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Black’s Creek de Sam Millar

Editeur : Le Beau jardin

Traducteur : Patrick Raynal

Pour ceux qui connaissent Sam Millar, cet incontournable auteur irlandais de romans noirs, Black’s Creek va les surprendre. Il nous permet de découvrir une autre facette de cet auteur à travers une intrigue impeccablement construite.

Tommy Henderson se rappelle cet été de son adolescence, alors qu’il est en train de lire un article faisant mention d’un drame survenu dans la petite ville de Black’s Creek. Il se rappelle qu’il passait tous ses après-midis avec ses deux amis, Brent Fleming et Horseshoe, à discuter des performances des super-héros tels que Hulk ou les quatre fantastiques, allongés au soleil au bord du lac.

Tommy se rappelle quand Joey Maxwell, un adolescent de leur âge, le fils du gardien de la prison, s’est approché et a commencé à entrer dans le lac, s’est dirigé vers le large. Il se rappelle que Brent, Horseshoe et lui l’ont encouragé à aller plus loin, pour plaisanter, avant de le voir se noyer. Tommy a plongé pour le secourir mais Joey s’était attaché avec les menottes de son père à une épave de voiture au fond du lac.

Grâce à sa tentative de sauvetage, Tommy est passé pour un héros local. Mais cet événement a irrémédiablement marqué les trois amis, qui furent persuadés que Norman Armstrong, le caissier du cinéma, en était le responsable et coupable. Armstrong, surnommé Not normal à cause de son allure, subissait des accusations de pédophilie dont les garçons ont entendu parler.

Tommy étant le fils du shérif, il était au courant de l’avancement de l’enquête lors des repas en famille. Il s’était rendu compte du fossé séparant la police et la justice. Partageant son désaccord avec ses deux amis, ils se sont unis par un serment de sang de venger Joey en récupérant une arme pour au moins tirer une balle dans les couilles de Not Normal. Ils avaient alors bâti un plan.

Dès que l’on a affaire à un roman portant sur une histoire d’un groupes d’adolescent, on pense naturellement à Stephen King et sa novella Le corps (The body) adapté en film sous le titre Stand by me. Depuis, de nombreux romans ont fouillé les relations entre amis lors du passage à l’âge adulte avec plus ou moins de réussite. Black’s Creek, disons-le d’emblée, est à placer en haut du panier.

Après un prologue qui nous permet de faire connaissance avec Tommy et de positionner le mystère de l’intrigue, nous voilà projetés trente ans en arrière, quand nos trois adolescents passaient des vacances insouciantes. Et sans effectuer de longues descriptions, la magie et le talent de Sam Millar opèrent comme si nous avions toujours connu Brent le chef, Horseshoe le craintif et Tommy le modérateur du groupe.

Avec Tommy, nous allons vivre le passage dans le monde adulte, fait de règles absconses, mais aussi la difficulté du métier de policier, la façon innocente que peut avoir un enfant de la justice et par voie de conséquence l’injustice qui en résulte quand un coupable est défendu par un bon avocat et acquitté. On va aussi être confronté à des éducations différentes, aux aprioris envers les gens qui nous pourrissent la vie et nous aveuglent. On va aussi connaitre avec Tommy son premier amour. On va surtout vivre une histoire dramatique, noire, tellement bien racontée qu’elle pourrait être vraie.

Tommy étant le narrateur, le roman bénéficie pleinement de l’objectivité de son regard, et de l’évolution de sa psychologie. En particulier, la façon de montrer son évolution, ses relations avec sa mère, autoritaire et son père, qu’il voit comme le seul apte à débloquer la situation, est tout simplement fascinante. J’ai ressenti une très agréable sensation lors de la lecture de ce roman, celle que chaque personnage faisait progresser l’intrigue et non l’inverse, ce qui ajoute au plaisir et donne une véracité à cette histoire.

Enfin, il faut bien le dire, Sam Millar déploie tout son talent d’écriture, cette façon de tout décrire sans en rajouter, d’atteindre une efficacité parfaite, tant dans le contexte, les décors, les psychologies. A cela, s’ajoute le don d’écrire des dialogues savoureux, humoristiques quand il le faut, plein de tension à certains moments, expressifs en juste quelques mots. Je vous le disais précédemment, ce roman se place tout en haut du panier, une pépite noire illustrant le passage à l’âge adulte dans un environnement rural.

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Usual victims de Gilles Vincent

Editeur : Au diable Vauvert

J’avais un peu perdu de vue Gilles Vincent, depuis qu’il avait quitté les éditions Jigal, et les nombreux avis positifs des collègues blogueurs m’ont fait acheter son dernier roman en date, Usual victims, un polar au scénario implacable, dont le titre nous rappelle un célèbre film de Bryan Singer.

Après avoir bourlingué avec son diplôme d’officier de la Police Nationale, Martin Delbard atterrit à Tarbes avec le grade de capitaine. Depuis le collège, il ressent une attirance pour les hommes et doit cacher ce penchant dans sa vie professionnelle. Le hasard le fait rencontrer Florent, le facteur, avec qui il vit une idylle parfaite.

Clémentine Rucher lui a été rattachée, non pas pour ses qualités professionnelles mais pour le fait qu’elle soit lesbiennes. Leurs supérieurs ont surement dû juger que cela éviterait de mauvaises blagues. Elle vit une parfaite idylle avec Maïwen, professeure de lettres, depuis sept ans.

