Archives du mot-clé Stanislas Petroski

Sur des Breizh ardentes de Stanislas Petrosky

Editeur : Eaux troubles

Pour les lecteurs peu avides d’humour en dessous de la ceinture, Stanislas met en introduction de son roman un avertissement :

« Dans cette époque où dès que l’un cause, l’autre se sent fortement offensé …

Dans cette époque où dès que tu poses un mot sur le papier, tu dois bien faire gaffe à ne blesser personne …

Dans cette époque où pour un vocable mal employé, tu peux être menacé de procès …

J’arrête ici cette liste, juste pour te dire que j’emmerde la bienséance, le politiquement correct et encore plus la censure !

De même, il me semble normal de te prévenir, à part mes amis, tous les personnages de ce roman sont fictifs. Si quelquefois il y avait un individu assez prétentieux et bas du front pour se prendre pour un des héros de cette aventure, qu’il se dégonfle l’ego et ferme sa gueule, ça lui évitera d’être ridicule.

Ton Requiem. »

Requiem, prêtre exorciseur des cons et malfaisants, membre du service secret du Vatican, doit résoudre une affaire de vol. L’héritage de Laurent Gérard, vieillard logé à l’EHPAD des Joyeux Macareux à Névez en Bretagne qui devait revenir à l’Eglise a été détourné au profit d’une sombre association. Le chanoine Pichon a alerté le Sodalitium Pianum et voici donc notre Requiem sur la terre des menhirs.

Faisant appel à son acolyte Falvo, il se présente à l’EHPAD avec un CV qui ferait rougir des fraises : maquilleur sur des films pornographiques gays, assistant d’un vétérinaire pour les inséminations artificielles puis garçon d’amphithéâtre. Son nouveau nom est du même ressort : Nikos Lebelle. Et c’est Rozenn, une superbe créature, aide-soignante qui le découvre. Devant le peu de candidatures, M. Guenanten l’embauche et Requiem peut commencer son enquête.

Mon Dieu, pardon Patron, comme dirait Requiem, que j’ai eu du mal à trouver ce roman. Et c’est bien dommage, tant je suis amateur des aventures de Requiem, pour son coté anticonformiste, anti-pourris. L’air de rien, derrière son coté « je défouraille les personnes bien-pensantes », il y a une intrigue, une vraie construites à base de scènes toutes plus drôles les unes que les autres, un mystère et un hommage au travail difficile des aide soignants.

Que vous dire de plus ? Sans même exagérer, ce roman comporte un éclat de rire garanti à chaque page … et encore je ne me suis pas forcé. J’ai trouvé aussi que Stanislas Petrosky, s’il rend hommage à Frédéric Dard, s’en démarque pour trouver son propre style, avec des expressions ou même des descriptions irrésistibles.

Evidemment, tout cela n’est pas sérieux, mais ce roman donne une vraie bouffée de bonne humeur, et garde le rythme du début à la fin, avec sa dose de clins d’œil à quelques auteurs, de réparties, de femmes belles à tomber, et de chansons issues du répertoire français et mentionnées en titres de chapitre. Requiem, c’est du dépoussiérage pour nous rappeler qu’il faut arrêter de se prendre au sérieux.

Publicité

L’affaire de l’île Barbe de Stanislas Petrosky

Editeur : Afitt

Stanislas Petrosky, le créateur de Requiem, ce prêtre exorciste hors du commun se lance dans une nouvelle aventure, celle de nous faire revivre, de façon romancée, l’avènement de la médecine légiste. Une réussite !

En cette année 1881, un corps mutilé a été retrouvé enfermé dans un sac, flottant sur la Saône. Le sac est fermé par du fil de fer, et apporté à la morgue pour être autopsié. La morgue étant logée sur une platte, une barque flottante, cela permet d’empêcher n’importe qui d’entrer. Le professeur Lacassagne, aidé par son aide Ange-Clément Huin reçoivent le colis en compagnie du père Delaigue, le gardien, le docteur Coutagne étant absent.

L’ouverture du sac ne peut se faire sans la présence des policiers Morin et Jacob. Leur surprise est grande quand ils découvrent un corps de femme dont on a coupé les jambes et mutilé le visage. Les hypothèses vont bon train ; certains pensent que le corps a été découpé parce qu’il ne logeait pas dans le sac, d’autres que cela permet de compliquer l’identification de la victime.

Le professeur Lacassagne procède donc à une exposition du corps, afin que les gens puissent venir le voir, et éventuellement reconnaitre la victime. De nombreuses fausses pistes apparaissent alors que le professeur fait un peu mieux connaissance avec son apprenti, d’origine Apache.

On ressent à la lecture tout l’honneur et le respect dont fait montre Stanislas Petrosky envers l’un des pères fondateurs de la médecine légiste moderne. Pour autant, il s’agit bien d’une enquête policière, particulière dans le sens où l’identité de la victime n’a jamais été découverte. L’auteur va donc nous décrire, en le romançant, ce qui s’est passé, tout en insistant sur les quelques idées qu’a proposées le professeur Lacassagne, comme le moulage du corps pour en garder une trace ou même l’utilisation de la photographie qui en est à ses balbutiements.

