission qui s’appelle Dwelling, consistant à enfermer de jeunes gens dans un luxueux château. Une des candidates a été retrouvée dans les toilettes avec un couteau planté dans le cœur. René-Charles et Octave vont devoir démêler ce mystère dans un lieu truffé de caméras dont le mot d’ordre est d’augmenter la courbe d’audience.

Artransgression :

Le commandant René-Charles de Villemur se retrouve confronté à une affaire particulière : un homme nu est retrouvé pendu avec une balle dans la tête dans la chambre d’une prostituée qui se fait appeler Catwoman sur les réseaux spécialisés. La dénommée Catwoman a elle-même été abattue dans l’entrée. La situation se complique quand René-Charles et Octave connaissent l’identité de l’adepte des plaisirs sadomasochistes, un notable du nom d’Antoine-Albert de Thiers propriétaire de la galerie d’arts modernes Artransgression.

Antispéciste :

Le tableau offert au commandant René-Charles de Villemur n’est guère appétissant. Une camionnette a enfoncé la vitrine de la boucherie « L’eau à la bouche », dont le propriétaire se nomme Pierre Tournefier. Ce cher artisan boucher a même été retrouvé dans sa chambre froide, suspendu à une esse, recouvert de sang et flingué comme les animaux qu’il vend tous les jours d’une balle dans la tête. Ses altercations récentes avec les antispécistes justifient-elles cette mise à mort ?

La baigneuse :

Une vitrine de magasin de sous-vêtements affriolants arrachée, Madame Delêtre retrouvée noyée dans son bain, voilà les événements auxquels le commandant René-Charles de Villemur et son adjoint Octave vont être confrontés. Le communinqué de presse envoyé aux journaux revendique l’arrêt de la chosification de la femme et est signé le Women’s Social and Political union.

Biodiversité :

Michaël Blanchard, dirigeant de l’association Horizon Objectif a été retrouvé tué dans les bois pyrénéens. Bizarrement, la gendarmerie demande l’aide de la police criminelle. René-Charles de Villemur va devoir donner un coup de main à son gendarme de frère détesté, Dieudonné de Villemur. Heureusement Petit-Louis a tout vu …

Mon avis :

Quel plaisir de retrouver ce personnage hors-norme, entouré de ses collègues et amis. Après une saison #1 avec cinq enquêtes criminelles, voici la saison #2 que je trouve encore meilleure. Je dois dire que l’idée d’avoir créé ce personnage de René-Charles de Villemur, décalé par rapport à notre société « moderne » est une riche idée pour évoquer des sujets actuels qui vont, ici, de la télévision poubelle aux extrémistes en passant par l’art abstrait.

René-Charles de Villemur, cinquantenaire affublé de son chapeau mitterrandien et son nœud papillon, fumant ses cigarettes mentholées le matin avant de passer au tabac brun puis au cigare en fin de journée, arborant son « Bonjour Citoyen» et affichant le journal L’Humanité, détonne dans un monde capitaliste, courant après toujours plus de profits. D’ailleurs, les solutions aux mystères répondent presque toujours aux gains pécuniaires ou à l’amour.

Dans cette saison #2, outre la résolution des enquêtes toujours bien faites, nous y trouvons un certain nombre de nouveautés. Octave, son adjoint, y apparait plus présent et participe activement aux enquêtes. Nous trouvons René-Charles par moments désespéré mais surtout désenchanté devant ce qu’il voit, et toujours adepte de bonne chère. Et j’adore son humour cynique surtout quand il doit aider contre sa volonté son frère détesté.

Enfin, on retrouve ce style inimitable, usant volontairement de tournures surannées (« Il n’est pas messéant de tenir en suspicion un pâtre quinteux) qui collent parfaitement au personnage. Nous allons apprendre des expressions désuètes qui vont enrichir notre culture (navarque) dont certaines insultes à réutiliser en société (Foutriquet, triste faquin. Et le format court de ces enquêtes permet de lire des histoires complètes ne dépassant que rarement les 70 pages (sauf pour Téléréalité) tout en ayant un pur plaisir de bonne littérature. Et on appréciera un avis clairement affiché sur l’abêtissement des gens toujours avec humour.

Il faut rappeler que la saison #1 est aussi disponible chez Horsain en format papier ou chez Ska en format numérique

La vérité engendre la haine de Nicolas Bouquillon

Editeur : Ex-Aequo éditions

Il suffit de peu de choses pour tomber sur un roman bigrement instructif : un gentil mail de l’auteur, un livre distribué par mon nouveau facteur, une lecture vorace … typiquement la chance du blogueur de découvrir un nouvel auteur !

Pharaon Tarlais, éternel étudiant d’une trentaine d’années, a réussi à trouver un poste de stagiaire chez la sénatrice Sophie Dutertre et se sont trouvé de nombreux points communs, dont leur origine nordiste et une passion pour l’histoire institutionnelle de notre pays. Quand il arrive ce matin-là, il la découvre battue à mort dans son bureau, un voile blanc posé sur son visage. Il appelle immédiatement la police.

La lieutenante Gloria Novacek est dépêchée immédiatement sur les lieux. Ce meurtre est vu comme une attaque contre la République et traité en priorité, comme un acte terroriste. Bien qu’elle ait la cinquantaine, elle est aussi exigeante envers son travail qu’envers elle-même en tant que sportive accomplie. Quand elle se retrouve face à un jeune homme qui ne se décide pas à se choisir une voie professionnelle, elle a du mal à le prendre au sérieux.

Ressentant une sorte de culpabilité envers sa maîtresse de stage, Pharaon va étudier les détails en lien avec les Royalistes et les partager avec la lieutenante qui l’écoute d’une oreille distraite, quand un ancien ministre est retrouvé la tête tranchée, puis un journaliste spécialisé dans les histoires des dirigeants égorgé. Et à chaque fois, Pharaon y trouve des indices qui le confortent dans son idée que la clé du mystère est à trouver dans notre histoire.