Stéphane Brindille se retrouve sans ses parents à l’âge de vingt-deux ans, ses parents s’étant noyés en barque deux ans auparavant. Le cinéma américain est sa passion première, et il en apprend les répliques cultes. Dans sa commode, il cache des cahiers dans lesquels il inscrit le poids des choses, de tous les objets qu’il rencontre. Diagnostiqué atteint du syndrome d’Asperger, il ne ressent aucune empathie et arrive dans l’équipe du capitaine Delbard en tant que stagiaire.

La plus grosse entreprise du coin se nomme Titania, le mastodonte du commerce en ligne. Dans une région abandonnée de ses riverains, Titania a bâti un gigantesque entrepôt et offre des emplois à tous les désœuvrés du coin, à tel point qu’elle pèse maintenant quatre mille cent soixante salariés en CDI. Sauf qu’on vient de découvrir le suicide de Camille Barrere juste avant son service, la quatrième en quelques semaines.

Tout est affaire de sentiments, de ressenti. Pour ce roman, j’ai été surpris par les premiers chapitres. Après l’introduction et le suicide de Camille, l’auteur laisse la parole aux trois policiers l’un après l’autre, pour leur présentation personnelle. Et je me suis dit que j’allais me retrouver dans un reportage criminel type « Présumé innocent » ou Affaires criminelles », ce que j’ai trouvé amusant.

Dès le quatrième chapitre, on entre dans le vif du sujet, avec une narration à la troisième personne, et au premier plan les trois flics, même si Stéphane semble mis en avant. Vous l’aurez compris, ce roman ne propose pas de « héros », de personnage principal, mais déroule une enquête dont le scénario est sans cesse surprenant, fait de multiples révélations, et nous malmène dans nos certitudes.

Car dès l’arrivée des flics sur le site de Titania, l’auteur nous décrit le monde ultra-sécurisé des grandes entreprises, les parkings où les voitures sont rangées en épi, les contrôles par badge à l’entrée, les vestiaires déshumanisés, les séparations entre les postes pour privilégier l’efficacité et le rendement, le rythme infernal demandé aux employés et les méthodes de motivation à base de récompenses futiles.

Même si le roman présente une enquête classique, et finit par faire un détour par le Darkweb, il présente l’avantage de nous présenter un contexte peu connu, et bénéficie d’un style remarquablement fluide, de personnages formidablement bien croqués, et d’un scénario noir dans lequel bien peu de protagonistes s’en sortiront. Et l’amusement que j’avais ressenti au début du roman s’est transformé en excellent divertissement avec un fond social important, en même temps qu’il est un hommage au cinéma policier.

Celle qui pleurait sous l’eau de Niko Tackian

Editeur : Calmann Levy

Après une infidélité à son personnage récurrent, Niko Tackian revient à Tomar Kahn, à travers une enquête qui va nous plonger dans une actualité sociétale dramatique, la violence faite aux femmes. C’est un polar costaud.

Une jeune femme a été découverte dans la piscine Pailleron, flottant en plein milieu, ses cheveux comme une corolle. Apparemment, elle s’est ouverte les veines et n’avait aucune chance de s’en sortir. La question qui se pose est : comment a-t-elle fait pour s’introduire dans l’établissement de nuit, alors qu’il est fermé au public ? Et puis, pourquoi a-t-on repéré des traces de pied plus grands que sa pointure ?

On sait bien peu de choses à propos de Clara Delattre, si ce n’est qu’elle venait souvent faire de la natation, qu’elle était instituteur et qu’elle était du genre solitaire. On sait tout juste par une collègue de travail qu’elle avait rencontré un homme. L’autopsie démontre qu’elle a pris des anticoagulants, ce qui finit par convaincre la hiérarchie policière qu’il s’agit bel et bien d’un suicide. Et sa relation avec le maître-nageur José Mendez ne semble être qu’un non-événement.

Le commandant Tomar Kahn n’a pas trop la tête à se pencher sur ce cas, d’autant plus que tout converge vers un suicide. L’arrivée d’une nouvelle procureure Ovidie Metzger va bouleverser son quotidien, d’autant plus qu’elle veut faire le jour sur l’assassinat de Thomas Müller, un inspecteur de l’IGPN qui voulait mettre en cause Tomar. Et puis, la mère de Tomar, Ara, a affaire avec des voisins dont la femme subit les assauts violents de son mari. Seule Rhonda Lamarck, la lieutenante et amante de Tomar, ne croit pas au suicide et s’obstine à faire éclater la vérité.

Construit comme un scénario de film, ce roman va vite à l’aide de ses chapitres courts. Je ne vais pas revenir sur les qualités d’auteur de Niko Tackian, tant tout y est construit avec beaucoup d’application et de savoir-faire. A part des paragraphes un peu longs à mon goût, les descriptions sont efficaces, les dialogues exemplaires de concision et il est bien difficile de trouver des défauts dans ce roman policier costaud.

Si les deux précédentes enquêtes (Toxique et Fantazmë) reposaient sur le personnage principal, Tomar Kahn, celui-ci se divise en deux entre Tomar et Rhonda. Tomar va essayer de lever les doutes sur les accusations qui le visent, et Rhonda va se pencher sur le cas de ce soi-disant suicide. Si le passé des personnages est bien expliqué au début du roman, je vous conseille tout de même de lire les deux précédentes enquêtes de Tomar, ne serait-ce que pour suivre l’évolution du personnage et des intrigues connexes.

