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Traqués d’Adrian McKinty

Editeur : Mazarine

Traducteur : Pierre Reignier

Je connais et j’adore Adrian McKinty, surtout avec sa série de Sean Duffy. La curiosité m’a guidé dans un genre totalement différent, le thriller, avec ce roman orphelin, qui nous présente une traque sur une île australienne.

Tom Baxter profite d’une conférence en Australie pour y emmener sa famille, Heather sa femme et Olivia et Owen ses enfants. En tant qu’expert en chirurgie orthopédique, il doit faire une présentation le lundi et dispose du week-end pour visiter le pays. La mort accidentelle de sa précédente femme, atteinte de sclérose en plaque, va leur permettre de se changer les idées.

En visitant les environs, ils arrivent dans un petit port. Owen et Olivia insistent pour voir des koalas et des kangourous alors que Tom aimerait bien préparer son discours. Un homme conduisant un bac leur propose de se rendre sur une île toute proche où les enfants pourront admirer des animaux. Heather insiste pour y aller et un couple de hollandais se décide à se joindre à eux.

A bord de leur Porsche, ils débarquent sur Dutch Island, et le pilote de la barge leur conseille une petite forêt proche et leur conseille de ne pas quitter la route et surtout de ne pas déranger les autochtones. Dans un virage, Tom ne voit pas un vélo débouler de sa droite et l’écrase, tuant sur le coup la jeune cycliste. N’écoutant que leur frayeur d’être confrontés à des cinglés, ils décident de fuir. Mais les autochtones les rattrapent bientôt.

Et c’est parti pour une course poursuite qui va durer pendant 360 pages. Et c’est un sacré pari de tenir le lecteur en haleine aussi longtemps. On retrouve un thème proche du film Délivrance de John Boorman ou bien du roman Piège nuptial de Douglas Kennedy qui nous conseille fortement de se méfier des autochtones, et surtout ne pas les froisser et encore moins tuer un membre de leur famille.

De la psychologie de la famille Baxter à la description du clan de cinglés qui habite sur l’île, tout est bien fait pour nous faire passer un bon moment, et de tourner les pages sans se poser de questions. Bien peu de gens parmi les « visiteurs » vont en réchapper et Adrian McKinty va éviter les scènes sanglantes, se contentant de décrire ce que voit la famille. Bon point en ce qui me concerne.

L’auteur va placer en personnage central Heather, pièce rapportée chez les Baxter, en faire une battante issue de parents militaires et donc apte à soutenir les enfants dans ces épreuves. Car ce roman regorge de rebondissements et laisse bien peu de temps morts ce qui s’avère bien agréable. Je resterai juste plus réservé sur la fin, fortement capillotractée mais qui ne gâche pas l’impression d’ensemble, celle d’avoir passé du bon temps avec un bon roman de divertissement.

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Oldies : Dans la forêt de Jean Hegland

Editeur :Gallmeister

Traducteur : Josette Chicheportiche

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose de découvrir un premier roman qui a conquis beaucoup de lecteurs exigeants.

L’auteure :

Jean Hegland, née en novembre 1956 à Pullman dans l’État de Washington, est une écrivaine américaine.

Jean Hegland grandit dans sa ville natale de Pullman, près de la frontière entre l’État de Washington et l’Idaho. Sa mère enseigne l’anglais aux niveaux secondaire et universitaire et est bibliothécaire à Pullman pendant de nombreuses années. Son père est professeur d’anglais à l’université d’État de Washington.

Hegland commence ses études au FairhavenCollege de Bellingham (État de Washington), puis obtient un BA en arts libéraux de l’université d’État de Washington en 1979.

Après avoir occupé divers petits boulots, dont des ménages dans une maison de retraite, elle décroche en 1984 une maîtrise en rhétorique et enseignement de la composition de l’université de Washington. Elle devient alors enseignante.

En 1991, alors qu’elle a donné naissance à son deuxième enfant, elle publie un premier ouvrage non fictionnel sur le thème de la grossesse, The Life Within: Celebration of a Pregnancy, dans lequel elle croise sa propre expérience, des données scientifiques et diverses recherches sur les croyances et coutumes de différentes cultures sur le sujet. Le livre, d’abord rejeté par une cinquantaine d’éditeurs, est finalement accepté par HumanaPress.