Les premières pages surprennent par la plume de l’auteur que l’on a plus l’habitude de lire en littérature blanche. On y trouve peu de dialogues, de longues et belles phrases et les décors sont aussi rutilants que les expressions utilisées. Même si l’auteur en rajoute un peu (et c’est très rare), je dois dire qu’il montre une belle maitrise dans la construction des personnages, dans le déroulement de l’intrigue et dans l’opposition psychologique.

D’un coté Pharaon, éternel étudiant ne sachant pas se choisir un avenir professionnel mais d’une érudition incroyable ; De l’autre, Gloria, femme forte, exigeante, adepte de sports de combat, vivant à un rythme incroyable. Ces deux-là n’ont aucune raison de se côtoyer ni de s’apprécier et l’auteur évite une histoire d’amour qui aurait été pour le coup trop improbable. Passant de l’un à l’autre, on suit avec grand plaisir cette histoire.

Nicolas Bouquillon nous livre des rebondissements entre quelques révélations historiques sur notre pays démocratique, sur notre république et comme cela n’est pas pompeux, cela m’a passionné ; je suis même allé chercher des informations complémentaires sur Internet, sur cette période de la troisième république que je connais si mal.

Et puis, à partir de la moitié du roman, l’intrigue policière laisse sa place à une course poursuite puis à une chasse à l’homme (et à la femme) et le rythme s’accélère tout logiquement. L’auteur se permet même une scène dantesque de manifestation particulièrement réussie. Bref, ceux qui cherchent un roman policier instructif et fort bien construit, n’hésitez plus, ce roman est fait pour vous. Et allez savoir, peut-être y aura-t-il une suite ?

Mortels trafics / Overdose de Pierre Pouchairet

Editeur : Fayard / Livre de Poche

Prix du quai des Orfèvres 2017, ce roman a été adapté par Olivier Marchal sous le titre Overdose et réédité à cette occasion au Livre de Poche. Nous faisons donc connaissance avec Léanne Vallauri.

La base militaire anglaise du détroit de Gibraltar est en émoi : un Zodiac navigue dans leur direction. Par peur d’un attentat, la caserne se mobilise, avant de s’apercevoir que le bateau se dirige vers la plage toute proche. Ahuris, les militaires assistent à distance, à travers leur paire de jumelles au débarquement de nombreux paquets de drogue sur la plage réservée aux touristes.

A l’hôpital Necker de Paris, la brigade criminelle est appelée d’urgence. Deux enfants ont été assassinés et on a peint sur les murs « Allahu Akbar » avec le sang des victimes. Le commandant Patrick Girard va être chargé de cette affaire, pour savoir s’il y a un lien avec les réseaux extrémistes. Quand ils vont rendre visite à la mère d’un des jeunes enfants qui loge chez un cousin, ils s’aperçoivent qu’elle a disparu.

La brigade des stupéfiants de Nice s’apprête à arrêter un réseau de trafiquants de drogue, dès qu’ils passeront la douane. Un de leurs indics les a prévenus que des BMW vont faire le trajet de Marbella à la France comme de simples touristes … finis les Go-Fast. Avec l’aide des autorités espagnoles, la commandante Léanne Vallauri va suivre la progression des véhicules jusqu’à ce qu’un accident sur l’autoroute ne chamboule leur plan.

Comme tous les lauréats du Prix du Quai des orfèvres, ce roman offre une bonne intrigue et nous montre tous les rouages du système policier en respectant les relations entre la police et la justice et ici, particulièrement, les relations entre les différents services. Contrairement à d’autres romans, on ne va pas assister à une guerre entre services mais bien à une collaboration entre la police judiciaire et la brigade des stupéfiants.

J’ai particulièrement apprécié les personnages et la façon dont Pierre Pouchairet les a créés, avec Léanne que l’on retrouvera ensuite dans la série des Trois Brestoises et Patrick Girard. Malgré le grand nombre de personnages, on ne se retrouve jamais perdu et on alterne entre les différents lieux avec une aisance remarquable, aidés en cela par un style fluide et une construction maitrisée.

Et dès le début du roman, on se sent pris par le rythme de l’action. Malgré le fait que l’on parle d’un « Go-Slow », on ressent une célérité, une vitesse, un rythme qui nous empêche de lâcher ce roman. Du transfert de la drogue à l’enquête sur les meurtres d’enfants, les pièces du puzzle vont se mettre en place avec en filigrane une certaine urgence à boucler les dossiers pour cause de réduction de budget. Pierre Pouchairet nous offre avec Mortels Trafics (ou Overdose) un polar agréable, costaud, bien fait.

Oldies : L’heure des fous de Nicolas lebel

Editeur : Marabout (Grand Format) ; Marabout & Livre de Poche (Format Poche)

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

Et je commence par un auteur que j’affectionne particulièrement et un personnage que j’adore, à savoir le capitaine Mehrlicht, pour sa première enquête qui est sortie il y a déjà 10 ans !

L’auteur :

Nicolas Lebel, né le 29 novembre 1970 à Paris, est un écrivain français.

Après des études de lettres et d’anglais, Nicolas Lebel voyage sur les cinq continents puis habite en Irlande où il enseigne le français. Rappelé en France pour faire son service national, il revient vivre à Paris où il habite aujourd’hui. Traducteur et professeur d’anglais, il publie son premier roman L’Heure des fous en 2013.

Amateur de littérature, de Côtes-du-rhône septentrionales et de whiskies Islay, Nicolas Lebel est aussi un pratiquant assidu de krav-maga.