J’ai adoré cette façon de faire vivre les personnages, et le roman se présente surtout comme une mise en place des personnages. On découvre ainsi un professeur Lacassagne passionné, inventif, mais aussi à l’écoute des autres, doté d’un esprit de déduction hors du commun, psychologue, loyal et humain. Ange-Emmanuel Huin lui nous parait plus mystérieux, puisque nous ne connaitrons que peu de choses de son passé, mais nous aurons la scène occasionnant leur rencontre. On se doute qu’il a réalisé quelques exactions et qu’elles sont la cause de l’inimitié des deux policiers, deux flics véreux et pourris, corrompus et malfaisants. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour initier une série fort prometteuse.

Enfin, je dois ajouter que ce roman bénéficie d’une préface du docteur Bernard Marc expliquant l’importance du professeur Lacassagne et d’une véritable étude en postface, nous présentant le contexte. Je vous conseille fortement celle-ci tant on y apprend beaucoup de choses sur la façon dont les avocats ont trouvé la brèche pour innocenter des coupables et pourquoi il fallait faire évoluer les techniques d’investigation. Le docteur Amos Frappa nous détaille aussi la guerre entre la police de Paris et celle de Lyon, la concurrence acharnée pour ne pas avoir l’air ridicule dans les journaux à faits divers dont le succès allait grandissant. Tout cela est bien passionnant.

Ska cru 2020 :

Comme tous les ans, je vous propose une petite revue des derniers titres parus chez Ska, ou du moins certains d’entre eux. Voici donc quelques lectures électroniques noires, pour notre plus grand bien. L’ordre des billets ne respecte pas mon avis mais l’ordre de mes lectures. Tous ces titres et plus encore sont à retrouver sur le site de Ska : https://skaediteur.net/

Canon de Max Obione :

Après la représentation du Karnas Circus, Monsieur Zompani se précipite dans la loge de Rosa, la femme canon avec du champagne pour la féliciter. Il profite surtout du fait que l’amant de Rosa Wladimir est en train de démonter les gradins pour obtenir ses faveurs. Les enfants sont les témoins de ce drame pendant lequel Zamponi va perdre un œil. Ce sont des jumeaux siamois attachés par le dos qui partagent les organes et ne peuvent donc être séparés par une opération chirurgicale.

Max Obione est au meilleur de sa forme en évoquant les petits cirques dans une époque non déterminée. Cette nouvelle qui évoque les freaks chers à Harry Crews ont plus de sentiments et sont plus émouvants que les gens normaux. Il aborde aussi le drame que j’appellerai le « With or Without you », en référence à la superbe chanson de U2, pour déboucher sur une fin qui m’a fait pleurer. Juste magnifique.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Deux heures à tuer de Gaëtan Brixtel :

Ce jeune auteur bigrement doué nous propose de passer, le temps d’une nouvelle, deux heures dans un esprit malade, entre paranoïa et schizophrénie. Les deux heures représentent le laps de temps entre le sandwich du midi et l’ouverture de la médiathèque. Entre temps, il imagine des scènes sanglantes où il se débarrasse de ses nuisibles à lui, jusqu’à ce que ses pilules d’anxiolytiques ne fassent leur travail. Une nouvelle tout simplement hallucinante dont Paul Maugendre a dit aussi tant de bien ici :

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2020/04/gaetan-brixtel-deux-heures-a-tuer.html

Eva de Roland Sadaune :

Samo et Willys vivent la belle vie en tant que petits dealers, roulant dans de belles voitures, évoquant les grands auteurs de hard-boiled américains. Samo, le narrateur, aime emmener Eva dans ses balades mais ce qu’il nous raconte est loin de la vérité.

Roland Sadaune joue sur les registres rêve / réalité, nous projetant dans de grands espaces avant de rétrécir violemment l’horizon possible. La chute comme tout bonne nouvelle, est brutale et cruelle, donnant une bien belle lecture.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Rabbit run de Gaëtan Brixtel :

Vincent est un chômeur solitaire qui garde un contact social grâce à son amie Adélie. Elle lui propose de prendre un animal de compagnie, pas un chien, ni un chat mais plutôt un lapin. Il l’appellera Gustave. Et bientôt Vincent va reporter son inquiétude sur l’animal, oubliant son mal-être.

Hasard de la vie, nous avons aussi pris un lapin pour animal domestique. Et quand j’ai lu le début de cette nouvelle, j’ai retrouvé les premiers instants de l’arrivée de notre lapin, puis sa progression au fur et à mesure qu’il grandissait. Je me suis forcément identifié à Vincent, même si je suis moins gaga que lui de la bête. Et je ébahi par la justesse et la façon de raconter cette histoire. Gaëtan Brixtel a un vrai talent : celui de vous glisser et cajoler dans un cocon tout doux et chaud avant de vous allonger d’une belle claque. C’est encore le cas ici : la chute est aussi brutale que cruelle.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Dragon noir de Stéphane Kirchacker :

Roro a pris l’ascenseur social pour échapper à la cité des Lilas, et obtenir un diplôme d’architecte. Roro et Juliette, c’est le coup de foudre depuis quelque temps, et il voudrait bien l’épouser. Mais son père, le Comte, issu d’une lignée royale s’oppose à cette union contre nature. Quand Juliette se fait enlever, poussée de force dans une BMW, le comte fait appel au prétendant puisque les ravisseurs viennent de cette cité maudite.

