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La colère de S.A.Cosby

Editeur : Sonatine

Traducteur : Pierre Szczeciner

J’étais passé à côté de son précédent roman, Les routes oubliées, donc cette lecture ressemble à une session de rattrapage et pour le coup, ce fut une sacrée découverte, entre roman d’action et dénonciation de l’homophobie.

Le roman repose sur deux personnages que tout oppose, Ike Randolf étant noir et Buddy Lee Jenkins étant blanc. Les deux ont connu la prison, et Ike est à la tête d’une entreprise de jardinage et Buddy Lee survit de petits boulots dans une caravane. Isiah, le fils d’Ike et Derek, le fils de Buddy Lee étaient mariés et viennent d’être abattus dans la rue. Ike et Buddy Lee se rencontrent lors de l’enterrement du couple.

Pour les deux hommes, la vie en couple de leurs fils n’est pas normal et ils avaient coupé tous les ponts avec eux. Maintenant qu’il est trop tard, les deux pères ont tout leur temps de ruminer leurs regrets. Si Ike et Mia sa femme s’occupent de l’éducation de leur petite fille Ariana, Buddy Lee veut réparer les erreurs qu’il a faites par le passé, surtout que l’enquête de police n’avance pas d’un poil.

Ike et Buddy Lee vont donc aller voir la police puis les anciens collègues de travail de leurs fils, mais cela ne les avance pas plus. Et puis, Ike doit faire tourner sa petite entreprise et ne veut pas se lancer dans une croisade meurtrière. Quelques jours plus tard, la pierre tombale est cassée et profanée. Pour Buddy Lee, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et il va décider Ike de se lancer à la poursuite des coupables.

Je plussoie tous les avis positifs publiés sur le Net chez les collègues blogueurs ou dans la presse. Avec une structure de roman d’action, l’auteur nous montre l’état de l’Amérique d’aujourd’hui, en implantant son intrigue dans le Sud des Etats-Unis, et plus particulièrement en Virginie Occidentale. De façon totalement assumée et fine, il montre le racisme mais aussi l’homophobie presque comme une base de la société américaine.

Cela passe par la rupture entre les deux pères avec leurs fils, qui n’ont pas accepté ni leur vie commune ni leur mariage, et cela continue avec certaines remarques de Buddy Lee, de mauvaises blagues qui ont l’art d’irriter Ike et qui montrent combien le racisme est implanté en chacun de nous. Et la démonstration se conclura vers la clôture du roman comme une généralisation.

Le roman est basé sur deux personnages vieillissants qui veulent redorer leur blason, et se trouver un objectif de rédemption devant leurs erreurs passées, en laissant libre cours à leur colère. S’ils ne nous paraissent pas agréables de prime abord, je dois dire qu’on finit par les suivre avec beaucoup de plaisir, autant pour leur humour que leur gout du jusqu’au boutisme désespéré, dans des scènes alternant entre sentiments et action pure.

Car S.A.Cosby arrive à trouver le bon équilibre entre humour, psychologie des personnages, dénonciation des extrémistes, rédemption vengeresse, émotions et des scènes visuelles et cinématographiques impressionnantes qui en font à la fois une excellente lecture et un très bon terreau pour un futur film. D’ailleurs, pour retrouver le plaisir que j’ai eu à le lire, j’ai déjà acheté Les routes oubliées qui vient de sortir au format poche chez Pocket.

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Oldies : Flood d’Andrew Vachss

Editeur : Presses de la cité (Grand format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Jacques Martinache

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

J’ai encore beaucoup de grands romans noirs à découvrir, ce roman en est la preuve. Il nous présente un nouveau personnage récurrent, Burke, qui apparait dans 18 enquêtes, dont seulement quatre ont été publiées en France.

L’auteur :

Andrew Henry Vachss, né le 19 octobre 1942 à New York et mort le 23 novembre 2021 dans le Nord-Ouest Pacifique, est un écrivain et avocat américain, auteur de roman policier. Il remporte le grand prix de littérature policière en 1988 avec le roman La Sorcière de Brooklyn.

Après des études supérieures à l’université Case Western Reserve de Cleveland (Ohio), il obtient son diplôme en 1965. Il est ensuite chargé d’une enquête sur l’éradication de la syphilis et constate l’importance des abus sexuels dont sont victimes de très jeunes enfants.

De 1966 à 1970, il devient travailleur social dans un ghetto de New York, puis sur place pendant la dernière année de la guerre du Biafra. De retour en Amérique, il dirige un programme pour de jeunes délinquants emprisonnés et d’autres projets de nature similaire. Il reprend ses études, suit des cours de droit à l’Université de Boston et devient avocat en 1975. Il se spécialise alors dans la défense des enfants victimes de violences.

Il amorce sa carrière littéraire en 1985 avec Flood, le premier d’une série de romans noirs ayant pour héros le personnage singulier de Burke, un ancien détenu et roi de l’arnaque, devenu un détective privé new-yorkais pas toujours très honnête. Sorte de vengeur solitaire, Burke n’hésite pas à devenir un justicier pour éliminer de façon violente les sadiques qui croisent son chemin. La Sorcière de Brooklyn (Strega), deuxième roman de la série, remporte le grand prix de littérature policière en 1988.

