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Ska cru 2022 

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/

Je voudrais juste vous signaler deux choses : La saison 2 d’Itinéraire d’un flic de Luis Alfredo sera traitée dans un billet à part, ainsi que la nouvelle série écrite par plusieurs auteurs à la manière d’un Poulpe et qui s’appelle : Il était N.

Le jour des morts de Régine Paquet 

Deux nouvelles nous sont proposées : Dans l’odeur des lavandes (Accompagnée par l’odeur de la lavande, la narratrice, âgée de 66 ans) annonce à sa fille qu’elle va se marier et veut choisir sa robe blanche immaculée) et Un 15 janvier 1950 (Les femmes se réunissent pour la mort de Chrétien, le géant simplet du village)

Derrière une simplicité et un naturel si difficile à atteindre, Régine Paquet a réussi à me faire pleurer dans Dans l’odeur des lavandes, avec sa chute terrible et si sereine. La deuxième, écrite comme un conte, narre une histoire de village qui deviendra sans nul doute une légende.

Naissance des ogres de Alain Emery

Le corps de Rubens Carat est découvert dans la rivière, la gorge tranchée. Il fabriquait de l’alcool dans ses alambics clandestins et était connu pour être colérique et violent. Le lieutenant Dessouches mène l’enquête et focalise son attention sur Rudy Mayence.

L’auteur nous convie à un voyage temporel au début du vingtième siècle, pour une intrigue située dans un village et où la justice consiste surtout à se débarrasser des gens qui déplaisent. Accompagné d’une plume fort agréable, très classique dans la forme, cette nouvelle se termine dans un rire jaune sarcastique et mystérieux.

L’empathe saute le pas de Claude Picq

Quand on parle du Tréport, on pense à ses falaises. Les petites vieilles qui en sont tombées aussi, probablement, mais pas longtemps. Quand on en dénombre trois en un mois, cela s’appelle une hécatombe. Georges Marchais travaillait à la Poste, jusqu’à ce qu’il se découvre Empathe, capable de ressentir des émotions sur les scènes de crime. Depuis, il est devenu policier et travaille sur des missions particulières, telle celle-ci.

J’avais découvert Claude Picq sous le pseudonyme de Cicéron Angledroit tout récemment. Ce fut une surprise de le retrouver chez Ska pour une nouvelle série maniant l’humour noir et la verve, comme à son habitude. On suit donc l’homonyme de l’ex-premier secrétaire du parti communiste dans sa première affaire qui se délecte pour ses bons mots, malgré des paragraphes trop longs à mon gout.

Carrousel d’Aline Tosca

La brune, grande, masculine, androgyne regarde dans les rayons à la recherche d’une paire de chaussures. La blonde, féminine, aux formes généreuses l’observe avant de se préparer à prendre son poste à la poissonnerie. Le chef du magasin quant à lui se sent bien seul au milieu de ces femmes.

Aline Tosca m’a surpris avec cette esquisse, ce tableau représentant un supermarché et sa galerie. De portraits en mouvements éthérés, elle donne l’impression de tracer des traits sur sa toile, donnant à l’ensemble une impression de douceur et d’impressions, que viennent rehausser les impressions de solitude et de mal-être des personnages. Cette nouvelle est une superbe illustration des gens qui se suivent, se rencontrent, s’entendent, parfois s’écoutent mais jamais ne vivent ensemble.

Les lendemains qui déchantent de Sébastien Géhan

Dimanche matin, enfin, 13h06. Malgré une douche froide, le narrateur est harcelé par un mal de tête lancinant, conséquence de la cuite de la veille. En prenant la direction du Palace, supérette tenue par des asiatiques, Il finit au Vincennes, le bar-PMU, le temps d’avaler une mousse et de faire un pari aux courses de chevaux, puis continue son périple.

Dans une ville peuplée d’âmes en peine, l’auteur raconte une errance de lendemain de cuite, le genre de trajet parsemé de rencontres inédites, pour peu que l’on s’intéresse aux gens. Parsemé d’anecdotes plus vraies que nature, l’auteur arrive à nous faire vivre une ville morte en apparence, et termine avec un optimisme bienvenu.

L’imposition du cireur Touchet de Jean-Hugues Oppel

Le Trésor Public réclamait à Jean-Louis Touchet, artisan cireur de chaussures établi à son compte, une somme astronomique. Ce qui obligea le brave homme à se reconvertir … et pourquoi ne pas envisager d’écrire un polar ?

A la fois hommage à Jean-Patrick Manchette et clin d’œil à des anciens du polar, cette histoire courte est savoureuse et cynique à souhait. On ne peut résister au rire qui nous prend malgré le malheur qui frappe ce pauvre Touchet.

Les fumiers de Pierrisnard

Ah, ça discute dans les bars de ce village de campagne ! Ah, ça rigole de mauvaises blagues, de foutage de gueule devant le Ricard ! Ah, ça énerve de les voir, les piliers de bar, toujours prêts à se plaindre alors qu’ils planquent des lingots dans leur jardin ! Les fumiers !

Je ne peux m’empêcher de faire ma propre accroche sur cette nouvelle qui fleure bon les vieux imbibés qui refont le monde tous les jours. Avec son style parlé, son agressivité qui tourne à la haine, l’auteur se laisse aller à une histoire noire mais jouissive avec un ton original. Un auteur à suivre, pour sûr.

Quand je serai grand, je serai tueur en série de Gaëtan Brixtel

Monsieur G. tel qu’il veut qu’on le nomme reçoit dans sa cellule sa psychologue Claire Frémont, qui doit évaluer son état. Il raconte alors comment il s’est présenté chez les parents de Mélanie Dariel pour leur annoncer comment il l’avait tuée.

On trouve dans cette nouvelle une bonne dose d’humour noir, où le tueur en série explique posément et poliment comment et pourquoi il a tué ces gens, qui sont pour lui extrêmement malpolis et agressifs. Une lecture jouissive.

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Havanaise de Franck Membribe

Editeur : Editions du Horsain (Format Papier); Ska (Format électronique)

Je connais surtout Franck Membribe pour ses nouvelles, certaines étant éditées en lecture électronique chez Ska. Après Reflux, il nous propose un voyage à Cuba très réussi par son évocation et qui me rappelle tant de bons souvenirs.

En cette fin 2008, Vincent débarque à l’aéroport José Marti de la Havane. Au lieu du ciel bleu promis, il arrive sous un orage, ce qui est toujours mieux que le brouillard qu’i a quitté à Paris. Hervé son compagnon de voyage l’invite à manger. Les deux hommes sont venus pour auditer des musiciens et leur faire signer un contrat au profit de leur maison de disques. A la veille de la fête pour le cinquantenaire de la Révolution Cubaine, ils devraient trouver leur bonheur.

Arrivés à l’hôtel Trip Habana Libre, Hervé et Vincent font un point sur la situation de leur société de téléchargement de musique. Il leur faut trouver de nouveaux noms, surprendre le public s’ils veulent survivre. Puis Hervé reçoit un SMS lui apprenant que son audience pour son divorce est avancée au 4 janvier. Son ex-femme n’en finira donc pas de le faire chier. Il ne leur reste que quatre jours pour trouver la perle rare.

