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Le chouchou du mois de septembre 2022

Entre mes lectures estivales dont les billets sont publiés ce mois-ci et la chance dans mes choix, j’ai eu l’occasion de publier trois billets par semaine, donc carton plein de mon coté. Par contre le revers de la médaille, c’est que j’ai eu beaucoup de mal à choisir mon chouchou tant toutes ces lectures auront été marquantes.

Honneur au coup de cœur Black Novel, avec Demande à la poussière de John Fante (10/18), la biographie romancée sous le nom d’Arturo Bandini, qui nous montre le chemin de croix d’un jeune homme à Los Angles pour devenir un Artiste. Ce roman est juste un monument de la littérature américaine, injustement méconnu qui aura inspiré bon nombre d’auteurs et dont l’influence s’étend encore aujourd’hui.

Le reste des billets se partage entre la littérature française et la littérature américaine, à une exception près (deux en fait) : La face nord du cœur de Dolores Redondo (Gallimard Folio), thriller espagnol, fait suite à la trilogie de la vallée de Baztan. Avec ce prequel, on en apprend beaucoup sur Amaia Salazar ainsi que sur l’agent du FBI Dupree. Original dans sa construction, il nous plonge en plein ouragan Katrina dans des scènes hallucinantes où flotte un air de fantastique dans le bayou.

La sixième enquête d’Harry Bosch, L’envol des anges de Michael Connelly (Points), confirme le statut de cet auteur parmi les meilleurs dans la sphère du polar. Connelly nous parle de sa ville et situe son intrigue pendant les émeutes après l’affaire Rodney King. Cet opus est à classer dans les meilleures enquêtes de Bosch tant la pression ressentie à la lecture est intense et le final surprenant

Après Betty, j’attendais beaucoup de ce roman. L’été où tout a fondu de Tiffany McDaniel (Gallmeister) nous transporte dans une petite ville où le procureur, fils du narrateur, demande au Diable de se présenter à lui. Un enfant noir arrive et d’étranges drames apparaissent. Sur cette intrigue entre chronique familiale et fantastique, Tiffany McDaniel nous emporte grâce à son style poétique dans une vaste reflexion sur le Bien et le Mal.

Toujours aux Etats-Unis, Lady Chevy de John Woods (Albin Michel) est probablement le premier roman le plus impressionnant et le plus provoquant que j’aurais lu en 2022. John Woods a mis ses tripes dans cette histoire d’une adolescente obèse immergée dans un environnement rural qui s’est créée un mur pour se prémunir des moqueries des autres. Il en profite pour brosser une image de l’opposition ville / campagne tant d’un point de vue éducatif que politique. Et il termine son roman avec une fin juste formidable. A ne pas rater.

Du coté des français, commençons par Tant qu’il y a de l’amour de Sandrine Cohen (Editions du Caïman). Auréolée du Grand Prix de la Littérature Policière, elle nous offre un roman émotionnellement fort sur une famille pas comme les autres et proposent une vision du monde par les yeux des enfants. Sandrine Cohen conserve son style dans cette histoire attachante qui nous invite à raisonner différemment.

Darwyne de Colin Niel (Editions du Rouergue) permet à l’auteur de revenir en Guyane pour nous présenter deux personnages, Darwyne, jeune garçon vivant dans un bidonville malaimé par sa mère et Mathurine, assistante sociale qui reçoit un message d’alerte et est perturbée par son désir de devenir mère et ses échecs de fécondation in-vitro. L’immersion dans ce monde de désoeuvrement et de désamour maternel sont au centre de ce roman fortement émotionnel.

L’affaire de l’île Barbe de Stanislas Petroski (Afitt), en tant que premier tome d’une série, nous plonge à la fin du XIXème siècle et nous présente le professeur Lacassagne, l’un des fondateurs de la médecine légale moderne, et son apprenti Ange-Emmanuel Huin, apache au passé douteux. Les personnages sont formidablement croqués dans une intrigue inspirée d’un cas réel et on n’a qu’une envie, lire la prochaine enquête. Le livre est complété par une postface nous présentant le contexte de cette époque, de quoi se divertir intelligemment.

Le tableau du peintre juif de Benoit Severac (Manufacture de livres) aussi va nous en apprendre beaucoup sur les réseaux de résistance pour faire passer les soldats ou les juifs en Espagne. C’est aussi et surtout un portrait bluffant d’un homme qui veut faire reconnaitre son grand-père en tant que Juste des Nations et qui s’obstine tout en sachant qu’il a tort de sacrifier sa vie de famille. Impressionnant.

Comme je l’ai dit en introduction, tous les romans chroniqués auraient pu obtenir le titre de chouchou du mois, tant j’ai eu de la chance dans mes choix de lecture. Malgré cela, le titre revient à Black’s creek de Sam Millar (Le beau jardin), parce que je n’attendais pas Sam Millar sur le terrain d’un adolescent confronté au monde des adultes, parce que cette histoire est narrée de façon impeccable avec une fin surprenante, parce que les dialogues sont géniaux et parce que ce roman est publié par une petite maison d’édition et qu’il mérite d’être mis en avant.

