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L’aigle noir de Jacques Saussey

Editeur : Fleuve Noir

Il ne doit me rester qu’un ou deux romans de Jacques Saussey, dont les plus célèbres sont le cycle consacré à Daniel Magne et Lisa Heslin. Il s’agit d’un changement d’éditeur pour cet auteur aux intrigues foisonnantes avec ce roman orphelin, qui nous convie à un voyage à la Réunion.

2016, Ghana. La jeune femme s’est endormie en bord de plage alors qu’un homme l’observe. Irrésistiblement attiré par elle, il s’approche. Quand elle se réveille, il est au dessus d’elle et prend peur. Sans hésiter, avec sa machette, il lui tranche la tête et s’enfuit dans la forêt en entrainant sa fille qui jouait à coté.

2020, Toulon. Hubert Bourdenais, directeur de la société chargée du traitement des déchets ménagers, accueille chez lui Paul Kessler, qu’il utilise pour régler de menus trafics orchestrés par ses ouvriers. Bourdenais sait que Paul a perdu son fils et que cette perte l’a fait démissionner de la police. Il lui propose une enquête en sous-main, inofficielle, celle de connaitre les causes de la mort en hélicoptère de son propre fils, Pierre Bourdenais. Le rapport légiste a conclu à un accident alors qu’il était un as du pilotage.

2020, Ecole Jacques Brel, La Réunion. Jean-Denis Pavadé, nouvellement nommé professeur des écoles, surveille les enfants dans la cour de récréation. Il voit la petite Louna dans un coin, en train de dessiner. Quand il lui demande de regarder ses œuvres, elle s’enfuit. Il est surpris de voir des croquis de monstres sur chaque page. Chloé la psychologue scolaire essaie de faire dire à l’enfant la raison de ces dessins, mais elle reste mutique. Chloé et Jean-Denis font part de leurs soupçons à la directrice de l’école.

Dès le départ de ce roman, l’auteur nous présente une multitude de personnages, pas loin d’une dizaine, dans des lieux et des contextes différents. Et chaque personnage va amener son lot de mystères, d’énigmes à résoudre, ce qui va forcément aiguiser l’esprit du lecteur de roman policier ou de thriller. Heureusement, Paul Kessler va faire le lien en progressant petit à petit dans sa propre enquête.

On louera donc la construction qui, si elle peut s’avérer complexe de prime abord, va ressembler à une toile d’araignée que nous allons parcourir en commençant par les fils extérieurs. Et Jacques Saussey sait comment nous tenir en haleine, comment mener une intrigue, nous passionner par dialogues remarquablement efficace, et utiliser les codes du thriller quand il le faut avec des chapitres courts.

Contrairement à beaucoup de ses confrères, Jacques Saussey ne prend pas son lectorat pour des imbéciles : j’en prends pour exemple les mentions des dates et des lieux en tête de chapitre qui ne sont présents que quand on en a besoin. De même, il a conçu son intrigue avec beaucoup de pistes à suivre, des trafics en tout genre, et l’itinéraire de Sobgwe sur quatre années sans jamais perdre l’intérêt du lecteur.

Enfin, on y trouve une description des deux facettes de la Réunion (sans que l’auteur n’y ait mis les pieds, il l’avoue en fin de roman), l’une faite de belles maisons pour les riches, l’autre plus misérable avec tout ce que cela comporte comme horreurs (même s’il reste très évasif et non démonstratif dans le glauque). L’aigle Noir est donc un thriller de très bonne facture de la part d’un auteur au savoir-faire incontestable, trop injustement méconnu à mon goût.

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La maison de la pieuvre de Serge Brussolo

Editeur : H&O

De cet auteur protéiforme et prolifique que j’aurais découvert sur le tard, je me délecte de ces romans faciles à lire et toujours surprenants. Et ce dernier roman a de quoi vous surprendre. En moins de 250 pages, il nous fait passer par toutes les émotions.

Et cela commence dès le prologue, où nous nous retrouvons avec Norman en voiture. Il ramène son fils Johan à son père, l’histoire de quelques jours, le temps qu’il l’éloigne de sa femme néfaste, le temps de son divorce. Sauf que Grand’Pa Lester dirige une secte qui honnit toute modernité et lui a fait subir une éducation sévère voire violente. Quant à Grand’Ma, elle est faite du même bois. Mais Norman pense que pour quelques jours, Johan peut les supporter.