Après quelques heures de sieste, les voilà partis pour La Casa de la Musica, où ils vont écouter un trio de cubains. Puis, évitant les bars à touristes, ils arrivent à La Bodega Inomada où ils discutent d’un contrat et où Hervé leur fait une démonstration au piano. L’alcool coule à flot avant que Hervé fasse un scandale et parte de cette soirée de réveillon. Le lendemain, Vincent qui a rejoint son hôtel dans la nuit, se lève avec un mal de tête obsédant. Il n’a pas de nouvelles de son ami et s’aperçoit même qu’il a disparu. La convocation à la police va lui apprendre une nouvelle beaucoup plus dramatique.

L’auteur prend son temps pour présenter ses personnages et surtout pour nous glisser dans la peau de touristes. Et petit à petit, l’histoire va se dérouler et les événements nous montrer ce qu’est (ou ce que fut) la vie à Cuba, celle des touristes et celle des cubains. Alors, autant vous le dire, l’enquête de Vincent va avancer étape par étape et ceux qui cherchent de l’action sont priés de passer leur chemin. Car l’intérêt de ce roman là est ailleurs.

Sans en avoir l’air, de façon remarquablement subtile, Franck Membribe montre sans fioritures et sans excès la séparation qu’il y avait entre les touristes et la vie cubaine. Il valait mieux pour les étrangers ne pas sortir des zones balisées, surtout à La Havane. Et quand vous parliez à des gens, personne ne critiquait le régime en place, et tous sortaient le même discours de l’école et la médecine gratuite.

Pourquoi en parlé-je au passé ? Parce que ma femme et moi sommes allés là-bas, le siècle dernier. Parce que nous avons vu l’écart entre la vie citadine et la vie paysanne. Effectivement, nous avons arpenté les bars à touristes, nous sommes baladés dans les avenues à la Havane. Et puis, nous avons eu droit à une après-midi dans un petit village de pêcheurs. Là, nous étions libres de nous balader.

Une famille de Cubains nous a invités à prendre le café, à manger leurs biscuits. Ils étaient heureux de nous accueillir (et nous ne parlions pas espagnol !) ; ils étaient fiers de nous montrer leurs meubles, de formidables commodes ou armoires en bois brut, qui, chez nous, vaudraient une fortune. Ils nous ont raconté (en mimant) leur vie, sans critiquer le gouvernement, ni le louer, juste en montrant tant de bienveillance. Dans ces moments-là, nous ne pouvions faire qu’une chose : leur montrer notre respect.

Voilà tout ce que m’a apporté ce roman, une bouffée de nostalgie, un film retraçant un des meilleurs moments de vacances que j’ai connu. Franck Membribe nous présente des personnages vrais, des situations réalistes sans en rajouter. En un peu plus de 200 pages, il nous plonge dans le vrai Cuba et cela rend ce roman bigrement attachant. Avis aux lecteurs avides de voyages dépaysants.  

Chronique virtuelle : Il est N …

Editeur : Ska

Retour de la chronique virtuelle, consacrée aux lectures électroniques. Une nouvelle série est née :

Personne ne connait son nom, ni son visage, ni son sexe.

Son nom fait trembler toutes les polices, les puissants le redoutent.

N est l’ennemi public numéro 1.

Comme ces feuilletons de l’époque, N est un projet collectif de littérature de genre, populaire, à la marge. N n’appartient à personne.

Chaque auteur propose un texte. Des récits courts, noirs, transgressifs, dérangeants, qui interrogent. Un Fantômas actuel qui aurait bouffé du Poulpe enragé.

Il est N est une collection créée par Jérémy Bouquin. Ces polars sont des novellas d’une quarantaine de pages à moins de 3 euros. N’hésitez pas !

Swooch de Max Obione :

On dénombre plusieurs dizaines de victimes, suite aux attentats agrémentés d’un N. Jusqu’au plus niveau de l’état, on s’inquiète, on réunit les meilleurs représentants des différents services d’ordre. L’agent spécial Bulot va être chargée de découvrir qui est réellement N. Et s’il n’était qu’un androïde déréglé ?

Je retrouve avec grand plaisir la plume de Max Obione, si cynique, si noire, si expressive pour nous transporter dans un futur proche. Ça va vite, je regrette presque qu’il n’y ait pas eu quelques pages de plus, et surtout, la fin noire et amorale est à ravir.

Cochon qui s’en dédit de Pascal Millet :

Lydie Nédélec, journaliste, subit la pression (un couteau sous la gorge) de la part de N pour faire un article sur l’abattoir de porcs de Porc&Co. Arrivée sur place, l’usine semble propre, respectueuse et bien sous tous rapports, à part ces lettres N taguées sur les murs. Heureusement, elle prend des photos à l’insu de ses hôtes. Elle n’est pas au bout de ses surprises.

Bénéficiant d’un style redoutablement efficace, cette nouvelle va vite et imagine un scenario horrible dont l’issue ne sera dévoilée que dans les dernières pages. La scène violente de la fin apporte un supplément de rage à ce titre et retranscrit toute la colère de l’auteur.

Bonjour Haine de Luis Alfredo :

Sur un écran de télévision, Martin Shkreli gestionnaire de fonds d’investissement spéculatifs dans la santé, se vante de faire flamber les prix du Daraprim de 13.50 $ à 750 $, au nom du profit. Quand l’image se coupe, Guillaume Sauveur, numéro 2 de l’entreprise, est ligoté sur une chaise afin d’être interrogé par N.

Avec cette intrigue simple portant sur l’interrogatoire d’un magnat de la finance, Luis Alfredo évite la violence gratuite et nous dévoile celle non moins violente des bénéfices scandaleux des groupes pharmaceutiques au mépris des malades qui ne peuvent se procurer des médicaments devenus hors de pris. Edifiant.

Antisocial Network de Nils Barrelon :

Quand Alexandre Blokhine écoute les informations, ce matin-là, c’est pour apprendre la mort atroce du directeur général de FaceApp, agrémenté d’un N majuscule. Il trouve sur le Dark Web la vidéo et lit la revendication de celui qui se fait appeler N contre les réseaux sociaux qui abrutissent les gens. Il va contacter une amie de lycée, devenue hacker, Lila Slezak.

Décidément, Nils Barrelon est fort. En quelques lignes, il nous présente un personnage comme si on le connaissait depuis une éternité. Il entre dans le contexte en défonçant la porte et nous mène à une conclusion géniale à une vitesse vertigineuse. Franchement, c’est une excellente nouvelle.

Euthanasia de Franck Membribe :

Les crimes de N s’internationalisent. Richard Wyatt Jr, magnat du gaz de schiste est découvert dans sa voiture, victime d’une injection de Pentobarbital. Laurent Rebsamen, économiste spécialiste de l’énergie, se rend en Russie pour rencontrer l’inventeur d’une innovation qui va révolutionner l’extraction du gaz.

Ayant décidé de nous dépayser, l’auteur nous envoie dans les plaines de Sibérie où il fait -20°C, avec juste ce qu’il faut de descriptions. Les personnages sont vite brossés et le sujet de la nouvelle nous alerte sur la taux de fuites dans l’extraction du gaz, qui peut atteindre 40% A la fois ahurissante et scandaleuse, cette très bonne nouvelle bénéficie d’une fin bien noire comme je les aime.