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez-vous pour un nouveau titre de chouchou du mois. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

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Black’s Creek de Sam Millar

Editeur : Le Beau jardin

Traducteur : Patrick Raynal

Pour ceux qui connaissent Sam Millar, cet incontournable auteur irlandais de romans noirs, Black’s Creek va les surprendre. Il nous permet de découvrir une autre facette de cet auteur à travers une intrigue impeccablement construite.

Tommy Henderson se rappelle cet été de son adolescence, alors qu’il est en train de lire un article faisant mention d’un drame survenu dans la petite ville de Black’s Creek. Il se rappelle qu’il passait tous ses après-midis avec ses deux amis, Brent Fleming et Horseshoe, à discuter des performances des super-héros tels que Hulk ou les quatre fantastiques, allongés au soleil au bord du lac.

Tommy se rappelle quand Joey Maxwell, un adolescent de leur âge, le fils du gardien de la prison, s’est approché et a commencé à entrer dans le lac, s’est dirigé vers le large. Il se rappelle que Brent, Horseshoe et lui l’ont encouragé à aller plus loin, pour plaisanter, avant de le voir se noyer. Tommy a plongé pour le secourir mais Joey s’était attaché avec les menottes de son père à une épave de voiture au fond du lac.

Grâce à sa tentative de sauvetage, Tommy est passé pour un héros local. Mais cet événement a irrémédiablement marqué les trois amis, qui furent persuadés que Norman Armstrong, le caissier du cinéma, en était le responsable et coupable. Armstrong, surnommé Not normal à cause de son allure, subissait des accusations de pédophilie dont les garçons ont entendu parler.

Tommy étant le fils du shérif, il était au courant de l’avancement de l’enquête lors des repas en famille. Il s’était rendu compte du fossé séparant la police et la justice. Partageant son désaccord avec ses deux amis, ils se sont unis par un serment de sang de venger Joey en récupérant une arme pour au moins tirer une balle dans les couilles de Not Normal. Ils avaient alors bâti un plan.

Dès que l’on a affaire à un roman portant sur une histoire d’un groupes d’adolescent, on pense naturellement à Stephen King et sa novella Le corps (The body) adapté en film sous le titre Stand by me. Depuis, de nombreux romans ont fouillé les relations entre amis lors du passage à l’âge adulte avec plus ou moins de réussite. Black’s Creek, disons-le d’emblée, est à placer en haut du panier.

Après un prologue qui nous permet de faire connaissance avec Tommy et de positionner le mystère de l’intrigue, nous voilà projetés trente ans en arrière, quand nos trois adolescents passaient des vacances insouciantes. Et sans effectuer de longues descriptions, la magie et le talent de Sam Millar opèrent comme si nous avions toujours connu Brent le chef, Horseshoe le craintif et Tommy le modérateur du groupe.

Avec Tommy, nous allons vivre le passage dans le monde adulte, fait de règles absconses, mais aussi la difficulté du métier de policier, la façon innocente que peut avoir un enfant de la justice et par voie de conséquence l’injustice qui en résulte quand un coupable est défendu par un bon avocat et acquitté. On va aussi être confronté à des éducations différentes, aux aprioris envers les gens qui nous pourrissent la vie et nous aveuglent. On va aussi connaitre avec Tommy son premier amour. On va surtout vivre une histoire dramatique, noire, tellement bien racontée qu’elle pourrait être vraie.

Tommy étant le narrateur, le roman bénéficie pleinement de l’objectivité de son regard, et de l’évolution de sa psychologie. En particulier, la façon de montrer son évolution, ses relations avec sa mère, autoritaire et son père, qu’il voit comme le seul apte à débloquer la situation, est tout simplement fascinante. J’ai ressenti une très agréable sensation lors de la lecture de ce roman, celle que chaque personnage faisait progresser l’intrigue et non l’inverse, ce qui ajoute au plaisir et donne une véracité à cette histoire.

Enfin, il faut bien le dire, Sam Millar déploie tout son talent d’écriture, cette façon de tout décrire sans en rajouter, d’atteindre une efficacité parfaite, tant dans le contexte, les décors, les psychologies. A cela, s’ajoute le don d’écrire des dialogues savoureux, humoristiques quand il le faut, plein de tension à certains moments, expressifs en juste quelques mots. Je vous le disais précédemment, ce roman se place tout en haut du panier, une pépite noire illustrant le passage à l’âge adulte dans un environnement rural.

Un tueur sur mesure de Sam Millar

Editeur : Métailié

Traducteur : Patrick Raynal

Laissant de coté (provisoirement ?) sa série consacrée au détective Karl Kane, Sam Millar nous revient avec un polar noir, qui démarre comme une farce et qui est parsemé de cadavres, tout cela avec classe et humour … noir bien entendu.

