Archives du mot-clé Sexe

Carlos de Jérémy Bouquin

Editeur : Cairn éditions

Jérémy Bouquin se lance dans une nouvelle série de romans prenant place dans la ville de Pau. Après Moktar, qui met en scène un trafiquant de drogue, que je n’ai pas encore lu, je vous propose Carlos, ou la vie d’un chauffeur de taxi nocturne.

Carlos fait figure de vieux de la vieille dans le petit monde des taxis. Proche de la retraite, il assure les tournées de nuit avec son propre taxi, même s’il fait partie d’une société par son ami de toujours. Malgré le cancer qui le ronge, il ne veut pas lâcher l’affaire, ne veut pas s’avouer vaincu. Le vendredi soir, il se déconnecte du système de localisation pour emmener Clémentine dans ses rendez-vous coquins, bien particuliers.

Clémentine, Clem pour les fidèles de son compte Instagram, offre des séquences de sexe dans les conditions du direct. Elle n’aime pas particulièrement ça mais considère cette activité comme un hobby, presque un travail. Elle devient folle quand elle voit le nombre de « followers » augmenter. Pour les récompenser, elle leur a concocté un programme alléchant qui devrait la porter vers les cimes des comptes les plus suivis.

En effet, elle a promis à ses fidèles spectateurs dix séquences de sexe en conditions de direct, situées en dix endroits différents. Elle a choisi les bénéficiaires par rapport aux réponses qu’elle a reçues. Comme souvent maintenant, Carlos sera son chauffeur. Au fur et à mesure de la nuit, les passes se suivent et Clem fatigue, prend des remontants, des drogues de plus en plus dures pour tenir le coup. Carlos s’inquiète et va se sentir obligé d’intervenir, déclenchant ainsi un engrenage de violence.

Jérémy Bouquin a l’habitude de nous décrire des petits métiers dans notre quotidien, et de tisser autour de ces personnages une intrigue bien noire, tout en pointant quelques travers bien sentis. On se rappelle Une femme de ménage, Une secrétaire, les gilets jaunes de Colère jaune ou même l’institutrice de Tableau noir du malheur. Passons donc au métier de chauffeur de taxi avec Carlos.

Carlos, personnage principal et narrateur de notre histoire, nous apparait comme un bosseur fou, et a donc négligé sa vie de famille. Touché par une maladie incurable, il alterne les courses officielles et d’autres au noir, dont celles pour Clem. Cette jeune femme joue avec sa vie, recherchant la célébrité sur Instagram au détriment de sa propre vie et des risques de tomber sur des cinglés du sexe.

Jérémy Bouquin nous offre un polar classique dans la forme, comme une descente aux enfers dans un style moins haché que d’habitude, insistant beaucoup sur la psychologie de Carlos et son aptitude à chercher une solution à un problème avant d’en chercher la cause. On le trouve loyal envers Clem qu’il confond parfois avec sa fille, en oublie sa femme, sa vraie vie et s’enfonce dans des situations inextricables.

L’auteur nous décrit aussi par le menu le métier de taxi, toutes les situations qu’ils ont à subir, mais aussi l’obsession des réseaux sociaux à rechercher des émotions extrêmes et le plaisir immédiat. Avec la visite des quartiers de Pau, les bas-fonds détenus par les trafiquants de drogue, et une intrigue bien menée, Jérémy Bouquin nous livre ici un polar très complet et très divertissant.

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Last exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr

Editeur : Albin Michel (Grand format); Livre de Poche puis 10/18 (Format Poche)

Traducteurs : Jeanne Colza puis Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet

Attention, Coup de Cœur !

Afin de fêter leurs 60 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux 10/18.

Cela faisait plus de trente ans que je voulais lire ce roman, surtout grâce à sa réputation de chef d’œuvre de l’auteur, l’accusation d’obscénité qu’il a subie en Angleterre ne me faisant ni chaud ni froid.

L’auteur :

Hubert Selby, Jr., né le 23 juillet 1928 à New York, et mort le 26 avril 2004 (à 75 ans) à Los Angeles, est un écrivain américain.

Né à New York, dans l’arrondissement de Brooklyn en 1928, Selby quitte l’école à l’âge de 15 ans pour s’engager dans la marine marchande, où son père, orphelin, avait travaillé. Atteint de la tuberculose à 18 ans, les médecins lui annoncent qu’il lui reste deux mois à vivre. Il est opéré, perd une partie de son poumon, et restera 4 ans à l’hôpital.

Lors de la décennie suivante, Selby, convalescent, est cloué au lit et fréquemment hospitalisé (1946-1950) à la suite de diverses infections du poumon. « C’est à l’hôpital que j’ai commencé à lire avant d’éprouver le besoin d’écrire. » Incapable de suivre une vie normale à cause de ses problèmes de santé, Selby dira : « Je connais l’alphabet. Peut-être que je pourrais être écrivain. ». Grâce à sa première machine à écrire, il se lance frénétiquement dans l’écriture.

