Editeur : Les Arènes – Equinox
Comme vous le savez, je picore les suggestions de lecture chez les collègues blogueurs. Comme il s’agit d’un premier roman, je me devais de tenter ce Donbass de Benoît Vitkine, qui nous emmène dans une région dont on ne parle pas assez : l’Ukraine.
Sacha Zourabov est un petit garçon de 6 ans, qui vit pour le moment chez sa grand-mère. Depuis quelques nuits, il entend des camions se garer dans la cour de son immeuble, et charger des sac de jute et de grosses caisses. Il se rappelle que son oncle lui avait raconté que ces sacs servaient à transporter du charbon. En les observant par la fenêtre, il voit un sac tomber d’un camion, sans le virage. S’il allait le récupérer, cela pourrait leur permettre de se chauffer un peu mieux ?
Henrik Kavadze a la cinquantaine bien frappée. Colonel issu de l’armée russe, il est revenu au pays pour prendre une place dans la police d’Avdiivka, dans le Donbass. Cette région, c’est celle où il veut terminer sa vie, avec Anna sa femme, surtout depuis qu’ils ont perdu leur fille 12 ans plus tôt.
Depuis 2014, cette région est secouée par les bombes dans cette guerre Russo-ukrainienne qui n’intéresse plus personne. Lors de la révolution ukrainienne, le président qui a pris le pouvoir n’a pas fait long feu, vite renversé par des pro-européens. Différentes factions locales et nationales, séparatistes ou rebelles, se sont créées dont beaucoup sont armées par la Russie, en sous-main. Depuis, la guerre continue, à coups de canons et d’explosions incessantes, démolissant les rares immeubles encore debout.
Alors qu’il doit préparer la visite du ministre, qui doit rassurer la population sur la sécurité dans le Donbass, en tant que chef de la police locale, mais aussi vétéran de la guerre d’Afghanistan, on le demande au téléphone : Un cadavre vient d’être découvert dans le quartier de la gare. Quand il apprend qu’il s’agit d’un jeune garçon, poignardé, Henrik décide de laisser tomber le ministre.
Pour un premier roman, Benoît Vitkine frappe fort. En se plaçant sur le terrain du polar, il se permet d’aborder le thème qui lui tient à cœur, en ayant créé un personnage de flic certes classique, désabusé, bourru, mais éminemment sympathique. On y trouve un drame familial (la perte de sa fille), un drame personnel (Henrik est un ancien d’Afghanistan), un meurtre horrible (la mort du garçon), et des clans tous plus malfaisants les uns que les autres, des politiques à la police, de l’armée aux mafiosos. Et puis, il y a le décor.
Le décor, c’est Avdiivka. Alors que la ville d’Avdiivka n’est pas débordée par les crimes, qu’elle ressemble à un lieu paisible pour une retraite tranquille, elle se retrouve au centre des affrontements entre l’armée ukrainienne, les séparatistes pro-russes et les rebelles. Cette guerre qui implique officieusement la Russie, est vite oubliée par les pays occidentaux. Et pourtant, des populations souffrent tous les jours, les bombes tombent sans relâche, des femmes et des hommes vivent reclus dans les caves.
D’une plume volontairement simple et fluide, Benoît Vitkine construit une intrigue forte pour mieux rappeler au monde que l’on ne veut pas se mêler de ce conflit par peur de représailles du voisin russe. La communauté européenne a fait le pantin, puis elle a tourné la page, car elle leur a semblé trop sanglante et trop dangereuse. L’auteur nous montre des populations qui souffrent, qui meurent, et nous laissons faire parce que … parce que c’est trop dangereux … vous comprenez ?
J’ai été totalement bluffé par ce roman, et j’ai énormément appris sur la vie dans cette région du globe, sur les gens de ce coin abandonné de tous, et sur ce conflit qui dure. Sans être hautain, Benoît Vitkine nous parle d’un sujet qui lui tient à cœur et qu’il connait bien et il nous passe le relais pour que nous en parlions. Alors, respectons son engagement, lisons le et parlons-en.