Stéphane Kirchaker réussit le tour de force d’écrire un polar en forme de conte des Mille et une nuits, aussi romantique que chevaleresque. Vous trouverez au détour d’une cité malfamée, des fées, des trolls, des nains et des elfes. Vous y trouverez aussi de l’action, et surtout de l’humour. Tout ça en 12 pages sur ma liseuse. Quand je vous dis que c’est un tour de force, c’est une formidable réussite.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

La viande hurle de Jeanne Desaubry :

Martine travaille dans une usine du Nord de la France. Elle n’est pas gréviste, contrairement aux ouvriers qui bloquent l’entrée, ou même son père qui a passé sa vie sur les chaines. Elle veut juste passer inaperçue, que personne ne voit son ventre qui grossit. Elle veut oublier celui qui lui a fait subir ça.

Avec une économie de mots remarquable, Jeanne Desaubry présente un drame, malheureusement commun, entre viol et harcèlement sexuel, d’autant plus horrible que l’on est plongé dans ce quotidien des ouvriers de façon réaliste. Et la chute de cette nouvelle est conforme à la noirceur de l’histoire.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

En mon cœur ces racines de Valérie Allam :

Sous son hangar de tôle, ce vieillard aveugle raconte sa vie, ses souvenirs, ses regrets au petit Kouakou, si sage, si patient. Il se rappelle Khadija, son amour de jeunesse qu’il a perdu le jour où il est parti rejoindre la France.

D’une tendresse et d’une sensibilité rare, Valérie Allam raconte une vie, deux vies, des vies en une dizaine de pages. Plantant son décor sous un abri au toit de tôle, la pauvreté du lieu fait ressortir la puissance des sentiments et des rendez-vous ratés.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Ciel rouge de Jean-Hugues Oppel :

Maurice G. brûle le bitume sur l’autoroute de nuit. A bord de sa Fuego, Max une peluche pleine de drogue et un corps dans le coffre. En musique de fond, du rock, du hard, à fond la caisse. Max doit se vider et faire le plein. Pause pipi caca dans une station habitée. Pour son malheur.

Quel plaisir de retrouver Jean-Hugues Oppel et son style haché. De morceaux de phrases, des mots mis bout à bout pour mieux faire ressentir le mouvement, l’action, le rythme et le stress. Cette nouvelle est digne des meilleurs films d’action. Un must !

Je suis un génie de Stanislas Petrosky :

Doté d’un quotient intellectuel hors-norme, avec un coefficient de 170 sur l’échelle de Wechsler, le narrateur n’a jamais connu l’amour. Il est malheureusement atteint de déformation congénitale, comme Elephant Man. Alors il se consacre à la mise au point de prothèses commandées par le cerveau. Mais la désillusion est au bout de la route.

Cette nouvelle est juste incroyable : être capable de faire de la vulgarisation scientifique comme si un génie vous parle. Et la lecture en devient tellement simple que l’on entre dans le jeu, jusqu’à arriver à une chute mémorable, pleine de hargne et de haine.

Soudain partir de Frédérique Trigodet :

Caroline, jeune femme quarantenaire, a vu grandir ses enfants, les a vus quitter la maison et se retrouve avec son mari qu’elle nomme monmari. Passionné de Formule 1, il s’assomme de télévision avant de se coucher tôt, alors qu’elle est insomniaque. Alors, sur le balcon, elle regarde les bateaux partir …

Cette nouvelle aurait plus sa place dans une collection littéraire que chez Noire Sœur. Car nous nous trouvons là en face d’un texte toute en émotion, subtil et introspectif sur une femme qui, à un tournant de sa vie, se pose des questions quant à son avenir. Elle a été une bonne mère ? Soit. Mais après ? Avec une plume descriptive et magnifique, l’auteure nous prend dans ses serres et nous immerge dans les questionnements d’une mère à la recherche de questions et de la figure de son père.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Super N de Jeanne Desaubry :

Léa et Sandrine sont deux sœurs. Elles ont une idée pour se payer leurs courses au Super N. Emprunter le gosse de la voisine et planquer dans la poussette leurs emplettes. Mais le vigile du Super N veille au grain. Et il est prêt à profiter de la situation.

D’un fait divers, l’auteure en tire une nouvelle bien noire qui dégénère vers la fin. Ecrite avec beaucoup de recul, voire de froideur, c’est une plongée ignoble dans le quotidien des pauvres gens.

Ne ratez pas l’avis de l’Oncle Paul

Opération Requiem de Stanislas Petroski

Editeur : French Pulp

Requiem est de retour et ça fait du bien ! C’est déjà sa cinquième aventure après Je m’appelle Requiem et je t’…, Dieu pardonne, lui pas, Le Diable s’habille en licorne et Requiem pour un fou. Je suis fan, définitivement fan et ce n’est pas ce cinquième tome qui va me faire changer d’avis.