Quatrième de couverture :

Paris : un SDF est poignardé à mort sur une voie ferrée de la gare de Lyon. « Vous me réglez ça. Rapide et propre, qu’on n’y passe pas Noël », ordonne le commissaire au capitaine Mehrlicht et à son équipe : le lieutenant Dossantos, exalté du code pénal et du bon droit, le lieutenant Sophie Latour qui panique dans les flash mobs, et le lieutenant stagiaire Ménard, souffre-douleur du capitaine à tête de grenouille, amateur de sudoku et de répliques d’Audiard…

Mais ce qui s’annonçait comme un simple règlement de comptes entre SDF se complique quand le cadavre révèle son identité.

L’affaire va entraîner le groupe d’enquêteurs dans les méandres de la Jungle, nouvelle Cour des miracles au cœur du bois de Vincennes, dans le dédale de l’illustre Sorbonne, jusqu’aux arrière-cours des troquets parisiens, pour s’achever en une course contre la montre dans les rues de la capitale.

Il leur faut à tout prix empêcher que ne sonne l’heure des fous…

Mon avis :

J’attendais la bonne occasion de lire la première enquête de Mehrlicht et son groupe, la seule qui me manquait à mon palmarès. Je comprends mieux ce qui m’a passionné avec ce personnage hors du commun, mélange de l’inspecteur Columbo, Paul Préboist et Kermit la Grenouille, mais avec un verbe à la hauteur d’un Audiard.

L’intrigue est menée consciencieusement, sa maitrise en ferait pâlir plus d’un. Le groupe des policiers ont tous une personnalité bien affirmée et on lit cette aventure sans jamais s’arrêter tant le style fluide de l’auteur fait des merveilles. Evidemment, il faut lire cette série de cinq enquêtes dans l’ordre pour les voir évoluer et s’enfoncer dans des problèmes personnels inextricables.

Et déjà, dans ce premier épisode, on ne se lasse pas du lieutenant Dosantos et de ses rappels des articles du code pénal, de Sophie Latour, la seule femme du groupe et la seule à avoir la tête sur les épaules, de Ménard malmené par le capitaine et Mehrlicht aux réparties cinglantes (on aura dans les volumes suivants, des envolées lyriques extraordinaires) et son téléphone aux sonneries rappelant les meilleurs phrases d’Audiard. Et le passage dans les catacombes vaut largement le détour.

Par la suite, le niveau des romans va monter en puissance avec Le jour des morts (Super !), Sans pitié ni remords (Extraordinaire !), et surtout De cauchemar et de feu (Mon préféré !) pour finir avec Dans la brume écarlate. D’ailleurs, je passe un message privé : Dis, Monsieur Nicolas, quand nous referas-tu une enquête de Mehrlicht and Co ?

Harry Bosch 7 : L’oiseau des ténèbres de Michael Connelly

Editeur : Seuil (Grand Format) ; Points (Format Poche)

Traducteur : Robert Pépin

Après Les Égouts de Los Angeles, La Glace noire, La Blonde en béton, Le Dernier Coyote, Le Cadavre dans la Rolls, et L’Envol des anges, L’oiseau des ténèbres est la septième enquête de Harry Bosch, un rendez-vous raté pour moi.

L’inspecteur Harry Bosch est l’une des pièces maîtresses du procès de David Storey, le célèbre producteur de films à Hollywood. Ce dernier a invité une jeune actrice lors de la première de son dernier film et il a fini la nuit avec elle. Le lendemain matin, le corps de la jeune femme a été retrouvé dans son lit, victime de strangulation dans une posture de masturbation. Est-elle morte d’asphyxie auto-érotique ou l’a-t-on aidée ?

Depuis son opération du cœur, narrée dans Créances de sang, Terry McCaleb profite de sa retraite avec Graciela, son fils adoptif Raymond et la petite Cielo, âgée de quatre mois. Terry alterne donc entre son bateau et la maison de Graciela. L’équilibre de leur couple est mis à mal quand Jaye Winston du LAPD vient lui demander de l’aide pour son enquête, Terry ayant été profileur pour le FBI.

Edward Gunn a été retrouvé dans son appartement, les mains ligotées dans le dos, un nœud coulant relié à ses pieds. Terry McCaleb accepte de jeter un œil au dossier. Il remarque que la tête de Gunn a été recouverte d’un seau, que son bâillon comportait une inscription latine «Cave Cave Dus videt», qui veut dire «Prends garde, prends garde, Dieu voit» et qu’une figurine en forme de chouette était positionnée sur l’armoire, comme si elle observait la scène, autant de messages à exploiter en provenance du tueur.

Je pensais lire une enquête de Harry Bosch, et je me suis retrouvé avec deux affaires menées en parallèle, l’enquête de Terry McCaleb d’un côté et le procès dans lequel Harry Bosch est impliqué de l’autre. Du coup, je n’ai pas réussi à entrer véritablement dans ce roman et cette lecture me laisse un gout amer. Certes, un auteur ne peut pas être « au top » tout le temps, mais cette intrigue m’a donné l’impression que l’auteur faisait passer son envie de réunir plusieurs de ses personnages récurrents avant de construire une intrigue solide.

En fait, j’ai bien retrouvé la rigueur dans les descriptions, aussi bien dans les démarches que dans l’enquête elle-même ; j’ai bien retrouvé des dialogues bien faits dans le procès, même si cela m’a semblé un peu long et démonstratif. Mais voilà, Terry McCaleb finit par prendre toute la place, sa façon d’enquêter ressemble à un jeu de piste où il avance indice par indice.

Enfin, certaines pistes tombent du ciel, même si Michael Connelly nous passionne quand il parle du peintre Hyeronimus Bosch. Les liens entre l’enquête de McCaleb et le procès de Bosch sont des plus ténus. Et on referme le livre en ayant l’impression d’avoir lu un bon polar, mais à propos duquel on en attendait bien plus et bien mieux. Un coup d’épée dans l’eau dans éclaboussure. Pas grave, je me rattraperai avec Wonderland Avenue.