Son premier roman, Last Exit to Brooklyn, une collection d’histoires partageant un décor commun, Brooklyn, entraîna une forte controverse lorsqu’il fut publié en 1964. Allen Ginsberg prédit que l’ouvrage allait « exploser sur l’Amérique comme une bombe infernale qu’on lirait encore cent ans après. ». Il fut l’objet d’un procès pour obscénité en Angleterre, interdit de traduction en Italie, et interdit à la vente aux mineurs dans plusieurs états des États-Unis. Son éditeur, Grove Press, exploita cette controverse pour la campagne de promotion du livre, qui se vendit aux alentours de 750 000 exemplaires la première année. Il fut également traduit en douze langues. L’auteur le résume ainsi : « Quand j’ai publié Last Exit to Brooklyn, on m’a demandé de le décrire. Je n’avais pas réfléchi à la question et les mots qui me sont venus sont : « les horreurs d’une vie sans amour». ». L’ouvrage est republié sous une nouvelle traduction française début 2014.

Son second ouvrage, La Geôle, publié en 1971, est un échec commercial, malgré les critiques positives, ce qui décourage l’auteur.

Selby connaît des problèmes d’alcool, et devient dépendant à l’héroïne, ce qui le conduira deux mois en prison et un mois à l’hôpital, et lui permettra de sortir de cette dépendance. Cependant, après cette cure, il tombera encore plus dans l’alcoolisme.

En 1976 sort son roman Le Démon, l’histoire de Harry White, jeune cadre New-yorkais en proie à ses obsessions. Cette histoire présente de grandes similitudes avec American Psycho, écrit quinze ans plus tard par Bret Easton Ellis.

Deux ans plus tard, il publie Retour à Brooklyn ((en) Requiem for a Dream), qui sera adapté plus de 20 ans plus tard au cinéma, en 2000, sous le même titre, par Darren Aronofsky, avec qui il écrira le scénario.

En 1986 sort son recueil de nouvelles Chanson de la Neige Silencieuse ((en) Songs of the Silent Snow), et en 1998 son roman Le Saule (The Willow Tree), plus apaisé : « Mes premiers livres avaient tous ce côté pathologique, il fallait parler du « problème » sous tous les angles possibles alors que, dans Le Saule, j’essaie de parler de la solution et des moyens d’y parvenir. ». Enfin, en 2002, est publié Waiting Period, roman où le héros, contraint de reporter son suicide, reconsidère son projet.

Il a vécu à Manhattan, puis à Los Angeles, où il a enseigné à l’Université. Il a été marié trois fois et a eu quatre enfants, deux filles et deux garçons.

À la fin de sa vie, il confiait à l’un de ses amis  » je peux tout juste taper une lettre sur ce putain d’ordinateur « . En effet, Selby avait acheté un ordinateur, dans le seul et unique but de remplacer sa  » bonne vieille machine à écrire « .

Il est mort le 26 avril 2004 à Los Angeles d’une maladie pulmonaire chronique, consécutive à la tuberculose contractée durant sa jeunesse. Il s’est éteint accompagné de ses proches : son ex-femme Suzanne, chez qui il se trouvait, les enfants de son premier mariage, et son chien.

Quatrième de couverture :

Consacré à la violence qui déchire une société sans amour mais ivre de sexualité, ce livre a imposé d’emblée Selby parmi les auteurs majeurs de la seconde moitié de ce siècle. D’autres oeuvres ont suivi : La Geôle, Le Démon, Retour à Brooklyn, toutes parues dans notre « Domaine étranger ». Last Exit to Brooklyn reste le point d’orgue de ce Céline américain acharné à nous livrer la vision apocalyptique d’un rêve devenu cauchemar. Où la solitude, la misère et l’angoisse se conjuguent comme pour mieux plonger le lecteur dans ce qui n’est peut-être que le reflet de sa propre existence. Implacablement.

Mon avis :

Autant vous prévenir tout de suite, ce roman se mérite, il nécessite des efforts et du courage mais vous trouverez la récompense au bout du chemin. Ce roman est composé de six nouvelles plus ou moins longues qui tournent autour d’un quartier de Brooklyn, le bar grec d’Alex. Dans ce microcosme, on va trouver un échantillon de la société américaine représentative de ce qu’elle était mais aussi de ce qu’elle est devenue. Car ce roman reste encore d’actualité et démontre la violence inhérente à ses règles, ses lois, son éducation.

Dès la première nouvelle, le ton est donné : un groupe de clients du bar passe son temps à boire puis, pour se dégourdir les jambes et les poings, entraine quelqu’un dehors pour le tabasser, qu’il soit soldat ou pédé. Cet extrait permet aussi d’entrer dans le monde d’Hubert Selby Jr. Les gens passent leur temps comme ils le peuvent, vivent en meute mais malgré tout, se retrouvent seuls devant les secondes qui s’écoulent avant leur mort. Il permet aussi d’appréhender ce que sera le style imposé de l’auteur : de longs paragraphes, pas d’indication de dialogues, tout est noyé dans une même narration, car le lecteur doit être capable d’écouter cette musique rythmé que le narrateur leur assène, comme une batterie battant la mesure infernale.