Au début de ce roman, Requiem est sur un bateau, à bord du Sea Shepherd de Paul Watson. Paul Watson, c’est un corsaire moderne, un personnage réel, qui existe vraiment, (si,si) puisqu’il n’ hésite pas à saborder les salauds de braconniers (excusez-moi, je ne trouve pas d’autres mots) qui abattent pour leur plaisir les espèces animales maritimes pour leur plaisir. Vous l’aurez compris, ce roman va parler de protection d’espèces protégées.

Mais comment en est-il arrivé là ? Quelques semaines auparavant, Requiem est appelé dans la somptueuse demeure de Charles-Nicolas de Saint-Bousiers (Celui-là n’existe pas vraiment mais il doit bien exister de par le monde des salauds (Re-désolé) comme lui) pour confesser sur son lit de mort la mère de l’homme en question. Il est conduit par la bonne, une douce Maria, habillée comme d’antan avec la jupe noire et le cordage blanc … Bref !

En fait de lit de mort, Requiem se rend vite compte que la vieille simule et en guise de confession, elle lui offre une demande de service en échange d’un don fabuleux pour le denier du culte. Le service en question consiste à empêcher son fils de nuire, en l’empêchant d’organiser des safaris de chasse mortelle au Kenya. Il n’en faut pas plus pour que Requiem s’engage dans cette lutte contre le braconnage.

Malgré le sujet grave et sérieux, Stanislas Petroski prend le parti d’utiliser l’humour pour en parler. Et en termes d’humour, on est du coté de Frédéric Dard ou de Nadine Monfils. Stanislas Petroski fait preuve d’ailleurs d’une surprenante imagination pour se moquer des gens ou des situations et cela donne un éclat de rire garanti à chaque page. C’est aussi une excellente façon de passer des messages.

Je ne vais pas insister sur l’importance du sujet, ni du fait qu’il faudrait qu’on arrête un jour de fermer les yeux sur ces salauds, pardon connards (j’en profite pour m’excuser de ce nouveau mot grossier) qui parce qu’ils ont de l’argent, s’arroge le droit de massacrer des animaux en voie de disparition, tout ça pour pouvoir exhiber en société une photo ou une tête empaillée.

Comme les précédents, et peut-être encore plus dans celui-là, le scénario est en béton et nous fait voyager sur deux continents (Afrique et Asie). Le but n’étant pas de faire des descriptions des lieux, il ne faut pas s’attendre à être un dépaysement de folie. En échange, on a droit à de formidables scènes et dialogues irrésistibles de drôlerie. Et puis, chaque tête de chapitre porte le nom d’une race d’animal qui va s’éteindre, avec les raisons futiles associées et là, on se dit qu’on l’a bel et bien perdue, la tête.

Opération Requiem, c’est un excellent opus de Stanislas Petroski. Je me demande encore pourquoi on n’a pas proposé un poste de ministre à Stanislas Petroski !

 

Du polar certes mais en humour !

Depuis San Antonio et peut-être même avant, il n’est pas interdit de lire un polar et de se marrer comme une baleine. On y trouve de tout, des intrigues décalées au style humoristique. Et quoi de mieux que de passer un bon moment en souriant voire en riant. Je vous pose deux exemples d’excellents romans qui viennent de sortir :

Laisse tomber de Nick Gardel

Editeur : Editions du Caïman

Comment être indifférent au sous-titre de ce roman : « Petit manuel de survie en milieu grabataire. » ?

Antoine Spisser a la quarantaine et est rentier, au sens où ses parents lui ont laissé un beau petit pactole à leur mort. A force de ne rien faire d’autre que manger et regarder des films, Antoine s’est retrouvé obèse. Il ne sort donc que très peu de son appartement, situé dans un petit immeuble, au fond d’une impasse. Il faut dire que ses voisins ne sont pas motivants, puisque cet immeuble n’est peuplé que de personnes âgées ?

Quand le roman s’ouvre, notre Antoine se retrouve en équilibre sur la façade de l’immeuble, à presque 10 mètres du sol. Mais pourquoi est-il là ? Si je vous dis que c’est à cause de ses voisins ? Vous y croyez ? Si j’ajoute que c’est à cause d’un lustre tombé en panne ? Dit comme ça, cela peut sembler farfelu. Eh bien ça l’est ! En voulant rendre service, Antoine se retrouve pris dans un engrenage … comique.

Nick Gardel, c’est un auteur que j’aime beaucoup pour sa faculté à créer des situations comiques, entre burlesque et cynisme, sans oublier de bons jeux de mots. C’est dire s’il maîtrise toutes les facettes de l’humour. Mais avec ce roman-là, il s’est dépassé autant dans l’histoire que dans sa façon de la construire. Ce roman, c’est du pur plaisir de lecture du début à la fin, que l’on pourrait résumer par : un fainéant au pays des ignobles vieux.