Oldies : Un privé à Babylone de Richard Brautigan

Editeur : Christian Bourgois (Grand Format) ; 10/18 (Format Poche)

Attention, coup de cœur ! Roman culte ! Amour inconditionnel !

Quand j’ai choisi de rendre hommage aux éditions 10/18 pour leurs 60 années d’existence, je savais que je terminerais par Un privé à Babylone de Richard Brautigan, roman que j’ai dû lire une dizaine de fois.

L’auteur : 

Richard Brautigan (30 janvier 1935 – 14 septembre 1984) est un écrivain et poète américain.

Issu d’un milieu social défavorisé de la côte Ouest, Brautigan trouve sa raison d’être dans l’écriture et rejoint le mouvement littéraire de San Francisco en 1956. Il y fréquente les artistes de la Beat Generation et participe à de nombreux évènements de la contre-culture. En 1967, durant le Summer of Love, il est révélé au monde par son best-seller La Pêche à la truite en Amérique et est surnommé le « dernier des Beats ». Ses écrits suivants auront moins de succès et dès les années 1970, il tombe progressivement dans l’anonymat et l’alcoolisme. Il met fin à ses jours en septembre 1984. Son dernier roman Cahier d’un retour de Troie sera publié 10 ans plus tard en France.

Enfance

Lulu Mary « Mary Lou » Kehoe et Bernard F. Brautigan, les parents de Richard Brautigan, se marient le 18 juillet 1927 à Tacoma dans l’État de Washington, au nord de la côte Ouest américaine. Après sept ans de vie commune, ils se séparent en avril 1934. Dans ses mémoires, You Can’t Catch Death, Ianthe, la fille unique de Brautigan, rapporte ce témoignage de Mary Lou : « Je l’ai quitté [Bernard] avec tout ce que je possédais dans un sac en papier. Je ne savais pas que j’étais enceinte »

Richard Gary Brautigan naît le 30 janvier 1935 à Tacoma. Bernard Brautigan apparaît sur son acte de naissance comme étant le père. Il est cependant difficile de savoir si Bernard fut informé de ce fait. Mary Lou affirme ne le lui avoir jamais dit et Bernard, interviewé à la suite du suicide de Brautigan, s’indigne de n’avoir jamais su la chose. « Je ne sais rien de lui, excepté qu’il a le même nom de famille que moi. Pourquoi ont-ils attendu cinquante ans pour me dire que j’avais un fils ? » D’ailleurs, il est enrôlé dans l’armée américaine le 4 mai 1942 et indique sur son statut marital « divorcé, sans enfants ». Paradoxalement, à sa fille Ianthe et à un de ses meilleurs amis Keith Abbott (et futur biographe), Brautigan raconte avoir rencontré deux fois son père durant son enfance.

L’enfance de Brautigan est marquée par la pauvreté, les déménagements, les abandons et les mauvais traitements dus à ses multiples beaux-pères.

Il grandit jusqu’à l’âge de 8 ans à Tacoma. Mary Lou et le jeune Brautigan emménagent avec Arthur M. Titland, un camionneur. Le 1er mai 1939, Barbara Jo Titland voit le jour. C’est le deuxième enfant de Mary Lou et Arthur Titland en est le père officiel. En 1943, Arthur Titland part faire son service militaire dans la marine de guerre des États-Unis, en pleine Seconde Guerre mondiale.

De son côté, Mary Lou épouse Robert Geoffrey « Tex » Porterfield le 20 janvier 1943. Cette nouvelle relation fait déménager toute la famille à Eugene dans l’Oregon entre 1943 et 1944. Porterfield y travaille en tant que cuisiner. Richard passe sa scolarité en portant le nom de famille de son beau-père « Porterfield » et ne retrouve son véritable nom de famille qu’en 1953, juste avant son diplôme de fin d’études secondaires. Le 1er avril 1945, Mary Lou met au monde Sandra Jean Porterfield. C’est la deuxième demi-sœur de Brautigan alors âgé de 10 ans. La vie du couple est houleuse, faite de violence domestique et de précarité. Après plusieurs séparations, ils divorcent en juillet 1950.

La famille de Brautigan vit de l’aide sociale. À l’école, il est vu comme un marginal du fait de sa pauvreté. Leurs difficultés financières amènent également Brautigan à pêcher et chasser pour leur subsistance. Il exerçait divers petits boulots également (recyclage de bouteilles consignées, vente de vers de terre, tonte de pelouse). Bien plus tard, son roman Mémoires sauvés du vent (1982) évoque cette période.

La mère de Brautigan se marie avec William Folston en juin 1950, un mois avant son divorce officiel de Robert Porterfield.

Adolescence et début dans l’écriture

Brautigan passe sa scolarité à Woodrow Wilson Junior High School puis à Eugene High School entre 1950 et 1953. C’est durant l’année 1952 que Richard retrouve son nom d’origine. À partir de cette date, il n’utilisera plus le nom « Porterfield » mais celui de « Brautigan ». Cette même année, il publie son premier poème The Light dans le journal de son lycée. Il ne participe à aucune activité extrascolaire, ni aucun club d’étudiant. Il est décrit comme un type très grand, discret et solitaire.

Une enseignante en langue anglaise, Juliet Gibson, aurait familiarisé Brautigan à la poésie d’Emily Dickinson et de William Carlos Williams. Ces deux écrivains auront une influence notable dans le style de Brautigan.

Ses premiers poèmes sont notamment encouragés par Peter Webster, son meilleur ami. « Déjà à l’époque, c’était un grand poète et j’aimais le son de sa voix. » La famille Webster représentait un refuge pour Brautigan qui fuyait la violence et l’incompréhension de son foyer. Barbara Titland, demi-sœur de Brautigan, explique : « Mes parents le harcelaient. Ils n’ont jamais écouté ce qu’il écrivait et n’ont pas compris l’importance qu’avait l’écriture pour lui.  » C’est d’ailleurs à Edna Webster, la mère de Peter, que Brautigan confie ses écrits de jeunesse avant de quitter Eugene pour San Francisco.