Sans mobile apparent de Sandrine Cohen :

Pourquoi Rose, 6 ans, a-t-elle sauté de la Pointe du Raz ? Anna Belkacem est mutée à Plogoff pour s’être fait justice elle-même dans sa précédente enquête. Accueillie par son nouveau collègue Alban Doria, elle a peur de s’ennuyer au fin fond de la Bretagne. Jusqu’à ce qu’on retrouve le corps de la mairesse sur la falaise avec un N gravée sur le pubis.

Malgré le peu de pages, cette histoire va vite et se déroule avec une logique remarquable, grâce aux indices et aux questionnements d’Anna. On retrouve ici le rythme de l’auteure de Rosine, sa volonté de rechercher les causes d’un crime ainsi que sa faculté à nous emporter à une vitesse effrénée vers un final fort réussi. Excellentissime.

Ska cru 2021 :

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/

Je voudrais juste vous signaler deux choses : La saison 2 d’Itinéraire d’un flic de Luis Alfredo sera traitée dans un billet à part, ainsi que la nouvelle série écrite par plusieurs auteurs à la manière d’un Poulpe et qui s’appelle : Il était N.

Sous la carapace d’Aline Baudu :

Lulu, Lucienne, vit avec son mal-être, et ses dizaines de kilogrammes en trop. Après avoir commencé par un médicament, elle en prend vingt deux aujourd’hui, et intègre un centre d’amaigrissement.

En quelques pages, l’auteure se met à la place de cette jeune femme, malheureuse de son physique, et qui ne se rappelle plus pourquoi elle pèse si lourd, pourquoi elle se sent si mal, pourquoi elle avale tant de barres sucrées. D’une expression si simple, Aline Baudu arrive à atteindre ce qu’il est si difficile à réaliser : une honnêteté et une véracité et les deux font mouche directement dans notre cœur.

Inch’Allah de Jean-Luc Manet :

Romain a pour seule habitation un banc situé non loin du commissariat du 5ème arrondissement. Tous les matins, le commissaire vient le saluer et Virginie lui raconte avoir connu sa femme, libraire morte du cancer. Il va faire ses emplettes chez Menad, qui tient une petite épicerie. Après une nuit alcoolisée, les flics l’embarquent. Menad vient d’être tué à coups de boite de conserve.

Jean-Luc Manet arrive avec beaucoup de simplicité à créer un lien entre le lecteur et ce SDF. Cette histoire sonne juste, elle nous atteint directement au cœur, nous fait visiter l’autre Paris, celui des mendiants, et on s’embarque dans cette nouvelle accompagné de personnages attachants. On termine cette trentaine de pages l’air satisfait, heureux d’avoir lu une belle histoire en se rendant compte qu’on a eu entre les mains une formidable perle noire qu’on n’oubliera pas de sitôt.

Deux anges en enfer de Sébastien Gehan :

L’auteur nous brosse une peinture très stylisée et littéraire de la ville du Havre au sortir de la première guerre mondiale. Les petites rues, les jeunes revenus estropiés ou défigurés nous montrent un avenir bien sombre et cette nouvelle débouche sur une conclusion qui tient en quelques mots, en guise de dernière phrase. Du grand art !

Condé de Jérémy Bouquin (4 nouvelles) :

Une colline avant l’enfer : A voir Damien, on comprend vite qu’il a connu l’enfer du front avec sa mâchoire en cuivre rafistolée de fils de fer. Ses supérieurs l’envoient enquêter sur des meurtres de prostituées.

Folles années : Carmen, un ancien amour de jeunesse, devenue patronne d’une usine de voitures, fait appel à Damien après avoir reçu un tract appelant à la grève générale.

Jour de dérouille : Le Condé est appelé en bord de mer, dans un petit port pour y retrouver un suspect nommé La Grenouille, alors que sont organisés des combats de boxe. Ce soir, c’est jour de dérouille.

Ô Madeleine : Marguerite tient sa ferme avec son benêt de fils Pierrot depuis que son mari Gabin est parti pour la guerre. Non loin, dans un fossé, ils découvrent un corps de femme, qu’ils décident de déplacer dans les bois pour ne pas avoir d’ennuis.

Comme le style sec et haché de Jérémy Bouquin fait merveille dans ces 3 nouvelles mettant en scène un monstre au milieu d’un monde monstrueux. Dans la première histoire, on est plongé au front, dans le bruit et la fureur. Dans la deuxième, l’avènement du capitalisme, de l’anticommunisme et du travail à la chaine tiennent le haut du pavé. Dans la troisième, l’auteur rappelle l’absurdité de la guerre. Les énigmes sont simples et Damien un sacré fin limier pour découvrir l’indice qui lui permettra de mettre la main sur le coupable.

Vlad de Pascal Pratz :

Vladimir passe ses dimanches en famille, considérant en bon délégué CGT qu’on ne doit pas travailler … au moins un jour par semaine. Ce jour-là, son adjointe Gaëlle lui demande de l’aide : on vient de découvrir un corps auquel on a prélevé le foie … au moins.

Cette novella est probablement ma plus belle découverte de ce cru 2021. L’auteur y va à fond, dès le début, créant un personnage de flic borderline, qui assume sa vie de couple ratée et ses envies extrêmes. Le style est à l’avenant, phrases rapides, dialogues frappants, et on n’a qu’une hâte, continuer l’enquête … que l’on trouve trop courte. Et même si parfois, Pascal Pratz grossit le trait, on lui pardonne les deux ou trois écarts trop faciles par rapport au plaisir que l’on a ressenti. Voilà un personnage que l’on a hâte de retrouver !

Chères familles de Jean-Hugues Oppel :

A travers quatre nouvelles, Jean-Hugues Oppel nous offre quatre éclats de rire irrésistibles, que ce soir Conseil de famille avec son ton féroce et sans appel, Maman a toujours raison, portrait d’un vrai con irrattrapable, Le Père Noël est en or pur qui offre une belle collection d’imbéciles ou enfin 2500 votes, une nouvelle surprenante et très drôle jusqu’à sa conclusion excellente. Bref dans ce recueil, nous avons droit à quatre bijoux noirs et hilarants.

La savate à Marceau de Jean-Marc Demetz :

Marceau était doué pour la boxe française, jusqu’à ce qu’il rencontre le Molosse. En ces temps troubles de 1916, le conflit laissera des traces et la vengeance est programmée.

Adoptant le rythme des coups de pied, Jean-Marc Demetz arrive avec cette courte nouvelle à ajouter juste quelques coups de pinceau pour nous faire ressentir la sueur, les coups et les victimes de la Grande Guerre. Il faudra compter aussi sur une chute fort bien trouvée.

Jours de neige d’Etel :

Germaine prépare sa soupe alors que son mari Albert somnole devant son verre de vin de table, de l’Oberlin. Quand il s’impatiente, c’est la goutte (de vin) qui fait déborder le vase.

D’un drame domestique, Etel tire une histoire simple mais remarquablement construite. Car après le drame, il nous donne à lire les témoignages de ce couple à propos duquel personne n’aurait pu deviner ce qui allait arriver. A la fois original et bigrement réaliste, Jours de neige est une excellente nouvelle.

Carnaval *** de Jean-Hugues Oppel :

La signorina Pescatore se fait arrêter pour un contrôle de papiers par des gendarmes. Ils la laissent partir avant de stopper une voiture conduite par un Allemand. Ils vont lui demander de se garer sur la place du village où on organise une fête.