Construit comme un huis clos, nous avons une situation d’un drôle irrésistible : ce gros échalas malhabile de ses dix doigts, se retrouve dans une position inextricablement noire. Les descriptions des personnages sont de grands numéros, proches de ce qu’a écrit San Antonio, et le cynisme de ce qui se passe dans cet immeuble proche de ce qu’a écrit Thierry Jonquet. Plus le roman va avancer, plus Antoine va s’enfoncer et plus cela va devenir drôle. Et cerise sur le gâteau : c’est remarquablement bien écrit ! Je vous livre un des nombreux passages irrésistibles du roman :

« Orsini est la caricature du vieillard. Voûté, la peau parcheminée et plissée comme un lit défait, il a dans les yeux une éternelle tristesse qu’aucun sourire ne pourra jamais totalement effacer. Son front a gagné la lutte de terrain sur sa chevelure blanchie, qui se retire néanmoins dignement dans l’arrière-pays de son crâne. Ses lobes d’oreilles accusent les ans, dévorés par la broussaille, tandis qu’un nez large s’épate entre rides et poches, ombrant des lèvres fines sans teinte. »

Ce roman, c’est à mon avis son meilleur à ce jour (du moins de ceux que j’ai lus)

Requiem pour un fou de Stanislas Petrosky

Editeur : French Pulp

Fan du Grand Johnny Hallyday, ce roman est fait pour toi !

Requiem, c’est Esteban Lehydeux, un prêtre exorciste d’un genre particulier : il file un coup de main aux flics pour résoudre des meurtres, mais il débarrasse aussi la société de nuisibles excités du bulbe, tels que les racistes ou les extrémistes. Après Je m’appelle Requiem et je t’…, Dieu pardonne, lui pas, et Le diable s’habille en licorne, voici donc la quatrième enquête de notre curé préféré.

Alors qu’il est à Paris pour donner un coup de main à une association œuvrant pour les SDF, Magdalena, il s’apprête à recevoir son amie Cécile pour lui faire découvrir les charmes de la Capitale et plein d’autres choses. Régis Labavure, commissaire et ami de Requiem va gâcher ce week-end en lui signalant un meurtre à la mise en scène étrange : Le corps a été torturé, un extrait de la bible est inscrit au mur mâtiné d’une chanson de Johnny Hallyday et surtout, un exemplaire du précédent roman de Requiem trône à côté du corps. De quoi mettre la puce (et autre chose) à l’oreille ! D’autant plus que ce corps n’est que le premier d’une longue série. Et à chaque corps, on retrouve un roman relatant les aventures de Requiem.

Que n’ai-je pas encore dit sur cette série ? Sous couvert de déconnade, Stanislas Pétrosky nous concocte de vrais scénarii menés tambour battant avec des personnages hauts en couleur. En termes d’humour, on est plutôt du côté de Frédéric Dard, ou de Nadine Monfils (qui signe la préface, truculente comme d’habitude). Et on rit de bon cœur, quasiment à chaque page. En ce moment, j’aime mettre des extraits, alors en voici un :

« C’est ça mon souci à l’heure actuelle, j’ose plus … je ne sais plus comment faire. Pas pour mater un cul, non pour vivre. Tiens, toi qui es du sexe mâle, célibataire, en recherche d’une nana, pour la vie ou pour une nuit. Comment tu fais maintenant ? Quand j’en vois certaines, moi, j’ai peur, tu vas pour draguer gentiment, et paf, un procès sur le coin du museau … On vit une drôle d’époque. Entre les mecs trop lourds, qui mériteraient une bonne claque dans la gueule, voire un coup de genou dans les aumônières, et les filles qui, dès qu’on tend un semblant de regard sur elles, se mettent à hurler au viol, va falloir trouver le juste milieu. Moi, je me permets de vous dire que vous êtes mal barrés pour vivre de belles histoires d’amour si vous ne redressez pas la barre rapidement … »

Requiem n’est pas seulement un personnage drôle ; il dit aussi des choses importantes sur les travers de notre société, il présente le sort des SDF, des abîmés de la vie que l’on délaisse au bord du trottoir, en fermant les yeux. Bref, ce tome-là ne dénote pas par rapport aux autres, c’est de la lecture distrayante et intelligente, qui secoue les neurones pour qu’on se bouge. Bref, une lecture à ne pas rater !

Honneur à Stanislas Petrosky

On ne le connaissait pas il y a trois ans, avant que ne débarque Ravensbrück mon amour, ce roman noir et dur sur le camp de concentration du même nom. Avec la création de l’excellente maison d’édition l’Atelier Mosesu pour l’occasion. Puis, l’année d’après débarquait un cyclone dans le monde du polar humoristique, façon Frédéric Dard. Le roman s’appelait Je m’appelle Requiem et je t’em… aux éditions Lajouanie.

Il est impossible de résister à ce personnage de curé exorciste, à l’humour ravageur et politiquement incorrect. On ne s’était pas remis de nos émotions que débarquait un an après Dieu pardonne, lui pas. Nouvelles aventures et nouveau coup de poing dans le ventre des excités du bulbe et autres extrémistes de tous poils. Eh bien, mes amis, le troisième tome s’appelle Le Diable s’habille en Licorne et c’est à nouveau fendard.