Le 9 juin 1953, Brautigan obtient son diplôme de fin d’études secondaires et est déterminé à devenir écrivain. Dès lors, son objectif est de rejoindre la Beat Generation à San Francisco, le centre de la révolution littéraire de l’époque.

En attendant, il travaille épisodiquement pour l’Eugene Fruit Growers Association, une usine conditionnant des haricots verts et trouve quelques autres petits boulots. Durant ces années, il écrit constamment et plusieurs de ses poèmes sont publiés.

En novembre 1955, Brautigan confie à Edna Webster plusieurs manuscrits et des effets personnels. Ces écrits, ainsi que d’autres qui viendront les rejoindre, constitueront le recueil Edna Webster Collection of Undiscovered Writings.

Séjour à l’asile de Salem

Le 14 décembre 1955, Brautigan pénètre dans le poste de police d’Eugène, déclare qu’il va commettre un délit puis brise une vitre avec une pierre et demande à être enfermé. Il est arrêté et jugé pour désordre public. Il est condamné à 10 jours de prison et à 25 dollars d’amende. Les motivations de ce geste sont plurielles. Certains évoquent le fait que les conditions de vie de Brautigan étaient tellement misérables qu’il aurait commis ce geste pour des raisons alimentaires. On rapporte aussi que ses parents le croyaient fou et envisageaient de le faire interner. Brautigan aurait également mal supporté la culpabilité liée à ses sentiments pour Linda Webster, âgée de 14 ans à l’époque.

Le 24 décembre 1955, après sept jours de prison, Brautigan est transféré à l’Oregon State Hospital pour une période d’« observation et de traitement ». Il est diagnostiqué schizophrène paranoïaque et subit douze séries d’électrochocs. Durant son hospitalisation, il prend conscience de la gravité de ses actes et met tout en œuvre pour devenir le patient modèle et sortir au plus vite de l’hôpital. Il écrit à Edna et Linda Webster pour les rassurer sur sa santé mentale. Il correspond avec D.Vincent Smith en vue de faire publier son roman The God of the Martians (encore inédit à ce jour). Brautigan s’écrit également à lui-même pour vérifier qu’il ne perd pas la mémoire à cause du traitement.

Le 19 février 1956, Brautigan est relâché de l’hôpital. Son séjour aura duré trois mois. Il quitte définitivement l’Oregon, laissant sans nouvelles sa famille. Sa mère avoua ne pas s’être soucié de son devenir dès lors. « Quand vous savez que votre enfant est célèbre, vous ne vous en faites pas pour lui, non ? » Seules Barbara et Sandra, ses demi-sœurs, tentèrent de garder le contact, sans succès jusqu’au 18 juillet 1970, où Brautigan leur signifia une fin de non-recevoir.

San Francisco 1956-1967

En automne 1956, Brautigan déménage à San Francisco. Il tente d’intégrer le milieu littéraire et y rencontre le mouvement Beat. Il gagne sa vie grâce à divers jobs, tel que la livraison de télégrammes pour Western-Union. Sans domicile fixe, il dort dans des terminaux de bus, des voitures ou des hôtels bon marché.

Brautigan fréquente « The Place » sur Grant Avenue et en particulier ses « Blabbermouth Night », un concours hebdomadaire autour d’une lecture publique, organisé par John Alley Ryan et John Gibbons Langan. On le croise aussi au Vesuvio, un bar très populaire de North Beach, et au Co-Existence Bagel Shop. Pierre Delattre, jeune pasteur protestant, dirige la mission « Bread and Wine » qui offre le couvert aux nécessiteux et diverses actions sociales. Cette mission devient le point de ralliement de la contre-culture et du Dharma Committee qui rassemble Joanne Kyger, Philip Whalen et Robert Duncan. Brautigan les rejoint pour des lectures de poésie et des repas gratuits au même titre que Bob Kaufman ou Gary Snyder.

Le 8 juin 1957, il épouse Virginia Dionne Adler. Ils vivent à North Beach et Virginia subvient aux besoins du foyer grâce à son travail de secrétariat. Brautigan, libéré des contingences matérielles, se consacre entièrement à l’écriture.

En automne 1957, l’anthologie « Four New Poets » est publiée, faisant apparaître quatre poèmes de Brautigan chez Inferno Press. Au même titre que Martin Hoberman, Carl Larsen, and James M. Singer. C’est la première fois que Brautigan apparaît dans un livre.

Enmai 1958, The Return of the Rivers est publié par Inferno Press. Ce poème est imprimé sur une double page, dans une couverture noire et est considéré comme le premier livre de Brautigan. Les 100 exemplaires produits sont tous signés de la main de Brautigan. Cette même année voit la publication chez White Rabbit Press de The Galilee Hitch-Hiker dont le leitmotiv est une représentation fictive de Charles Baudelaire. Suivi de Lay the Marble Tea en 1959 et de The Octopus Frontier, un recueil de 22 poèmes en 1960.

Le 25 mars 1960, sa fille unique Ianthe Elizabeth Brautigan naît. L’été 1961, Brautigan fait du camping en famille dans l’Idaho et commence l’écriture de son futur best-seller, La Pêche à la truite en Amérique. À Noël 1962, Brautigan et sa femme se séparent et il faudra attendre février 1970 pour le divorce officiel. Virginia part vivre à Hawaï fin 1975.