Logiquement, on s’attend à ce que Serge Brussolo revienne sur cette éducation « à la dure ». Eh bien non, nous revenons certes en arrière, mais au moment où Norman décide de fuir son père et sa mère à l’adolescence, à la suite d’une blessure qui menaçait de s’infecter mortellement. Il sera accompagné de Branton, un boxeur mal vu de la secte. Débarquant à L.A., ils ont survécu de petits boulots avant qu’il ne rencontre Wilma, une actrice manquée qu’il épousera. Wilma créant une société de films pornos, Norman n’a pas d’autre choix que d’envisager le divorce.

Et là encore, on s’attend à la bataille entre Norman et Wilma … Eh bien non ! je ne vais pas vous raconter la suite, mais on se retrouve ici avec un auteur qui joue avec nos nerfs, et qui choisit des itinéraires qui ne sont pas ceux que l’on attend. On est toujours surpris par la direction de l’intrigue et on assiste même à la fin à de beaux rebondissements même quand on croit la situation établie.

Serge Brussolo ne s’attarde pas sur les descriptions, ni sur les psychologies. Toutes les situations, tous les actes permet de décrire bien plus efficacement leur psychologie. Et en moins de 250 pages, on va visiter une sombre secte perdue au fond des bois et les bas-fonds du cinéma de Los Angeles, dans une style fluide et toujours agréable, ce qui en fait un divertissement fort agréable.

L’homme de Tautavel de Jérôme Zolma

Editeur : TDO éditions

Cela faisait un petit bout de temps que je n’avais pas lu un roman de Jérôme Zolma … et voilà que m’arrive comme un don du ciel, ce roman au titre mystérieux. En route pour une enquête dans le Sud-Ouest.

Un coin de morilles, ça ne se partage pas, sauf au dernier jour de notre vie. C’est ce que Fernand Marty, l’oncle de Fabrice Puig, ne cesse de lui répéter. Et puis, au détour d’une soirée arrosée, Fernand l’emmène à l’endroit secret. Le lendemain, Fernand mourait. Depuis Fabrice, vigneron de son état, fait bien attention quand il va à la cueillette aux morilles à ne pas être suivi.

Ce jour-là, la récolte est bonne, le panier est plein. Alors qu’il s’apprête à partir, il aperçoit un corps, tourné face contre terre. N’écoutant que son civisme, il descend au village appeler les gendarmes. Arrivés près du mort, ils interrogent Fabrice qui ne sait que dire la vérité. Mais quand il veut justifier sa cueillette aux morilles, il s’aperçoit que son panier a disparu. Fabrice est immédiatement arrêté.

Raphaël Sarda, détective privé, lit son journal chez son ami boucher Gervais, qui tient la célébrissime boucherie Carné d’Aubrac. Dans un entrefilet, il apprend la découverte d’un mort et l’arrestation d’un suspect qui ressemble à s’y méprendre à son ami Fabrice Puig. N’écoutant que son sens de l’amitié et sa curiosité, il se lance dans l’aventure, qui sera l’occasion de rencontrer l’avocate Lina Llopis.

Depuis la disparition des éditions de la Baleine, nous ne pouvons que regretter l’absence du Pulpe, Gabriel Lecouvreur, des étals des libraires. Cette enquête avait été destinée à mettre en scène le détective aux bras démesurés, mais le destin en a décidé autrement … Exit Gabriel, exit les signes distinctifs physiques, exit Cherryl et le bar de la Sainte Scolasse, voici Raphaêl Sarda et son amie Kristgerour, islandaise d’origine.

Après un petit relifting des caractéristiques de la série, on se retrouve avec une enquêtes fort bien menée, écrite dans un style fluide. L’auteur va nous faire suivre des pistes sans suite avant de trouver enfin le nom de l’assassin. Remarquablement mené, le rythme apporté au déroulement et l’intrigue en forme d’hommage au Poulpe en font un très bon divertissement. D’ailleurs, ça me donne envie de reprendre une histoire du Poulpe, moi !