Quatrième de couverture :

Ça grouille autour de Times Square, à New York : clients en quête de porno, petites filles juchées sur leurs hauts talons, garçonnets maquillés, marchands de chair et autres monstres. Burke est un familier de la « fosse à purin », il y pêche la vermine. Flic privé ? Un peu. Arnaqueur à l’occasion. Plutôt spécialiste de la survie. Solitaire ? Pas tout à fait. Pour surnager, il faut des amis : Michelle, le travelo intello, qui tapine en rêvant de se faire opérer en Suède ; la Taupe, sorte de gnome rondouillard, capable de vous bricoler un laser ; Max le silencieux, un Tibétain sourd-muet, expert en arts martiaux. Et Flood, un petit bout de femme, qui vous fracture trois côtes d’un coup de poing…

Mon avis :

Voilà une sacrée découverte que ce polar, premier d’une série mettant en scène Burke, un détective privé bien particulier. On ressent toute la passion de l’auteur pour les abus envers les enfants et les femmes mais aussi une vision extrêmement noire de New-York et de la société américaine. Andrew Vachss dénonce tout un pan de la violence sous-jacente qu’on ne veut surtout pas voir, ni montrer.

Par son expérience professionnelle, on se doute qu’il partage ici certaines anecdotes qu’il a rencontrées, et cela fait froid dans le dos. De la façon dont sont traitées les prostituées à la maltraitance des enfants, en passant par les films pornographiques et pire, Andrew Vachss nous dresse un portrait effrayant de la Bien-pensante Amérique, qui n’a pas évolué aujourd’hui. L’intrigue va donc s’appuyer sur ce décor, et nous montrer un New-York comme une jungle inhumaine et sans pitié pour les faibles.

En tant que premier roman d’une série, ce roman est juste remarquable. La difficulté de cet exercice est à la fois de présenter le personnage central et son entourage, et de présenter une intrigue passionnante. Burke nous est présenté comme un personnage paranoïaque, qui a installé dans son appartement de New-York toutes sortes de pièges, en cas de visite inopinée d’un potentiel ennemi. A cela, s’ajoute sa chienne Pansy dressée pour attaquer au moindre geste anormal.

Cela peut prêter à rire, et d’ailleurs, le second degré nous fait sourire. Quand Burke sort dehors, on comprend mieux sa réaction, son besoin de survie dans une faune dangereuse et violente qui n’accorde aucune chance aux plus faibles. Ce décor, cette ambiance, cette menace permanente fait peser un poids sur nos épaules, un stress permanent car on ne sait ce qui risque d’arriver la page suivante.

Burke doit retrouver Wilson un violeur pour le compte d’une jeune femme Flood, asiatique adepte des arts martiaux. Andrew Vachss nous présente Flood come une femme forte, mortelle plus que fatale, mais qui est restée une enfant dans sa tête. Il n’en n’oublie pas des scènes comiques quand Flood fait des gaffes lors de la recherche de Wilson, ni de belles séquences émotives. Mais Burke arrive à lui faire comprendre qu’elle n’arrivera pas à trouver Wilson dans ce monde ultra-violent auquel elle est étrangère.

Autour de Burke, on trouve une troupe folklorique pour laquelle on ne peut que craquer. Mama Wong, sorte d’ange gardien, l’étouffe de conseils ; Max le Silencieux est un sourd muet capable de tuer un homme avec un doigt ; La Taupe vit sous terre et se présente comme un expert en technologie ; enfin, Michèle, homme-femme, est la seule à ne pas avoir de dons et la gentille du groupe … quoique …

Et Andrew Vacchs parsème dans son roman des scènes d’une force incroyable, de celles qu’on ne peut oublier. Il enrobe tout cela avec des anecdotes que l’on devine tirées de son expérience personnelle et comme je l’ai dit, cela fait froid dans le dos. Après avoir tourné la dernière page, on comprend la démarche de survie de Burke et on se demande bien dans quel monde on vit. Quelle horreur ! Par contre, il faut absolument que je me procure les autres enquêtes de Burke, cela en devient urgent.

D’ailleurs, je lance un appel aux éditeurs volontaires : S’il vous plait, pourriez-vous éditer les 18 enquêtes de Burke ? C’est trop bien ! Et j’en profite aussi pur remercier Serge Breton membre de l’Association 813 qui a attiré mon attention sur ce roman.

Colère chronique de Louise Oligny

Editeur : Black Lab

Tenir un blog offre l’incroyable chance de pouvoir flâner dans d’autres zones de la littérature, et de découvrir l’univers d’auteurs différents, et de parler de premiers romans. C’est le cas de cette Colère Chronique.

Diane Choinière travaille pour le magazine hebdomadaire généraliste La Chronique, en tant que photographe salariée. Devant les difficultés financières du magazine, on lui propose de réduire son temps de travail et par la même occasion de diviser par trois son salaire. Evidemment, elle refuse et contacte un avocat pour une conciliation, en commençant par envoyer un courrier avec accusé de réception. A 55 ans, après 20 ans de présence et une carte de presse, il n’est pas négligeable de compter sur un salaire fixe mensuel.

