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Rue Mexico de Simone Buchholz

Editeur : L’Atalante – Fusion

Traductrice : Claudine Layre

Il y a un certain nombre de personnages récurrents que je suivrais au bout du monde. Parce que ce personnage de Chastity Riley possède sa propre vie et nous parle de notre société, de façon rude, juste et lucide.

Une voiture a brûlé à Hambourg, à City-Nord. Rien d’étonnant à cela, cela arrive à Hambourg et n’importe où ailleurs dans le monde. Chastity Riley a été appelée ce matin, car cette fois-ci, il y a un corps dans la Fiat fermée à clé. Le jeune homme est transporté dans un état critique, après avoir inhalé des gaz toxiques pendant plus de dix minutes. Effectivement, il ne passe pas la journée.

La carte grise dénichée dans la boite à gants est au nom de Nouri Saroukhan. L’hôpital déniche les papiers de la victime qui confirme son identité, né à Brême, résidant à Eimsbüttel dans les immeubles du Grindel. Autour d’un café dégueulasse, Chastity et son collègue Ivo Stepanovic aperçoivent quelqu’un qui les épie d’un toit. Quand ils s’y rendent, il est trop tard pour l’appréhender.

Un groupe de travail est formé et les informations sur Nouri Saroukhan tombent : Il a interrompu ses études de droit et est employé par une compagnie d’assurances ; il fait partie du clan Saroukhan, qui détient tous les trafics imaginables de Brême. Les origines du clan sont à chercher dans la communauté Mahallami, une tribu ottomane apatride. Chastity et Stepanovic vont enquêter à Brême.

Quatrième enquête de Chastity Riley, quatrième pur plaisir de lecture ! Quel fantastique personnage que cette procureure qui promène son mal-être personnel et professionnel au long de ces romans courts, comme des uppercuts fatals. Derrière un style simple, se cache une salve d’émotions et un souci d’efficacité qui créé un besoin viscéral de la suivre dans ses enquêtes liées à des faits de société.

Car on ne peut que craquer pour ses mésaventures privées tant elle montre dans sa narration une honnêteté, une mise à nu, une crudité vraie. Et on ne peut que la suivre dans ses enquêtes qui montrent à chaque un problème de société sans jamais juger mais en posant clairement un problème, souvent insoluble, toujours dramatique, qui heurte la parcelle humaniste qui se rebelle en moi.

Simone Buchholz aborde le sujet de l’immigration, et le conflit de civilisation en montrant ce clan sans territoire, dédié à la protection de l’empire ottoman. Ultra violent et se basant sur la protection de la tribu, les Mahallami n’ont aucun sentiment humain autre que la survie des siens. Ils n’adoptent aucun précepte de la civilisation occidentale dite civilisée et ne croient qu’en la violence pour gérer les conflits. Je ne vous parle même pas de la façon dont sont traitées les femmes, simples monnaies d’échange pour calmer une bataille entre deux clans.

Loin de prendre position, Simone Buchholz, fort intelligemment, préfère poser les faits tels qu’ils sont, vieux de plusieurs centenaires, et nous déroule une histoire d’amour à la façon de Roméo et Juliette. Et son minimalisme stylistique fait mouche et nous tire des larmes dans la scène finale, nous faisant soupirer de façon bien fataliste. Cette quatrième enquête est à nouveau fantastique.

Je vous rappelle les enquêtes de Chastity Riley :

Quartier rouge (Piranha éditions)

Nuit Bleue (L’Atalante – Fusion)

Béton Rouge (L’Atalante – Fusion)

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Béton rouge de Simone Buchholz

Editeur : L’Atalante – Fusion

Traducteur : Claudine Layre

Oyé, oyé ! Chastity Riley est de retour dans une nouvelle enquête, l’occasion de profiter de belles heures de polar, fouiller un autre pan de la société moderne et de partager sa vie et ses soucis de femme moderne. Après Quartier Rouge, Nuit Bleue, Simone Buchholz nous en fait voir de toutes les couleurs, retour dans le rouge avec Béton Rouge.

Alors qu’elle sort de chez elle, elle découvre une jeune cycliste qui vient de se faire renverser par une voiture. La police délimite le lieu de l’accident et elle se présente en tant que procureure. De toute évidence, il s’agit d’un délit de fuite. Elle ne peut rien faire de plus, la police judiciaire va bientôt arriver, alors elle rentre chez elle, sous l’œil morne de la lune.

La procureure générale Kolb l’appelle en plein milieu d’un café. Riley doit se rendre au pied de l’immeuble Mohn & Wolff, le plus gros groupe de presse de Hambourg, où on signale un homme enfermé dans une cage. Arrivé sur place, elle découvre un home en mauvais état, torturé et enfermé dans des cages dans lesquelles on met plutôt de gros chiens, avant de les emmener chez le vétérinaire.

Les flics qui protègent le périmètre indiquent que les gens crachaient sur l’homme. Riley va devoir faire équipe avec Ivo Stepanovic, du Département Affaires Spéciales. La victime se nomme Tobias Rösch, DRH de groupe de presse. Le mystère à résoudre ressemble à un choix : s’agit-il d’un acte sadomasochiste ou bien d’une vengeance ? Acte professionnel ou personnel ? Quand une deuxième victime est retrouvée et qu’il s’agit d’un directeur de groupe de presse, Riley et Ivo vont enquêter sur ce groupe.