En 1996, elle termine l’écriture de son premier roman, Into the Forest, qui raconte la relation entre deux sœurs qui doivent apprendre à survivre seules dans une forêt de séquoia près de Redwood City, dans le nord de la Californie, alors que la société technologiquement dépendante s’effondre. Elle essuie environ vingt-cinq refus d’éditeurs avant que son manuscrit ne soit accepté par Calyx, un petit éditeur féministe à but non lucratif basé à Corvallis, dans l’Oregon. En 1998, Calyx cède les droits de publication du roman à Bantam Books pour les États-Unis, conservant les droits pour les publications à l’étranger. Le roman obtient alors un succès national puis international. Il est ensuite adapté au cinéma par Patricia Rozema sous le titre Into the Forest, sorti en 2015. La traduction française, Dans la forêt, ne paraît qu’en 2017, suivie en 2019 d’une adaptation en bande dessinée par le dessinateur français Lomig.

Elle a publié deux autres romans : Windfalls en 2004 (traduit en français en 2021) et Still Time en 2015 (inédit en français).

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

Considéré comme un véritable choc littéraire aux États-Unis, ce roman sensuel et puissant met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

Mon avis :

Ce roman n’a rien à voir avec du polar. Il raconte comment deux jeunes adolescentes de 17 et 18 ans vont survivre dans la maison familiale après la mort de leurs parents. Le contexte se présente comme une maison isolée à plus de 10 kilomètres des premiers voisins et 50 kilomètres de la ville. On se retrouve donc avec un roman centré sur les deux personnages, sachant que le monde se serait écroulé …

L’aspect intéressant de ce roman est clairement la vie de ces jeunes filles, et leur passion. L’une décide de lire l’encyclopédie et l’autre danse toute la journée, parfois même sans musique quand l’électricité se coupe. Oscillant entre roman de survie et roman intimiste, ce roman surprenant est remarquablement bien écrit (et traduit) et raconte une belle histoire attachante avec quelques événements dont certains sont stressants, d’autres ignobles.

J’aurais donc passé un bon moment et apprécié cette parenthèse en pleine forêt au milieu de mes polars. Ce roman a connu beaucoup de succès et ma foi, je le comprends parfaitement tant on ne s’ennuie pas dans ce huis-clos en pleine nature, avec de beaux moments émouvants. La fin est particulièrement bien trouvée.

24 heures hero de Saphir Essiaf & Philippe Dylewski

Editeur : Nouveau Monde

Tenir un blog permet de découvrir des romans que je n’aurais pas ouverts. En lisant la quatrième de couverture, le sujet ne me tentait pas et le bandeau se réclamant de Brett Easton Ellis m’apparait comme une comparaison inappropriée. Je m’explique : Brett Easton Ellis a certes mis en place des personnages drogués mais c’était pour mieux mettre en évidence les maux de la société américaine. Ici, nous allons suivre un couple de drogués dans ce qui se rapproche d’un livre document.

Le roman se déroule à Charleroi mais il pourrait prendre place n’importe où. Nadia et Arnaud sont un couple, liés à la vie à la mort par l’Héroïne. Arnaud reconnait qu’elle lui a sauvé la vie un nombre incalculable de fois, Nadia le trouve beau et il est la seule personne à savoir la piquer sans qu’elle n’ait ni peur, ni mal. On les voit donc arpenter les rues de cette petite ville à la recherche de leur survie.

Ce roman nous propose de suivre une de leur journée, qui commence à 6H47 et va se terminer à 23H15. Elle commence tôt, quand Arnaud est pris de convulsions, de vomissements et de diarrhées. Le manque se fait sentir et il doit rapidement prendre quelque chose pour stopper la souffrance. Puis, quand Nadia s’éveille, il s’occupe d’elle en lui faisant sa première piqure. La journée commence …

Le reste de la journée va consister à récupérer de l’argent pour se payer suffisamment de doses pour passer la journée, voire en avoir un peu d’avance pour le lendemain. De la manche au vol à la tire, tout nous est montré dans le détail tout en nous détaillant la psychologie des personnages. Cette journée qui aurait pu être la même que les précédentes va pourtant être primordiale pour ce couple pas comme les autres.