Halloween. Charlie Madden, Jim McCabe et Brian Ross sont entassés dans leur camionnette et révisent leur plan. Affublés de déguisements en forme de loups, ils se dirigent vers la Bank of New Republic. Trois clients attendent encore leur tour avant la fermeture, dont un gros homme portant une mallette. Après avoir facilement neutralisé l’agent de sécurité, ils demandent à tout le monde de s’allonger et à Dana Robinson, la directrice d’ouvrir le coffre. Quand la porte blindée s’ouvre, l’intérieur vide les stupéfie. A cause d’Halloween, le coffre a été vidé plus tôt ce jour-là. Les trois compères s’enfuient donc avec la mallette qui s’avère être pleine d’argent liquide.

Le sergent Colin Lindsay reçoit l’appel signalant le braquage et le transfère à l’inspecteur principal Harry Thompson, qui ne rêve que de sa retraite. Accompagné McCauseland, Boyd et du débutant Kerr, ils se dirigent vers la banque.

Conor O’Neill, George Magee (l’homme à la mallette), Barney Denison et Seamus Nolan se retrouvent au restaurant pour un repas frugal. O’Neill est recherché par toutes les polices en tant que membre fondateur de la Fraternité pour la Liberté Irlandaise. O’Neill apprend qu’il vient de perdre un demi-million, volé par des incapables. Plutôt que de demander à Nolan, O’Neill va faire appel à tueur Haut de Gamme, Rasharkin. Nolan ne va pas se laisser faire ainsi …

Après avoir lu tous les romans de Sam Millar, je dois dire qu’on ne peut être que surpris par celui-ci. Après des romans noirs, une biographie romancée et la série Karl Kane, détective atteint d’hémorroïdes, cette histoire parait bien plus classique et bien plus loufoque. Il semblerait donc que Sam Millar ait décidé d’écrire un divertissement sur la base de courses poursuites, un divertissement haut de gamme.

Dans ce roman, tout le monde court après tout le monde, et on s’aperçoit que tout le monde est truand, un peu, beaucoup, … les situations vont s’enchainer, avec une montée en violence au fur et à mesure que l’on avance, mais toujours avec ce décalage humoristique, aussi bien dans des réparties excellentissimes que dans des descriptions décrites avec un flegme irlandais.

Car on reconnait bien la patte de Sam Millar, à la fois dans la qualité de la narration que dans les dialogues vraiment excellents et efficaces. Et je dois dire que la traduction (par Patrick Raynal, quand même !) est fortement appréciable et permet de souligner les tirades cyniques. Même quand il écrit des romans moins sérieux, plus féroces, Sam Millar nous concocte de bonnes histoires noires et ce roman est une bonne occasion d’entrer son univers.

Au scalpel de Sam Millar

Editeur : Seuil

Traducteur : Patrick Raynal

Cela devient une bonne habitude : tous les ans, nous avons droit à la toute nouvelle aventure de Karl Kane, le personnage de détective récurrent de Sam Millar. Et personnellement, j’adore !

Un homme s’approche d’une maison et pénètre à l’intérieur. Sur son visage trône une cicatrice en forme de Z, d’où son surnom Scarman. Il sortit de sa camionnette un tapis, dans lequel est enroulé un fardeau. Il met le tout sur son épaule et entre dans la maison, quand quelque chose en dépasse : La main d’un enfant, celle de Tara.

Karl Kane essaie de dormir. Essaie car il est harcelé par des cauchemars, comme toujours. Son portable sonne. C’était Lipstick, la jeune prostituée qui lui a sauvé la vie. Elle l’appelle au secours depuis une chambre d’hôtel Europa. Un dénommé Graham Butler de Londres l’a frappée et veut lui faire des choses qu’elle ne veut pas. Karl débarque à l’hôtel, entre dans la chambre et dérouille Butler à coups de pieds dans la figure. Lipstick arrive à l’arrêter avant qu’il ne le tue. Puis Karl ramène Lipstick chez lui.

Scarman a observé la maison depuis quelque temps. Cette famille est composée d’ivrognes et de deux enfants. Ce qui l’intéresse, c’est la jeune fille Dorothy. Il attend que les parents soient abrutis par l’alcool avant de pénétrer dans la maison et de prendre la jeune enfant endormie au chloroforme. Puis il fait exploser la maison avec les bonbonnes de gaz entassées juste à coté.

Ce matin là, Naomi, la superbe secrétaire et amante de Karl lui demande de recevoir un homme pour une affaire. Son nom est Tommy Naughton. Il demande à Karl d’enquêter sur l’incendie de la maison de sa fille suite à l’explosion de bouteilles de gaz. La police conclut à un accident arguant que les parents ont du oublier d’éteindre leurs cigarettes en s’endormant. Sauf que les parents ne fument plus.