Un dernier mot concernant ce roman et le sujet de fond abordé ici. Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. Et on ne parle pas des femmes (ou hommes) poussés au suicide. Faut-il que le polar aborde mille fois ce sujet pour que, enfin, quelque chose bouge ? La France est-elle à ce point dans l’immobilisme pour ne pas prendre de mesures afin que cela cesse ? C’est le deuxième roman qui aborde ce thème que je lis, après Du poison dans la tête de Jacques Saussey (French Pulp). Je vous conseille fortement ces deux lectures, car les deux sont des polars costauds.

Luc Mandoline épisode 9 et 10

Editeur : Atelier Mosesu

Je vous avais déjà parlé de Luc Mandoline, ce personnage récurrent édité aux Ateliers Mosesu. Ce personnage, ancien légionnaire, rompu aux enquêtes et sports de combat, se retrouve toujours mêlé dans de drôles d’affaires. Chaque épisode est écrit par un nouvel auteur, comme le Poulpe par exemple, ce qui donne à chaque fois un ton particulier et original. Les huit titres que j’ai passés en revue sont :

Episode 1 : Harpicide de Michel Vigneron

Episode 2 : Ainsi fut-il d’Hervé Sard

Episode 3 : Concerto en lingots d’os de Claude Vasseur

Episode 4 : Deadline à Ouessant de Stéphane Pajot

Episode 5 : Anvers et damnation de Maxime Gillio

Episode 6 : Le label N de Jess Kaan

Episode 7 : Na Zdrowie de Didier Fossey

Episode 8 : Le manchot à peau noire de Philippe Declerck

Voici donc les épisodes 9 et 10 :

Sens interdit (s) de Jacques Saussey

Quatrième de couverture :

Le corps d’un enfant de huit ans est repêché dans un étang isolé au fond des bois. Le cadavre, complètement nu, ne présente aucun signe de lutte ni de violence sexuelle, laissant à penser que le petit garçon a succombé à un accident. Seulement, il s’agit du cinquième enfant qui meurt dans cette petite ville de province en moins de deux mois. Et cette fois, il s’agit du fils du légiste. Alors, on m’a appelé pour que je prenne le relais.

Moi, vous me connaissez, je suis incapable de refuser quand on me demande un coup de main.

Entre autres…

Mon avis :

Ce roman est étonnant pour qui connait l’œuvre de Jacques Saussey. Il nous a habitué à des romans longs de 500 pages en prenant le temps de construire des intrigues tordues avec deux personnages formidables. C’est donc étonnant de le voir se glisser aussi facilement dans le moule pour nous offrir un roman noir, plein d’action, de sexe, de sang et de rebondissements.

Ce roman est raconté par Luc Mandoline lui-même, qui a affaire à une histoire sordide de soi-disant suicides de jeunes enfants. Et plus on avance dans l’histoire, plus cela devient sordide. Il y aura bien quelques traits d’humour pour relever la gravité du propos mais le ton restera grave, surtout quand il s’agit de montrer la folie et la démesure des hommes.

Quant à la fin, comment peut-on imaginer qu’elle est très bien trouvée et extraordinairement mise en scène. Elle sera cynique, amorale mais vu le propos du livre, on peut bien se demander où est la morale dans tout cela. Une nouvelle fois, cet épisode est un excellent polar, qui dépasse le cadre du simple divertissement, de ces romans qui donne leur lettre de noblesse à un cycle tel que celui de Luc Mandoline.

15

La mort dans les veines de Samuel Sutra

Quatrième de couverture :

Franck Morel, chercheur à l’Institut Pasteur, achève ses travaux sur un virus tueur, le plus dangereux qu’il ait été amené à étudier. Puis sans raison apparente, il décide de traverser Paris pour aller se jeter dans le canal Saint-Martin.

On ne retrouvera pas son corps.

Sa fille décide de raconter tout ce qu’elle sait, mais à un seul homme : Luc Mandoline, alias l’Embaumeur.

Dans cette affaire où tout le monde ment, on ne cherche pas la vérité. On court après un secret qui pourrait valoir de l’or, et que le cadavre introuvable de Morel a emporté avec lui…

Mon avis :

L’avantage avec cette série, c’est que l’on a droit à différents auteurs pour chaque enquête. Et quand il s’agit d’un auteur aussi doué que Samuel Sutra, on peut s’attendre à être surpris. Effectivement, c’est le cas ici, puisque c’est un Luc Mandoline sans corps à embaumer auquel on a droit dès le début de ce roman.

De ce démarrage tout en dérision qui fait référence à Alfred Hitchcock bien sur, notre embaumeur se retrouve donc dans la peau d’un enquêteur ce que l’on n’a jamais vu dans la série, qui va chercher le corps de Franck Morel, célèbre scientifique qui soi-disant s’est suicidé mais dont le corps a disparu aussitôt arrivé à la morgue.