On retrouve la solitude au menu de la deuxième nouvelle, La reine est morte, avec Georgette, un travesti qui est amoureuse de Vinnie qui l’ignore. Et ce n’est pas le fait d’avoir un enfant qui va combler cette solitude, selon Trois avec bébé. Mais c’est bien dans Tralala ou La grève que l’on retrouve le thème principal du livre, celui d’exister dans une société aveugle et écrasante, où l’on voit deux personnages qui cherchent à exister (Tralala qui devient une prostituée sans se l’avouer et Harry qui se cherche sexuellement).

Ces nouvelles forment un tout, comme une farandole enlacée, avec ses phrases qui harcèlent le lecteur, sans lui donner la possibilité de respirer. Si le livre se mérite, il a le mérite de poser des questions, mettant en cause une société avide du paraitre beau et sans tâches, éliminant de fait la possibilité de faire sa vie indépendamment des autres. Et tous ces personnages comprendront trop tard leur erreur, la société se vengeant d’eux de façon extrêmement violente.

J’ai eu l’occasion de comparer les deux traductions disponibles en France. Les deux se basent sur le même texte et pourtant, cela n’a rien à voir. Celle de Jeanne Colza me semble plus respecter la forme et le rythme voulu par Selby, mais pâtit de termes argotiques liés à l’époque de la traduction alors que celle de Jean-Pierre Carasso, plus littéraire me semble être une interprétation du texte. Les deux sont intéressantes, respectueuses, surtout quand l’on considère que ce texte est intraduisible, tant les nuances sont difficiles à retranscrire.

Pour peu que vous fassiez un effort, notez ce titre et lisez ce monument de la littérature américaine, qui n’a pas pris une ride et qui pose les bonnes questions sur ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir, notre rapport aux autres et l’image qu’ils ont de nous. Last exit to Brooklyn est un texte puissant, indémodable, grandiose et d’une modernité impressionnante. Un classique !

Coup de cœur !

Je vous conseille aussi de lire ce texte de Jean-Pierre Carasso qui parle sa façon d’appréhender ce texte et ses difficultés. Après cela, vous le lirez peut-être en Anglais !

Morvern Callar d’Alan Warner

Editeur : Jacqueline Chambon (Grand Format) ; 10/18 (Format poche)

Afin de fêter leurs 60 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux 10/18.

Je vous propose un roman acheté il y a bien longtemps, et que j’avais mis de côté, surtout pour son sujet. L’adjectif qui me vient en tête après l’avoir lu est déstabilisant.

L’auteur :

Alan Warner est un écrivain écossais né à Oban (Écosse) en 1964.

Il grandit dans le village écossais de Connel, et commence à écrire dès l’adolescence. Il est l’auteur de cinq romans : le très acclamé Morvern Callar (1995), trophée du Prix Somerset-Maugham, These Demented Lands (1997), trophée de l’Encore Award, The Sopranos (1998), gagnant du Saltire Awards, The Man Who Walks (2002), une comédie sombre et surréaliste, et The Worms Can Carry Me to Heaven (2006). La plupart de ses romans se déroulent dans un même endroit, nommé « le Port », présentant des similitudes avec son village natal d’Oban. Morvern Callar a récemment été adapté à la télévision et Alan Warner a reçu en 2003 le prix du Meilleur Jeune Écrivain Britannique.

Il est également connu pour être un grand admirateur du groupe de Krautrock Can. Il a d’ailleurs dédié deux de ses romans à deux membres du groupe (Morvern Callar à Holger Czukay et The Man Who Walks à Michael Karoli). Alan Warner habite actuellement à Dublin et à Xàvia.

Quatrième de couverture :

MorvernCallar, 21 ans, employée sous-payée au supermarché du coin. Signe distinctif : un genou phosphorescent et un goût certain pour le Southern Comfort Limonade. Quand elle découvre que son amant s’est tranché la gorge, vu qu’il peut plus râler, elle allume une Silk Cut et décide de le garder pour elle. Pas chien, il lui laisse en héritage une carte bancaire et un roman à publier. Casquée de son Walkman, Morvern va improviser une nouvelle vie… L’Ecossais Alan Warner compose ici une voix féminine d’une rare authenticité, un personnage déroutant et attachant, un premier roman d’une force saisissante !

Mon avis :

Sex, drugs and rock’n’roll.

Narratrice et personnage principal de ce premier roman d’Alan Warner, Morvern Callar va nous détailler, avec son langage parlé, sa vie de caissière dans une superette, perdue dans un port d’Ecosse. Le temps y est maussade, la vie emplie de routines, et le peu d’argent qu’elle gagne lui sert à faire la fête dans des rave-parties avec ses copines et à laisser passer le temps.

Ce matin-là, elle se réveille et découvre que son compagnon s’est donné la mort, en se tranchant la gorge et les poignets, ce qui prouve sa volonté d’en finir. Contre toute attente, Morvern ne va rien changer à sa vie, et même envisager de garder le corps pour elle. Car cela représente la seule chose matérielle qui lui appartient, le reste n’étant que du vent éphémère. Alors elle va monter le corps dans le grenier. En guise de testament, il lui laisse un mot, sa carte de crédit avec presque 7000 livres et une disquette comportant le livre qu’il a écrit. Il lui demande de l’imprimer et de l’envoyer chez les éditeurs qu’il a choisis, ce qu’elle va faire en remplaçant le nom de l’auteur par le sien.