Les enquêtes de Karl Kane entrent dans la grande tradition des détectives de la littérature policière. Sam Millar y a ajouté sa patte, son originalité, en ayant créé un personnage noir et violent, en réaction à la violence de son environnement et de la société. A cela, il faut ajouter ce style si direct qui frappe sèchement comme des directs au foie, et un art des dialogues qui sonnent toujours justes.

Si on y trouve les obsessions de l’auteur, liées aux années de prison qu’il a passées en Irlande et une phobie de l’enfermement, la force évocatrice des descriptions en font une source de tension et d’angoisse pour le lecteur. Cette nouvelle enquête de Karl Kane ne fait pas exception à la règle, même si ici, Kark Kane va se retrouver personnellement impliqué dans son combat face à Scarman.

Au sens strict du terme, il ne s’agit pas d’un thriller, mais bien d’un roman noir violent, qui montre plus qu’il ne dénonce, le fait que l’on libère des cinglés assassins. Dans ce cas-là, l’auteur aurait pu faire apparaître son héros comme un justicier qui corrige les erreurs de la société, mais Sam Millar est bien plus intelligent que cela, nous proposant une fin qui ravira tout le monde, adeptes de romans noirs ou moralistes.

Il n’en reste pas moins que la peinture de la société reste toujours aussi noire et désespérante, même si ce n’est pas le sujet principal de l’enquête. Et par rapport aux précédentes enquêtes, le ton y est plus sur, les rebondissements nombreux, et l’humour hilarants, surtout dans les dialogues entre Karl et Naomi. Je trouve d’ailleurs que les romans de Karl Kane se rapprochent de l’univers de Jack Taylor, et ce n’est pas pour me déplaire. Bref, cet épisode est annoncé comme le meilleur de la série à ce jour, et je confirme : c’est excellent.

Les précédentes enquêtes de Karl Kane sont :

Les Chiens de Belfast

Le Cannibale de Crumlin Road

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Un sale hiver de Sam Millar

Editeur : Seuil

Collection : Policier

Traduction : Patrick Raynal

Après Les chiens de Belfast et Le Cannibale de Crumlin Road, voici donc la troisième enquête de Karl Kane, le détective privé à part imaginé par Sam Millar.

Karl Kane sort de chez lui ce matin là, pour aller chercher son journal. Comme il a neigé, le chemin est glissant. Arrivé à la boite aux lettres, il voit un chat grignoter un doigt humain, au bout duquel il voit une main. Ni une, ni deux, il fout un coup de pied au chat pour récupérer la main. Mais ce faisant, il glisse et se retrouve sur le cul … juste au moment où deux jeunes étudiantes passent dans la rue. Malheureusement, la robe de chambre de Karl Kane s’est ouverte et il est nu dessous !

La police débarque immédiatement chez Karl Kane … enfin, trois heures plus tard. C’est la deuxième main que l’on retrouve en peu de temps à Belfast. Delà à penser qu’un tueur en série rôde, il n’y a qu’un pas … enfin qu’une main ! En plus, la police a envoyé un bleu, le jeune Chambers ! Karl Kane n’aurait jamais du s’occuper de cette affaire … Mais la radio annonce qu’un puissant homme d’affaires s’inquiète du préjudice à la ville et une mauvaise image pour les futurs investisseurs. Cet homme d’affaires offre donc une récompense de 20 000 livres pour toute information concernant ce tueur. Cela donne donc 20 000 raisons à Karl Kane pour trouver le coupable.

Je ne vais pas vous faire l’affront de vous parler de Sam Millar, l’un des auteurs de romans noirs plus grands et les plus personnels à l’heure actuelle. Si vous connaissez Karl Kane, nul doute que vous courrez acheter ce roman. Si vous ne le connaissez pas, ce roman est probablement le plus accessible … même s’il vaut mieux les lire dans l’ordre, puisque, dans ce roman, il est fait mention des épisodes précédents à de nombreuses reprises.

En ce moment, j’aurais lu beaucoup de romans sur des détectives privés, et on retrouve une certaine constance dans ces romans, à savoir une perte d’illusions, une autopsie de la société et des personnages forts. C’est le cas dans mes lectures récentes comme La ville des brumes de Sara Gran, ou Fausse piste de James Crumley dont je vais vous parler bientôt, très bientôt.

Dans ce roman, on retrouve cette écriture visuelle, capable de vous emmener dans des endroits tout droit issus de vos pires cauchemars. On y retrouve aussi cette faculté à écrire des dialogues fantastiques qui, ici, sont beaucoup plus humoristiques, cyniques et sarcastiques. Ce qui est nouveau, c’est cette introduction de scènes à la limite du burlesque, et on se retrouve à savourer ces scènes en même temps que l’on éclate de rire.

Mais le ton d’ensemble reste bien noir, bien désespéré, devant la description de l’Irlande, avec les obsessions chères à l’auteur, telles ces scènes dans l’abattoir, qui est en fait le même que celui de Rouge comme la mort. Si globalement, ce roman est moins gore que le précédent, cet amoncellement de chapitres comme autant de tableaux rouge sang est tenu à bout de bras par son personnage principal, dont la loyauté envers ses clients est sans bornes, et sa volonté de ne pas faire de compromis sans limites.