En plus de cette histoire légèrement décalée et pleine de dérision, nous avons droit à une belle plume, à une écriture pleine de charme, comme Samuel Sutra sait nous l’offrir. Il nous parle de Paris comme peu d’auteur l’ont fait, nous présente un enquêteur digne des plus grands de la littérature policière. C’est donc un épisode à part, avec moins de sexe et de sang, mais qui s’inscrit bien dans la série, au sens où il respecte les codes mis en place par Sébastien Mousse, et rien que pour cela, c’est un épisode à ne pas rater.

Les gens comme Monsieur Faux de Philippe Setbon

Editeur : Editions du Caïman

Après la trilogie des Trois visages de la vengeance, comprenant trois formidables polars (Cécile et le monsieur d’à côté, T’es pas Dieu, petit bonhomme, Un avant-goût des anges), Philippe Setbon nous revient avec un polar qui s’inscrit dans la même lignée que ses précédents. Que du bonheur !

Wilfried est au fond du trou. Sa femme Marcie l’a quitté pour son (ex-) meilleur ami Mica, il a été obligé de laisser son appartement pour retourner vivre chez ses parents, et il vient de se faire virer de la boite qu’il a lui-même créé. Il n’est donc pas étonnant qu’on le retrouve sur un pont surplombant la Seine, voulant mettre fin à sa vie sans avenir.

Au moment de sauter, un homme l’interpelle. Il a la soixantaine, semble avenant, dit s’appeler Monsieur Faux. Il lui demande un coup de main pour transporter un paquet. Se laissant convaincre, Wilfried se dirige vers la voiture de Monsieur faux pour transporter un paquet emballé qui ressemble à un corps.

Après avoir balancé le corps dans la Seine, Monsieur Faux lui propose de boire un coup. Wilfried lui raconte alors ses malheurs et Monsieur lui propose de se débarrasser de ses problèmes, c’est-à-dire de sa femme. Un coup de rasoir et c’est fini. Wilfried n’y croit pas et rentre chez lui bien éméché.

Le lendemain matin, ce sont à la fois un mal de tête et la lieutenante Naomie qui l’attendent dans la salle à manger. Naomie lui apprend que sa femme a été assassinée, égorgée chez elle. Heureusement, Wilfried a un alibi, puisque sa mère l’a entendu rentrer à trois heures du matin alors que le meurtre à eu lieu plus tard. Pour Wilfried, le doute n’est pas permis, c’est Monsieur Faux le coupable. Et quand Naomie laisse entendre que Mica est peut-être en danger, Wilfried est entrainé dans un dramatique engrenage …

On retrouve dans ce roman tout le plaisir d’une narration à la fois simple et efficace, n’alourdissant pas le propos de psychologie inutile. Il y a une évidence dans le style de Philippe Setbon, un excellent équilibre entre narration et dialogues, et une créativité dans chaque scène pour faire avancer l’intrigue avec une fluidité remarquable. On se retrouve en terrain connu. D’ailleurs, on retrouvera Linda Fragonard pour ceux qui ont lu la trilogie Les trois visages de la vengeance.

Je me suis d’ailleurs demandé si l’auteur faisait un plan de son histoire avant de l’écrire, tant on a l’impression qu’il se laisse aller à une improvisation, laissant les mains libres à ses personnages de vivre leur vie. C’est la marque des grands auteurs de prendre la main du lecteur et de les conduire au fil de l’histoire sans que l’on se rende d’un quelconque subterfuge.

Avec une situation de départ tout en humour décalé, on pense avoir droit à une histoire nous démontrant que Monsieur Faux veut faire de Wilfried son acolyte, créer de toutes pièces un assassin. Mais c’est bien mal connaitre Philippe Setbon qui fera rebondir l’intrigue dans une autre direction. Et quand, vers le milieu de l’histoire, on rencontre des personnages issus de sa précédente trilogie, le plaisir n’en est que plus grand de les retrouver et de se passionner pour cet histoire dans un environnement connu et aimé. Une nouvelle fois, on ne peut que passer un excellent moment avec Philippe Setbon.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude

L’opossum rose de Federico Axat

Editeur : Calmann-Lévy

Collection : Robert Pépin présente …

Traducteur : Isabelle Gugnon

Je ne dirai qu’une chose : lisez la quatrième de couverture (que je vous joins juste après), et vous aurez envie de lire ce livre ! C’est ce qui m’est arrivé. Et si cette présentation ne vous suffit pas, dites-vous que vous allez aller, page après page, de surprise en surprise … A cela, vous ajoutez le billet de l’ami Yvan, et vous plongez tête baissée …

Quatrième de couverture :

Désespéré, Ted McKay est sur le point de se tirer une balle dans le crâne lorsque, le destin s’en mêlant, un inconnu sonne à sa porte. Et insiste. Ted s’apprête à aller ouvrir quand il aperçoit sur son bureau, et écrit de sa propre main, un mot on ne peut plus explicite : « Ouvre. C’est ta dernière chance. » Sauf qu’il ne se rappelle absolument pas avoir écrit ce mot.

Intrigué, il ouvre à l’inconnu, un certain Justin Lynch. Et se voit proposer un marché séduisant qui permettrait d’épargner un peu sa femme et ses filles : on lui offre de maquiller son suicide en meurtre. Mais qui est vraiment ce Lynch ? Et quelles sont ses conditions ?

Mise en abîme impressionnante à la logique implacable, écriture d’une précision si envoûtante que le lecteur se trompe dans ses déductions, labyrinthe psychologique dans lequel se promène un étrange opossum… Federico Axat est un jeune auteur qui se hisse d’entrée de jeu dans la catégorie des John Irving et des Stephen King.