Avec son humour noir qui le caractérise, Jean-Hugues Oppel commence par une scène commune pour mieux nous surprendre dans une conclusion bigrement horrible. La facilité à peindre le décor et le contexte, c’est un pur plaisir de lecture féroce.

Une mort trop douce d’Odile Marteau-Guernion :

Alex, complexé dans sa jeunesse pour son poids et sa lenteur, est devenu un trader à succès. Alors qu’il boit un café avec son collègue Francis, il aperçoit dans une vitre une jeune femme dont il tombe amoureux.

Encore une fois, la simplicité de narration l’emporte dans cette histoire terriblement d’actualité, et va se dérouler d’une façon limpide jusqu’à un dénouement tout à fait inattendu, où le sang va couler. Excellent.

Chronique virtuelle : Itinéraire d’un flic de Luis Alfredo

Editeur : Ska (Livre numérique)

Les enquêtes du commandant René-Charles de Villemur sont maintenant regroupées dans un seul et unique recueil numérique, chez Ska. Ce personnage hors-norme hors temps va donc trimbaler sa silhouette mitterrandienne à travers cinq affaires. Cette compilation inclut un épisode inédit appelé Emasculation. J’ai donc regroupé mes lectures de chacune d’elles dans un seul billet et vous encourage à aller vous procurer ce livre numérique à moins de 4 euros) pour découvrir une personnalité intéressante, attachante et spéciale.

Pendaison de Luis Alfredo :

Premier tome des enquêtes du commandant René-Charles de Villemur, ce mini roman d’une cinquantaine de pages se lit très rapidement et doit se savourer comme un dessert … ou une entrée en matière. J’avais déjà lu Kidnapping qui comportait un style humoristique. Ici, on est dans une intrigue plus sérieuse.

Quand on appelle Villemur ce matin-là, c’est à cause de la découverte du cadavre d’un homme pendu dans son entrée. On aurait pu penser à un suicide, si ce n’est que le pauvre homme a été émasculé après pendaison. Difficile dès lors de songer à un suicide. Quand Villemur visite la chambre du mort, il n’y trouve que des habits d’homme. La victime serait-elle homosexuelle ? Pour Villemur qui vient de se brouiller avec son ami de cœur Christian, la thèse de l’homophobie est à retenir parmi les mobiles possibles.

Malgré son apparence d’un autre âge, on est tout de suite familier avec ce commandant de police décidément pas comme les autres. Toujours bien habillé, avec son chapeau mitterrandien, il déroule son enquête avec application, recherchant le mobile pour trouver le coupable, pour arriver à une conclusion bien amère. D’une écriture agréable et appliquée, cette enquête est un réel plaisir de lecture que l’on souhaite prolonger de suite.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul 

Sodomie :

Six mois que son amant Christian est parti. René-Charles de Villemur, commandant de police, tombe dans la routine et noie sa solitude dans l’alcool. Quand on lui signale le meurtre d’un boucher, il se rend sur place. La scène du meurtre est étrange : on lui a enfoncé le canon de l’arme dans le cul et tiré à deux reprises. Encore plus étrange, il y a de la vaseline sur les doigts du boucher et sur son anus, ce qui implique qu’on lui a ordonné d’en mettre.

Alors qu’on lui met dans les pattes Patricia Boyer, une journaliste qui veut faire un reportage sur la police, le commandant et son acolyte Octave vont, comme à leur habitude, dérouler leur méthode, faite d’interrogatoire des voisins. Mais quand un deuxième meurtre est signalé le lendemain, exécuté selon la même méthode, la situation devient urgente, et la pression de la hiérarchie plus pressante.

On retrouve ici toutes les qualités de la précédente enquête, un style fluide, des scènes qui s’enchainent vite et des dialogues savoureux. Cette lecture est donc un vrai plaisir de retrouver ce commandant de police bien typé, même si on découvre assez rapidement l’identité du coupable. La conclusion, par contre, vaut le détour à elle-seule.

Ne ratez pas l’avis de L’oncle Paul

Kidnapping :

Le quotidien d’un officier de police est très varié de nos jours. Le commandant René-Charles de Villemur peut passer d’un rassemblement politique à un suicide en passant par la disparition d’une personne. C’est la disparition de Véronique Chérelle qui va l’occuper, rapportée par son adjoint Octave. Celle-ci a organisé un repas avec des amis et elle n’est pas présente, laissant son mari gérer le repas. Parmi les amis, il y a l’influent M. de Saint-Mont. Devant l’inquiétude de l’assistance, Chérelle appelle la police, ce qui va donner à une enquête sous haute tension dès lors que l’on touche aux grands de ce pays.

J’avais déjà lu cette enquête, alors je vous remets mon avis. J’ai découvert à l’envers cette série et je dois dire qu’on peut les lire indépendamment les uns des autres. Il y a un coté suranné dans le style, un coté légèrement décalé et humoristique, voire sarcastique, qui rendent cette lecture passionnante. L’intrigue est simple mais en peu de mots, l’auteur créé des psychologies, une ambiance et c’est du pur plaisir. Pour tout vous dire, j’ai déjà acheté les autres épisodes ! Je pense que j’y reviendrai plus en détail plus tard …

Ne ratez pas l’avis de l’oncle Paul

Eventration :

Après être passé par tous les postes du supermarché, Patrice Rousse en est devenu le chef de la sécurité. Avec son copain Lucien, ils prennent en flagrant délit de belles jeunes femmes, les emmènent dans la réserve pour assouvir leurs besoins sexuels. Quand il s’agit des arabes, il faut plutôt jouer des poings ; une bonne correction n’a jamais fait de mal à personne ! Lucien, de son coté, profite aussi des largesses de Geneviève, la femme de Patrice sans qu’il n’en sache rien.

De son coté, le commandant René-Charles de Villemur n’arrive pas à oublier le départ de son ami Christian et s’enfonce dans une dépression fortement alcoolisée. Quand il apprend le suicide de Patricia Boyer, une amie, son horizon s’assombrit. L’affaire de l’assassinat de Lucien devrait lui apporter une motivation, mais ce n’est pas le cas. Heureusement qu’Octave, son adjoint, est là pour le secouer.

Cette nouvelle, trop courte à mon goût, ressemble à s’y méprendre à une enquête de l’inspecteur Columbo, dans sa construction. Pendant plus d’un tiers de cette histoire, l’auteur va nous présenter le contexte sans toutefois nous présenter le coupable. Le ton est définitivement plus noir, plus désespéré et on est loin de la dérision présente dans les autres enquêtes. Cela prouve que Luis Alfredo est doué dans tous les genres.

Ne ratez pas l’avis de l’oncle Paul

Emasculation :

Cet épisode n’est disponible que dans la compilation regroupant les quatre autres enquêtes.

Depuis l’affaire relatée dans Pendaison où une victime fut assassinée et émasculée, René-Charles de Villemur discute chez lui avec ses amis Joan Nadal et Patrick Fonvieux d’une série de meurtres visant des homosexuels. Comme ils ont lieu dans une autre juridiction, le commandant n’est pas en charge de l’enquête.