A l’ouverture de ce nouveau roman relatant les aventures d’Estéban Lehydeux, dit Requiem, cela fait un bout de temps que notre prêtre favori n’a pas eu l’occasion d’exercer ses dons dans le domaine de l’exorcisme. Heureusement, Monseigneur Gillio fait appel à lui pour une banale affaire de possession par le Diable dans le corps de la petite Christine. Ses parents sont très inquiets et Requiem se dirige donc dans notre belle vielle de Dunkerque, où se préparent les festivités du carnaval. Mais, quand il débarque dans le Nord, il apprend que la jeune adolescente s’est suicidée, en se plantant une lame dans le ventre, comme un certain … Jésus Christ. En jetant un coup d’œil sur les messages électroniques de la donzelle, il semblerait qu’elle ait eu des relations Sado-Masochistes avec un adulte. De quoi titiller l’instinct de chasseur de Requiem.

On prend les mêmes recettes que pour les tomes précédents, c’est-à-dire humour à fortes doses, jeux de bons mots, gags en dessous de la ceinture, réparties qui fusent. C’est toujours aussi politiquement incorrect, ça flirte avec la ligne jaune mais le ton est toujours juste. Le but n’est pas de se prendre au sérieux, mais de distraire, de parler de choses sérieuses en s’amusant. Et j’adore !

Je tiens à noter que le scénario de cette enquête est particulièrement bien construit, que l’on y retrouve moult personnages comportant des noms d’auteurs de polars récents (un beau clin d’œil aux collègues tels que Maxime Gillio, Marco Falvo ou Jacques Saussey) et que les noms des élèves du lycée Sainte-Croix du Christ Rédempteur ont tous des noms hilarants, et qu’il n’y a pas une page sans que l’on se marre. Pour toutes ces raisons, vous vous devez de faire la connaissance de Requiem.

Je tiens juste à passer un message personnel à Stanislas Petrosky : Merci de nous rappeler que la meilleure arme contre les extrémistes de tous poils est l’humour. Ce roman en est une formidable démonstration. Dans ton roman, Stanislas, tu t’adresses beaucoup à tes fans de sexe féminin, voire trop. Je sais que j’ai un coté féminin développé mais quand même ! Ou alors je suis jaloux. En tous cas, merci d’écrire les aventures de Requiem.

Nota : La licorne est une nouvelle drogue à l’addiction immédiate et à l’issue certaine et rapide

Stanislas Petrosky est aussi l’inventeur de Luc Mandoline, ce personnage récurrent édité aux Ateliers Mosesu. Luc Mandoline, thanatopracteur, ancien légionnaire, rompu aux enquêtes et sports de combat, se retrouve toujours mêlé dans de drôles d’affaires. Chaque épisode est écrit par un nouvel auteur, comme le Poulpe par exemple, ce qui donne à chaque fois un ton particulier et original. Il faut rendre à César ce qui appartient à César, c’est son créateur lui-même qui s’y colle avec Un Havre de paix, édité pour cette fois par French Pulp.

Luc Mandoline est au Havre, sous une pluie discontinue, avec son amie de toujours Elisa. Malheureusement, il doit écourter sa soirée pour se rendre au centre pénitencier du Havre. Un des détenus s’est pendu dans sa cellule avec son sweat-shirt. Jusque là, rien de bien mystérieux. Mais quand Max Claneboo ami et commissaire apprend à Luc que le mort William Petit est en fait un flic infiltré, cela se corse. William Petit était censé faire parler son codétenu Hamed Balkhar dit le Turc pour le coincer dans une affaire de meurtre d’une jeune fille. Sauf que le Balkhar en question était à l’infirmerie quand William Petit a rendu l’âme. Une chose est sure : c’est un faux suicide, car Luc a remarqué une odeur d’amande, synonyme de Cyanure. Il va devoir assister à l’autopsie …

Cet épisode ne déroge pas aux règles … et ce serait un comble voire un scandale. Un Havre de paix est un pur plaisir de polar, avec une enquête qui se divise en deux puis en trois, avec de l’action, du sexe (un peu, très peu) et de l’humour (beaucoup, très beaucoup). Même si on peut penser que 150 pages, c’est peu, la fonte petite (très petite, et c’est le seul reproche que je ferai à ce livre) fait que l’on passe deux bonnes journées de lecture grâce à un scénario mitonné aux petits oignons et une sacrée dose de réparties humoristiques qui en font un divertissement haut de gamme. Et puis, ce sera l’occasion pour vous d’être curieux et de découvrir les autres aventures de notre thanatopracteur favori.

Dieu pardonne, lui pas ! de Stanislas Petrosky

Editeur : Lajouanie

Je m’appelle Requiem et je t’…Ce n’est pas moi qui le dit, mais le titre du premier roman mettant en scène ce prêtre exorciste si particulier. Deuxième épisode donc, que j’attendais avec impatience. S’il se situe dans la continuité du premier, cette deuxième aventure répond à toutes les attentes. Un conseil : Accrochez vous !

Un petit rappel pour ceux qui débarquent et qui n’auraient pas lu le premier épisode. Requiem s’appelle en réalité Esteban Lehydeux. Il est prêtre exorciste et débarrasse la société de rebuts et de démons, ou du moins de gens néfastes considérés comme tel. S’il utilise des méthodes que la morale réprouve, il a un grand respect pour le Patron (entendez Dieu) et son fils.