Mon avis :

Oubliez tout ce que vous avez lu jusqu’à présent ! Oubliez les scenarii, les rebondissements, les retournements de situation, les livres fous, les styles énigmatiques. Ce roman là, c’est une histoire dont vous n’avez même pas idée qui va vous montrer qu’à partir d’un sujet maintes fois traité, on peut faire du neuf qui vous éclate !

Tout tient dans le démarrage du roman, puisqu’il faut accrocher le lecteur. Ted veut se suicider, et pour éviter de meurtrir sa famille, un homme énigmatique va lui confier une mission : tuer un meurtrier puis tuer un homme comme lui qui veut se suicider. Le meurtre parfait puisque sans lien et sans mobile. Ensuite, Ted devra attendre son assassin … Alors Ted va tuer Blaine, le meurtrier infâme, puis il va tuer Wendell qui pêche dans son lac entre deux visites chez sa psychologue puisqu’il est atteint d’une tumeur au cerveau. Sauf que Blaine n’est pas un assassin et Wendell n’est pas suicidaire.

De chapitre en chapitre, les scènes vont s’enchainer en mettant en cause les certitudes que le lecteur a pu se faire au fur et à mesure, et c’est la présence d’un mystérieux opossum rose qui va semer la graine dans notre cerveau. On se demande bien ce que veut dire ce symbole, qui apparait puis disparait sans prévenir et en général en plein milieu d’une scène normale. C’est totalement dingue !

En fait la mécanique va dérailler, et tout le talent de l’auteur est bien de nous accrocher avec son style fait de mots simples mais qui pris ensemble rendent une scène énigmatique, mystérieuse. Il nous place en face de notre perception du réel, et nous met à mal dans ce que l’on croit voir. Et je peux vous dire que c’est diablement bon, pourvu que l’on accroche sur les premiers chapitres. Car ce jeu là, c’est un peu le jeu du Qui perd perd (Référence au regretté Coluche), puisque l’on ne connait pas les règles. Mais y en a-t-il seulement ?

Diablement original, c’est un livre fou de fous écrit par un fou pour des fous ! Car faites bien attention ! ce livre de dingue peut vous rendre totalement cinglé. Vous êtes prévenus, ce roman totalement génial est l’antichambre de la folie, la porte d’entrée de votre cellule psychiatrique. N’hésitez pas, franchissez le pas, entrez, les murs capitonnés sont bien confortables …

Froid comme la mort d’Antonio Manzini

Editeur : Denoel – Sueurs froides

Traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza

Voici la deuxième enquête de Rocco Schiavone, vice-préfet à Aoste après l’excellent Piste Noire. Pour résumer mon avis, dans ce deuxième roman, on prend les mêmes recettes que le premier et on enfonce le clou. Je vous offre le tout début du roman qui donne le ton et montre l’humour cynique que j’adore :

« C’était le mois de mars, où les journées offrent des instants de soleil et la promesse du printemps à venir. Des rayons encore tièdes, souvent fugaces, qui colorent le monde et ouvrent à l’espoir.

Mais pas à Aoste. »

Irina, originaire de Biélorussie, vit de ménages qu’elle fait chez les gens soit âgés, soit fortunés. Elle est amoureuse d’Ahmed, originaire d’Egypte, et espère bien qu’il l’épousera. Ahmed a un fils, Helmi, de 18 ans, qu’elle accepte volontiers. Arrivée chez les Baudo, la porte de l’appartement est ouverte. Inquiète, elle entre et voit le désordre qui y règne. Elle comprend qu’il vient d’y avoir un vol. Puis, elle imagine que les voleurs sont peut-être encore là ! Alors, elle ferme la porte d’entrée à clé et se jette dans la rue en hurlant comme une damnée … Jusqu’à ce qu’elle rencontre un adjudant de l’armée en retraite qui promène son chien aveugle.

Rocco Schiavone a un gros problème : la femme avec qui il passe quelques nuits, Nora, va bientôt fêter son anniversaire. Il doit donc trouver un cadeau qui ne l’engage pas trop, mais qui lui fera plaisir. Quand ils reçoivent l’appel téléphonique, Rocco et son adjoint Italo foncent Via Brocherel. L’appartement est en effet en grand désordre. Un téléphone portable est en miettes dans la cuisine. La porte de la chambre est fermée mais pas à clé, et plongée dans la pénombre. Rocco actionne l’interrupteur quand les plombs sautent : il y a eu un court-circuit. Quand Italo propose d’ouvrir les volets, ils découvrent Ester Baudo pendue. Si on peut penser à un suicide, Rocco se demande comment une personne peut, après son suicide, fermer les volets et éteindre la lumière. Assurément, Rocco a devant lui un emmerdement puissance 10.

Il suffti de lire le premier paragraphe pour être conquis par le personnage de Rocco Schiavone, ce vice-préfet (équivalent de commissaire chez nous), doué d’une déduction et d’une intuition hors norme et qui traite ses contemporains comme des moins que rien. Cela donne des remarques méchantes, des situations drôles et des dialogues parfois décalés parfois cyniques. Le roman comporte une intrigue construite avec toutes les qualités que j’avais aimé dans le premier : un meurtre, une énigme difficile à résoudre, des indices semés au long des 250 pages du livre et une résolution toute en logique.