Les personnages féminins récurrents ne sont pas nombreux dans la paysage du polar et pourtant, c’est toujours un grand plaisir de suivre leurs enquêtes ou aventures. Je citerai, pour celles que je connais, bien entendu Ingrid Diesel de Dominique Sylvain, Lisa Heslin de Jacques Saussey, Léanne Vallauri de Pierre Pouchairet. Ou le lieutenant Ferreira chez Eva Dolan.

Mais quand on lit un roman de Simone Buchholz, on pense tout de suite à sa cousine de caractère Ghjulia Diou Boccanera de Michèle Pedinielli. On retrouve cette même attitude de profiter de la vie, cette humanité envers les autres et cette ténacité dans les résolutions des enquêtes. On retrouve aussi cette même complexité chez ces deux jeunes femmes, qui ont besoin d’un mentor et de rencontres fortuites avec les membres du sexe opposé.

Tout cela pour vous dire que si vous avez aimé les romans précédents de Simone Buchholz, vous allez aimer celui-là. L’auteure a réussi à créer un personnage avec lequel on a une vraie intimité, un plaisir à la côtoyer ; Chastity devient une proche dont on partage le dégout du monde individualiste moderne et actuel. Et cette enquête lui donne l’occasion de plonger dans le monde des grandes entreprises et des licenciements pour faire plus de profit.

On retrouve donc les mêmes recettes que dans les précédents romans, et donc la même joie jouissive de parcourir ces 200 pages. Chastity va découvrir une issue inattendue à son enquête et subira même des déceptions voire des trahisons qui vont nous donner lieu à des aventures à venir encore plus passionnantes, professionnellement et personnellement parlant. Vous l’avez compris, je ne peux vous en dire plus, sous peine de déflorer l’intrigue. Donc il ne vous reste plus qu’une seule option : courir acheter le livre et le dévorer.

Et même si ce livre peut se lire indépendamment des autres, je vous conseille de lire Nuit Bleue auparavant.

Nuit bleue de Simone Buchholz

Editeur : L’Atalante. Collection : Fusion

Traductrice : Claudine Layre

Ce roman me donne l’occasion de parler de deux retours, celui de L’Atalante dans le monde du polar avec une nouvelle collection nommée Fusion et celui de Chastity Riley sur les étals de nos libraires.

Fusion, voici le nom de cette nouvelle collection estampillée Polar aux éditions de l’Atalante. A sa tête, on trouve Caroline de Benedetti et Emeric Cloche, connus pour avoir créé l’association Fondu au noir depuis 2007, et éditeurs de l’excellente revue trimestrielle L’indic, une véritable source de savoir du polar.

Chastity Riley a fait une brève apparition en France, aux éditions Piranha en 2015, dans un roman nommé Quartier rouge, qui était le premier de la série. Il nous présentait un personnage féminin complexe, « rentre dedans », extrême, mais aussi attachant et original.

Il est tabassé par trois hommes dans une ruelle et laissé en sale état. Allongé sur son lit d’hôpital, il se fait appeler Joe, car il se terre dans son mutisme et ne veut rien dire. Dans le cadre de la protection des victimes, on lui octroie un policier de garde devant sa chambre.

Chastity Riley est passé tout proche de la correctionnelle. Pour avoir voulu faire tomber son chef pour corruption, on lui offre un placard doré, la création d’un poste de procureure spéciale pour la protection des témoins. Sa première affaire va être celle de Joe et à force de visites à l’hôpital, elle va réussir à lui tirer quelques informations, en forme de pièces de puzzle pour découvrir une affaire qui fait froid dans le dos.

Le titre de ce roman vient directement du nom du bar BlaueNacht, où Chastity passe ses nuits et rencontre ses amis. Je retrouve avec un énorme plaisir ce personnage féminin hors norme dans une enquête qui va petit à petit se mettre en place, au gré de ses errances diurnes (elle s’ennuie dans ce faux poste) et nocturnes dans les quartiers chauds de Hambourg lors de virées alcooliques.

Je ne vais pas entrer dans le détail pour vous décrire Chastity puisque je l’ai fait grandement dans mon billet sur Quartier rouge. Elle s’appuie sur son entourage, entre amis, amies et amants, ainsi que sur sa cicatrice principale, celle de n’avoir pas connu son père. C’est bien pour cela qu’elle reste proche de Georg Faller, un de ses anciens chefs à la retraite. D’ailleurs, ce dernier a conservé une obsession en tête, celle de faire tomber le ponte albanais de Hambourg, Malaj Gjergj.

On ne peut qu’apprécier la façon d’aborder cette intrigue, et ce style direct, fait de petites phrases, en disant peu mais suffisamment pour créer des personnages plus vrais que nature. Ni bons, ni mauvais, ils ont tous une vraie personnalité et une loyauté que seuls les vrais amis peuvent avoir. On ne peut aussi que se passionner par les valeurs disséminées dans ce roman, par les obsessions de ses personnages et par le sujet de fond, une drogue puissamment mortelle qui va déferler sur l’Europe.