Seulement, tout ne se déroule pas comme prévu. Au pire, elle espérait une rupture de contrat ou même un licenciement pour bénéficier du chômage. Au lieu de cela, la Une du journal la partage entre tristesse, inquiétude et fou rire. Le directeur de la rédaction Dufaye a été assassiné par un homme se présentant chez lui et portant une grenade. Evidemment, la piste extrémiste est privilégiée.

Il faut dire que, depuis sa mise à l’écart, Diane accumule les visites chez sa psychologue qui lui fournit de petites pilules qui l’aident à canaliser sa fureur. Mais son penchant pour l’alcool en devient un mélange douteux, lui occasionnant des passages à vide, incapable de se rappeler ce qu’elle a fait la veille. Par contre, elle se rappelle bien avoir envoyé un texto à Mehdi, un membre d’une association pour les jeunes, et donné l’adresse de Dufaye. De là à imaginer un assassinat, il y a un pas … ou pas. Quand d’autres cadres de La Chronique sont retrouvés morts, sa situation se complique.

Ce roman pose un pied dans la réalité du monde du travail, tout en grossissant le trait pour conserver une certaine distance et donc créer une vraie intrigue. Et ce genre de roman, j’en raffole. Surtout quand le personnage principal est aussi déjantée, colérique dès que quelque chose va de travers. Certes, elle peut avoir ses raisons, mais la narration à la première personne fonctionne à merveille et cela, jusqu’à la toute fin du roman.

Pour un premier roman, ce roman est une sacrée surprise ; l’auteure prend son sujet à bras le corps, créé la psychologie de Diane sans être démonstrative et déroule son intrigue à coups de chapitres ultra-courts, avec juste ce qu’il faut de coïncidences. Du coup, on est outré par ce qui lui arrive, et on s’amuse beaucoup de ce qui lui arrive. Louise Oligny trouve même un bon argument pour que Diane soit au courant des enquêtes, même si cela tourne parfois au roman d’amour à l’eau de rose.

Alors oui, je vous conseille fortement de lire ce roman, car vous allez découvrir une nouvelle auteure qui possède le rythme, la gouaille et la hargne qui collent parfaitement au sujet. Et en parcourant ces pages, on ne peut se rappeler d’autres romans traitant de ce sujet tels Le couperet de Donald Westlake, Les visages écrasés de Marin Ledun et Elle, le gibier d’Elisa Vix pour ceux qui me reviennent en tête.

Rétiaire (s) de DOA

Editeur : Gallimard – Série Noire

Sorti en tout début d’année, ce roman que j’attendais avec grande impatience a enfin vu le jour. Initialement prévu pour être une série télévisée (pour France Télévisions pour ne pas les nommer), il en reprend les personnages et la trame mais il s’agit bien d’un roman, en forme de déflagration, tant ça décoiffe !

Alors que sa femme et sa fille ont été tuées par des trafiquants de drogue, Théo Lasbleiz de la brigade des stupéfiants se rend armé au sous-sol du 36 du rue du Bastion. Il se précipite sur Nourredine Hadjaj, l’interpelle, dégaine son arme et lui tire une balle dans la tête. Amélie Vasseur, bras droit de Théo n’a pas récupéré sa place, mais elle va leur montrer ce qu’une femme peut faire.

Lors de son élection à la tête de la Bolivie, Juan Evo Morales Ayma a supprimé le titre de république avant de faciliter la production et le commerce de la coca dont il est un cultivateur. Augmentant les surfaces cultivables, il autorise aussi le Pérou à transiter sa marchandise par son pays. La communauté croate a vite profité de cette plateforme et Ibro Kuzmic, petit fils des premiers immigrants veut élargir son panel de clients en Europe via l’Argentine, en envoyant fin 2020 plusieurs tonnes de cocaïne.

Léonard Serdachuk a commencé à franciser son nom quand il a immigré d’Ukraine, avant de monter une affaire de ferrailleur. Momo son petit fils a hérité du courage et de l’intelligence de son grand-père et développé son empire dans des domaines moins légaux, en particulier de shit. Pour avoir été surpris en revenant de la Costa Del Sol alors qu’il avait interdiction de quitter le territoire, il s’est fait arrêter. Il se retrouve voisin de Théo.

Ce maigre résumé peut paraitre bien pauvre par rapport à tout ce que nous raconte DOA dans les cinquante premières pages de son roman. Dès le départ, on se retrouve dans une histoire complexe avec de nombreux personnages, divers itinéraires et tout l’historique des différentes parties qui vont prendre part à ces intrigues.

Contrairement à beaucoup de ses confrères, DOA commence son roman comme un feu d’artifice, nous détaillant le contexte comme on le ferait d’un reportage. Il n’est pas étonnant d’ailleurs de lire en fin de roman la genèse de ce livre, d’abord conçu comme une série pour finir par 420 pages jubilatoires. Jamais je n’aurais lu un roman aussi proche de la réalité, avec une volonté de dire les choses comme elles sont, aussi proche qu’un The Wire.