A noter, enfin, que chaque chapitre comporte un titre de film de polar, ce qui est une belle performance et qu’il y a en tête de chapitre une citation, dont beaucoup font référence à Raymond Chandler qui est LA référence du genre. Enfin, je dois ajouter une mention particulière à la traduction qui a su si bien rendre l’humour inclus dans l’histoire et des dialogues (même si je n’ai pas lu l’original), ce qui donne un peu de légèreté dans cette intrigue au ton désabusé. C’est un très bon troisième épisode, j’adore.

Ne ratez pas les avis de Jean-Marc Actudunoir, Claude Le Nocher, Wollanup Nyctalopes, et du Boss de Unwalkers

Le cannibale de Crumlin Road de Sam Millar (Seuil)

Deuxième enquête de Karl Kane (Franchement, quel nom génial pour un détective privé, un nom qui claque comme deux coups de revolver !) après Les chiens de Belfast, Sam Millar continue son cycle dédié à son nouveau personnage.

Karl Kane, qui est détective privé à Belfast, a une relation avec sa secrétaire Naomi. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir, une jeune femme demande à le voir. Elle s’appelle Geraldine Ferris, a 17 ans, et s’inquiète de la disparition de sa sœur Martina, qui n’a plus donné signe de vie depuis plusieurs jours. Certes, Martina est une junkie, placée dans un centre d’accueil pour des gens sans domicile, elle est coutumière de fugues. Mais son absence de contacts est très inquiétante.

En cette période estivale, Karl est à la peine avec ses hémorroïdes. Sa visite au centre d’accueil ne donne rien, et sa visite au commissariat n’est pas plus engageante. Son beau-frère, par ailleurs à la tête de la police, lui signale deux meurtres de jeunes filles. Les corps retrouvés ne correspondent pas à Martina et heureusement pour Karl : des organes ont été enlevés des corps, comme l’aurait fait un boucher.

Alors que les corps de jeunes filles s’accumulent, martyrisés d’une façon toute aussi horrible, Karl va poursuivre l’enquête de son coté et être confronté à des événements qui vont le toucher de près, de trop près.

Si de prime abord, on peut penser que ce personnage n’est pas nouveau, je répondrai qu’en tant que lecteur, j’adore lire des enquêtes de détective privé, car ils sont à la fois dans le système par leur façon de résoudre les énigmes, mais aussi en dehors du système par le fait qu’ils ne sont pas obligés de respecter certaines règles auxquelles les policiers sont soumis. Et la démonstration est éloquente dans cet épisode.

On en apprend beaucoup plus sur la psychologie de Karl Kane dans cet épisode : Il est très attaché à sa fille et en veut énormément à sa femme depuis leur séparation. D’ailleurs, on va apprendre pourquoi. Et puis, il est attaché à Naomi comme un naufragé à sa bouée, même s’il garde ses secrets, sa petite vie, et qu’il ne lui dit pas tout. Pour mener ses investigations, il utilise beaucoup ses contacts à la police, s’en créé de nouveaux, mais sa principale source de progrès est surtout son intuition. Enfin, il respecte la police et la loi ; il suit le système judiciaire, jusqu’à un certain point, quand il juge que cela ne va pas assez vite. Pour autant, Sam Millar ne veut pas insérer de message dans son roman, mais il a posé les bornes de son personnage.

Il faut signaler que c’est un épisode violent, sans pour autant être démonstratif ou gratuit. Karl Kane est tout de même un personnage qui voyage dans une société de plus en plus violente, et il réagit par rapport à celle-ci. Ce qui démarque ce roman des autres du genre, ce sont ces dialogues fantastiques de naturel et ces scènes chocs inoubliables et j’en citerai trois sans pour autant vous donner le dénouement du livre : la visite dans le cinéma où Karl va, dans le noir, faire une visite des plus inquiétantes, le final éblouissant dans un lieu inimaginable et je peux vous dire que la tension est intenable, ou même la scène avec Ivana qui est plus intimiste, presqu’uniquement menée par des dialogues et fondante d’humanité.

La dernière chose que je voulais signaler est le titre français. Je trouve qu’il en dit peu et trop à la fois. Je le trouve surtout trop racoleur, alors qu’il n’y a dans le livre aucune scène gore. Le titre original The Dark Place (que l’on pourrait traduire par L’endroit sombre) est à mon avis bien meilleur et aurait mérité d’être utilisé. Bref, je conclurai par une affirmation : Je serai un lecteur assidu de la prochaine enquête de Karl Kane.

Ne ratez pas les avis de l’ami Claude et Unwalkers

Les chiens de Belfast de Sam Millar (Seuil Policiers)

Je ne dirai jamais assez tout le bien que je pense de Sam Millar, de l’univers qu’il créé, de son style si imagé, de ses scènes si violentes et frappantes. Les chiens de Belfast va nous permettre de faire connaissance avec son nouveau personnage qui, une fois n’est pas coutume, est un personnage récurrent. Les chiens de Belfast est en effet la première enquête d’une trilogie.