La construction de ce roman constitue une des forces de ce roman. De façon alternative, chacun va prendre la parole et cela permet aux auteurs de montrer les pensées de Nadia et Arnaud mais aussi leurs motivations, leurs réactions ainsi que leur passé. Alors qu’Arnaud a fait de hautes études et un travail bien payé, Nadia vient d’une famille modeste et a connu des traumatismes lors de son adolescence.

Les deux personnages se retrouvent donc liés par le lien de la drogue, s’engueulant souvent, se tapant dessus parfois, mais se raccrochant toujours l’un à l’autre. On ne va pas parler de fierté ou de futur, Arnaud et Nadia ont dépassé le stade d’envisager de vivre. Leur seul objectif est de trouver une dose pour aujourd’hui et une pour le réveil du matin. D’ailleurs, se droguer ne leur procure que rarement un bien-être ; cela devient plutôt un besoin vital, comme une nourriture ou une boisson.

Je ne me suis pas attaché à ces personnages, mais je dois reconnaitre que cette plongée dans un monde que je connais mal est remarquable dans sa forme et dans son fond. Cette lecture me confirme qu’on n’a pas le droit de juger ces jeunes gens mais qu’on a un devoir de les aider. D’ailleurs, le roman nous montre une scène dans un local d’une association qui donne un semblant de solution.

Avec cette immersion, ce roman marquant nous emmène dans un monde qu’on ne veut pas voir, mais qu’il faut bien combattre, surtout quand on apprend qu’on peut acheter une dose d’héroïne pour moins de dix euros. Je dois tout de même signaler que cette lecture est à réserver à des personnes averties pour la violence de certaines scènes et pour les descriptions explicites. Un roman document à lire !

Sukkwan Island de David Vann

Editeur : Gallmeister

Traductrice : Laura Derajinski

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisée dans la littérature anglo-saxonne. Ce roman est le deuxième roman publié par Gallmeister (après Little Bird de Craig Johnson) à avoir connu à la fois le succès et la reconnaissance en remportant le prix Médicis étranger, le prix des lecteurs de L’Express, le prix de la Maison du livre de Rodez, le prix du Marais 2011 des lecteurs de la médiathèque L’Odyssée de Lomme.

L’auteur :

David Vann naît en 1966 sur l’île Adak, en Alaska, où il passe une partie de son enfance avant de s’installer en Californie avec sa mère et sa sœur. Quand il a treize ans, son père se suicide : ce drame marque très fortement le jeune garçon et le poursuivra toute sa vie.

David Vann travaille à l’écriture d’un premier roman pendant dix ans avant de rédiger en dix-sept jours, lors d’un voyage en mer, le livre qui deviendra Sukkwan Island. Pendant douze ans, il cherche sans succès à se faire publier aux États-Unis : aucun agent n’accepte de soumettre le manuscrit, jugé trop noir, à un éditeur. Ses difficultés à faire publier son livre le conduisent vers la mer : il gagne alors sa vie en naviguant pendant plusieurs années dans les Caraïbes et en Méditerranée.

Après avoir traversé les États-Unis en char à voile et parcouru plus de 40 000 milles sur les océans, il échoue lors de sa tentative de tour du monde en solitaire sur un trimaran qu’il a dessiné et construit lui-même. En 2005, il publie A mile down, récit de son propre naufrage dans les Caraïbes lors de son voyage de noces quelques années plus tôt. Ce livre fait partie de la liste des best-sellers du Washington Post et du Los Angeles Times.

Ce premier succès lui permet de gagner partiellement sa vie grâce à l’écriture et il commence à enseigner. Il propose alors Sukkwan Island à un concours de nouvelles qu’il remporte et, en guise de prix, voit son livre publié en 2008 aux Presses de l’Université du Massachusetts. L’ouvrage est tiré à 800 exemplaires, puis réimprimé suite à la parution d’une excellente critique dans le New York Times. Au total, ce sont pourtant moins de 3 000 exemplaires de cette édition qui sont distribués sur le marché américain.