Jamais DOA ne se montre pédant, il applique son style, parfaitement clair et descriptif, passant à des phrases hachées pour mieux rendre l’ambiance, le stress ; jamais démonstratif quand il aborde la psychologie des personnages. La lecture en devient passionnante mais surtout jouissive avec des scènes extraordinaires, impressionnantes, inoubliables.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas de course-poursuite, ni d’un jeu d’échecs, mais plutôt d’un jeu de cache-cache où chacun avance ses pions sans se montrer vis-à-vis des autres. La construction basée sur des spirales entrelacées et la force des personnages féminins apportent un intérêt supplémentaire, surtout quand il détaille sans vraiment les dévoiler les stratégies pour la conquête du pouvoir et de l’argent.

C’est grand, c’est fort, c’est violent, et c’est inlâchable. De la trajectoire (inattendue pour certains, il faut bien le dire) des protagonistes, DOA nous montre aussi le gigantisme de la pieuvre, de ces organisations du trafic de drogue qui sont tellement implantées partout et à tous niveaux qu’elles sont impossibles à combattre. Avec Rétiaire (s) (et quel titre !), DOA nous offre ici un des meilleurs livres de 2023 ; et l’année ne fait que commencer !

Les gentils de Michael Mention

Editeur : Belfond

Si vous êtes un fidèle de Black Novel, vous savez que je suis un fan de Michael Mention, dont j’ai lu tous les romans depuis 2014. De l’eau a coulé sous les ponts depuis, et il ne me viendrait pas à l’esprit de rater la dernière production d’un auteur au style particulier, personnel et assumé. Ce roman comporte toutes les passions de Michael.

Paris, 1978. Franck Lombard ne peut se résoudre à oublier le drame qui l’a frappé. Lors du braquage de la boulangerie du coin, un homme, drogué probablement, bouscule la fille de Franck. Violemment. La tête frappe le mur … Franck a perdu sa raison de vivre. Il croit que la police va vite trouver le meurtrier. Des jours passent, des semaines, des mois … et toujours aucun résultat.

Sa rage monte, devient insoutenable ; sa femme l’a quitté ; il ne lui reste que la voix de sa fille qui l’accompagne à chaque pas qu’il fait. Il se prend en main, en l’absence d’information, zone dans le quartier des drogués, et n’en retire qu’un passage à tabac. Quand il retourne dans la boulangerie, désaffectée depuis le drame, il tombe sur un squatteur qui lui parle d’un homme arborant un tatouage Anarchie sur l’épaule. Son assassin aurait migré à Toulouse dans une clinique de désintoxication.

Franck se résout à vendre sa boutique de disques à Didier, son collaborateur pour disposer d’argent liquide et se lancer dans sa quête personnelle de vengeance. Là-bas, avec la maigre description du bonhomme, il obtient un nom, Yannick et une destination : il serait tombé amoureux d’une Jane, camée aussi et le couple aurait rejoint une association d’aide aux drogués à Marseille. Le périple de Franck ne fait commencer …

Pour un passionné de musique comme Michael Mention, il fallait bien qu’un jour il aille plus loin que nous laisser en fin de roman sa play-list. C’est chose faite avec ce personnage de Franck, disquaire de métier, dont la musique majoritairement sombre des années 70 va rythmer sa vie, trouver un sombre écho à sa quête personnelle. Car ce roman nous impose un voyage autant intérieur qu’extérieur …

Voyage intérieur tout d’abord, puisque Franck est le narrateur de cette histoire. On y trouve donc beaucoup de pensées et très peu de descriptions extérieures (surtout dans la partie française du roman, puisqu’il est un homme refermé en lui-même, bouillonnant de rage aveugle. Dans ces moments-là, la rythmique lourde accompagne chaque battement de cœur, les pauses apparaissent à chaque indice avant de nous replonger avec une guitare basse entêtante, obsédante.

Voyage extérieur aussi et surtout car Michael Mention nous créé un scénario incroyable en France, puis en Guyane où la force, la puissance, la détermination ne suffise plus à le tenir debout. Ses pensées noires font place à un paysage d’un vert obsédant, tout aussi dangereux, où là aussi, la rythmique vient pulser les lignes, exploser les phrases, quand un danger surgit ou même quand il est aux portes de la mort de soif.

La rythmique est voulue omniprésente dans ce roman, l’auteur jouant avec les mots, adaptant ses phrases au moment raconté, sans jamais perdre l’objectif : montrer jusqu’au bout la passion ultime de son personnage, l’aspect subjectif de cette histoire, qui est une des plus grandes réussites sur un homme obstiné qui a tort (ou pas ?), une histoire qu’il use, torture, déforme pour un final que l’on ne peut deviner en entamant le roman.