Il est plus de cinq heures du matin quand le téléphone sonne. C’est Octave, son adjoint qui l’informe que le commandant Villote souhaite le joindre. Ce dernier vient de découvrir sur une plage proche de Bordeaux un nouveau cadavre, celui de Christian, son ancien amant que René-Charles a du mal à oublier. Une lettre adressée à René-Charles lui rappelle l’affaire de la mort de Victor Ferran, celle relatée dans Pendaison …

La boucle est bouclée avec cette enquête qui fait référence à la première. On retrouve évidemment avec grand plaisir les personnages qui parcourent ces affaires, et j’ai été étonné de la proximité que j’ai retrouvée avec eux. Ils sont tellement bien dépeints sans en rajouter qu’ils en deviennent des proches.

Le sujet aborde des croisades d’un autre temps, celles d’éliminer ceux qui ne sont pas comme le commun des mortels. Les victimes sont des homosexuels et l’auteur aborde ce sujet avec suffisamment de recul pour laisser le lecteur être horrifié par la connerie humaine. D’ailleurs, quand on lit certains messages sur les réseaux sociaux, on se dit que la réalité pourrait bien dépasser la fiction.

Il n’en reste pas moins que ce premier (que j’espère ne pas être le dernier) est complet et représente une série de très bons romans policiers populaires. D’ailleurs, en parlant de série, je verrai bien ces cinq enquêtes adaptées en série télévisée car tous les ingrédients sont présents pour passionner les masses, des sujets abordés aux personnages passionnants. Avis aux amateurs !

Ne ratez pas l’avis de l’oncle Paul

Reflux de Franck Membribe

Editeur : Ska (Numérique) ; Horsain (Papier)

Je n’avais plus entendu parler de Franck Membribe depuis Coup de foehn ; c’était édité chez Krakoen en 2011. Cette année, il nous revient avec un thème évoquant les racines de tout un chacun dans un roman intrigant et attachant.

Un homme se réveille tout nu sur la plage  de Malu Entu (Mal du Ventre), une île au large de la Sardaigne ; il vient d’être vomi par la mer. Un hélicoptère vient le chercher et une infirmière lui demande s’il va bien. Elle s’appelle Enza. Elle lui apprend qu’il est le seul survivant après le passage d’un tsunami sur ce morceau de terre qui dépasse à peine du niveau de la mer.

Dans le lit d’hôpital, à Cagliari, sa fiche d’identité indique qu’il est inconnu. Enza vient le voir et elle lui montre un journal qui le décrit comme l’unique survivant du tsunami. Mais il ne se souvient de rien. Comme il semble en bonne santé, il doit quitter l’hôpital, et Enza lui propose de prendre une chambre que loue Maddalena, sa mère ; il y sera au calme, loin des journalistes et des curieux.

Enza se propose de l’aider. Au consulat, elle déniche une liste de ressortissants français. A priori, il ne reconnait aucun nom parmi les six hommes et six femmes. C’est le lendemain qu’elle lui annonce qu’il s’appelle Edwin Salmantin, grâce à une caisse en plastique étanche retrouvée sur une plage. Il serait banquier et travaillerait en Suisse. Un peu plus tard, ses certitudes sont remises en cause : sur le marché, quelqu’un l’accoste pour qu’il lui dédicace un livre : Berlin express de Daniel Wantmins.

Pour un romancier, partir d’un personnage amnésique est à la fois un sujet casse-gueule mais aussi un formidable potentiel pour revisiter son passé. Dès les quarante premières pages, on se laisse bercer par la douce musique de l’auteur, par cette légèreté dans le ton qui donne une vraie fluidité à la lecture. Et ces quarante premières pages nous mettent mal à l’aise car on ne sait qui est réellement ce Monsieur X ni où l’auteur veut nous emmener.

Le roman commence avec un Monsieur X, puis passe à Edwin Salmantin, pour semer le doute dans nos esprits. C’est suffisamment intrigant pour que notre attention soit accrochée, et l’impression ne nous lâche pas, puisque l’auteur décide de passer au personnage d’Enza et de nous plonger dans un roman choral, donnant la parole aux deux personnages principaux à tour de rôle. Si le principe est connu, il est remarquablement bien utilisé ici et forme comme une danse, entre ces deux personnages qui vont se tourner autour, avancer, reculer, pour creuser un passé qui semble fuir Edwin.

Et plus le roman avance, plus le thème du roman s’affirme : l’importance de notre mémoire et de nos racines. De la recherche de l’identité d’Edwin va s’ajouter celle d’Enza, et ces virevoltes vont se compléter, se soutenir, et bâtir les deux piliers de ce roman. Peut-on ignorer ses racines ? Surement pas. En quoi peuvent-elles influer sur notre avenir ? Peut-on changer de vie et réparer nos erreurs passées ? Voilà les questions posées par Franck Membribe, des questions qui lui tiennent à cœur, et auxquelles il répond avec passion et sensibilité, sans en rajouter, avec une belle subtilité et émotion.

Ska cru 2020 :

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/

Canon de Max Obione :

Après la représentation du Karnas Circus, Monsieur Zompani se précipite dans la loge de Rosa, la femme canon avec du champagne pour la féliciter. Il profite surtout du fait que l’amant de Rosa Wladimir est en train de démonter les gradins pour obtenir ses faveurs. Les enfants sont les témoins de ce drame pendant lequel Zamponi va perdre un œil. Ce sont des jumeaux siamois attachés par le dos qui partagent les organes et ne peuvent donc être séparés par une opération chirurgicale.

Max Obione est au meilleur de sa forme en évoquant les petits cirques dans une époque non déterminée. Cette nouvelle qui évoque les freaks chers à Harry Crews ont plus de sentiments et sont plus émouvants que les gens normaux. Il aborde aussi le drame que j’appellerai le « With or Without you », en référence à la superbe chanson de U2, pour déboucher sur une fin qui m’a fait pleurer. Juste magnifique.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Deux heures à tuer de Gaëtan Brixtel :

Ce jeune auteur bigrement doué nous propose de passer, le temps d’une nouvelle, deux heures dans un esprit malade, entre paranoïa et schizophrénie. Les deux heures représentent le laps de temps entre le sandwich du midi et l’ouverture de la médiathèque. Entre temps, il imagine des scènes sanglantes où il se débarrasse de ses nuisibles à lui, jusqu’à ce que ses pilules d’anxiolytiques ne fassent leur travail. Une nouvelle tout simplement hallucinante dont Paul Maugendre a dit aussi tant de bien ici :

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2020/04/gaetan-brixtel-deux-heures-a-tuer.html

Eva de Roland Sadaune :

Samo et Willys vivent la belle vie en tant que petits dealers, roulant dans de belles voitures, évoquant les grands auteurs de hard-boiled américains. Samo, le narrateur, aime emmener Eva dans ses balades mais ce qu’il nous raconte est loin de la vérité.

Roland Sadaune joue sur les registres rêve / réalité, nous projetant dans de grands espaces avant de rétrécir violemment l’horizon possible. La chute comme tout bonne nouvelle, est brutale et cruelle, donnant une bien belle lecture.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Rabbit run de Gaëtan Brixtel :

Vincent est un chômeur solitaire qui garde un contact social grâce à son amie Adélie. Elle lui propose de prendre un animal de compagnie, pas un chien, ni un chat mais plutôt un lapin. Il l’appellera Gustave. Et bientôt Vincent va reporter son inquiétude sur l’animal, oubliant son mal-être.