Publié en France en janvier 2010, Sukkwan Island remporte immédiatement un immense succès. Il est récompensé par prix Médicis étranger et se vend à plus de 300 000 exemplaires. Porté par son succès français, David Vann est aujourd’hui traduit en dix-huit langues dans plus de soixante pays. Une adaptation cinématographique par une société de production française est en cours.

David Vann est également l’auteur de Désolations, Impurs, Goat Mountain, Dernier jour sur terre, Aquarium, L’Obscure clarté de l’air et Un poisson sur la lune. Il partage aujourd’hui son temps entre la Nouvelle-Zélande où il vit et l’Angleterre où il enseigne, tous les automnes, la littérature.

(Source Gallmeister.fr)

Quatrième de couverture :

Une île sauvage du Sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, toute en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. Mais la rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.

Après sa parution en France, où il a obtenu le prix Médicis en 2010, Sukkwan Island a connu un succès retentissant. Traduit dans plus de soixante pays, il s’est imposé comme un classique moderne.

Mon avis :

Il m’arrive souvent de laisser reposer un roman dont on a dit beaucoup de bien, afin de me faire un avis à froid. Ce roman m’avait été conseillé par un ami très cher, ma femme l’avait lu et adoré, je l’avais prêté, on ne me l’a pas rendu, je l’ai racheté, je l’ai re-prêté, on ne me l’a pas rendu (à nouveau) et je l’ai acheté une troisième fois. C’est vous dire si je tenais à le lire à tout prix.

Le style froid, sorte de mélange de phrases courtes et de descriptions de la nature, procure un accueil glacé dans cette nature sans pitié de l’Alaska. Les événements vont se suivre, mais l‘auteur va surtout mettre l’accent sur les relations entre le père Jim et le fils Roy. Le père cherche à se racheter aux yeux de son fils, pour sa vie ratée mais aussi à ses propres yeux et le fils veut le suivre dans une sorte de culpabilité pour le divorce de ses parents.

David Vann passe sur les raisons qui ont poussé la mère à accepter que son fils parte un an avec un père instable dans cette contrée sauvage, ce qui me parait bien peu cohérent. Mais l’absence de sentiments montrés dans l’écriture rend la première partie intéressante. Puis arrive le coup de théâtre en plein milieu du livre, que je ne vous raconterai pas pour ne pas dévoiler l’histoire.

La deuxième partie plus centrée sur le personnage du père, montre un homme qui cherche à réparer ses erreurs, sans trop réfléchir, dans l’urgence. On retrouve alors un homme qui fait des erreurs inéluctables, qui voudrait les réparer mais ne sait pas comment faire. Ces passages m’ont semblé plus intéressants par la façon dont l’auteur trouve à ce père ignoble des circonstances atténuantes. En fait, ce roman m’apparait plus comme une auto-analyse de ce que David Vann a vécu qu’une histoire de survie en milieu hostile.

Santa Muerte de Gabino Iglesias

Editeur : Sonatine

Traducteur : Pierre Szczeciner

Si on ne me l’avait pas conseillé, notamment par les billets de Yan, Jean-Marc, Velda ou LauLo, mais aussi par mon dealer de livres Coco, je n’aurais pas dépassé le premier chapitre. Car c’est à partir du deuxième (chapitre), que j’ai été pris dans la tornade.

Pour Fernando, tout a commencé à déraper dans une boite de Mexico, El Colmillo. Quand il reçoit un appel d’Isabel, sa sœur, qu’elle lui raconte qu’un type l’a pelotée, il répond à sa loi de protéger sa famille plus que tout. Il embarque aux toilettes le type avec ses deux complices, Javi et Luis. Sauf que trois autres gars armés arrivent et c’est la fusillade. Luis reste sur le carreau, et Javi emmène Fernando parmi les petites ruelles de Mexico. Quelques jours après, Javi est assassiné dans les mêmes toilettes à coups de tesson de bouteille dans le cou. Fernando apprend qu’il a descendu un mec du cartel de Sinaloa. A force de prier Santa Muerte, il a réussi à sauver sa peau, mais maintenant il doit fuir aux Etats Désunis.