Entre deux chapitres, nous trouvons des témoignages ne dépassant pas quelques paragraphes, passant en revue les pensées de certains des protagonistes. Toute l’originalité tient dans ces passages qui vont nous expliquer certaines choses, puis nous embrouiller pour enfin nous montrer que ce qui est montré n’est pas aussi simple qu’on peut le croire. Même la fin nous pousse à nous demander qui, dans cette histoire, a manipulé qui ?

Jetez-vous sur cette enquête de Chastity Riley car vous allez y rencontrer une femme formidable, inoubliable ; vous allez être plongé dans leurs relations, devenir membre de leur clan, au milieu des Klatsche, Faller, Calabretta, et Carla. Et puis, vous succomberez au style de Simone Buchholz, court, simple, rapide. Et même après la dernière page, vous n’aurez qu’une envie : reprendre tout depuis le début, ne serait-ce que pour aller boire une bière au Blaue Nacht.

Ne ratez pas l’avis de Jean-Marc Lahérrère

Quartier rouge de Simone Buchholz (Piranha)

Après avoir tourné la dernière page de ce roman, je peux d’ors et déjà vous dire que je vais être un fan de ce nouveau personnage récurrent Chastity Riley. Car Simone Buchholz nous offre comme sur un plateau un sacré bout de bonne femme, le genre de personne pour qui on ne peut que craquer.

Finalement, l’intrigue peut être résumée en quelques mots. Le personnage principal se nomme Chastity Riley et elle est procureure. Elle habite Hambourg et apprécie le quartier rouge, situé à coté du port. Elle y trouve une ambiance malsaine qui lui va bien et connait une bonne partie des prostituées qui y travaillent. Un matin, on découvre le corps d’une prostituée. Elle a été scalpée et on a posé sur sa tête une perruque colorée. L’autopsie démontre qu’elle a été endormie avant d’être tuée puis scalpée et qu’elle n’a pas eu de relations sexuelles.

Si je résume si rapidement l’intrigue, c’est bien parce que l’intérêt n’est pas là, du moins c’est mon avis. Car ce personnage de Chastity Riley, on ne risque pas de l’oublier … et on aimerait même la rencontrer. Simone Buchholz construit donc un personnage à la fois fort, mais aussi fragile par bien des aspects, et cela fonctionne parce que c’est fait sans esbrouffe, simplement, et que l’on y croit. En un mot, j’adore cette femme, et psychologiquement, il n’y a aucune erreur et on y croit. A fond !

Chastity Riley est la fille d’une Allemande et d’un Américain. C’est une trentenaire. Sa mère est partie aux USA, son père s’est suicidé à sa majorité. C’est donc une jeune femme sans racines ni repères qui s’est épris de cette ville de Hambourg. La présence de la mer apaise, le quartier du port vivant la nuit, tout est réuni pour un personnage qui cherche un sens à sa vie mais aussi qui se cherche et qui cherche à se perdre.

Du coté des amis, Chastity sort très souvent avec Carla qui est aussi différente d’elle que l’on puisse l’imaginer. Elles écument les bars quand Carla cherche à oublier son petit ami qui ne veut pas s’engager dans une relation digne de ce nom. Elles ne ratent pas un match de football pour toutes les émotions que cela procure. Mais surtout, ce sont des véritables fanas de cette équipe de Sankt Pauli qui évolue dans une division secondaire de football. Et on sent réellement la passion animer Chastity pendant ces matches.

Chastity est célibataire et fière de l’être … quoique … son voisin Klatsche qui n’a pas la vingtaine la fait craquer. Ils ont connu des nuits ensemble, mais elle refuse de se laisser aller, quand ses démons lui rappellent leur différence d’age. Pour autant, le passé de Klatsche n’est pas étranger au charme qu’elle lui trouve. Il a ce coté mauvais garçon qui représente une tentation de se laisser aller au coté obscur. Alors elle hésite, succombe, revient en arrière … et l’enquête va aider Chastity à se rapprocher de Klatsche ou du moins à lui donner de bonnes excuses …

Il y a aussi le commissaire Faller, qui est à ses ordres pour résoudre ses affaires, et qui fait figure de père pour Chastity. Elle ne veut pas se l’avouer mais il est bien ce père qui lui manque tant. Faller est à quelques années de la retraite et il est tout le temps là pour elle, toujours bienveillant quand il s’agit de lui donner des conseils ou pour l’épauler.

Vous l’aurez compris, c’est un roman fort avec un personnage fort. Mais je devrais aussi rajouter des scènes fortes, telles le dégout qu’elle a quand elle assiste à une autopsie, ou bien les lendemains de cuite quand elle doit assurer sa fonction. Parsemé de scènes marquantes, et comme on a déjà adhéré au personnage de Chastity, on ne peut que suivre l’enquête jusqu’au bout et être secoué par cette fin si noire et à laquelle nous ne nous attendions pas. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maitre, et j’ai hate de retrouver Chastity.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude qui lui a donné un coup de cœur.