Etrange portrait d’une jeunesse qui n’attend rien de la vie, si ce n’est de rester jeune le plus longtemps possible pour faire la fête et ne pas penser au lendemain. A défaut d’être attachante, le portrait de Movern Callar n’en est pas moins éloquent d’une personne sans avenir et qui l’a compris, qui l’a même intégré comme règle de vie. Bien que l’intrigue se déroule dans les années 90, le courant punk a fait bien des petits.

Affublée de son walkman et de son casque, fumant des Silk Cut l’une après l’autre, Morvern Callar passe son temps en musique, pour elle-même, sans accorder la moindre importance ni à sa famille (elle a été adoptée), ni à ses amis sauf quand ils font la fête avec elle. Hautement egocentrique, orientée vers son nombril, en forme de vide intersidéral, ce roman débouche sur une fin qui nous montre qu’elle pourrait peut-être grandir. A défaut de trouver ce roman passionnant, je l’ai trouvé intéressant.

Oldies : Le lézard lubrique de Melancholy Cove de Christopher Moore

Editeur : Gallimard – Série Noire

Traducteur : Luc Baranger

Tous les billets de ma rubrique Oldies de 2019 seront dédiés à Claude Mesplède

Claude Mesplède écrivait des rubriques dans une revue consacrée au polar qui s’appelait Alibi, dans laquelle il proposait des polars édités par la Série Noire qui sortaient de l’ordinaire. Au programme, un roman loufoque entre Godzilla et vie tranquille dans un petit village … enfin, tranquille, c’est vite dit.

L’auteur :

Christopher Moore, né le 1er janvier 1957 à Toledo dans l’Ohio, est un écrivain américain de roman policier et fantastique.

Il abandonne ses études à 16 ans, puis enchaîne les petits boulots : couvreur, épicier, courtier d’assurance, serveur. Il s’inscrit finalement à l’Université de l’Ohio, puis s’installe en Californie et suit des cours à la Brooks Institute of Photography de Santa Barbara. Il publie en 1992 Demonkeeping, un premier roman qui mêle humour et fantastique, dont les droits seront achetés par Disney, et se consacre depuis à plein temps à l’écriture. Ce roman se déroule à Pine Cove, un village fictif côtier de Californie. Le village est aussi au centre du récit de Le Lézard lubrique de Melancholy Cove (The Lust Lizard of Melancholy Cove, 1999), où un monstre marin s’attaque aux habitants du village à qui on a supprimé les antidépresseurs, et de Le Sot de l’ange (The Stupidest Angel: A Heartwarming Tale of Christmas Terror, 2004) où un enfant de 7 ans qui a vu le Père Noël prie pour son retour, alors que la plupart des villageois sont complètement paumés.

Un blues de coyote (Coyote Blue, 1994) et La Vestale à paillettes d’Alualu (Island of the Sequined Love Nun, 1997) sont des romans noirs farcis d’humour et de surnaturel. Avant d’écrire La Vestale à paillettes d’Alualu, soucieux de chaque détail, « Moore a vécu deux mois dans les îles du Pacifique pour s’imprégner de son sujet » : lorsqu’un pilote de jet est envoyé pour une mission médicale en Micronésie où il se trouve confronté à de mystérieux événements. Les Dents de l’amour (Bloodsucking Fiends: A Love Story, 1995) raconte l’histoire de Jody, une jeune femme mordue par un vampire et qui en découvre les avantages et les inconvénients. Devant le succès de l’ouvrage et le retour au premier plan des vampires, Christopher Moore propose une suite à ce roman avec D’amour et de sang frais (You Suck: A Love Story, 2007) et Bite Me: A Love Story (2010).

« Iconoclaste, Moore a imaginé la vie de Jésus raconté par son ami d’enfance » dans L’Agneau (Lamb: The Gospel According to Biff, Christ’s Childhood Pal, 2002).

Christopher Moore est l’auteur d’une quinzaine de romans, dont neuf ont été traduits en France, d’abord au sein de la collection Série noire, puis chez Calmann-Lévy dans la collection Interstices.

Source : Wikipedia

Quatrième de couverture :

Il se passe quelque chose dans la morne station balnéaire de Melancholy Cove. On y trouve, pour un cocktail détonant, un flic qui se console de l’être en tirant sur des joints, une schizophrène ex-actrice de films de série Z post-apocalyptiques réfugiée dans une caravane, un joueur de blues poursuivi par un monstre marin dont il a tué le petit quarante années plus tôt, une psy qui ne donne plus à ses malades que des placebos, un pharmacien lubrique ne rêvant que d’accouplements avec des dauphins, une femme qui se pend, des gens qui disparaissent… Une seule certitude : tous ont la libido qui explose. Tous sans le savoir sont sous le signe du lézard…

Mon avis :

Trois événements vont bouleverser la vie tranquille de Melancholy Cove. Tout d’abord, Bess Leander, femme au foyer et mère de deux enfants, est retrouvée pendue dans sa salle à manger. Ensuite, Mavis Sand, propriétaire du bar local, passe une annonce pour trouver un chanteur de Blues. Enfin, une légère fuite de liquide radioactif a lieu dans la centrale nucléaire.