A Austin, Julio lui trouve un boulot dans de plongeur dans une pizzeria. En vidant les poubelles, il voit Collin, le gérant essayer de violer une serveuse. Il s’interpose et le tabasse. Là aussi, il est grillé. On lui propose de travailler pour Guillermo et de devenir dealer avec Nestor. Cinq ans plus tard, il est kidnappé et se retrouve dans un hangar. Nestor est attaché, vivant, pour le moment. Le gang fait partie de la Salvatrucha et exige l’exclusivité du commerce en centre-ville, entre l’I35 et l’autoroute 1. En guise de bonne foi, ils coupent les doigts de Nestor et finissent par le décapiter, avant de le laisser partir. Fernando va devoir prier longtemps la Santa Muerte pour s’en sortir.

Après un premier chapitre violent, très violent, l’auteur entre dans son sujet : montrer à travers la vie de Fernando, le quotidien des immigrés aux Etats Unis. Il sort donc du lot des romans noirs démonstratifs par sa faculté à nous plonger dans la psychologie du personnage, et surtout, il a un vrai talent de conteur qui nous donne l’impression que l’on écoute une histoire, la vie d’un jeune homme lâche.

Lâche, il l’est et ne se le cache pas. Quand on n’a pas de diplômes, qu’on n’a pas d’éducation, on cherche à survivre. On est prêt à accepter des studios sales pour avoir la chance de voir se lever le soleil le lendemain. Et quand il se retrouve face à un gang ultra-violent qui veut reprendre le commerce de la drogue, il cherche une main protectrice. Fernando, c’est le bébé qui cherche la protection de ses parents, un bébé qui n’a pas grandi. Et il ne lui reste plus que la croyance en cette sainte, Santa Muerte,

Il faut dire que la situation aux Etats-Unis ne fait rien pour aider les immigrés. C’est même grâce à cela qu’ils ont des salaires bas. Le chapitre 6 est à cet égard remarquable, car il nous interpelle dans notre culture française sociale. D’ailleurs, l’auteur nous prend à témoin, il nous tutoie, nous montre son quotidien qui devient le nôtre. C’est un chapitre remarquable qui participe à notre immersion dans cet environnement.

Avec toutes ces qualités, il serait bien dommage de passer au travers de ce roman, de cette nouvelle voix du polar, qu’il va falloir suivre à l’avenir. Il y a une vraie personnalité, un vrai ton, une vraie originalité en même temps qu’une véracité dans ce qu’il raconte, sans en rajouter. Et dans la description de l’environnement, les personnages secondaires y sont pour beaucoup et ils sont tous très réussis. D’ailleurs, le seul reproche que l’on pourrait lui faire, c’est la longueur du roman. En tournant la dernière page, on regrette aussitôt que ce soit déjà fini. C’est un très bon signe.

Juste après la vague de Sandrine Collette

Editeur : Denoel – Sueurs Froides

Il y a des auteurs que je suis prêt à suivre, quelque soit la direction qu’ils prennent. Sandrine Collette fait partie de ceux-là, et ce depuis son premier roman, le génial Des nœuds d’acier. Alors, depuis 2013, j’attends avec impatience le petit dernier, je l’achète le jour de sa sortie … et je le garde au chaud pour l’été. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être est-ce une façon de ne pas être influencé par les avis des collègues blogueurs qui sortent à ce moment là. Avec Juste après la vague, Sandrine Collette frappe fort, une nouvelle fois.

Un Volcan s’est effondré, créant un gigantesque tsunami. La mer est montée, balayant les habitations alentour. Pata, Madie et leurs neuf enfants se retrouvent isolés dans leur maison, située sur une colline, au milieu d’une mer à perte de vue. Ils apprennent à vivre de peu, limitant leurs repas et vivant avec l’élevage de leurs poules et coqs. Mais les soubresauts de la terre font que l’eau continue de monter.