Hasard de la vie, nous avons aussi pris un lapin pour animal domestique. Et quand j’ai lu le début de cette nouvelle, j’ai retrouvé les premiers instants de l’arrivée de notre lapin, puis sa progression au fur et à mesure qu’il grandissait. Je me suis forcément identifié à Vincent, même si je suis moins gaga que lui de la bête. Et je ébahi par la justesse et la façon de raconter cette histoire. Gaëtan Brixtel a un vrai talent : celui de vous glisser et cajoler dans un cocon tout doux et chaud avant de vous allonger d’une belle claque. C’est encore le cas ici : la chute est aussi brutale que cruelle.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Dragon noir de Stéphane Kirchacker :

Roro a pris l’ascenseur social pour échapper à la cité des Lilas, et obtenir un diplôme d’architecte. Roro et Juliette, c’est le coup de foudre depuis quelque temps, et il voudrait bien l’épouser. Mais son père, le Comte, issu d’une lignée royale s’oppose à cette union contre nature. Quand Juliette se fait enlever, poussée de force dans une BMW, le comte fait appel au prétendant puisque les ravisseurs viennent de cette cité maudite.

Stéphane Kirchaker réussit le tour de force d’écrire un polar en forme de conte des Mille et une nuits, aussi romantique que chevaleresque. Vous trouverez au détour d’une cité malfamée, des fées, des trolls, des nains et des elfes. Vous y trouverez aussi de l’action, et surtout de l’humour. Tout ça en 12 pages sur ma liseuse. Quand je vous dis que c’est un tour de force, c’est une formidable réussite.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

La viande hurle de Jeanne Desaubry :

Martine travaille dans une usine du Nord de la France. Elle n’est pas gréviste, contrairement aux ouvriers qui bloquent l’entrée, ou même son père qui a passé sa vie sur les chaines. Elle veut juste passer inaperçue, que personne ne voit son ventre qui grossit. Elle veut oublier celui qui lui a fait subir ça.

Avec une économie de mots remarquable, Jeanne Desaubry présente un drame, malheureusement commun, entre viol et harcèlement sexuel, d’autant plus horrible que l’on est plongé dans ce quotidien des ouvriers de façon réaliste. Et la chute de cette nouvelle est conforme à la noirceur de l’histoire.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

En mon cœur ces racines de Valérie Allam :

Sous son hangar de tôle, ce vieillard aveugle raconte sa vie, ses souvenirs, ses regrets au petit Kouakou, si sage, si patient. Il se rappelle Khadija, son amour de jeunesse qu’il a perdu le jour où il est parti rejoindre la France.

D’une tendresse et d’une sensibilité rare, Valérie Allam raconte une vie, deux vies, des vies en une dizaine de pages. Plantant son décor sous un abri au toit de tôle, la pauvreté du lieu fait ressortir la puissance des sentiments et des rendez-vous ratés.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Ciel rouge de Jean-Hugues Oppel :

Maurice G. brûle le bitume sur l’autoroute de nuit. A bord de sa Fuego, Max une peluche pleine de drogue et un corps dans le coffre. En musique de fond, du rock, du hard, à fond la caisse. Max doit se vider et faire le plein. Pause pipi caca dans une station habitée. Pour son malheur.

Quel plaisir de retrouver Jean-Hugues Oppel et son style haché. De morceaux de phrases, des mots mis bout à bout pour mieux faire ressentir le mouvement, l’action, le rythme et le stress. Cette nouvelle est digne des meilleurs films d’action. Un must !

Je suis un génie de Stanislas Petrosky :

Doté d’un quotient intellectuel hors-norme, avec un coefficient de 170 sur l’échelle de Wechsler, le narrateur n’a jamais connu l’amour. Il est malheureusement atteint de déformation congénitale, comme Elephant Man. Alors il se consacre à la mise au point de prothèses commandées par le cerveau. Mais la désillusion est au bout de la route.

Cette nouvelle est juste incroyable : être capable de faire de la vulgarisation scientifique comme si un génie vous parle. Et la lecture en devient tellement simple que l’on entre dans le jeu, jusqu’à arriver à une chute mémorable, pleine de hargne et de haine.

Soudain partir de Frédérique Trigodet :

Caroline, jeune femme quarantenaire, a vu grandir ses enfants, les a vus quitter la maison et se retrouve avec son mari qu’elle nomme monmari. Passionné de Formule 1, il s’assomme de télévision avant de se coucher tôt, alors qu’elle est insomniaque. Alors, sur le balcon, elle regarde les bateaux partir …

Cette nouvelle aurait plus sa place dans une collection littéraire que chez Noire Sœur. Car nous nous trouvons là en face d’un texte toute en émotion, subtil et introspectif sur une femme qui, à un tournant de sa vie, se pose des questions quant à son avenir. Elle a été une bonne mère ? Soit. Mais après ? Avec une plume descriptive et magnifique, l’auteure nous prend dans ses serres et nous immerge dans les questionnements d’une mère à la recherche de questions et de la figure de son père.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Super N de Jeanne Desaubry :

Léa et Sandrine sont deux sœurs. Elles ont une idée pour se payer leurs courses au Super N. Emprunter le gosse de la voisine et planquer dans la poussette leurs emplettes. Mais le vigile du Super N veille au grain. Et il est prêt à profiter de la situation.

D’un fait divers, l’auteure en tire une nouvelle bien noire qui dégénère vers la fin. Ecrite avec beaucoup de recul, voire de froideur, c’est une plongée ignoble dans le quotidien des pauvres gens.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Point de fuite de Jeanne Desaubry

Editeur : Ska (Numérique) ; Horsain (Papier)

Je n’avais pas lu de roman de Jeanne Desaubry depuis l’excellent Poubelle’s girls. Jeanne m’a permis de lire en avant-première son tout nouveau roman et je l’en remercie. Ce roman sortira en version numérique chez Ska et en version papier chez Horsain.

Ce roman aborde la période 1980-1981, quand Coluche s’est porté candidat pour les élections présidentielles. J’avais 14 ans à l’époque, je ne m’intéressais pas à la politique mais j’ai vécu l’après crise pétrolière, la hausse du chômage, les manifestations, les magouilles de Giscard, et cet espoir (chez les ouvriers) d’une candidature de gauche. Et puis, il y avait Coluche, cet humoriste non conformiste, provocateur interdit à la télévision. Pour moi, sa candidature était une blague, et vu notre situation familiale, cela ne faisait pas rire à la maison. On ne plaisantait pas avec la fonction présidentielle, à l’époque. Par contre, les médias ont largement couvert la mort de son régisseur, René Gorlin, et je m’en rappelle parfaitement.

Ce roman commence le 23 novembre 1980, et Marie, l’amante de René est inquiète de son absence. Elle est enceinte de 7 mois et cela ne ressemble pas à René de la laisser aussi longtemps sans nouvelles. Elle fait le tour de la troupe de Coluche pour savoir s’ils sont au courant de quelque chose mais elle revient bredouille. Deux jours après, deux policiers se présentent chez elle et son monde s’effondre.

On lui apprend, en effet, que le corps de René a été découvert dans un terrain vague de banlieue, assassiné de deux balles dans la nuque. Comme un vulgaire mafieux. Elle se retrouve totalement abasourdie et est bousculée entre les interrogatoires et le rejet des proches de René. Surtout, elle ne comprend pas et se rend compte qu’elle ne connaissait pas l’homme avec qui elle vivait, avec qui elle va avoir un enfant.