L’air de rien, les conséquences vont être terribles. Un monstre marin ressemblant à Godzilla se réveille et Valérie Riordan, la psychiatre, se sentant coupable, décide d’arrêter de délivrer des ordonnances d’antidépresseurs pour les remplacer par des placebos, avec l’accord de son ami et complice pharmacien. Théophile Crowe, le flic municipal, va se retrouver au cœur de ces phénomènes, quand la ville se transforme en joyeux bordel orgiaque.

En mélangeant une affaire policière avec des événements fantastiques, en utilisant un ton ironique et loufoque, Christopher Moore nous offre un roman prenant, passionnant et surtout irrésistible de drôlerie. Quasiment toutes les scènes sont hilarantes, soutenues par une intrigue menée de main de maître et des dialogues fantastiques et savoureux, rajoutant un aspect comique énorme.

Mais ce roman n’est pas qu’une potache puisqu’il permet, en décrivant la vie de cette petite ville, de pointer les travers de la société américaine. Entre la corruption du shérif, les psychiatres et les magouilles des pharmaciens, les religieux proches de sectes, les acteurs délirants et malades, et l’attrait du fric, toujours le fric. C’est un roman hilarant, totalement barré, ne ressemblant à aucun autre. Encore un roman culte !

Oldies : La reine de la nuit de Marc Behm

Editeur : Rivages Noir

Traducteur : Nathalie Godard

Je continue ma rubrique Oldies qui est consacrée en cette année 2018 à la collection Rivages Noir. Voici un roman choisi presque par hasard dans ma bibliothèque, puisque j’ai suivi le bandeau signé Romain Slocombe : « L’apocalypse érotique du IIIème Reich ».

L’auteur :

Marc Behm, né le 12 janvier 1925 à Trenton, New Jersey, mort le 12 juillet 2007 à Fort-Mahon-Plage (Somme), est un écrivain de roman policier et un scénariste américain ayant vécu à Paris en France. Behm a écrit le scenario du film Help ! des Beatles (1965) et de Charade (1963). Son roman le plus connu est le roman noir surréaliste Eye of the Beholder (1980), traduit sous le titre Mortelle randonnée.

Behm a développé une fascination pour la culture française tout en servant dans l’armée américaine pendant la seconde guerre mondiale; plus tard, il est apparu en tant qu’acteur sur plusieurs programmes de télévision français, avant de s’y installer de façon permanente.

Ses romans font preuve d’un humour ravageur et d’un style surréaliste.

Quatrième de couverture :

La mère d’Edmonde Kerrl adorait Wagner, mais son père traduisait Shakespeare. Elle fut donc prénommée Edmonde en l’honneur du traître Edmund dans le roi Lear. Rien d’étonnant à ce qu’elle soit devenue la « reine de la nuit », ait rejoint le parti nazi sur un malentendu et, d’aventures en tribulations, se soit retrouvée membre des S.S. puis dans le lit d’Eva Braun…

Premier roman de Marc Behm au scénario pour le moins déroutant, la reine de la nuit est un livre à l’humour noir ravageur, dont l’exceptionnelle force subversive n’a pas fini de marquer les esprits. On peut y trouver une parenté avec le Inglourious Bastards de Tarantino, mais le ton de Marc Behm est unique comme l’est sa façon d’aborder le basculement dans la folie totalitaire à travers un thriller palpitant.

« Quoi qu’il en soit, un fabuleux roman. » Jean-Pierre Deloux, Polar

Mon avis :

Edmonde Kerrl, voilà un nom que je ne risque pas d’oublier, même si j’ai plus ou moins apprécié ce roman. Cette jeune femme va nous raconter sa vie, guidée par ses pulsions sexuelles et l’absence de son père, à travers la montée et la chute des nazis en Allemagne. De son adolescence et la découverte de ses premiers émois avec sa cousine jusqu’à sa condamnation à mort, elle ne nous cache rien et Marc Behm nous rend ce roman à la fois érotique et horrible, violent jusqu’à l’inacceptable et sarcastique.

Grossissant le trait jusqu’au grotesque, Marc Behm a certainement voulu montrer l’absurde du nazisme. Mais là où cela cloche, ce sont toutes ses libertés prises vis-à-vis de la vérité historique et le déroulement de l’intrigue qui place Edmonde toujours là où il se passe quelque chose.

Elle va fréquenter les plus hauts dignitaires de l’Allemagne, grâce aux innombrables orgies auxquelles elle participe, va frayer son chemin sans le vouloir, car elle n’est pas plus nazie qu’une autre. Elle est juste guidée par son égoïsme et son seul plaisir. Si au début j’ai bien accroché, surtout par l’acuité de la psychologie, j’ai petit à petit relâché mon intérêt par la violence de la fin. Vous êtes prévenus, c’est une sacrée charge contre le nazisme, sur un ton sarcastique et cynique mais c’était un peu trop pour moi.