Les jours passant, l’avenir s’assombrit, les réserves diminuent. Les parents sachant qu’ils ne tiendront pas longtemps décident de prendre la barque pour rejoindre les Hautes Terres. Mais en considérant qu’il faut prendre des réserves pour la traversée d’une dizaine de jours, ils ne peuvent pas prendre tout le monde à bord de la barque. Ils ont donc un choix douloureux à faire : Qui des trois enfants vont-ils laisser derrière eux ?

Louie le boiteux, Noé le nain et Perrine la borgne se réveille sans les parents. Madie leur explique dans une lettre qu’ils ont du partir mais qu’ils vont revenir les chercher dans 12 jours. Ils ont de quoi tenir à condition de respecter les règles et les rations de nourriture. Louie le plus grand aura la responsabilité de son frère et de sa sœur.

Sandrine Collette a le don de surprendre. C’est tant mieux pour nous. Le titre peut faire penser au gigantesque tsunami qui a ravagé l’Indonésie en 2004, et on a du mal à s’imaginer l’intrigue que peut tirer Sandrine Collette de cet événement. Et comme d’habitude, cet événement ne sert qu’à fournir un décor, totalement imaginaire pour mieux creuser les psychologies d’une famille.

Sans entrer dans des détails macabres (elle aurait pu insister sur les corps rejetés par la mer, leur état de décomposition), Sandrine Collette préfère parler de survie et de réaction face à une catastrophe. Mais elle parle surtout de la famille et de l’amour des parents pour leurs enfants, de confiance, d’espoir et de déceptions. Et comme je l’ai déjà dit dans mes précédents billets, le décor a beau être fantastiquement beau, grand et sans fin, Sandrine Collette arrive à créer un huis-clos. Et ce n’est pas un huis-clos oppressant, c’est un huis-clos stressant. Sandrine Collette est l’inventeur de l’huis-clos en plein air.

Il faut être fou pour se lancer dans une histoire comme celle-là. D’un coté, trois enfants qui survivent en attendant leurs parents car ils vont revenir, c’est sur ! De l’autre, les parents qui voguent sur une barque en espérant que tout au fond de l’étendue bleue apparaitra un morceau de terre. Je vais vous dire : ce roman m’a fait penser à Lifeboat d’Alfred Hitchcock, où sans une once de musique, le maître arrive à nous passionner dans un espace aussi confiné qu’une barque. Ce roman est du même niveau, aussi passionnant.

Outre la survie des enfants, je ne me rappelle pas avoir lu un roman fouillant aussi profondément la relation du père et de la mère envers leurs enfants. Ce que j’y ai lu, c’est la différence entre un père se battant pour la survie de sa famille de son clan, et une mère dont chaque enfant est un morceau de sa chair. Si c’est une lecture personnelle, je vous l’accorde, c’est un des aspects qui rendent ce roman incroyablement juste pour moi et inoubliable. Sandrine Collette nous a concoctés encore une fois une formidable réussite, qui interpelle nos sentiments les plus profonds.

Oldies : Drôle de pistolet de Francis Ryck

Editeur : Gallimard Série Noire (1969) ; French Pulp (2017)

Je vous avais dit que l’on reparlerait de French Pulp, cette petite maison d’édition qui édite et réédite des polars français. Parmi leurs dernières sorties, il y a le Grand Prix de la Littérature Policière de 1969. C’est un excellent polar qui claque !

L’auteur :

Après de courtes études dans un lycée parisien, ponctuées de plusieurs fugues, Yves Delville exerce plusieurs petits métiers : terrassier, carrier, ouvrier agricole, tourneur, figurant au cinéma, représentant des ventes, photographe de bébés, convoyeur de voiliers. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’engage dans la marine.

Il adopte le pseudonyme d’Yves Dieryck pour publier cinq romans chez Albin Michel : Au pied du mur, Les Barreaux de bois, La Panique, Promenade en marge et Les Importuns. Il décroche en 1964 le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres pour Promenade en marge. Après deux romans policiers chez Plon, signés Francis Ryck, il revient sous ce pseudonyme au roman psychologique avec deux titres, dont L’Apprentissage en 1965.