De la culture populaire, autre que musicale, on y décerne bien l’influence du cinéma de la fin des années 70, ces films de fous tels que Apocalypse Now ou Voyage au bout de l’enfer (Mon film préféré de tous les temps). Michael Mention réussit la gageure de créer des scènes visuelles telles qu’elles m’ont ramené dans une jungle verte à vomir, opaques et tellement dangereuse car trop calmes.

Voilà pourquoi j’aime Michael Mention et ce qu’il écrit. Il nous parle des Hommes, de leur folie, passée ou présente, revendique sa culture, n’en a pas honte et la revendique, et fait revivre avec son propre style ce que l’on peut ressentir au plus profond de soi. Alors oui, Les Gentils est probablement son livre le plus personnel, probablement le plus difficile à écrire pour lui (imaginer pour un père de perdre sa fille est au-delà de l’horreur) mais c’est avant tout un grand roman de folie.

Chez Paradis de Sébastien Gendron

Editeur : Gallimard – Série Noire

Autant vous le dire tout de suite, je suis fan des écrits de Sébastien Gendron, depuis Le tri sélectif des ordures. Il faut s’attendre donc à de l’humour et cela commence d’ailleurs très bien : en exergue, au début du roman, Sébastien Gendron nous met en garde après un pré-générique, en écrivant : « D’après une histoire fausse. »

Maxime Dodman fait sa tournée en fourgon blindé avec Eric Ginelli et Pierre Pouton en ce vendredi 17 juin 1986. Le directeur des opérations les détourne par la zone Panhard, à cause du retard qu’ils ont pris. Soudain, ils se font arrêter par deux voitures. Coups de feu, grenades, Ginelli et Pouton à terre. Max arrive à descendre les braqueurs mais il est salement touché. Il aperçoit plus tard un passant en mobylette qui veut prendre un sac de billets et lui tire dessus, avant de s’évanouir.

Trente années ont passé. Max a ouvert un garage sur le plateau des causses. Il mène son monde à la baguette, que ce soit Denis Bihan, son apprenti ou sa femme Marie-Louise qui réserve son affection pour son chien. A coté du garage, Max loue trois chambres, qui servent de lupanar dans lesquelles The Face tourne des films pornos via sa société Juicy Media. Au passage, tout ce qui compte de respectables dans le village peut en profiter, du maire et de ses conseillers aux notables et industriels du coin.

Les grains de sable vont s’accumuler dans les rouages de cette petite mécanique bien huilée. Adrien Leoni se présente comme un producteur de cinéma. Il envisage de tourner un film ayant pour décor le garage Chez Paradis. Thomas Bonyard qui a été défiguré par la balle de Max quand il était sur sa mobylette retrouve la trace du garage et une prostituée se préparant pour un film X disparait.

Ecrit comme un film, Sébastien Gendron nous présente son scenario avec un pré-générique, le film, le générique de fin et un post générique. Cette méthode sert surtout à ne pas tout prendre au pied de la lettre, et à jouer avec les codes, où se mélangent l’art littéraire et l’art cinématographique. De la présentation des personnages au déroulement de l’intrigue, tout va aboutir dans une scène finale d’anthologie digne de Sam Peckinpah.

La galerie de personnages vaut à elle-seule le détour, l’auteur les présentant tous plus pourris les uns que les autres, tous plus dégueulasses les uns que les autres. On est plongé dans un roman noir, mais du noir extrême, presque caricatural. Mais rappelons-nous qu’il s’agit d’un film et que de nos jours, on ne fait pas dans la dentelle. L’action, les rebondissements sont incessants, le violence présente (en particulier une scène particulièrement marquante) et l’humour noir permettant d’avoir du recul intervient toujours au bon moment.

Tout le monde va en prendre pour son grade ; dans un panier de crabes, quand il n’y a plus à manger, ils se dévorent entre eux. Tous les rouages vont se gripper et déboucher sur une scène finale impressionnante, qui nous permet de se rassurer que tout cela n’est qu’une vaste comédie noire. D’ailleurs, j’ai adoré la citation finale, tirée du Cherokee de Richard Morgièvre :

« Les gens bien mis rabâchaient souvent que Shakespeare avait tout dit. Des conneries. Il n’avait rien dit. Personne ne pouvait rien dire. C’était bien pourquoi les écrivains continuaient d’écrire : pour ne rien dire. »

Et j’ajouterai juste : en le disant bien.

Oldies : Little bird de Craig Johnson

Editeur : Gallmeister (Grand format) ; Gallmeister / Points (Format Poche)

Traducteur :

Afin de fêter ses 15 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux éditions Gallmeister, spécialisées dans la littérature anglo-saxonne. Je vous propose un roman particulier pour moi, je vous en dis plus un peu plus loin …

L’auteur :

Craig Johnson, né le 12 janvier 1961 à Huntington dans l’État de la Virginie-Occidentale, est un écrivain américain, auteur d’une série de romans policiers consacrés aux enquêtes du shérif Walt Longmire.

Craig Johnson fait des études de littérature classique et obtient un doctorat en art dramatique.