Luc Mandoline, épisodes 5 et 6

Je vous avais déjà parlé de Luc Mandoline, ce personnage récurrent édité aux Ateliers Mosesu. Ce personnage, ancien légionnaire, rompu aux enquêtes et sports de combat, se retrouve toujours mêlé dans de drôles d’affaires. Chaque épisode est écrit par un nouvel auteur, comme le Poulpe par exemple, ce qui donne à chaque fois un ton particulier et original. Les quatre titres passés en revue sont :

Harpicide de Michel Vigneron

Ainsi fut-il d’Hervé Sard

Concerto en lingots d’os de Claude Vasseur

Deadline à Ouessant de Stéphane Pajot

Voici donc les épisodes 5 et 6 :

 Anvers et damnation

Anvers et damnation de Maxime Gillio :

Quatrième de couverture :

Et si DSK avait été tué dans une chambre d’hôtel ? Et si cet hôtel se trouvait en Belgique et non à New York ? Et si ce n’était pas le FBI qui enquêtait, mais Luc Mandoline, alias l’Embaumeur, le thanatopracteur préféré de ces dames ? Et si les pages de ce roman dégoulinaient de sueur, de sang et d’humour noir, vous le liriez, vous ? Oui ? Alors qu’est-ce que vous attendez ?

« En Belgique, il n’y a pas que les canaux que l’on retrouve pendus »

Mon avis :

Alors que cela démarre sur des chapeaux de roue, avec beaucoup d’humour à la clé, cette enquête qui prend comme prétexte l’assassinat d’un candidat aux présidentielles, se transforme rapidement en excellent polar musclé. Mandoline et son compère Sullivan vont se retrouver en Belgique aux prises avec un mystère bien sombre, et faire une incursion dans le monde de la prostitution.

Avec un mélange savamment dosé d’action, de sexe et de violence, Maxime Gillio que je découvre pour l’occasion s’avère être un auteur de grand talent, sachant poser ses mines pour mieux nous surprendre à la fin. Avec ce polar formidablement bien mené, Maxime Gillio a écrit un des meilleurs numéros de cette série avec Ainsi fut-il d’Hervé Sard. En tous cas, c’est un polar immanquable, du divertissement haut de gamme.

Label N

Le label N de Jess Kaan :

Quatrième de couverture :

Quand Luc Mandoline est appelé pour un remplacement dans le Pas-de-Calais, il ne se doute pas que ce qui l’attend est encore plus noir que le charbon des houillères d’Auchel.

Ce n’est pas au fond de la mine qu’il va descendre, mais dans les arcanes d’une organisation secrète aux vieux relents de race supérieure.

Manipulation génétique, lavage de cerveau, sexe et trahisons… Pour sa première incursion dans le milieu du polar, Jess Kaan réunit tous les ingrédients d’un vrai tour de force.

« Terril en la demeure »

Mon avis :

Pourtant, Luc Mandoline, en débarquant dans le Nord, avait décidé de rester calme. Pourtant, il n’y avait rien, dans cet accident de voiture, qui augurerait qu’il allait être confronté à des hommes plus ignobles les uns que les autres. Et pourtant, nous voici aux commandes d’un livre qui mêle action et suspense et qui se lit comme on monte les œufs en neige : ça démarre doucement, les personnages se mettent en place ; puis le blanc commence à apparaitre et Luc et Sullivan entrent en scène ; Puis ça commence à avoir de la consistance et Arlock arrive. Enfin, feu d’artifice final, les œufs sont bien durs et ils s’en sortent … comme d’habitude.

Plongé dans le monde du Sadisme, Luc va avoir à faire avec un personnage terrible, probablement le plus terrible qu’il ait eu à rencontrer à ce jour. On va trouver dans ce roman de l’action et du sexe cru, violent. Et si la place est donnée au suspense plus qu’à la psychologie, cela donne un polar sympathique à ne pas mettre entre toutes les mains tout de même. Un polar pour adultes quoi !

Chronique virtuelle : Corps défendant de Baptiste Madamour (Ska)

J’en avais parlé dans un de mes billets d’information du mardi. Eh bien voici mon avis sur ce roman qui laisse augurer le meilleur pour cet auteur, qui, au travers de ses cinq chapitres, me fait penser aux grands auteurs français contemporains.

L’argument :

« UNE BLONDE AVEC une longue mèche et un débardeur lâche tend la main vers moi, je lui donne les bouteilles, elle marmonne un merci et retourne à sa conversation. Sa nuque est fine, sa peau doit être douce. Je me sens triste. Je ne devrais pas rester ici. Je devrais rentrer chez moi. Je ne rentre pas. Je regarde une pile de cd, je fais semblant de m’y intéresser, l’important est de ne pas montrer que personne ne me parle et que je ne parle à personne. Ne jamais faire pitié. »

Dans ce court roman, l’auteur dresse le portrait d’une génération à la dérive, prisonnière de la mort des utopies et empêtrée dans le consumérisme à tout crin. Quand on rajoute les MST et le boulot décérébrant, ça craint ! Demeurent les rapports entre filles et garçons et la pérennité de ses aléas : amour, tromperie, jalousie… qui peuvent vous embringuer malgré vous dans des situations extrêmes.