Karl Kane, voilà un nom qui frappe, deux syllabes qui cognent comme deux balles de revolver. Karl Kane est détective privé à Belfast, le meilleur, celui vers qui se tourne car il est doué pour résoudre des affaires inextricables, mais aussi parce qu’il est discret. C’est un personnage qui, de prime abord, n’est pas torturé, mais il a quelques petits problèmes de santé, essentiellement d’hémorroïdes. Il est aussi divorcé, a une fille qui lui demande tout le temps de l’argent, a un père qui perd la tête et a une liaison avec sa jeune et belle secrétaire Naomi.

Un matin, un client débarque dans son bureau alors qu’il est en train de se passer de la pommade pour calmer ses douleurs de fondation. Bill Munday lui demande de se renseigner sur un cadavre retrouvé au jardin botanique. Karl Kane va voir son ex-beau frère Mark qui travaille en tant qu’inspecteur de la police. L’homme, Wesley Milligan, a été abattu de trois balles dans la tête. Sa nature violente fait qu’il pourrait avoir beaucoup d’ennemis. Quand un deuxième meurtre apparait, Bill Munday lui demande de lui donner les noms des prostituées travaillant dans le coin et qui auraient pu rencontrer le deuxième défunt. Karl Kane va avoir affaire à une enquête particulièrement tortueuse, dont les causes pourraient bien se trouver dans le passé des victimes.

Si ce roman apparait comme une introduction pour cette trilogie, l’intrigue est particulièrement bien faite. Sam Millar sème par ci par là des indices, qui ne seront assemblés qu’en fin de roman grace aux incroyables qualités de déduction et à une certaine faculté à bluffer de Karl Kane, mais je ne vous en dit pas plus.

On retrouve dans ce court roman toute la puissance évocatrice de Sam Millar, capable de créer des scènes ultra violentes et parfaitement visuelles. Encore une fois, on ne peut que louer le travail du traducteur qui a su rendre hommage à ce style à la fois direct et visuel de l’auteur. On est aussi toujours ébahi par l’humour qui transparait dans les dialogues, même dans les scènes les plus tendues, ddans les moments les plus difficiles, de l’humour froid, noir qui vous arrache un sourire jaune … ou noir.

Quant à l’histoire, elle est à la fois complexe et simple, mais la conclusion pleine de menaces et d’amoralité comme on les aime dans les meilleurs romans noirs. Les fans de romans policiers y trouveront leur compte, les fans de romans noirs y trouveront leur compte, les amateurs de polars irlandais seront confirmés dans leur idée que Sam Millar est un grand, et que même si l’histoire est moins imprégnée de l’Histoire de l’Irlande ou de celle de l’auteur lui-même, ce roman s’avère un excellent polar à placer sur le haut de la pile. Vivement que l’on puisse lire la deuxième enquête de Karl Kane.

Vous trouverez mes avis sur les romans de Sam Millar : Poussière tu seras, On the brinks et Rouge est le sang.

Rouge est le sang de Sam Millar (Points)

Attention, Coup de cœur !

« Paul Goodman se sentait comme un condamné, tandis qu’il s’avançait vers l’abattoir à travers l’herbe détrempée. Un rosaire de nœuds s’accrochait à son estomac et le serrait un peu plus à chaque pas. La pluie et un froid vicieux lui pinçaient la peau. Un frisson involontaire lui parcourut l’échine et les boyaux à l’idée que, dans moins d’une minute, il serait à l’intérieur du bâtiment, à l’intérieur de l’énorme ventre de la bête. »

Paul Goodman est au chômage depuis un an. Le seul espoir qu’il lui reste est d’être embauché à l’abattoir. Quand il va passer les portes de ce gigantesque et inquiétant bâtiment, il ne sait pas qu’il va mettre les pieds dans son plus atroce cauchemar … et le lecteur avec lui.

Car Rouge est le sang (ou Redemption Factory édité en 2010 aux éditions Fayard) est avant tout une histoire de personnages, tous plus horribles et horrifiques les uns que les autres :

Il y a Shank le propriétaire de l’abattoir, le maitre des lieux, qui attire et emmène derrière lui toute une troupe de monstres, tout droit sortis de l’imagination délirante de l’auteur, un homme étrange, violent, sans état d’âme. Il a engendré deux filles, Violet, une psychopathe aussi belle qu’elle est dangereuse, et Geordie, une infirme affublée de prothèses pour ses jambes qui est aussi horrible de l’extérieur qu’elle est pure à l’intérieur.

Il y a Taps, l’homme de main de Shank, un pur tueur à gages, un homme de main à la fidélité à toute épreuve, un boucher qui aime la viande bien découpée, qu’elle provienne d’un animal ou d’un être humain.