A cela, on ajoute ce formidable personnage à la fois méchant et attachant. On en apprend un peu plus sur son passé, ou du moins sur la raison pour laquelle il a été muté à Aoste, au milieu des montagnes, les pieds enfoncés dans la neige qu’il déteste. On a aussi droit à un personnage dont on creuse un peu plus la psychologie, sa soif de justice et la tentation de la vengeance à tout prix, ainsi que la loyauté envers ses amis. Bref, cela peut sembler classique, mais quand c’est aussi bien fait et bien écrit, cela donne du pur plaisir. Je tiens aussi à signaler l’excellent travail de la traductrice qui arrive à rendre aussi bien tout l’humour des situations et du personnage. Bravo !

Oldies : Fausse piste de James Crumley

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Jacques Mailhos

Attention, coup de cœur !

J’en avais parlé il y a quelques mois avec mon ami Petite Souris, de James Crumley. Et donc, j’avais ressorti d’une de mes bibliothèques Fausse piste, édité à l’origine chez Gallimard dans la série noire tout d’abord puis chez Folio Policier. Le fait que Gallmeister réédite toute l’œuvre de James Crumley dans de nouvelles traductions est une excellente nouvelle. Car nous allons avoir droit à la crème de la crème du Noir.

L’auteur :

James Crumley est né au Texas en 1939. Après y avoir fait ses études et servi pendant deux ans dans l’armée, il devient professeur de composition littéraire. Il « visite » ainsi de nombreuses universités, il a la bougeotte et le métier de professeur ne lui convient pas. Attiré par le poète Richard Hugo, comme d’autres écrivains de sa génération (James Welch, Bob Reid, Neil McMahon, Jon A. Jackson), il débarque à Missoula, Montana au milieu des années 1960.

Il s’essaye à la poésie et l’écriture de nouvelles, et anime des ateliers d’écriture en compagnie de Richard Hugo, James Lee Burke et d’autres… En 1967, il écrit son premier roman, Un pour Marquer la Cadence (One to Count Cadence), qui n’est publié qu’en 1969. Sur fond de guerre du Viêt Nam, ce roman raconte une histoire d’amitié entre un sergent dur à cuire et un soldat gauchiste. Crumley met déjà le pied dans le roman noir, genre dans lequel il excellera par la suite (…)

James Crumley est terriblement ancré à Missoula, comme tous les autres écrivains du coin. Missoula est leur coin de paradis, un paradis où règnent tolérance, bonne humeur, où l’alcool coule à flot et où les écrivains sont une denrée incroyablement fréquente. À Missoula, tout le monde écrit. Au milieu des montagnes, dans cette ville de 50 000 habitants, James Crumley reste donc. Il essaye bien parfois de s’en « échapper » mais il finit toujours par y revenir.

En 1966, peu de temps après son arrivée à Missoula, il laisse définitivement tomber l’enseignement. Il n’est pas fait pour ça. En revanche, il a l’écriture dans le sang. Il en parle d’ailleurs comme d’une drogue, quelque chose de vital et quasi obsessionnel.

James Crumley décède dans sa soixante-huitième année, le 17 septembre 2008.

Quatrième de couverture :

Dans la petite ville de Meriwether, dans le Montana, le privé Milo Milodragovitch est sur le point de se retrouver au chômage technique. Les divorces se font maintenant à l’amiable. Plus besoin de retrouver l’époux volage ou la femme adultère en position compromettante. Ne lui reste qu’à s’adonner à son activité favorite, boire. S’imbiber méthodiquement, copieusement, pour éloigner le souvenir cuisant de ses propres mariages ratés, de la décadence de sa famille, de son héritage qui restera bloqué sur son compte jusqu’à ses cinquante-trois ans – ainsi en a décidé sa mère. C’est alors que la jeune et très belle Helen Duffy pousse sa porte : son petit frère, un jeune homme bien sous tous rapports, n’a plus donné signe de vie depuis plusieurs semaines. Milo s’engage alors sur une piste très glissante.

Dès son premier polar, James Crumley s’impose en grand maître du noir. Avec lyrisme, humanisme et humour, il dépoussière le mythe du privé et réinvente le genre.

Mon avis :

Quelle idée géniale de reprendre l’édition de l’œuvre noire de James Crumley ! Car nous avons là le top du top de la crème de la crème du Noir.

Ce roman constitue le premier tome des enquêtes de Milton Milodragovitch, dit Milo, dont la spécialité est de réaliser des enquêtes et filatures de maris ou femmes adultères. Comme l’état du Montana vient de voter une loi autorisant le divorce à l’amiable, Milo se retrouve sans travail. Il va avoir la possibilité de se recycler quand Helen, une superbe jeune femme, lui demande d’éclaircir le soi-disant suicide de son jeune frère Raymond.

Ce roman se situe chronologiquement dans l’œuvre de James Crumley, juste avant Le dernier baiser, ce pur chef d’œuvre noir (du moins c’est mon avis). Ce roman est impressionnant parce que le personnage de Milo qui nous narre cette histoire est d’une évidence rare dès la première page. Le style lui-même fait partie du personnage. En fait, dès le premier chapitre, James Crumley réinvente le rôle du détective privé, ou du moins ajoute une nouvelle pierre à l’édifice, en imposant son style.