Avec ce roman, prenant comme base de départ un fait divers connu, Jeanne Desaubry nous offre un roman puissant, émotionnellement fort. Comme elle le dit (ou l’écrit) en prologue, Tout est vrai et tout est faux. Et la question que je me pose est : quelle importance que ce soit vrai ou faux ? Les émotions que j’ai ressenties, les larmes que j’ai versées, la rage qui m’a tenaillée le ventre, la compassion qui m’a serrée la gorge, elles sont vraies.

Le roman nous propose de suivre Marie, amante et concubine de René, enceinte de 7 mois. René a une femme, Dany et deux enfants. Marie sait tout cela mais ne s’est jamais posée de questions sur ce qu’il a fait par le passé, ses magouilles, ses trafics. Elle sait juste qu’il est régisseur pour le comique qui compte, et qu’elle accueille comme un pur plaisir sa présence, quand il n’est pas en tournée. Ou ailleurs, car elle ne sait pas où il passe ses journées. Seuls comptent pour elle les moments passés ensemble.

Elle est d’autant plus étonnée, quand elle apprend sa mort, ressemblant à celle d’un mafieux qui a trahi la cause. Elle prend de plein fouet le déni de la troupe qui entoure Coluche, elle souffre lors des interrogatoires de la police car la seule réponse qu’elle peut leur donner est : « Je ne sais pas ». Et forcément, ceux-ci ont du mal à la croire. Et ce n’est pas le soutien et le mutisme de ses parents qui vont la soulager. Bien qu’entourée, elle se sent jugée sans raison, accusée au lieu d’être soutenue dans son épreuve.

C’est un portrait de femme aux abois, comme une biche prise dans les phares d’une voiture, c’est le portrait d’une femme en souffrance, qui place son malheur d’aujourd’hui avant son bonheur d’être mère de demain. Ce sont surtout toutes ces phrases si justes, si vraies, qui font mal au cœur, qui nous mettent à sa place sans que l’on ne puisse rien y faire. Le personnage de Marie est simple, juste humain, ne voulant qu’une chose : retrouver son amour, puis comprendre, puis expliquer.

De cette simplicité, Jeanne Desaubry a juste tiré le plus important : celui des sentiments. Elle a créé une connivence, un lien entre son personnage et le lecteur, évitant des scènes qui vous en mettent plein la vue, pour se concentrer sur ce qu’elle pense, sur ce qu’elle est. Cela pourrait tourner au larmoyant, mais la retenue et la subtilité en font un roman poignant, de ceux qui nous donnent envie de hurler. C’est juste magnifique, d’une force qui emporte tout, de celle à laquelle on ne peut pas résister. C’est une démonstration de la puissance de la littérature, le roman le plus fort émotionnellement de 2019 pour moi.

Ne ratez pas les avis de l’Oncle Paul et de mon ami Jean le Belge

Chronique virtuelle : Ska cru 2019

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/

Cercueil express de Mouloud Akkouche

Mohamed est devenu humoriste en France. Quand on lui apprend que sa mère est malade, il ne songe qu’à retourner au pays, l’Algérie, pour la voir. Mais des extrémistes ont juré de lui faire la peau à cause de certaines phrases dans son spectacle. C’est son fils ainé qui a l’idée : il n’a qu’à faire le voyage enfermé dans un cercueil.

Même si le sujet peut prêter à rire, et si on peut aisément imaginer une comédie avec ce thème, c’est avec beaucoup de délicatesse et de finesse que Mouloud Akkouche nous raconte cette histoire. On y passe facilement de la comédie à l’émotion en passant par la rage en une vingtaine de pages. Cette nouvelle est l’illustration parfaite de la façon de raconter une histoire simplement.

Kidnapping de Luis Alfredo :

Le quotidien d’un officier de police est très varié de nos jours. Le commandant René Charles de Villemur peut passer d’un rassemblement politique à un suicide en passant par la disparition d’une personne. C’est la disparition de Véronique Chérelle qui va l’occuper, rapportée par son adjoint Octave. Celle-ci a organisé un repas avec des amis et elle n’est pas présente, laissant son mari gérer le repas. Parmi les amis, il y a l’influent M. de Saint-Mont. Devant l’inquiétude de l’assistance, Chérelle appelle la police, ce qui va donner à une enquête sous haute tension dès lors que l’on touche aux grands de ce pays.

Quelle idée de démarrer par l’épisode 3 de cette série ! Je découvre donc bien tard cette série et je dois dire qu’on peut les lire indépendamment les uns des autres. Il y a un coté suranné dans le style, un coté légèrement décalé et humoristique, voire sarcastique, qui rendent cette lecture passionnante. L’intrigue est simple mais en peu de mots, l’auteur créé des psychologies, une ambiance et c’est du pur plaisir. Pour tout vous dire, j’ai déjà acheté les autres épisodes ! Je pense que j’y reviendrai plus en détail plus tard …

Baiser du soir de Gaëtan Brixtel

Léa se rappelle ses deux grands parents qui se sont aimés durant toute leur vie. Ils ont toujours montré un visage avenant, humoristique, pas sérieux. Le grand père en particulier racontait à Léa toute jeune ce qu’on ne dit qu’aux grandes personnes. Et ça énervait le père.

Je ne peux vous en dire plus sur cette nouvelle de 12 pages qui sent bon le vécu. Sous la forme d’une chronique familiale, il additionne les anecdotes pour mieux cerner la psychologie des personnages et surtout enfermer le lecteur dans ses bras de lettres. C’est une bouffée d’émotion intense jusqu’à la chute d’une noirceur sans pareille. L’une de mes nouvelles favorites de cet auteur.

Contrat de chair de Mathilde Bensa :

Victorine quitte Le Havre au mois d’aout 1863 à bord de l’Isis, à destination de Port-de-France. Orpheline, elle avait été désignée parmi d’autres pour repeupler la Nouvelle Calédonie. Chenepa est canaque et a donné cinq enfants à Baptiste mais trois seulement ont survécu à la terrible fièvre ; elle se retrouve supplantée par Victorine. Victorine aura une fille Marie. C’est 13 ans plus tard que le drame va se jouer.

Cette nouvelle est surprenante par sa concision, nous insérant dans un monde inconnu, dans une famille inconnue et nous fait vivre une horreur comme il en existe tant. Si encore une fois, cela me parait court, c’est bien parec que cette plume expressive est très addictive et qu’on aimerait qu’elle nous raconte d’autres histoires plus longuement.

Lola de Louisa Kern

Comme une lettre, cette nouvelle nous raconte des souvenirs, des itinéraires, des regrets sur un homme qui a vécu les barricades, qui a fait de la prison et s’aperçoit vingt ans plus tard qu’il a raté sa vie. A mon avis, c’est un peu court, et pourtant ces phrases regorgent d’émotions brutes.

Dur à avaler de Stéphane Kirchacker :

En principe, quand il n’y a pas de corps, il n’y a pas de meurtre. Le capitaine Ludovic Grelier interroge une danseuse de boite de nuit habillée en geisha. Il veut savoir où peut bien être Maître Xavier Rochard. Il est loin d’imaginer ce qui a bien pu se passer, très loin, trop loin. Comme quoi, il faut se méfier des apparences.