Mon avis :

Si l’histoire est simple, tout l’intérêt de ce roman tient dans le style de l’auteur et de la peinture des jeunes gens d’aujourd’hui. Nous avons à faire avec un jeune homme, qui a un travail qui ne le passionne pas, mais qui lui permet de se payer ses loisirs. Et ses loisirs, justement, ce sont essentiellement des sorties avec les copains, des soirées arrosées, des repas agrémentés de drogue et du sexe, beaucoup de sexe.

Le narrateur est en couple avec Yasmina, ou du moins, ils passent du temps ensemble. Car ils ont chacun leur appartement. En parallèle, il entretient une relation avec Hélène, la petite amie de Franck. Entre eux, c’est le sexe fusionnel. Un jour, Franck débarque chez lui, et lui demande de l’emmener à une fête. Il refuse, le ton monte et le drame arrive : le narrateur tue Franck. Il va devoir se débarrasser du corps …

C’est un étrange portrait que nous brosse Baptiste Madamour, celui d’une génération où la seule chose qui compte, c’est le plaisir, c’est de ne pas se prendre la tête, vivre au jour le jour, vite, très vite, sans regarder en arrière, sans avoir de regrets, sans notions de responsabilités, de bien ou de mal. En cela, on est proche de ce que montrait Brett Easton Ellis dans ses premiers romans. La vie maintenant avant tout !

Ce qui est aussi marquant dans ce roman, c’est le style haché, à base de phrases courtes, détaillant en détail chaque petite action. Cela donne une impression de vitesse, probablement alimentée par les drogues, et surtout, par la justesse des phrases et de leur succession, cela fait bigrement penser à du Philippe Djian (ce qui est un énorme compliment pour moi).

Alors retenez bien ce nom, Baptiste Madamour, car s’il continue comme cela, il pourrait être un futur talent français qu’il va falloir suivre de très près. En tous cas, je note son nom car je suis bien curieux de le voir aborder d’autres sujets, avec des intrigues plus touffues. Ce roman est une excellente découverte que vous pouvez acquérir pour moins de 3 euros sur la librairie de Ska. Avouez que c’est donné !

La velue de Nadine Monfils (Frangrances)

Nadine Monfils a commencé sa carrière d’écrivain en 1984. Et son premier roman s’appelait La velue. Evidemment, ce roman est depuis très longtemps épuisé. Les éditions Fragrances ont la bonne idée de rééditer ce roman …

Ophélie est une professeure, et elle rêve d’emmener en classe son oiseau Ymir, enfermé dans une cage. Comme ce serait plus gai ! Petite en taille, on la comparait à ses élèves. Vivant avec sa tante depuis qu’elle est orpheline, elle a suivi une éducation religieuse stricte. Cet été là, elle part en vacances à la plage, dans la mer du Nord. Et elle rencontre Raphaël. Ces deux là s’aiment d’amour fou, et il lui demande de venir vivre avec lui … dans son château … où il habite avec sa mère … qui a 217 ans.

A partir de ce moment, le roman déraille et devient une sorte d’éducation sexuelle, en même temps qu’une initiation à la vie, au milieu de gens qui tantôt sont des monstres, tantôt sont des animaux. Bienvenue le monde extraordinaire de Nadine Monfils, où les vraies gens sont des êtres bizarres et où les êtres étranges sont les plus humains.

Avec ce premier roman, attendez-vous à être surpris car le début de chaque chapitre n’a rien à voir avec ce qui va suivre. De cet amoncellement de petites scènes, il en ressortira toujours une surprise, des images fortes, grâce aux expressions très imagées de l’auteure, et à son imagination sans borne. Si ce n’est pas un polar, ce roman fait une incursion dans le fantastique, avec des aspects qui rappellent fortement La métamorphose de Franz Kafka, ou bien Histoire d’Ô de Pauline Réage. C’est dire le grand écart que se permet Nadine Monfils.

Malgré cela, on retrouve son art de démonter toute logique, de donner l’impression d’un grand bordel, de faire croire qu’il n’y a aucune construction, alors que le tout forme un ensemble parfaitement cohérent. Et on retrouvera à la fois des thèmes forts pour les habitués de l’univers Monfils, de l’omniprésence de la famille aux étrangers bizarres, de l’horreur des hôpitaux aux policiers frappés ou même des nains lubriques.

Dire que c’est un conte pour adultes est un euphémisme : il y a des scènes érotiques où l’on ne s’autorise aucune limite et tout cela est fait pour amuser la galerie avec des scènes d’une drôlerie irrésistible. Pour vous donner un exemple : A l’hôpital, on soigne les gens en les jetant par la fenêtre ; si l’un d’eux meurt, alors le corbillard les ramasse comme s’il les mangeait, et quand il est trop plein, il les vomit en plein milieu de la rue.

Si ce roman est incontestablement original, s’il est construit avec la cruauté d’un conte, il devra être ouvert à la fois avec l’indulgence d’un premier roman et avec la curiosité de découvrir l’univers de Nadine Monfils qui est déjà bien présent et donnera par la suite à la fois ses romans érotiques et ses polars tels que le Commissaire Léon ou Mémé Cornemuse. C’est une riche idée d’avoir dépoussiéré ce roman et il va en surprendre plus d’un.