Car il faut bien parler de style quand on parle de James Crumley. Il y a cette facilité à nous faire entrer dans le personnage. Il y a ces scènes burlesques mais réalistes (il n’y a qu’à voir le début où un voleur à la tire se fait écraser par une voiture et où Milo dit qu’il ne savait pas que le métier de voleur était un métier si dangereux !). Il y a ces dialogues si brillants et qui démontrent si bien la psychologie des personnages. Il y a cette volonté de donner autant d’importance aux personnages secondaires qu’à Milo. Il y a ce contexte si noir, cette autopsie si juste d’une société plongeant dans la violence avec l’émergence et l’arrivée de l’héroïne. Enfin, il y a ces phrases magiques, qui nous montrent les décors ou les personnages qui sont si poétiques qu’on reprend plusieurs fois la lecture d’une seule phrase, juste pour la laisser résonner dans notre tête.

Il faut ajouter que la traduction est très différente de la première version, faisant plus de place à l’humour et mettant en valeur la poésie (j’ai fait la comparaison sur quelques paragraphes). Mais honnêtement, les deux sont très bien faites. Et puis, on a droit dans la version Gallmeister à des illustrations en noir et blanc de toute beauté, signées Chabouté. Cela donne un roman qui ajoute au plaisir de la lecture, celui des planches de dessin.

Fantastique, ce roman est fantastique. Il comporte tous les ingrédients du roman de détective, avec un personnage fort, une intrigue forte, un contexte fort et un style inimitable, à la fois dur, noir et poétique. Il ne redéfinit par le genre, il apporte sa pierre à l’édifice et a inspiré de nombreux auteurs dont Ken Bruen, Sara Gran, Sam Millar et tant d’autres. Cette lecture est indispensable pour tout amateur de polar noir. Coup de cœur !

Promesse de Jussi Adler Olsen (Albin Michel)

Cela faisait un petit bout de temps que j’avais laissé de côté mes amis du Département V, chargé de résoudre des enquêtes vieilles et délaissées. Il était donc temps pour moi de renouer des liens avec ces personnages sympathiques que sont Carl Morck, Assad et Rose.

Carl Morck est en train de travailler dans son bureau ; comprenez qu’il est en train de faire sa sieste. Le téléphone sonne. Un policier nommé Christian Habersaat se présente à lui et lui demande son aide dans une affaire vieille de 17 ans. Une jeune fille avait été renversée par une voiture, son corps projeté dans un arbre. Carl lui annonce brutalement qu’au département V, ils sont débordés. Puis, le téléphone sonne à nouveau. Sa mère lui apprend que son cousin part en Thaïlande pour récupérer le corps de son autre cousin mort là-bas, suite à un massage. C’est une nouvelle qui met Carl mal à l’aise.

Le lendemain, Rose apprend à Carl que Christian Habersaat s’est suicidé lors de son pot de départ à la retraite. Si Carl est peu affecté par cet événement, Rose de son coté, se sent plus coupable. Elle prend donc des billets d’avion pour toute l’équipe du département V à destination de l’île de Bornholm. Il s’avère que Habersaat a été marqué par l’accident d’Alberte, au point de s’y consacrer jours et nuits. Il y a même perdu sa vie de famille puisqu’il a divorcé. Personne au commissariat ne voit d’inconvénient à leur laisser cette affaire, puisqu’il n’y a pas d’enquête.

Quand ils débarquent chez Habersaat, ils découvrent des tonnes de documents, des murs entiers recouverts de coupures de presse, de photos, d’extraits d’enquêtes. Alors qu’il était simple policier de quartier, il a consacré sa vie à la résolution de ce mystère. Sa femme June ne veut pas entendre parler de lui. Par contre, quand quelques jours plus tard, le fils de Habersaat se suicide en laissant un mot de pardon envers son père, le Département V au complet décide de se consacrer à plain temps sur cette affaire.

On retrouve avec plaisir ces trois personnages bien particuliers et si vous ne les connaissez pas, courez donc acheter le premier tome de la série. Carl est plus fainéant que jamais, et poussé par son équipe. Rose est très impliquée, et se montre finalement la plus humaine des trois. Quant à Assad, il est plus mystérieux que jamais, et ce n’est pas dans cette enquête que l’on va en savoir plus.

Ceci dit, on en apprend un peu plus et en même temps, l’image que l’on s’en faisait de chacun est modifiée, altérée ce qui va surement relancer l’intérêt de cette série. On découvre un Carl un peu plus inhumain, toujours aussi égocentrique mais avec un caractère de lâche qu’on ne lui avait pas forcément vu auparavant. De plus, il s’est passé des choses dans son passé que l’on pourrait bien voir ressurgir. Assad est toujours aussi énigmatique, et alors qu’on le pensait syrien et musulman, on le découvre sous un autre jour, mais on ressort surtout avec encore plus de questions à son sujet. Quant à Rose, toujours aussi volontaire, c’est dans les dernières pages que l’on va s’inquiéter pour elle. Un quatrième personnage va rejoindre le groupe, apparemment apparu lors du précédent opus, mais je dois dire que je n’ai pas été convaincu par le présence de Gordon. A suivre …

Avec un peu de recul, il faut bien s’avouer que ce roman est une belle mécanique, bien huilée, réalisée avec métier, avec tous les arguments qu’il faut pour plaire au plus grand nombre. Avec un démarrage qui comporte bien peu d’indices, l’intrigue va se dérouler sans anicroches, tranquillement, et avec une logique qui force le respect. Alors, certes, le rythme est lent (plus que dans certains épisodes précédents) mais cela se lit bien et c’est passionnant parce que c’est porté de bout en bout par ces formidables personnages.