Cette nouvelle policière prend une tournure plutôt classique, mais en respecte tous les codes. Un lieu, une description sommaire, des dialogues bigrement efficaces, une scène importante qui change tout, et surtout une fin ENORME. En même temps que je découvre un nouvel auteur, je découvre un nouveau talent. Un conseil : ne ratez pas cette nouvelle !

Le fils de Gaëtan Brixtel :

Le retour du fils prodigue … enfin, pas tout à fait. Dans une famille comme toutes les autres, le père est à la retraite et taille sa haie l’été. La mère sourit tout le temps. Le fils, c’est Vincent Deschamps, et il est de retour pour quelques temps … ou pas. Il retrouve ses copains d’avant, sa copine et ses souvenirs. Il est heureux mais aussi profondément désespéré, alors il prend des anxiolytiques. Beaucoup …

Portrait d’un jeune désœuvré, cyclothymique ou bipolaire, sans avenir, sans espoir, qui passe de la joie simple à la noirceur de son âme désespérée, cette nouvelle arrive à nous recréer une ambiance de village, une vie de famille, ses souvenirs, ses photos, ses secrets en tout juste un peu plus de 20 pages. C’est juste parfait, il y a un équilibre entre la narration et le parti pris de l’auteur d’avoir choisi de raconter son histoire en basculant entre le Je et le Il, pour montrer les états d’âme de Vincent. Petit à petit, cette histoire bascule dans le noir, l’horreur, l’inimaginable. C’est juste magnifique.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Il est à noter que l’Oncle Paul a chroniqué quasiment tous ces titres. Allez donc y fouiller !

Le pari de Gaëtan Brixtel :

Vincent et Anne sont deux adolescents. Elle semble avoir besoin de protection, lui veut la protéger. Quand ils se retrouvent seuls, elle lui propose un bain de minuit. Mais il fait froid, il fait nuit, et cette nuit va faire mal.

Comme une scène de film, décrite avec tant de justesse, cette nouvelle en devient vite une scène de torture. Et si la fin est indécise, pour notre plus grand plaisir, elle devient vite une tranche de vie amère, de celles que l’on n’oublie pas. Il y a comme un air de nostalgie, de regrets derrière ces lignes, qui font partie des cicatrices que l’on porte en nous.

Chroniques virtuelles : mes lectures électroniques de novembre

Je vous ai déjà dit ne lire que très rarement de livres sur ma liseuse. Je trouve que c’est bien pour y lire des nouvelles, mais j’ai un peu de mal avec des formats plus longs, surtout pour moi qui suis obligé de reprendre le livre pour écrire mon avis. Mais seuls les idiots ne changent pas d’avis. Voici donc deux romans de deux auteurs dont j’ai déjà parlé sur Black Novel.

Max de Jérémy Bouquin

Editeur : Ska

C’est tout juste un gamin, Max, un ado des rues, tout cradot. Il se présente chez un vieux qui a une petite pizzeria, rue des Mirailles, derrière la place de la République. Paulo le regarde et ne croit pas qu’il a 16 ans. Max dit qu’il sait se battre. Alors Paulo lui propose de faire la plonge et le ménage. Pas trop ce qu’il espérait, le Max. Mais il accepte, et fait la connaissance de Raoul, le cuistot.

Avec les quelques dizaines de couverts, payés en liquide, Max arrive à se faire une centaine d’euros par jour. Inespéré pour ce gamin des rues. Il prend ses aises dans le bar de Carlos, et flâne sur les bords de Loire. Il y rencontre Cloé, une jeune ado comme lui.

Puis Raymond se pointe à la pizzeria, pour demander du fric à Paulo. Paulo veut dire non, mais il finit par céder. Il exige un remboursement rapide, un taux d’intérêt important. Max observe, écoute et se rend compte que la pizzeria n’est peut-être pas qu’un restaurant.

On retrouve tout l’art de Jérémy Bouquin pour placer ses personnages, les tracer de quelques traits, et les mettre dans des décors évidents. Rien de tel qu’un petit restaurant, sombre, noyé au fond d‘une ruelle. Rien de tel qu’un propriétaire bougon, un cuistot taiseux, un jeune homme curieux et une jeune fille attirée. Après, tout est une question d’histoire.

Celle-ci est simple, et peut s’adresser à des ados, adeptes d’histoires contemporaines, ancrées dans le quotidien. Je la réserverai tout de même à des ados de 15-16 ans. Car le vocabulaire est fleuri de mots d’argot par moments. Les adultes y trouveront un ou deux chapitres superflus, soit 6 pages sur les 116. C’est peu.

L’histoire, quant à elle, commence comme un vieux qui veut sauver un jeune, une histoire d’éducation, avant de se diriger doucement vers le mystère, puis le suspense sur la fin. On a clairement du mal à lâcher la liseuse, avec ses phrases courtes, ses chapitres courts et ses dialogues brillants. D’ailleurs, on pourrait diviser le roman en deux parties, l’une pour Max, l’autre pour Cloé, bien équilibrées. C’est à nouveau un très bon polar de M.Jérémy Bouquin.

Ma vie sera pire que la tienne de WIlliams Exbrayat

Roman auto-édité

Ils sont trois : Paulo, Mycose et le narrateur. Comme ils s’ennuient, l’idée de Paulo, le chef de la bande, décident d’emmener sa troupe visiter une résidence luxueuse et isolée, décorée d’un superbe (!) crépis rouge. Rapidement mise à sac, la maison pourrait être tranquille, jusqu’à ce qu’une bande de malfrats armée de vrais flingues ne débarquent …

Ils sont trois, affublés de masques à l’effigie de nos présidents de la République : Chirac, Hollande et Sarkozy. Ils entrent dans le casino, tirent une rafale de mitraillette et récupèrent tout l’argent liquide disponible. A la sortie, deux flics en civil les attendent et la tuerie commence. Ils arrivent à prendre la fuite en emportant une otage.

Trois des personnages vont se retrouver dans la dernière partie de ce roman, organisé comme un feu d’artifice.

Pour chacune de ces parties mettant en scène différents personnages dans différentes situations, le style y est différent. La première est écrite comme un roman d’action et ça pulse à une vitesse folle. Les phrases sont courtes, les dialogues claquent et j’y ai pris un plaisir fou avec ce narrateur qui cherche à comprendre qui poursuit qui et pourquoi. Puis vient le casse du casino et on se retrouve avec des paragraphes plus longs, et un rythme qui baisse.

Puis la troisième partie vient clore cette histoire avec une rencontre entre le narrateur et sa potentielle petite amie, avec ce qu’il faut de menace et de violence pour relancer l’intérêt. Cette troisième partie est déstructurée, moitié roman choral, moitié articles de presse ou rapports d’analyse psychiatrique. Il en ressort un roman avec plein de personnages que l’on reconnaît immédiatement, qui courent après un espoir de vie, et pour qui, la seule réponse est la violence. Peut-être faut-il y voir une image de notre société qui n’a pour seule réponse à l’absence d’espoir que la violence et la mort. Mais je ne pense pas que l’auteur ait voulu y insérer un message. C’est juste un polar bien noir, original, personnel, aussi divertissant que déstabilisant.

Pour le commander, c’est ici : https://www.amazon.fr/vie-sera-pire-que-tienne/dp/1719901538