L’Anonyme d’Anvers (Tomes 2 & 3)

Editeur : Presses du Midi

J’ai déjà eu l’occasion d’aborder la série de l’Anonyme d’Anvers, notamment pour le premier tome qui s’appelait Désoxy de Jean-Marc Demetz (Presses du midi). Ce personnage immortel qui intervient pour influer sur des énigmes policières est présenté comme suit sur le site des presses du midi :

Si vous voulez sauver l’humanité, laissez tomber.

Un seul homme en est capable. Un personnage très discret dont les aventures défient le temps. Un illustre alchimiste de l’époque de Rubens. Depuis on le croise dans d’insolites affaires qui sont relatées dans la collection « L’Anonyme d’Anvers ».

Tuer pour Dagon de Roger Facon :

Dagon est le Dieu des Abimes qui est endormi au fond d’un océan et qui attend qu’on le réveille. De nombreux groupuscules font en sorte de fournir des corps en sacrifice pour son retour. C’est ainsi que les commandants Chaval à Lille et Santoni à Marseille se retrouvent à enquêter sur des meurtres n’ayant rien en commun. Mais cherchent-ils vraiment les coupables ? Heureusement, l’Anonyme d’Anvers veille et va influencer les résolutions des enquêtes à sa façon : discrètement.

Comme dans le cas de Desoxy, ou des séries écrites sur un même thème par des auteurs différents, ce roman porte en lui l’originalité de l’auteur et de son univers. Roger Facon va donc nous plonger directement au cœur de l’action, avec une multiplication de lieux et de personnages, et même de temps, puisque l’on va remonter au début du vingtième siècle. Je ne vous cache pas qu’il faut s’accrocher un peu au début …

Une fois que l’on a bien intégré la forme, le roman se lit vite. D’autant plus que les chapitres ne dépassent guère 3 pages, eux-mêmes entrecoupés de différentes scènes, ayant lieu dans différents lieux. Cela donne un rythme élevé à cette lecture, un rythme soutenu pour un roman policier qui flirte avec le genre fantastique. Si on peut trouver l’intrigue légère, il n’en reste pas moins que c’est clairement un bel hommage à HP.Lovecraft, et en tant que tel, il mérite le détour. Pour les fans du genre et les autres.

V.I.T.R.I.O.L de Jean-Pierre Bocquet :

La loge des Vrais Enfants de l’Athanor allait vivre une révolution, puisqu’elle allait faire entrer des femmes en son sein. Jean Segasse, le Vénérable de la loge, tiendrait la réunion, malgré quelques défections. Ils introniseraient Jannick Baltu, et Max Balzer et Benahim Manhélé, deux enquêteurs de la DGSI, surnommés Mac-Benah n’allaient pas rater cela. Mais la profane brille par son absence. A la place, un message aussi énigmatique qu’inquiétant. Le lendemain, Segasse apprend qu’un des membres de la loge a été égorgé.

Voilà un roman qui nous plonge dans les mystères de la loge maçonnique, avec ses textes, ses études, ses rites et son langage. Il défend aussi la place des femmes dans la société, et en particulier dans la Loge. Si l’enquête est dirigée par deux agents des services secrets, on ne peut pas dire qu’ils sont doués. Et il faudra bien l’intervention de l’Anonyme d’Anvers, celui qui a connu Rubens, pour démêler cette affaire.

D’une culture ésotérique et philosophe, ce roman va utiliser des termes pour nous inconnus et un lexique situé à la fin du roman va nous aider à comprendre ce vocabulaire. L’enquête quant à elle va avancer au rythme des indices semés par l’Anonyme. Et il faudra faire preuve de patience, et apprécier les romans où il est fait étalage de culture philosophique pour arriver à une fin surprenante. Personnellement, j’ai appris beaucoup de choses même si j’aurais aimé que cela soit plus allégé pour l’ignare que je suis.

Droit dans le mur de Nick Gardel

Editeur : Éditions du Caïman

Après la lecture de Fourbi étourdi, je savais à quoi m’attendre avec le dernier roman en date de Nick Gardel, à savoir un roman humoristique. Là où Fourbi étourdi frisait avec le burlesque, nous sommes ici plus dans la dérision.

« Qu’est-ce que ça peut être chiant, de repeindre ses volets ! Tout d’abord, on passe une éternité à poncer, dans des endroits impossibles à atteindre ; ensuite, il faut peindre délicatement … et plusieurs couches en plus ! » C’est en gros, ce que pense Michel Marchandeau, ancien agent de sécurité aujourd’hui à la retraite quand il attaque son chantier.