Avant d’être écrivain, il exerce différents métiers : policier à New York, professeur d’université, cow-boy, charpentier, pêcheur professionnel, ainsi que conducteur de camion. Il a aussi ramassé des fraises. Tous ces métiers lui ont permis de financer ses déplacements à travers les États-Unis, notamment dans les États de l’Ouest. Il finit par s’installer dans le Wyoming où il vit actuellement. Toutes ces expériences professionnelles lui ont servi d’inspiration pour écrire ses livres et donner ainsi une certaine crédibilité à ses personnages.

Il est l’auteur d’une série policière ayant pour héros de shérif Walt Longmire. Les aventures du shérif se déroulent dans le comté fictif d’Absaroka, dans le Wyoming, aux Etats-Unis, le long d’une branche des montagnes rocheuses, la Chaîne Absaroka. Par son cadre géographique, la série lorgne vers le genre du western. Elle a été adaptée à la télévision américaine sous le titre Longmire, avec l’acteur australien Robert Taylor dans le rôle-titre.

Craig Johnson vit avec sa femme Judy dans son ranch près de Ucross (25 habitants) sur les contreforts des Monts Big Horn, dans le Wyoming, où il s’occupe de ses chevaux et de ses deux chiens. Son ranch est adjacent aux réserves indiennes Crow et Cheyenne où l’écrivain a de nombreux amis dont il s’inspire directement pour créer ses personnages amérindiens. Il trouve également son inspiration dans les paysages et différents lieux environnants son ranch et les décrit avec précision dans son œuvre. Bien que le comté d’Absaroka n’existe pas réellement, sa position géographique est bien réelle et ses caractéristiques reprennent celles de lieux existants.

Craig Johnson est lauréat de nombreux prix littéraires, dont le Tony HillermanMystery Short Story Contest. Il est membre de l’association des MysteryWriters of America.

En France, les écrits de Johnson sont publiés par l’éditeur Gallmeister. Plusieurs nouvelles ont été offertes gratuitement en librairie et diffusés sur internet afin de promouvoir l’œuvre de l’auteur.

(Source : Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Après vingt-quatre années passées au bureau du shérif du comté d’Absaroka, dans le Wyoming, Walt Longmire aspire à finir sa carrière en paix. Ses espoirs s’envolent quand on découvre le corps de Cody Pritchard près de la réserve cheyenne. Deux années auparavant, Cody avait été un des quatre adolescents condamnés avec sursis pour le viol d’une jeune indienne, Melissa LittleBird, un jugement qui avait avivé les tensions entre les deux communautés. Aujourd’hui, il semble que quelqu’un cherche à se venger. Alors que se prépare un blizzard d’une rare violence, Walt devra parcourir les vastes espaces du Wyoming sur la piste d’un assassin déterminé à parvenir à ses fins.

Avec LittleBird, premier volet des aventures de Walt Longmire, Craig Johnson nous offre un éventail de personnages dotés d’assez de sens du tragique et d’humour pour remplir les grandes étendues glacées des Hautes Plaines.

Mon avis :

Cette série représente pour une série de romans particulière pour une raison bien simple. Quand LittleBird est sorti, on m’en a parlé en des termes si élogieux que je l’ai acheté peu après sa sortie. Puis, les tomes sortant à la fréquence d’un par an, je les ai tous acquis année après année, et je ne les ai jamais ouverts. J’attendais la bonne occasion pour entamer cette série dont la première enquête a totalement rempli les attentes.

Dès les premières lignes, Craig Johnson nous plonge dans un décor de western, dans une époque bien ancrée dans notre quotidien. Son style, très littéraire, fait des miracles en termes de descriptions à un point tel que l’on se retrouve face à des peintures représentant un paysage montagneux à perte de vue.

Craig Johnson évite les pièges de vouloir nous présenter le contexte et les personnages au début du roman. Il entre dans son intrigue comme si nous faisions déjà partie des habitants de cette région d’Absaroka. Petit à petit, il va nous présenter les protagonistes au travers de scènes simplissimes qui permettent de situer à la fois leur relation avec Walt Longmire et leur psychologie.

D’ailleurs, Walt Longmire, qui est le narrateur de cette histoire, prend toute la place ; et la narration est si naturelle (je vais éviter de dire fluide) qu’on a l’impression non seulement de le connaitre depuis longtemps mais de carrément vivre à ses côtés. On ne peut qu’adorer ses répliques toutes en dérision de la part d’un homme dont la femme vient de mourir et qui se retrouve en période électorale pour son poste de shérif.

L’histoire en elle-même est terrible : une jeune fille indienne attardée a été violée par quatre jeunes hommes dont on attend la peine de prison après la condamnation. Alors qu’ils sont en liberté surveillée, Walt est appelé pour constater le corps de l’un d’eux. Le rythme de ce roman va être lent, au rythme de la vie dans l’Ouest américain, et va nous présenter la vie de cette petite ville, bordée par une réserve indienne. On y appréciera aussi la diplomatie et le respect des gens dont fait montre Walt, qu’ils soient blancs ou amérindiens. Un premier tome qui donne envie de se plonger dans la suite de suite.