Je me demande d’ailleurs si cet épisode en forme de roman policier plutôt classique, qui consiste surtout à trouver l’identité d’un gourou de secte, ne sert pas à Jussi Adler Olsen de transition entre les épisodes précédents et ceux à venir. J’ai réellement l’impression qu’après avoir résolu des enquêtes sur le passé, l’auteur va maintenant se pencher sur le passé de ses personnages. En tous cas, cela donne vraiment envie de lire la suite, l’année prochaine puisqu’il sort un épisode par an. Quant à cet épisode-ci, il démontre une nouvelle fois tout le savoir faire de cet auteur de talent, et vous aurez l’assurance d’avoir entre les mains un roman policier nordique certes classique, mais bien fait.

Temps glaciaires de Fred Vargas (Flammarion)

Tout d’abord, un grand merci à Emilie pour le prêt … elle se reconnaitra. Passe de bonnes vacances !

Quand on est fan de polar, on est forcément fan de Fred Vargas. Car l’air de rien, elle s’est imposée dans ce registre avec ses propres personnages, son propre style et un petit coté décalé, aussi bien dans les dialogues que dans les situations qui porte à sourire. Et puis, Fred Vargas a cette faculté, ce talent de vous raconter une histoire que nous n’avons pas envie de finir. La dernière enquête en date de Adamsberg, son personnage récurrent, est un bon cru, pas le meilleur, mais franchement : C’est quand même du divertissement haut de gamme, non ?

Alice Gauthier est une vieille dame qui quitte sa maison pour aller poster une lettre. Elle est si importante, cette lettre, pour elle. Elle a tenu tête à Noémie, sa garde malade, et a voulu aller la poster elle-même. Vingt mètres, dix mètres, finalement, c’est bien plus dur qu’elle se l’imaginait. A proximité de la boite aux lettres, elle chute. Marie France, qui passe par là, la retient et évite que la vieille dame se cogne la tête. Puis, elle trouve la lettre par terre. Elle réfléchit, hésite, puis glisse la lettre dans la fente.

C’était le vendredi. Le mardi suivant, le commissaire Bourlin doit se rendre à l’évidence : ce suicide ne ressemble pas à un suicide. Pourquoi une vieille dame se laverait, se mettrait sur son 31, puis déciderait de se faire couler un bain, pour y entrer habillée et se tailler les veines ? Le voisin se rappelle à peine qu’un homme était venu la voir … Bourlin hésite avant de demander conseil à Adrien Danglard de la criminelle.

Adamsberg débarque chez Alice Gauthier et voit à coté de la baignoire un H majuscule, formé d’une barre oblique et d’une barre courbe. C’est Marie France qui va leur donner le premier indice. Ayant lu la rubrique nécrologique, elle se présente à la brigade criminelle et donne à Danglard l’adresse inscrite sur l’enveloppe qu’elle a retenu. Adamsberg va donc aller à l’adresse indiquée, le Haras de la Madeleine et tomber sur un deuxième « suicide » : Henri Masfauré, le propriétaire s’est suicidé d’une balle dans la tête. Il retrouve gravé sur une plinthe le fameux H.

Le problème avec Fred Vargas, c’est que c’est toujours bien. Mais il n’y a pas de mal à se faire du bien, n’est-ce pas ? On retrouve dans ce roman les ingrédients classiques qui font que le grand public aime Fred Vargas. A commencer par les personnages dont les traits de caractère sont brossés de façon fort juste. D’ailleurs, si vous n’avez lu aucun roman de Fred Vargas, vous ne serez pas perdu : elle ne fait aucune référence à ses précédents romans et celui-ci, comme les autres, peut s’apprécier indépendamment des autres.

Ce qui est incroyable, c’est cette façon qu’elle a de démarrer sur un fait divers simple, avec de petits détails qui clochent. Puis elle va compliquer l’intrigue, tout en gardant ce coté un peu décalé, aussi bien dans les scènes que dans les dialogues. Et surtout, elle a une façon d’écrire qui est hypnotique ; elle est capable de nous raconter n’importe quoi et nous, lecteurs, nous sommes prêts à la croire.

Dans cette enquête, nous allons nous apercevoir que les deux morts ont en commun un voyage en Islande il y a plus de dix ans. Puis, cela va partir dans une autre direction, avec une association qui reproduit sous forme de morceaux théâtraux les plus célèbres moments des réunions ayant eu lieu lors de la révolution française … avec les costumes, s’il vous plait. Et ces passages dans l’assemblée révolutionnaire sont tout simplement géniaux : on y croit à fond. C’est du pur génie.

Alors, est-ce le meilleur Fred Vargas ? Non. Mais doit-on pour autant bouder ce roman ? Assurément non ! Car, c’est du pur plaisir, c’est maitrisé, imaginatif, débridé, très bien dialogué, drôle, décalé, divertissant. Bref, ce roman est du bon divertissement, du très bon divertissement.