Même Philip Kennedy, qui tient une boutique d’objets anciens et qui est le seul à ressembler à un être humain normal, est affublé d’une femme monstrueuse, sorte de bibendum couché sur son lit, recluse dans sa chambre en haut des escaliers poussiéreux, avec un esprit cynique et méchamment mortel.

Paul Goodman (Homme bon) est comme un extraterrestre dans ce monde d’horreurs, le seul à paraitre normal, à se faire un ami comme Lucky Short, un jeune homme malchanceux, qui porte son nom comme on porte son fardeau, car il ne sert à rien d’avoir de la chance pour se sortir d’un monde d’horreurs. Son seul rêve est de devenir un champion de snooker, son pire cauchemar est de proter le poids de son passé et de sa destinée.

La plume de Sam Millar est magnifique dans son épouvantable réalité, montrant des lieux aussi inquiétants qu’effrayants, nous plongeant dans une atmosphère lourde et poisseuse, nous faisant renifler des odeurs à base de fer et de sang, nous jetant à la figure des tableaux rouge sang dans des scènes hallucinantes et hallucinées.

Le choix des adjectifs sont effroyablement évocateurs, aussi bien avec les images que les odeurs ou les sons. Pour preuve ce nouvel extrait pioché au milieu du roman : « L’odeur lourde des bouses se mêlait à celle, enivrante, du foin et du grain moisi, et flottait dans l’air, presque visible, ponctuée par la puanteur âcre du sang frais ». Et on ne peut que rendre hommage à Patrick Raynal pour avoir rendu cette œuvre si monstrueusement belle.

Ce roman n’est pas seulement un roman fantastique (dans tous les sens du terme), surfant entre le roman noir, le roman d’horreur ou le fantastique. Il ressemble à un cauchemar que Sam Millar a longtemps porté en lui, une sorte de vision qu’il a de son pays, après une absence longue. Il pose la question de la rédemption, celle que Paul Goodman recherche après la disparition inexpliquée de son père, celle de Geordie envers son père, celle de Kennedy envers sa propre vie, celle que Sam Millar voudrait donner à son pays, celle que l’on ne veut pas lui accorder.

D’un roman très personnel, et pour autant très positif, car Sam Millar trouve dans chaque monstre peuplant ses scènes, des raisons d’y croire, de trouver la beauté, la pureté, il en a fait un tableau fait de plusieurs scènes marquantes, et a construit une œuvre au-delà de tout genre, au-delà de toute classification, unique, incroyable, d’une lecture presque biblique. Tous les ingrédients pour faire de ce roman un coup de cœur, un formidable coup de cœur.

On the brinks de Sam Millar (Seuil)

Coup de coeur ! si je lis des romans, c’est bien pour ressentir ce genre d’émotions, pour être emporté par des émotions qui me dépassent. Et si ce roman n’en est pas un, puisque c’est une autobiographie, la vie de Sam Millar s’avère être un scenario de roman noir tellement extraordinaire que l’on ne peut pas rester insensible, ni dans le fond, ni dans la forme à ce qui y est raconté. Ce livre est divisé en deux parties, l’une qui se déroule en Irlande, l’autre aux Etats Unis.

Belfast. Alors qu’il nait dans une famille protestante, sa mère lui donne une éducation catholique. Toute son enfance est bercée par les conflits entre les catholiques irlandais, les protestants et l’armée britannique. Nous allons suivre ses premiers pas dans le monde adulte ; sa prise de conscience politique s’éveille quand il commence à travailler aux abattoirs et l’assassinat de son meilleur ami Jim Kerr. A dix sept ans, Sam est enfermé à la prison de Long Kesh, pour activisme terroriste. Là bas, il va y subir les pires pressions et les pires tortures que l’on puisse imaginer.

Je peux vous dire que cette première partie n’est pas près de vous laisser tranquille, tant elle est forte et horrible. J’en ai perdu quelques nuits de sommeil, non pas parce que je me suis identifié au personnage de Sam, mais par la description de ce que l’on faisait subir aux prisonniers. Car cette partie est écrite avec un détachement, une froideur qui fait froid dans le dos, justement.

Le but de cette partie comme l’ensemble de ce livre n’est pas de prendre position pour les uns ou les autres, mais bien pour l’auteur d’écrire son histoire en forme de testament, de mettre noir sur blanc ses traumatismes pour en faire un exorcisme personnel. Le détachement et le regard froid de ces passages joue beaucoup dans la pression permanente que vivent les prisonniers, que j’ai ressenti à la lecture.

Cette première partie ne vous laissera pas tranquille, vous empêchera de dormir, car Sam Millar additionne les scènes, d’une efficacité incroyable et sans sentiment. Ce que nous donne à voir Sam Millar, ce sont aussi des hommes qui font la guerre, qui sont entrés en résistance en refusant de travailler. Sans vouloir juger de la situation politique, on ne peut qu’être révolté devant les scènes de tabassage, de torture, de harcèlement qui furent réalisées dans ces geôles. C’est une pure plongée en apnée dans le monde de l’horreur.