Sa femme étant décédée quelques années auparavant, il occupe son temps à faire du bricolage et rendre visite à ses voisins. Parmi eux, Monique Godevin est une vielle dame toujours de mauvaise humeur ; David Waters lui est un Anglais qui préfère de loin le charme et la tranquillité de l’Alsace à son Angleterre natale, d’autant plus qu’il est persuadé qu’un trésor se cache dans sa propriété. Et puis, heureusement qu’il y a le Saloon, le bar du coin où on peut se rafraîchir le gosier avec son ami Martial.

La tranquillité est vite remise en question avec l’installation d’une secte du nom de la congrégation du Vif-Argent. Un gourou se dit venu d’une autre planète et encourage ses ouailles à participer à des orgies. La secte veut se développer et racheter de nombreux terrains, et c’est pour cela qu’ils négocient la propriété de la mère Godevin. Elle les envoie paître … mais quelques jours plus tard, celle-ci est retrouvée morte dans son poulailler.

Une nouvelle fois, on a affaire à une belle galerie de personnages, avec des caractères bien trempés. Cela nous donne un roman vif, avec deux narrations différentes : celle liée à la secte à la troisième personne et celle liée à Marchandeau à la première personne. Le ton y est résolument humoristique, plein de dérision. Je donnerais une mention particulière au gendarme Jules Lenoski que tout le monde prend pour un imbécile.

Si l’intrigue se déroule à peu près comme on peut l’imaginer, et donc il ne faut pas attendre beaucoup de surprises de ce coté là, on retrouve dans ce roman un grand nombre de péripéties et des dialogues très drôles. C’est un donc un polar fort divertissant et très agréable à lire que nous propose à nouveau Nick Gardel.

Ne ratez pas l’avis de Claude

Promesse de Jussi Adler Olsen (Albin Michel)

Cela faisait un petit bout de temps que j’avais laissé de côté mes amis du Département V, chargé de résoudre des enquêtes vieilles et délaissées. Il était donc temps pour moi de renouer des liens avec ces personnages sympathiques que sont Carl Morck, Assad et Rose.

Carl Morck est en train de travailler dans son bureau ; comprenez qu’il est en train de faire sa sieste. Le téléphone sonne. Un policier nommé Christian Habersaat se présente à lui et lui demande son aide dans une affaire vieille de 17 ans. Une jeune fille avait été renversée par une voiture, son corps projeté dans un arbre. Carl lui annonce brutalement qu’au département V, ils sont débordés. Puis, le téléphone sonne à nouveau. Sa mère lui apprend que son cousin part en Thaïlande pour récupérer le corps de son autre cousin mort là-bas, suite à un massage. C’est une nouvelle qui met Carl mal à l’aise.

Le lendemain, Rose apprend à Carl que Christian Habersaat s’est suicidé lors de son pot de départ à la retraite. Si Carl est peu affecté par cet événement, Rose de son coté, se sent plus coupable. Elle prend donc des billets d’avion pour toute l’équipe du département V à destination de l’île de Bornholm. Il s’avère que Habersaat a été marqué par l’accident d’Alberte, au point de s’y consacrer jours et nuits. Il y a même perdu sa vie de famille puisqu’il a divorcé. Personne au commissariat ne voit d’inconvénient à leur laisser cette affaire, puisqu’il n’y a pas d’enquête.

Quand ils débarquent chez Habersaat, ils découvrent des tonnes de documents, des murs entiers recouverts de coupures de presse, de photos, d’extraits d’enquêtes. Alors qu’il était simple policier de quartier, il a consacré sa vie à la résolution de ce mystère. Sa femme June ne veut pas entendre parler de lui. Par contre, quand quelques jours plus tard, le fils de Habersaat se suicide en laissant un mot de pardon envers son père, le Département V au complet décide de se consacrer à plain temps sur cette affaire.

On retrouve avec plaisir ces trois personnages bien particuliers et si vous ne les connaissez pas, courez donc acheter le premier tome de la série. Carl est plus fainéant que jamais, et poussé par son équipe. Rose est très impliquée, et se montre finalement la plus humaine des trois. Quant à Assad, il est plus mystérieux que jamais, et ce n’est pas dans cette enquête que l’on va en savoir plus.