Déliquescence de Deborah Kay Davies (Editions du Masque)

Bizarrement, quand j’ai lu la quatrième de couverture, j’ai tout de suite été attiré par le sujet, bien qu’il ne soit pas forcément original. Pourquoi ? Peut-être par sa façon de raconter brièvement une situation pas forcément facile à aborder. Ce roman s’avère, au bout du compte un bon premier roman.

La narratrice travaille dans un centre social, où elle reçoit des hommes pour les aider à remplir leur dossier. Débarque alors un jeune homme blond. Par son magnétisme et ses sous-entendus, elle va être attirée, et accepter de le suivre. Ils vont descendre dans un parking et faire l’amour …

Commence alors pour la narratrice une longue période qui va durer plus d’un an où elle va l’attendre, espérer qu’il arrive, passer quelques soirées en sa compagnie, délaisser ses amis et en particulier Alison sa collègue de travail, s’éloigner de ses parents. La descente aux enfers peut commencer …

Ce premier roman est assez particulier à aborder. Il faut savoir que tout le livre est écrit à la première personne du singulier, dans un style très pauvre, très plat. On n’y trouve aucune description, juste des états d’ame, des pensées, des sentiments. Si la démarche est louable, au sens qu’elle donne l’impression de lire un témoignage, elle parait parfois maladroite, voire lassante.

En effet, j’aurais aimé un peu plus de passion dans les passages où elle retrouve le jeune homme blond, un peu plus de lassitude dans les moments passés au travail, un peu plus d’impatience à force d’attendre un désir qui ne vient pas. Mais non ! rien ! Et si c’est quelque chose qui m’a gêné, je comprends parfaitement la démarche artistique de l’auteure.

Pour en revenir à l’intrigue, comme il y a peu de descriptions, c’est un livre abordable, pas trop trash mais assez cru, où on voit une femme se transformer en esclave, acceptant de s’abaisser jusqu’à l’état d’animal. C’est donc un livre assez dur à lire, surtout si on s’identifie au personnage. En tout état de cause, Deborah Kay Davies signe là un premier roman suffisamment insolite et jusqu’au-boutiste pour suivre son prochain roman.

Gonzo à gogo de Ange Rebelli et Jack Maisonneuve (Editions Tabou)

Ce roman est arrivé dans ma boite aux lettres, par hasard, enfin presque, et je recevais le lendemain un mail me présentant le livre. Bizarre qu’ avec un sujet sur la pornographie, il soit arrivé là. En fait, il s’agit d’un roman noir, plutôt bon, mais à réserver à un public adulte.

Angie Rebellini mit du temps à trouver sa voie. Il fit un petit passage dans la banque, avant de créer son groupe de rock underground puis sexreporter, écrivant des articles sur les films pornographiques en tournage, ou interviewant les stars du domaine. Pas facile de faire son trou, dans ce milieu. Le phénomène qu’il voit venir, c’est le Gonzo. Des amateurs ou des professionnels improvisent des scènes hard qui sont filmées et postées sur Internet. C’est selon lui la nouvelle révolution du sexe.

Ses deux comparses Lola Joy et Isidore Violette-Gastinger (IVG) sont deux hardeurs qui font du Gonzo. Angie en profite pour les suivre et faire des photographies pour son magazine. C’est alors que son employeur, Fez, le pape du porno, va lui proposer de suivre le tournage de Douglas Pean, un pur obsédé, qui va se dérouler dans le sud de la France.

La situation va rapidement dégénérer, alors qu’entrent en scène des actrices venues de l’est, des serbes, des gendarmes et des gitans. Ce gigantesque quiproquo presque vaudevillesque va se terminer dans une scène apocalyptique avec des dégâts à la clé, dont peu en sortiront indemnes.

Je dois dire que j’ai été agréablement surpris de suivre ces aventures de Angie, par son style agréable et humoristique quand il faut, et par ces personnages haut en couleurs. Le contexte, très porté sur le sexe, confirme ce dont on se doute : sex, drug & rock n’roll. Cela permet aux auteurs de montrer comment ces films se font, les pauvres filles de l’est qui font cela pour gagner plus d’argent que dans leur pays, et les producteurs qui s’en mettent plein les bourses, en se les vidant.

Si ce roman ne va pas révolutionner le genre du polar, car c’en est un, il ressemble à un road movie, avant de s’engager dans une veine plus amusante où tout le monde va se retrouver dans une villa pour un final sanglant. Evidemment, les scènes sont crues, explicites, mais il n’y a pas de quoi lire tout ça de la main droite, tant le but est de montrer des gens au travail (sic). D’ailleurs, l’auteur le dit : « Le tournage d’un film pornographique est barbant ».

Bref, voilà une lecture surprenante, plaisante, qui nous montre une facette bien peu ragoutante, pour satisfaire un certain nombre de personnes, dans un format polar dont je retiendrai surtout une fin à la fois amusante et son coté gentiment anarchique, à la façon d’un western déjanté. A noter une préface de Jean Pierre Mocky en forme d’interview où il apparait tel qu’on le connait, et une bonne postface de AH.Benotman.