Le premier roman publié de Brautigan, Un général sudiste de Big Sur (1964), est un échec commercial. Grove Press est échaudé et refuse de publier les trois romans suivants (La Pêche à la truite en Amérique, Sucre de pastèque et L’Avortement). Le contrat qui liait Brautigan et Grove Press est rompu en 1966. Brautigan se trouve à nouveau sans revenus autres que les ventes de ses recueils de poèmes mais il persévère dans son désir de devenir un écrivain lu et reconnu. Il participe à de nombreuses lectures publiques et à des rencontres artistiques qui rythmaient la vie de San Francisco. Brautigan apparaît notamment sur la célèbre photographie de Larry Keenan The Last Gathering of Beat Poets& Artists, City Lights Books qui tente de regrouper devant la librairie les artistes Beat de 1965 à San Francisco. Sur cette photographie, on peut voir Brautigan au deuxième rang, portant un chapeau blanc.

Tandis que le mouvement Hippie prend son ampleur à San Francisco, Brautigan se rapproche en 1966 des Diggers, un groupe d’anarchistes militants du quartier de Haight-Ashbury dont il partage l’idéalisme hippie et les causes. Il admire particulièrement leurs actions envers les nécessiteux et leurs soupes populaires. Il déménage à Geary Street et devient le voisin d’Erik Weber, un ami et photographe qui réalisera la plupart des portraits promotionnels de Brautigan.

En 1966-1967, Brautigan est nommé poète en résidence au California Institute of Technology. Il participe également à plusieurs événements organisés par les Diggers, travaille à la Communication Company, leur imprimerie artisanale de propagande, et distribue des tracts dans les rues, notamment à Haight Street. Il apparaît toujours lors de diverses lectures publiques de ses écrits. The Communication Company édite un poème de Brautigan intitulé All Watched Over by Machines of Loving Grace.

Le succès de La Pêche à la truite en Amérique

La Pêche à la truite en Amérique est publié en 1967 chez Four Seasons Foundation, dirigé par Donald Allen. La presse critique et le public acclament ce livre. Brautigan multiplie les lectures publiques et les colloques à travers le pays.

L’année suivante, Four Seasons sort Sucre de pastèque et The Pill versus The Springhill Mine Disaster, un recueil de la plupart de ses précédents poèmes édités. Please Plant This Book est publié également par Graham Mackintosh. Il s’agit d’un ensemble de huit poèmes imprimés sur les sachets de graines, distribué gratuitement dans la rue.

Prévenu du succès de Brautigan sur la côte Ouest par l’intermédiaire de Kurt Vonnegut, le New Yorkais George T. Delacorte rachète les droits de La Pêche à la truite en Amérique, The Pill versus The Springhill Mine Disaster, In Watermelon Sugar à Four Seasons Foundation et compile les trois livres en un volume qui est vendu à 300 000 exemplaires l’année de sa publication. Plusieurs nouvelles de Brautigan paraissent dans les magazines Rolling Stone, Vogue et Playboy.

Delacorte publie le nouveau recueil de poèmes de Brautigan titré Rommel Drives On Deep Into Egypt en 1970. Life fait paraître en août 1970 un article dédié à Brautigan : Gentle Poet of the Young: A Cult Grows around Richard Brautigan de John Stickney.

Initialement prévu sous le label Zapple Records, un enregistrement de plusieurs poèmes et courts écrits Listening to Richard Brautigan, lu par Brautigan chez Harvest Records, une annexe britannique de Capital Records. Les prises sonores eurent lieu aux studios Golden State Recorders ainsi que dans l’appartement de Brautigan, sur Geary Street.

Les éditions Simon and Schuster publient The Revenge of the Lawn: Stories 1962-1970 et L’Avortement au début des années 1970. Brautigan est au sommet du succès et les années qui s’annoncent verront le déclin irrémédiable de cette popularité.

Bolinas

En décembre 1971, Brautigan achète une maison de style Arts & Crafts à bardeaux du début du XXème siècle faisant face à l’océan, dans la ville de Bolinas, une localité juste au nord de San Francisco. Cette demeure a été décrite comme hantée par le fantôme d’une servante chinoise qui se serait suicidée et aurait été enterrée sur la propriété. C’est dans le salon de cette maison que Brautigan mettra fin à ses jours, treize ans plus tard.

À Bolinas, on retrouve une communauté d’artistes, d’écrivains et d’éditeurs tels que Donald Allen, Bill Berkson, Ted Berrigan, Jim Carroll, Robert Creeley, Lawrence Ferlinghetti, Bobbie Louise Hawkins, Joanne Kyger, Thomas McGuane, David Meltzer, Daniel Moore, Alice Notley, Nancy Peters, Aram Saroyan et Philip Whalen. L’État de Washington décerne un prix de littérature à Brautigan pour son recueil de nouvelles La Vengeance de la pelouse en avril 1972.

Brautigan écrit Le Monstre des Hawkline en 1972 à Pine Creek, dans le Montana, à l’occasion de son premier voyage dans cet État. Il y fait la rencontre d’une communauté d’artistes surnommée le « Montana gang », comprenant des écrivains et des acteurs, tous plus ou moins voisins. Les éditions du Seuil publient la première traduction française de Brautigan : L’Avortement, en 1973.

Les grands espaces du Montana

1974 est l’année de la publication de Le Monstre des Hawkline ((en) The Hawkline Monster: A Gothic Western) et de la première traduction en français de La Pêche à la truite en Amérique et de Sucre de pastèque aux éditions Bourgois. Brautigan achète aussi un ranch à Pine Creek, dans le Montana pour avoir un pied à terre dans la région. Cette propriété de 42 acres est constituée d’une maison et d’une grange dans laquelle est aménagée une salle d’écriture avec vue sur les montagnes d’Absaroka. Il y retrouve le « Montana gang » et compte parmi ses voisins William J. Hjortsberg (futur biographe), Jim Harrison, Peter Fonda et sa femme Becky, Jeff Bridges, Warren Oates, le cinéaste Sam Peckinpah.

Willard et ses trophées de bowling (Willard and His Bowling Trophies: A Perverse Mystery) est publié en 1975. À San Francisco, les travaux bruyants sur le tunnel de Geary font quitter Geary Street à Brautigan qui déménage à Union Street.