Ceci dit, on en apprend un peu plus et en même temps, l’image que l’on s’en faisait de chacun est modifiée, altérée ce qui va surement relancer l’intérêt de cette série. On découvre un Carl un peu plus inhumain, toujours aussi égocentrique mais avec un caractère de lâche qu’on ne lui avait pas forcément vu auparavant. De plus, il s’est passé des choses dans son passé que l’on pourrait bien voir ressurgir. Assad est toujours aussi énigmatique, et alors qu’on le pensait syrien et musulman, on le découvre sous un autre jour, mais on ressort surtout avec encore plus de questions à son sujet. Quant à Rose, toujours aussi volontaire, c’est dans les dernières pages que l’on va s’inquiéter pour elle. Un quatrième personnage va rejoindre le groupe, apparemment apparu lors du précédent opus, mais je dois dire que je n’ai pas été convaincu par le présence de Gordon. A suivre …

Avec un peu de recul, il faut bien s’avouer que ce roman est une belle mécanique, bien huilée, réalisée avec métier, avec tous les arguments qu’il faut pour plaire au plus grand nombre. Avec un démarrage qui comporte bien peu d’indices, l’intrigue va se dérouler sans anicroches, tranquillement, et avec une logique qui force le respect. Alors, certes, le rythme est lent (plus que dans certains épisodes précédents) mais cela se lit bien et c’est passionnant parce que c’est porté de bout en bout par ces formidables personnages.

Je me demande d’ailleurs si cet épisode en forme de roman policier plutôt classique, qui consiste surtout à trouver l’identité d’un gourou de secte, ne sert pas à Jussi Adler Olsen de transition entre les épisodes précédents et ceux à venir. J’ai réellement l’impression qu’après avoir résolu des enquêtes sur le passé, l’auteur va maintenant se pencher sur le passé de ses personnages. En tous cas, cela donne vraiment envie de lire la suite, l’année prochaine puisqu’il sort un épisode par an. Quant à cet épisode-ci, il démontre une nouvelle fois tout le savoir faire de cet auteur de talent, et vous aurez l’assurance d’avoir entre les mains un roman policier nordique certes classique, mais bien fait.

Le pouvoir des ténèbres de John Connolly (Pocket)

Après Tout ce qui meurt et … Laissez toute espérance, voici la troisième aventure de Charlie Parker. Cet ancien policier qui a connu la douloureuse disparition de sa femme et de sa fille, tuées par un psychopathe, a ouvert son cabinet de détective privé, et est revenu dans sa ville natale. Ne s’occupant que de petites affaires de mœurs, il essaie tant bien que mal d’oublier son drame personnel.

Au nord du Maine, sur les rives du lac Saint-Froid, des ouvriers se déplacent dans le froid et le brouillard pour continuer leur travail d’installation de lignes téléphoniques. La pelleteuse fait son travail, creusant des ornières pour préparer les tranchées. Lyall Dobbs remarque quelque chose et demande au contremaitre

  • Y a un cimetière dans le coin ?
  • Non
  • Ben, y en a un, maintenant.

Ils viennent de découvrir un grand nombre de squelettes.

Un homme se présente chez Charlie Parker. Il se nomme Quentin Harrold et travaille pour Jack Mercier, ancien sénateur. Il lui demande d’élucider la mort de Grace Peltier, la fille de son meilleur ami Curtis Peltier. Grace et Charlie s’étaient connus au lycée. La police s’accorde à conclure à un suicide, mais Jack Mercier n’y croit pas. Charlie, non plus. Grace travaillait sur la disparition d’une secte, les Baptistes d’Aroostock. Malgré ses réticences, Charlie va enquêter et être confronté à un de ses pires ennemis.

Avec une intrigue qui se rapproche de la deuxième enquête de Charlie Parker, celle-ci est indéniablement plus musclée et costaude. John Connoly joue sur nos peurs ancestrales, celles des araignées, pour bâtir des scènes visuelles tout simplement géniales. Le principe est toujours le même : il prend une de nos habitudes quotidiennes et créé des passages angoissants au possible. J’en prends pour exemple ce passage où Charlie Parker va relever son courrier dans sa boite aux lettres et découvre une araignée … génial !