Et puis, on plonge dans la deuxième partie, comme si on nous avait plongé la tête sous l’eau pendant quelques minutes, à bout de souffle. Millar est sorti de prison après la mort de Bobby Sands et a immigré aux Etats Unis illégalement. Il va être licencié quand la police ferme le casino dans lequel il travaillait. Il va alors monter, avec quelques complices, l’incroyable vol du dépôt de la Brinks à Rochester.

Là aussi, on est frappé par le calme qui ressort de ces pages, que l’on peut opposer à la furie de Belfast. Mais c’est un homme qui veut survivre auquel on a droit ici, qui ne ressent plus rien, si ce n’est la nécessité de se procurer de l’argent. A la lecture plus classique de cette partie, je me suis dit que la vie de cet homme là est tout simplement incroyable, et qu’elle dépasse tous les scenarii que l’on aurait pu imaginer.

On the brinks, aller au bout des choses. Sam Millar a osé porter un regard sur son passé, nous jeter en pleine face ce qu’il a vécu, sans en rajouter, pour se livrer et pour livrer aux lecteurs un roman noir brillantissime. On pourra toujours se demander pourquoi il a été enfermé, où est passé l’argent de la Brinks, pour quel usage a-t-il été utilisé ? Il n’en reste pas moins que ce roman est parfait de bout en bout, que c’est un roman qui, à mon avis, a plus été écrit pour l’auteur lui-même que pour ses lecteurs, un roman sans concession, une confession noire d’un passé à ne pas oublier, qu’il faut ranger du coté de La bête contre les murs de Edward Bunker. Coup de cœur !

Dans les quelques avis piochés ici ou là, allez voir ceux de Jean Marc, Claude et Yan.

Ce billet est dédié à Claude (il saura pourquoi), à Richard (pour le conseil), à Coco (pour le prêt du livre), et à ma femme qui va me l’offrir pour la fête des pères.

Poussière tu seras de Sam Millar (Fayard noir)

Cela fait un an que j’attendais de lire ce livre, débordé que je fus par les nouveautés qui n’arrêtaient pas de sortir. J’ai tout de même pris quelques jours pour me faire mon avis sur ce roman qui promet d’être noir.

A Barton’s Forest, près de Belfast, c’est l’hiver et les fontes de neige mettent à jour un os humain que le jeune Adrian Calvert découvre et emmène avec lui, ainsi que la plume d’un corbeau mutilé. Adrian décide de n’en parler à personne, même pas à son père Jack Calvert, qui a plongé dans l’alcoolisme depuis la mort de sa femme. Quelques jours plus tard, c’est une poupée qu’il découvre, en plein milieu d’un lac gelé.

Jack Calvert, est un ancien policier de Belfast qui s’est reconverti dans la peinture. Sarah, la propriétaire d’une galerie d’art de renom, a le coup de foudre pour ces tableaux et fait tout pour le promouvoir. Elle entretient aussi une liaison amoureuse avec Jack, dont Adrian ne sait rien, jusqu’au jour où il les surprend en plein ébat sexuel.

Charlie Stanton est un clochard qui découvre un cadavre décapité, victime de sévices sexuels. Joe Harris et Jeremiah Grazier sont des coiffeurs au caractère bien différents. Alors que Joe est passionné par les faits divers, Jeremiah est une personne plus secrète et réservée, subissant les maltraitances de sa femme Judith, accro à l’héroïne. Joe et Jeremiah parlent beaucoup de la disparition de la petite Nancy McTiers, 7 ans, qui n’est pas reparue depuis 3 ans. La disparition de Adrian va déclencher un cataclysme.

J’avais besoin d’un roman noir, et pour le coup, j’ai été servi ! Que ce soit le contexte, l’histoire, les personnages ou l’ambiance, tout est noir, pas un petit noir brillant, mais un vrai noir mat, où rien ne se reflète. Il ne faut pas chercher la moindre étincelle d’espoir, pas la moindre lumière, c’est du noir brut, brutal.

Le style de Sam Millar y est pour beaucoup, avec ses descriptions minimales et ses mots soigneusement choisis qui laissent planer une atmosphère brouillardeuse, glauque, mystérieuse. Et les personnages vont s’enfoncer dans cette histoire sans que le lecteur ne puisse rien faire à leur déchéance. Ils ont tous des cicatrices ou des secrets qui petit à petit font leur apparition pour nous étaler des ignominies sans nom.

C’est un premier roman impressionnant, même si j’ai regretté que le livre soit coupé en deux : une première partie extraordinaire où Sam Millar installe l’ambiance et les personnages et une deuxième partie où Jack cherche son fils. Et c’est dans cette partie que j’ai été moins convaincu, où j’ai un peu décroché de cet environnement bizarre à cause des indices qui tombaient comme un cheveu sur un lac gelé. Ceci dit, ce roman est tout de même très recommandable et Sam Millar un auteur à suivre.