Sa passion pour le Japon

De janvier à juillet 1976, Brautigan visite le Japon pour la première fois. Il est installé au Keio Plaza Hotel de Tokyo. Durant ces sept mois, il écrit le matériel que l’on retrouve dans Journal japonais et dans Tokyo-Montana Express. Il rencontre également Akiko Nishizawa Yoshimura qu’il épousera l’année suivante. Au Japon, il trouve la célébrité qui s’étiole en Amérique et Brautigan est un grand admirateur de certains écrivains japonais. Dès lors, Brautigan voyage régulièrement au Japon plusieurs mois par an.

Cette même année 1976, deux livres de Brautigan sont publiés : Loading Mercury With a Pitchfork, un recueil de poèmes, ainsi que Retombées de sombrero (Sombrero Fallout: A Japanese Novel). 1977 voit la publication d’un nouveau roman parodique : Un privé à Babylone (Dreaming of Babylon), reprenant les canons des romans noirs autour d’un narrateur Antihéros. Le 1er décembre 1977, Brautigan épouse Akiko Nishizawa Yoshimura à Richmond en Californie. Un nouveau recueil de poèmes profondément teinté par le Japon est publié en 1978 : Journal japonais (June 30th, June 30th).C’est en décembre 1979 que Brautigan et Akiko se séparent pour finalement divorcer en 1980.

Les livres de Brautigan ne reçoivent plus un accueil chaleureux du public et son œuvre est progressivement ignorée. Dans ce contexte peu favorable, Brautigan publie Tokyo-Montana Express et reprend ses efforts promotionnels en participant à des lectures publiques et des actions diverses pour faire connaître son nouvel ouvrage.

Sa fille, Ianthe Brautigan, épouse Paul Swensenen septembre 1981. Brautigan n’approuve pas ce mariage, estimant sa fille trop jeune pour un tel engagement (Ianthe avait alors 21 ans). Il refuse de se montrer lors de la cérémonie et il déclare « Je préférerai ton second époux. »

Pour la publication de Mémoires sauvés du vent (So The Wind Won’t Blow It All Away), Brautigan poursuit ses actions marketing et ses voyages aux États-Unis, en Europe et au Japon, mais le roman passe inaperçu et est vendu à seulement 15 000 exemplaires. Il écrit son dernier roman, An Unfortunate Woman, qui ne connaîtra qu’une publication posthume.

Son suicide à Bolinas

Le 25 octobre 1984, après un long moment sans nouvelles de Brautigan, on part à sa recherche et découvre son corps dans sa maison de Bolinas, une blessure par balle à la tête. On trouve également un revolver Smith &Wesson de calibre 44 avec une unique douille dans le barillet. L’état de décomposition du corps laisse à penser que l’auteur était mort depuis plusieurs semaines. La nouvelle du suicide de Brautigan fait le tour du monde et suscite de vives réactions de la part de ses amis et de ses lecteurs.

C’est le 14 septembre 1984 que Brautigan laisse ses derniers signes de vie. Il aurait été vu par plusieurs personnes au restaurant japonais Cho-Cho de San Francisco. Très alcoolisé, il rentre chez lui à Bolinas en fin de soirée. Marcia Clay dit l’avoir eu au téléphone peu après 23h. Brautigan prétexte devoir raccrocher pour retrouver un texte qu’il voulait lire à Marcia et cesse de répondre au téléphone malgré les multiples rappels de Marcia. Dès ce moment, seul le répondeur réceptionne les appels et plus personne n’a de nouvelles de Brautigan.

La question de la préméditation est posée. De notoriété publique, Brautigan pouvait se montrer profondément déprimé et parlait à mots plus ou moins voilés de suicide depuis bien longtemps. Brautigan se définissait essentiellement par son métier d’écrivain ; or la baisse des ventes de ses livres et l’abandon progressif du public l’entraînait sur le chemin de l’alcoolisme et de l’autodestruction. Dans ses mémoires En marge, Jim Harrison rapporte une discussion durant laquelle Brautigan déclara qu’il ne s’ôterait pas la vie tant qu’il serait capable d’écrire et tant que sa fille Ianthe dépendrait de lui. Harrison se pose également la question de l’œuf et de la poule : Brautigan était-il un « écrivain poussé au suicide ou un suicidaire devenu écrivain ? »

Le corps de Brautigan fut incinéré et ses cendres reposent dans une urne chez Ianthe Brautigan. Elle avait l’intention de l’enterrer dans un cimetière sur le littoral californien (probablement Bodega Calvary Cemetery) mais ne sachant quelle épitaphe graver dans le marbre, elle ne put se résoudre à inhumer les cendres de son père dans le cimetière.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

San Francisco, 1942. C.Card est un détective privé dont les affaires ne marchent pas très fort. Et pour cause : au lieu de s’occuper de la sordide histoire de cadavre volé dans laquelle l’a embarqué une femme mystérieuse (et fatale, comme il se doit), ou de trouver une nouvelle secrétaire après que la précédente a claqué la porte, C.Card passe son temps à rêver. En imagination, le voici qui se transporte dans le temps et l’espace à Babylone, où il devient le fin limier le plus célèbre et adulé de la cité antique.

Détournement jubilatoire des codes du polar, portrait hilarant et poignant d’un homme pour qui la vie est littéralement un songe, Un privé à Babylone est l’un des joyaux de l’œuvre de Richard Brautigan, et sans doute l’un des romans les plus personnels de cet écrivain culte, devenu le saint patron littéraire de tous ceux qui tournent le dos au monde pour mieux le ré-enchanter par la fantaisie et la poésie.

Mon avis :

Coup de cœur ! Roman culte ! Coup de foudre !