En centrant son sujet sur les sectes, John Connoly nous construit une nouvelle fois une intrigue fouillée, complexe avec un super méchant, répugnant au possible. Celle-ci avance doucement, à coup de scènes marquantes. Mais là où Charlie Parker subissait son chemin dans les précédents, j’ai eu l’impression qu’il retardait le moment de la confrontation finale … et quelle confrontation !

N’oublions pas les deux amis tueurs et gays de Charlie Parker, qui nous permet de mettre à la fois de l’action et de l’humour avec des dialogues truculents. Eux aussi vont souffrir dans cette aventure où la violence va se déchainer. Avec ce roman, John Connoly nous offre un pur thriller noir où il donne libre cours à son imagination débridée et son talent de conteur. C’est du pur divertissement et du pur plaisir de lecture.

A bientôt donc pour Le baiser de Caïn !

Un fantôme dans la tête de Alain Gagnol (Le Passeur Editeur)

C’est surtout la curiosité qui m’a poussé à lire ce roman. Je ne connaissais pas l’univers d’Alain Gagnol mais cet auteur n’en est pas à son coup d’essai. La quatrième de couverture faisait état d’un flic déprimé, aux prises avec sa femme divorcée et sa fille en pleine crise d’adolescence. Je me demandais bien comment il allait s’en sortir, avec un sujet aussi classique et déjà largement exploité. Ma foi, c’est un très bon polar.

Un tueur en série sévit à Lyon, en s’attaquant à de jeunes femmes adolescentes. Les scènes de meurtres sont une véritable boucherie, puisque le monstre les dépèce avant de les violer. L’enquête revient à Marco Benjamin, qui a la quarantaine et au moins autant de problèmes personnels. Divorcé de sa femme Caroline, il a bien du mal à maitriser sa fille Chloé, qui sort souvent et qui n’en fait qu’à sa tête.

Le commissaire Massé convoque Marco et lui annonce que la femme du préfet voit un guérisseur voyant qui se dit prêt à aider la police. Alors qu’une jeune Jennifer vient de disparaitre, il se rend dans une ferme pour y rencontrer le diseur de bonne aventure, et se retrouve face à un homme ressemblant à Jésus. Il lui indique sur une carte l’endroit où trouver Jennifer, qui est, selon lui, encore vivante.

Quand il arrive sur place, Jennifer est suspendue et dans un sale état. Marco fera tout pour essayer de la détacher mais il échoue et elle meurt dans ses bras. C’est le début de sa descente aux enfers. Il est mis en congés, doit voir un psychologue et envisage de se suicider. Trop lâche pour ça, il décide de se créer un site relatant les aventures d’un super héros, Suicide Man, dont le drame est de vouloir se suicider sans jamais y arriver puisqu’il ne peut pas mourir.

Etrange, ce roman est étrange. Autant la première partie, bien menée, est d’une facture fort classique, autant par la suite, ça décolle vraiment. En effet, au début, on a notre personnage principal qui nous raconte à la première personne du singulier sa vie et son enquête. Or, les flics déprimés, attirant tous les malheurs du monde sur sa tête, cela court les polars. Et dans le genre, il est bien difficile de faire mieux que Jack Taylor.

J’ai oublié de préciser que le premier chapitre nous décrit une des victimes avec tous les détails qui vont bien, et je dois dire que j’ai passé pas mal de paragraphes car je ne suis pas à l’aise avec ce genre de scènes gore. Pour finir la première partie, on arrive sur cette scène où Marco se retrouve à prendre Jennifer, pendue, dégoulinante de sang, dans ses bras, pour essayer de la sauver.

Puis on entame la deuxième partie (le livre en comporte cinq), et là, il m’a semblé que, avec l’apparition de Suicide Man, l’auteur se libérait. Les scènes sont mieux montées, Marco devient attachant, et surtout, l’humour devient très noir et très cynique. Même les personnages secondaires participent au délire, avec une mention spéciale pour le psychologue, fan de comics et qui passe ses séances à parler BD au lieu de soigner notre lieutenant de police.

Il semblerait que l’auteur ait eu besoin de ce super héros fantoche pour lâcher son intrigue, et se lâcher par la même occasion. Imaginez un instant un homme, affublé d’un T-shirt de Superman et d’un masque noir à la poursuite d’un assassin dans les rues de Lyon ! Dans cette partie là aussi, on se rend compte que les dialogues sont remarquablement faits, et que les scènes se suivent avec une logique et une vitesse telle, que quand on s’en rend compte, on a déjà tourné la dernière page.