C’est en lisant le journal que l’œil d’Esteban Lehydeux frétille ce matin là. Il faut dire qu’il n’a pas d’exorcisme à réaliser tous les matins. Un employé de la société Ody-Art a été assassiné et un certain Jules Durand est sur le banc des suspects, voire des accusés. L’homonymie avec une affaire qui a secoué le port du Havre en 1910 décide le redresseur de torts divin à prendre la route pour en savoir plus.

Esteban a des facilités à prendre contact avec les gens, surtout s’ils sont de sexe féminin et ouverts à la discussion, voire à autre chose. Après une tasse de thé, agrémentée d’une séance de sport horizontal, la journaliste lui fait l’historique des morts et disparitions étranges pour une si petite société. Esteban ne va pas trouver mieux que de se faire embaucher chez Ody-art pour savoir de quoi il retourne.

Ils ne sont pas nombreux, les auteurs contemporains capables de me faire rire plus d’une fois par page. De tête, je citerai Nadine Monfils, Samuel Sutra ou Ben Orton. Stanislas Petrosky réussit ce tour de force, avec ce personnage de redresseur de torts (comme dans les meilleures séries B d’antan) mais en actualisant le sujet avec les maux de notre société. Pour ceux qui ont lu le premier tome, jetez vous sur celui là qui est aussi bien (j’ai vraiment du mal à choisir lequel est le meilleur) que le précédent.

Pour les autres, ceux qui ont la tête ailleurs, ou qui auraient oublié, sachez que Requiem, c’est politiquement incorrect, mais ce n’est jamais méchant. Le style est direct et prend à parti le lecteur, et il y a toujours un mot, une phrase ou une situation pour dessiner un sourire sur les lèvres ou même vous faire éclater de rire. Attention, ce livre est dangereux : il pourrait vous faire croire que ce qui y est écrit est vrai ! Eh bien, non ! C’est du divertissement, mais du divertissement haut de gamme, de ceux qui dérangent, qui piquent là où ça fait mal !

Dans cet épisode, Requiem va avoir affaire avec une bande de nazillons faisant commerce d’objets nauséabonds rappelant une certaine époque noire où l’on chérissait les chemises brunes. Et pour faire le ménage, il faut un Requiem en pleine forme et prêt à utiliser toutes les armes qu’il a à sa disposition (même celle dont il dispose sous la ceinture). L’intrigue ne laisse guère de temps pour respirer et surtout, tous les personnages sont suffisamment bien dessinés pour qu’on les suive sans problème et qu’on ait envie de tourner la dernière page. J’y ai pris un tel plaisir que j’attends déjà le prochain avec impatience. D’ailleurs, les éditions Lajouanie pourraient lancer un concours sur le meilleur titre, parce qu’à mon avis, il y a de quoi faire ! Conseil d’ami ! En attendant, courez acheter Dieu pardonne, lui pas ! car c’est du rire garanti !

Ne ratez pas les avis des amis Claude et Jean le Belge

Je m’appelle Requiem et je t’… de Stanislas Petrosky

Editeur : Editions Lajouanie

J’avais rencontré (littérairement parlant) Stanislas Pétrosky avec Ravensbrück, mon amour, un roman sur les camps de concentration très dur. Avec ce roman, changement d’histoire, de style, avec autant de réussite. Cela doit s’appeler le talent !

Réquiem, c’est évidemment un surnom ! Il s’appelle Estéban Lehydeux, et va nous conter une de ses aventures. Pourtant, en tant que curé exorciste, on aurait pu imaginer que sa vie était plutôt tranquille. Sauf qu’en terme d’exorcisme, Requiem a une façon toute personnelle de chasser le démon ou le diable, ou tout ce que vous voulez. Disons qu’il règle définitivement le cas pour des personnages qui sont au-delà de la malhonnêteté, et disons le carrément, qui sont de pures ordures, des enfoirés, la pire engeance de l’humanité.

Alors qu’il assure les confessions qui font partie de sa mission divine, une jeune femme vient le voir parce qu’elle a reçu un message inquiétant. Martine Rutebeuf est une jeune femme fort belle, qui occupe son temps libre à réaliser des vidéos pornographiques pour les poster sur Internet. Tout le monde dans le quartier est au courant et s’est accommodé de ce passe-temps. Martine, donc, reçoit un mail lui proposant une forte somme d’argent pour participer à un tournage de film pédophile, photos des gamins à l’appui.

Le sang de Requiem ne fait qu’un tour. Il va décider de piéger ces suppôts de Satan, et mener l’enquête avec l’aide de Martine. Il lui demande ses mots de passe, et lui dit de répondre positivement à la demande. La réponse ne se fait pas attendre : Martine recevra un acompte dès le lendemain. Pendant ce temps là, Requiem plonge dans les abimes du Darknet, où on y rencontre toutes sortes de fêlés de tous genres. Hélas, quelques jours plus tard, Martine est découverte atrocement mutilée chez elle. Alors qu’il avait été son amant, Requiem trouve une nouvelle motivation pour exercer un exorcisme en profondeur.