Quand j’ai découvert ce roman, en format poche, en 1994, je suis tombé amoureux de la poésie de Richard Brautigan, de son univers loufoque et de la vision de sa vie. D’ailleurs, ne ratez sous aucun prétexte Mémoires sauvés du vent, que je considère comme un chef d’œuvre et Tokyo-Montana express pour les amateurs de nouvelles. L’auteur nous présente dans ce roman un détective privé extrêmement pauvre dans un monde absurde et noir qui ne trouve pas d’autre moyen pour s’échapper que de rêver à Babylone, lieu où il est une vedette, tantôt écrivain de science-fiction, tantôt chanteur irrésistible.

Au premier degré, Richard Brautigan utilise les codes du polar, les étrangle, les malmène, les détourne dans une enquête délirante. C.Card n’a même pas cinq cents en poche pour manger quand il décroche un potentiel client qu’il doit rencontrer dans la soirée. Il tient absolument à trouver des balles pour son revolver, et va faire le tour de ses connaissances (il n’a plus d’amis depuis bien longtemps) à qui il a déjà emprunté beaucoup d’argent.

Derrière tous les registres humoristiques possibles, Richard excelle dans les phrases définitives, nous propose des dialogues simplissimes et donc génialissimes, et nous emmène dans une quête qui commence par des balles et se termine par un cadavre dans une intrigue totalement folle. Tout cela est raconté par C.Card lui-même, le détective qui ne porte qu’une seule chaussette et qui rêve.

Derrière ce roman comique, on y trouve des portions de la vie de l’auteur, comme sa pauvreté, l’errance et le rejet de tous, les relations biaisées avec les autres, mais aussi le fait que C.Card ait tué son père à l’âge de quatre ans et que sa mère le lui reproche continuellement. Tout au long de ce roman, on ne peut qu’éprouver de la compassion pour C.Card et pour Richard Brautigan lui-même.

Et puis, on y trouve cette allégorie de Babylone, ce pays imaginaire qui lui permet de s’évader de son quotidien. Il nous parle de la force de l’imagination, de la puissance de la littérature qui nous permet de sortir du quotidien, de la poésie comme un sauvetage de l’humanité, et toujours avec un humour décalé irrésistible.

J’ai lu ce roman une dizaine de fois ; j’y reviens souvent ; il me sert de soupape, au même titre que Tous les matins je me lève de Jean-Paul Dubois. Dans ces deux romans, on y trouve un homme qui rêve, qui s’échappe grâce à la force de l’imagination. N’y cherchez pas un message personnel, il faut juste ne pas oublier le principal, lisez !

Coup de cœur ! Roman personnellement culte ! Coup de foudre !

C’est ton nom de Laurent Rivière

Editeur : Toucan

J’avais découvert Laurent Rivière et son personnage récurrent Franck Bostik avec Le dernier Sycomore, et j’avais été agréablement surpris par sa plume simple mais évocatrice qui fournissait un réel plaisir à suivre la vie de cet ex-flic.

Dans ce nouveau roman, après la précédente et douloureuse affaire où Bostik devait enquêter sur la mort de Mathieu Groseiller (Le couz’), il a décidé de prendre le large, pour se ressourcer. Il laisse derrière lui sa femme adorée Lyly et prend la direction du Morvan, ses terres natales où l’attendent une vieille maison familiale. La proximité des bois lui permettra de devenir bucheron amateur, de faire des efforts physiques et se vider l’esprit.

En arrivant, une ancienne petite amie lui apprend qu’il est en réalité le père d’un adolescent. En apprenant qu’elle était enceinte, elle avait décidé de garder l’enfant sans en informer Bostik. Mais aujourd’hui, le bébé est devenu un adolescent difficile, qui sèche les cours, qui cache de l’argent dans sa chambre. Elle a peur qu’il soit impliqué dans des rackets ou pire, dans un trafic de drogue et pense qu’il a besoin d’être recadré par son père.

Bostik hésite, n’a pas encore pris sa décision mais la rencontre avec Livia, une amie archéologue va changer ses priorités. Lors de fouilles dans une cave des maisons noyées par le lac artificiel de Pannecière, elle a trouvé des ossements humains. Il semblerait qu’il s’agisse du squelette d’un enfant et les os attestent qu’il a été maltraité, ou du moins qu’il a reçu de nombreux coups. Bostik retrouve sa passion des enquêtes dans une affaire qui va lui en apprendre beaucoup sur sa région et sur lui-même.

Laurent Rivière va donc prendre comme argument la mise au vert de son personnage Franck Bostik pour nous parler de la dureté de la vie campagnarde mais aussi de la maltraitance des enfants. Il va aborder aussi la politique de repeuplement des campagnes dans les années 80 où l’on plaçait des orphelins dans des familles du Morvan (et probablement ailleurs) sans qu’aucun contrôle sérieux ne soit réalisé.

L’auteur aborde cet aspect en parallèle de la psychologie de Bostik, que l’on découvre hésitant, presque timide, en tous cas face à un problème qu’il ne sait pas gérer : comment prendre contact avec un adolescent de 12 ans alors que l’on est son père naturel ? Il fait cela sans esbroufe, de façon tout à fait naturel et je retrouve cette qualité que je cherche dans un roman : ce talent de dérouler une intrigue sans que l’on s’aperçoive de petits artifices.

Laurent Rivière confirme tout le bien que je pensais de sa plume et de sa faculté à dérouler une intrigue en mettant au premier plan la psychologie de son personnage. Il arrive à créer une intimité avec Bostik ce qui le rend attachant. Il ajoute dans ce roman un petit je-ne-sais-quoi qui rend son livre passionnant, intéressant, et on prend un grand plaisir à suivre Bostik dans ses problèmes personnels (qui vont se compliquer à la fin du roman et peut donner une idée pour la suite) et dans son enquête. Bostik devient un personnage que l’on a plaisir de fréquenter, de suivre ; en un mot, comme en cent, vivement le prochain !