C’est donc une excellente surprise que ce roman. Il possède ce petit grain de folie, ce petit quelque chose qui fait que l’on est accroché et qu’une fois pris dans l’engrenage, on a du mal à le refermer. Pour vous illustrer mon propos, j’ai lu d’une traite les 250 dernières pages, et je ne le regrette pas !

Ne ratez pas le coup de cœur de l’ami Claude et l’avis plus mitigé de Bobpolar.

Le hameau des Purs de Sonia Delzongle (Cogito)

Voici un roman bien mystérieux et plein de qualités, dont je n’avais pas entendu parler à part chez l’ami Bruno de  Passion polar et c’est un rendez vous fort réussi avec une auteur dont il va falloir suivre les prochaines productions.

En France, dans un petit village, un incendie vient de détruire une maison de la communauté des Purs et de faire sept victimes. Les Purs, c’est une communauté proche des Amish, qui vit recluse loin des autres, refusant toute technologie ou progrès de la science. Ainsi, il n’y a ni électricité, ni eau courante et ils vont faire leurs courses dans le village d’à coté sans se mêler à la population. Une fois que l’on a quitté la communauté, on n’y revient pas, devenant un renégat.

Audrey Grimaud est aujourd’hui journaliste. Elle revient dans ce hameau pour couvrir cet incendie, et se rappelle les vacances qu’elle venait passer ici, chez ses grands parents. Son père avait quitté le hameau pour devenir avocat, et parfois défendre les gens du hameau. Pour cela, il était toujours accepté, sauf par certains. Audrey se rappelle sa jeunesse, sa solitude, sa volonté d’apprendre, de comprendre.

Audrey se rappelle aussi une série de meurtres qui a marqué le hameau. Cette série de meurtres était perpétrée par « L’Empailleur ». Il y avait une vraie progression dans les meurtres, dont on retrouvait les corps horriblement mutilés, dont on ne retrouvait que la peau, empaillés. Audrey sent bien qu’elle va devoir se replonger dans les secrets du passé, et qu’elle est impliquée.

Ce roman est une belle découverte, composé de trois parties complètement différentes. La première partie, qui se nomme L’incendie, est tout simplement impressionnante. On y lit l’enfance d’Audrey, avec toutes ses découvertes et toutes les interrogations d’une jeune fille d’une douzaine d’années. C’est tellement bien écrit que l’on a l’impression de lire un conte, et c’est aussi bluffant qu’un Darling Jim de Christian Mork ou  que le film  Witness de Peter Weir. Pour continuer les compliments, on n’est pas loin des Marécages de Joe Lansdale.

La deuxième partie, qui s’appelle L’Empailleur, nous décrit par le détail l’enquête de Audrey, et si la narration devient plus classique, l’angoisse monte progressivement, sur la base de description de petits bruits, sur des impressions, sur des réactions paranoïaques, et comme on connaît par le détail le passé de Audrey, que l’on s’est attaché à elle, on marche, on court avec elle, à ses cotés, et la tension monte, tout doucement.

Et puis, il y a la troisième partie, intitulée Le Lac, qui nous donne les clés de ce roman et sans vouloir dévoiler l’intrigue, elle est surprenante, tout en étant parfaitement réaliste, cruelle et brutale. Mais au global, si le contexte est violent, elle n’est pas étalée, l’auteur préférant décrire et faire ressentir des ambiances pour faire monter la mayonnaise du suspense et du stress. Et c’est d’autant plus cruel pour le lecteur, avec une telle chute. (Note : je suis content, je n’ai rien dévoilé !).

Que ceux qui cherchent des romans d’action passent leur chemin. Ce roman en trois parties distinctes et différentes fait montre de nombreuses qualités, et j’avoue avoir adoré la première toute en finesse et sensibilité. Ce roman est plutôt à classer du coté d’un Johan Theorin tant les paysages y ont de l’importance et c’est un roman passionnant que j’ai refermé avec tristesse, car je m’étais habitué au style fluide de l’auteur, malgré la brutalité de la dernière partie. Je vous le dis Sonia Delzongle est une grande conteuse que l’on est prêt à suivre partout.