Il suffit de lire la préface de ce livre, écrite par Madame Nadine Monfils pour savoir à quoi s’attendre et surtout la qualité du roman. Car La Grande Nadine ne fait pas de compliments si facilement que cela. Et je plussoie tout ce qu’elle dit : Ce roman est politiquement incorrect. Et alors ? Ce roman te prend à parti. Et alors ? Ce roman est foutrement drôle. Oh que oui ! Ce roman, c’est un antidote à la morosité, que certains liront sous le manteau. Eh bien non, soyez fier qu’il y ait des auteurs comme ça qui osent et qui réussissent, et soyez fier de ce que vous lisez !

Car ce roman fonctionne du début à la fin, sans aucun temps mort. Alors, certes, Requiem interpelle le lecteur, lui montre ce qu’il fait, parle vrai, cru, comme les gens de tous les jours, sans détours. Il n’hésite même pas à parler de nos travers (enfin ceux de certains) et à s’en moquer, car rien de tel que l’autodérision. Ceci dit, le sujet est bien grave, lui, et parle des frappés, des malades du sexe, des pédophiles qui profitent du Darknet pour donner cours à leurs envies les plus dégueulasses.

Heureusement, il y a Requiem, qui à son niveau (local, dirai-je) va faire le ménage dans son quartier. C’est un personnage peu commun, qui officie comme un vrai curé, mais qui s’octroie quelques légèretés et autres adaptations par rapport à sa fonction. Ce qui m’a amusé, c’est cette façon qu’il a de rappeler qu’il doit obéir aux désirs de son Patron, son Fils passant au deuxième plan, car pour Requiem, si on le tape sur la joue gauche, il ne tend pas la joue droite !

Alors, je vais être clair : Vous allez courir chez votre libraire et lire ce putain de bouquin, parce que, si par moment, il va vous secouer, il va surtout vous amuser, vous faire rire et vous faire passer un excellent moment. Vous y trouverez des références à Nadine Monfils, à Michel Audiard, à San Antonio et ce sont des compliments. Moi, ça m’a fait penser à Ben Orton aussi, avec cette façon de plonger le lecteur dans l’action et de l’interpeler aussi directement. Bref, que du bon !

Ravensbrück mon amour de Stanislas Petrosky (Atelier Mosesu)

Inutile de vous dire que j’avais peur d’ouvrir ce roman. Et pourtant, je l’ai acheté au Salon du Livre de Paris, parce que je pensais que c’était une lecture importante, et je ne me trompais pas. C’est une lecture importante, ô combien importante.

Gunther Frazentich est un vieil homme maintenant. Il se rappelle sa jeunesse, lui qui est né en 1918 d’une famille de fermiers. Il était peu attiré par les travaux liés à la terre ; il était plutôt attiré par le dessin. Dès qu’il avait un peu de temps, il prenait une feuille de papier, un fusain et se mettait à tracer des traits. Ses parents ne voyant pas l’intérêt de nourrir une bouche inutile, ils l’ont envoyé, à l’âge de vingt ans, via le parti nazi pour construire le camp de Ravensbrück.

Ravensbrück était un camp de femmes. Il participa à sa mise en place, puis il passa gardien, avant qu’un des nazis découvre son talent. A partir de ce moment, les soldats, les dirigeants vont lui demander de dessiner ; certains voulaient leur portrait pour flatter leur fierté ; d’autres voulaient qu’il participe à la grande œuvre du docteur de la morgue : dessiner le corps humain sur lequel ils se livrent à des expérimentations.

Gunther n’est pas homme à se rebeller. D’ailleurs, il aurait très rapidement été exécuté. Alors, il se réfugie dans son art, essayant de dessiner pour oublier, mais aussi pour laisser une trace, faire de son art un témoignage des horreurs auxquelles il va assister.

Il vaut mieux avoir le cœur bien accroché pour lire ce livre. Car si le sujet peut faire peur, le traitement est encore pire que ce que l’on peut imaginer. Car les atermoiements de ce jeune homme vont très vite devenir un témoignage plus vrai que nature de ce qui s’est passé dans ce camp de la mort. On assiste aux débarquements de plus en plus nombreux de femmes, qui arrivent avec des formes féminines, des cheveux soyeux, pour finir par des corps dépouillés de toute fierté, de toute vie.

On y assiste à toute la vie du camp, de la tonte, des repas miséreux, des intimidations, des tortures, de l’absence de soins, des autopsies horribles, des morts par milliers, des corps brulés. Il y a bien un semblant d’histoire d’amour qui pourrait relever, soulager le ton d’ensemble, mais non, c’est bien l’horreur la plus totale à laquelle on assiste, comme un spectateur involontaire mais révolté.

Alors, dans notre période trouble, où des cinglés parlent de détails de l’histoire, où des excités du bulbe prônent la violence et la haine d’autrui, ce roman en forme de témoignage apparait comme une lecture utile, nécessaire, obligatoire pour que plus jamais on ne puisse revivre ce genre d’horreurs. Un roman important à ranger à coté de La mort est mon métier de Robert Merle.

Ne ratez pas les avis des amis Claude, Oncle Paul ou Loley, ainsi que l’interview du Concierge Masqué.