L’année suivante, il intègre la Série noire, où il fait paraître dix-huit titres qui abordent tour à tour le roman noir, le thriller et le roman d’espionnage. Ses romans policiers s’attachent à faire la critique d’une société qui perd pied et préfigurent en leur temps les événements de mai 68, tout autant que la Nouvelle Vague et Jean-Luc Godard. Lorsqu’il quitte la Série noire en 1978, le titre de son dernier roman dans cette collection, Le Testament d’Amérique, peut prendre valeur de testament personnel.

De retour chez Albin Michel au début des années 1980, il écrit encore quatre romans, notamment Le Nuage et la Foudre (1982) et Un cheval mort dans une baignoire (1986).

En 1993, Guy Debord salue l’œuvre de Francis Ryck dans son livre Cette mauvaise réputation…, en affirmant qu’il y a plus de vérité et de talent chez Ryck (notamment dans Le Compagnon indésirable) que chez Le Carré. Debord révèle la conversation, primordiale selon lui, entre Ryck et Marie-Christine de Montbrial en 1984, concernant l’assassinat de Gérard Lebovici et le rôle de Paul Barril responsable de la cellule antiterroriste sous la présidence de François Mitterrand. Le 28 janvier 1986, il décide ne plus la voir du fait de son témoignage auprès de la police et des contacts qu’elle a conservé avec Ryck.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Un jour, même les meilleurs se font avoir. Et ce jour-là, ils doivent choisir : se taire ou parler. Avec, en cas de résistance, la perspective de souffrances raffinées. Alors Yako a parlé. Il a tout donné, trahi le KGB, et en échange, on lui a rendu sa liberté. Mais combien de temps avant que le KGB ne la lui reprenne, définitivement cette fois-ci ? Adapté à l’écran en 1973 sous le titre Le Silencieux par Claude Pinoteau avec Lino Ventura avec des dialogues de Jean-Loup Dabadie, Drôle de pistolet a obtenu le Grand prix de littérature policière.

Mon avis :

S’il est étiqueté Espionnage, cela peut porter à confusion vis-à-vis des arpenteurs de linéaires des librairies. C’est mon cas, puisque j’étais en train de choisir un roman pour ma rubrique Oldies, et qu’en voyant l’étiquette, j’ai hésité. Je ne suis pas fan des romans d’espionnage, et c’est bien le bandeau qui m’a décidé : « Un chef d’œuvre adapté à l’écran ». En ce qui concerne le chef d’œuvre, je ne m’associerai pas à ce terme, mais en termes de polar introspectif, c’est un excellent roman.

Il s’agit donc d’un espion russe Yako qui est pris par les services de contre-espionnage anglais et qui va accepter le marché, en donnant ses camarades et en ayant la possibilité d’obtenir une nouvelle identité et de l’argent, ainsi qu’un pistolet. L’action se situant dans les années 60, il n’y a pas de téléphone portable ou de GPS. D’où tout l’intérêt de ce roman qui présente une course poursuite entre Yako et le KGB.

Mais il n’y a pas que cela : Le personnage de Yako, solitaire, à la durée de vie limitée, va se révéler quelqu’un de complexe et d’extrêmement réaliste. En homme traqué, il va se méfier de tout le monde. En espion chevronné, il va mettre à parti toutes les astuces pour essayer de passer entre les mailles. En tant qu’homme, il va accorder sa confiance à des gens rencontrés au hasard.

Jouant sur cette dualité et ces contradictions, Francis Ryck construit un roman quasiment sans dialogues où le but est de savoir qui est qui, qui trahit qui, qui aide qui. Aussi bien dans la forme que dans le fond, ce roman à l’écriture sèche et sans fioriture se révèle une source pour beaucoup de polars qui ont vu le jour par la suite, avec son style résolument moderne. Je ne peux que vous encourager à acquérir ce roman pour revenir aux sources du polar que vous aimez aujourd’hui. Drôle de pistolet est un polar remarquable !