Pleine balle de James Holin

Editeur : Editions du Caïman

De cet auteur, j’aurais lu avec plaisir tous ses polars pour ses intrigues bien construites mais aussi pour son ton sarcastique. On rit beaucoup à la lecture de ses histoires pleines de créativité et c’est encore le cas ici.

Camerone, commissaire de la Police Judiciaire de Creil, se rend à une réunion du directeur de cabinet du préfet, qui s’appelle Pisse-Vinaigre. Perdre son temps dans des beaux bureaux l’énerve au plus haut point, surtout un vendredi soir, à quelques jours de Noël. Camerone leur annonce avoir arrêté la meurtrière qui a tué le docteur à coups de marteau. Puis la discussion dérive sur des plaintes sans intérêt, du shebagging (les femmes qui mettent leur sac sur une place vide dans les transports en commun) au mansplanning (les hommes qui coupent la parole aux femmes) en passant par le manspreading (les hommes qui s’assoient les jambes trop écartées). Hilarant !

En rentrant chez lui, il aperçoit une équipe de gendarmes afférés sur une voiture brûlée, une Clio, en pleine campagne picarde. Camerone s’arrête un peu plus loin et leur demande de vérifier la plaque d’immatriculation. La radio leur confirme une plaque volée. Camerone est persuadé qu’un casse se prépare, ce qui serait cohérent avec l’attaque au gaz récente de deux guichets de distribution de billets.

Camerone apprend qu’un casse d’une concession automobile BMW a eu lieu dans la nuit. Il est persuadé que la Clio a été utilisée à cette fin. Effectivement, les truands ont emprunté une X6. Après avoir pris des informations auprès d’un de ses indics manouche, il va embarquer son équipe dans une folle équipée à la poursuite de la BMW, conduite à n’en pas douter par son ennemi personnel, le Blond.

James Holin va prendre le temps de nous présenter son personnage principal, Camerone, kabyle d’origine, entouré d’une aura de héros, suite à des événements passés que tout le monde a monté en épingle. Camerone donne l’impression, dès les premières pages, de se battre contre tout le monde. Peut-être est-ce dû au fait qu’il a perdu sa main droite, qu’il a remplacé par une prothèse en résine noire ? Ou bien à sa stature imposante ? Ou à son attitude toujours rentre-dedans qui laisse envisager qu’il n’a peur de rien ?

Camerone est obsédé par le Blond, qu’il a rencontré par le passé, et qu’il n’a pas réussi à arrêter. Son flair lui indique que le Blond prépare des casses de distributeurs automatiques. En totale autonomie, Camerone emmène toute son équipe : Leïla avec qui il a une relation et qui a demandé sa mutation, Bernard, Martoche et Testo le jeunot de l’équipe. Nos cinq comparses vont se partager entre deux voitures et commencer la course poursuite à travers la Picardie.

Et là, c’est tout simplement génial ! James Holin profite de cet huis-clos pour détailler les psychologies des flics et leurs relations entre eux. C’est d’autant mieux fait que par moments, cela tourne au Vaudeville, et le ton sarcastique et foncièrement cynique emporte l’adhésion. Et les événements sont suffisamment bien construits pour faire évoluer les cinq flics et notre perception de la réalité, bien différente de ce que l’on aurait pu imaginer de prime abord.

Finalement, James Holin fait encore plus fort que Bullitt, vous savez, le film avec Steve McQueen qui comportait une course-poursuite en voiture de plus de vingt minutes. James Holin fait plus fort car son intrigue tient sur 260 pages, et jamais on ne ressent de lassitude. Au contraire, plus on avance dans le livre, plus on se passionne pour cette histoire, pour ces personnages et la fin, totalement logique, fait tomber le rideau de grande et belle façon.

Ne ratez pas les avis de l’Oncle Paul et Jeanne Desaubry

Les âmes sous les néons de Jérémie Guez

Editeur : La Tengo éditions

Cela fait presque sept ans que j’attendais un roman de Jérémie Guez, depuis Le dernier tigre rouge. Entre temps, celui que je surnomme Le Petit Prince du Polar est passé du côté du cinéma, écrivant des scénarii et réalisant un film, Bluebird. Les âmes sous les néons permet donc de fêter le retour en grande forme de cet auteur du Noir.

Copenhague.

Elle vit une vie de rêve, belle maison, belles voitures, un bébé en forme, un homme qui l’aime.

La fête se déroule dans la joie, pour souhaiter la bienvenue au bébé.

Elle est énervée, Lars n’est pas là.

Elle est seule avec les amis de son compagnon.

Le téléphone sonne.

La police lui annonce que Lars vient d’être abattu d’une balle dans la tête, au volant de sa voiture.

Lors de l’interrogatoire, les flics lui apprennent que Lars dirigeait plusieurs bars à putes, blanchissait de l’argent sale de plusieurs mafieux.

Elle n’a rien vu, ne s’est intéressée à rien, a profité de l’argent qui coulait à flots.

Lors de l’enterrement, Libyens, Palestiniens, Syriens, Irakiens, Tchétchènes, Serbes, Albanais, et Somaliens viennent la saluer.

Elle ne les connait pas.

L’avocat de Lars lui annonce avoir trouvé des gens pour racheter le business de Lars.

Elle devrait signer, c’est un conseil.

Un homme sonne à la porte.

Il se présente comme le seul ami de Lars, son homme de main aussi.

Lars l’a chargé de veiller sur sa vie, qui va devenir à haut risque.

Il lui demande de ne pas accepter l’offre de l’avocat.

Question de survie.

Ce nouveau roman de Jérémie Guez s’annonce comme un nouveau coup de poing, un nouveau coup de pied au monde du polar. Bien que situé dans un pays nordique, il pourrait prendre place n’importe où ailleurs. L’auteur préfère mettre en avant les personnages et le mystère du monde interlope et caché de la nuit.

Les deux personnages principaux vont jouer un jeu dont ils ne connaissent pas les règles, se rencontrer, se frôler, se quitter en ne sachant pas s’ils peuvent se faire confiance. Leurs allers-retours ressemble à s’y méprendre à une danse moderne, où ils volettent d’un bout à l’autre de la scène.

De danse, il en est aussi question dans la forme de ce polar. Jérémie Guez a opté pour un style, non pas haché, mais fait de paragraphes formés d’une seule phrase, comme un slam rap brillant, une poésie noire et moderne, efficace menant tout droit à l’enfer. Dans chaque phrase, avec le minimum de mots, il se permet de dessiner des décors, de peindre des psychologies et de creuser des thèmes chers au polar.

L’amour, la solitude, la famille, la confiance, la loyauté, ces thèmes représentent les fondations de ce roman aussi brillant par son intrigue que par son style, sans montrer de sentiments superflus. Et à la fin de la lecture, on en vient à regretter d’avoir attendu aussi longtemps, presque sept ans, pour le lire. Bon sang, Jérémie, peux-tu nous en écrire d’autres de ce niveau-là, s’il te plait ?

Loin du réconfort de Gilles Vidal

Editeur : Zinedi

J’ai la chance de trouver, au gré de mes lectures, des lectures différentes. Il faut bien le dire, le travail que nécessite un blog comporte des avantages, dont celui de lire des auteurs peu connus et de grand talent. Gilles Vidal fait partie de ceux-là, capable de nous emmener ailleurs, de nous inventer des intrigues surprenantes et utilisant toujours la bonne formule. En début d’année, j’avais beaucoup apprécié son recueil de nouvelles, De but en noir. Avec Loin du réconfort, je crois avoir lu son meilleur roman.

Franck roule, sur une route déserte, avec son autoradio qui déverse des notes de musique, comme une sorte d’accompagnement, de motivation.

Parcourir cette route, au bout de laquelle il veut trouver une délivrance, c’est aussi l’occasion de revenir sur des faits qui ont marqué sa vie.

Car si la route est droite, sa vie est semée de virages qu’il n’a pas forcément su prendre ou bien négocier.

En premier lieu, il pense à Ivina, sa compagne, et à leur rencontre dans un rayon de supermarché. Rencontre brutale, rapide. Il n’y eut qu’une phrase échangée, qu’elle a chuchotée : « Pour toi, c’est où tu veux, quand tu veux. »

Coup du hasard, coup de foudre, cette rencontre devient un coup de soleil dans la vie terne de cet auteur de romans que personne ne lit.

Quelques kilomètres plus loin, il se rappelle son enfance, la mort de sa mère, quelques passages au collège.

Ivina est morte. Tuée par un déséquilibré. La police le convoque, le croit coupable. Mais elle est bien obligée de le relâcher faute de preuves.

Franck roule, sur une route déserte, à la poursuite du tueur de sa femme.

Il vous faut absolument lire ce roman.

En tant que narrateur, Franck va nous parler de sa vie, des quelques passages dont il se rappelle. Probablement pas les plus importants mais ceux qui lui viennent à l’esprit. Ils n’ont pas forcément de liens entre eux, mais participent à la construction du personnage et surtout à l’émotion engendrée par ce texte.

Parfois, au gré d’une rencontre, Franck va revenir dans le présent, décrire un personnage ou juste un lieu, une sensation, une couleur, une odeur. Et dans ces moment-là, Gilles Vidal prend des atours de poète moderne.

Ce sont donc des chapitres, sous forme de paragraphes, numérotés de 1 à 65 qui vont composer ce roman, et dont la forme est aussi originale que le fond est terriblement prenant et sonne vrai. A ma lecture, j’ai ressenti tellement d’émotions que je me suis souvent demandé s’il s’agissait d’une autobiographie.

Avec peu de phrases, peu de mots, l’auteur brosse à la fois une histoire, un personnage, un pays et surtout une vraie réflexion sur la mémoire, le remords, le destin et la vengeance. Et la fin, comme tout le reste du livre, vous prendra aux tripes, par sa simplicité et par le fait qu’elle ne ressemble à aucune autre. Cette fin laissera d’ailleurs comme un gout amer en bouche, comme une démonstration que Franck aura décidément tout raté dans sa vie. Mais le roman, lui, est une formidable réussite ! Un roman que je garderai longtemps près de moi.