Editeur Jigal
Philippe Hauret m’enchante de plus en plus au fur et à mesure de ses romans. Avec celui-ci, il construit une intrigue remarquable avec un don rare, celui de mettre en valeur les petites gens. Lecture jouissive garantie.
Malgré leur retraite de misère, Daniel et René ont décidé de ne pas se laisser abattre. Vivant ensemble dans la même petite maison, ils réalisent de petits larcins, dont l’objectif avoué est de se payer un camping car, à la place de leur 404 pourrie, pour partir à l’aventure et oublier leur quotidien morne et gris. Ils investissent une maison que les propriétaires ont abandonnée pour une virée dans les Pyrénées et font main basse sur des bijoux. Daniel a tout prévu pour écouler les joyaux, un jeune nommé Eusèbe.
Eusèbe finit d’écluser les bouteilles d’alcool dans la chambre de Leni, ce qui est préférable à aller se casser les reins au boulot. Philomène, la mère de Leni préfère fermer les yeux sur son fainéant de fils, elle qui ne connaitra pas la retraite à force d’heures de ménage payées au noir. Philomène doit y aller justement, mais elle est surprise quand son bourge de patron lui annonce son licenciement, elle qui n’a jamais vu un contrat.
Daniel va à contrecœur déjeuner chez son fils Vincent, juge sans pitié. Sa belle-fille Dalida lui ouvre la porte, le sourire toujours aussi charmeur, son visage toujours aussi enchanteur. Vincent refuse de donner à son père l’argent qu’il réclame pour son camping-car et les informe que leur voisin vient de se faire cambrioler. Des amateurs sûrement, puisqu’ils n’ont pris que les bijoux et pas les toiles de maître exposées au mur. Comme une remarque sans intérêt, Vincent annonce avoir viré sa femme de ménage.
Et je pourrais continuer longtemps comme ça et arriver à la fin du livre sans m’en rendre compte. Car tous les événements s’enchainent, les uns après les autres, comme des pièces de puzzle parfaitement agencées. Tous les personnages vont se croiser sans se connaitre dans ce petit microcosme parfaitement représentatif de la société, entre riches et pauvres, en toujours gagnants et toujours perdants.
Si la plume peut paraitre simple, elle s’avère ici remarquable de précision, acérée et visuelle. On sent que Philippe Hauret a acquis de l’assurance dans son écriture et qu’il a pris beaucoup de plaisir à peindre cette histoires, je devrais dire ces histoires, qui vont petit à petit faire monter la mayonnaise jusqu’à un final à propos duquel on peut dire qu’il fera grincer des dents mais surtout qui remplira d’aise le lecteur.
Car finalement, quelque soit la classe sociale, on se trouve face à des « darons », de mauvais darons qui se révèlent tous plus détestables, ou plutôt méprisables les uns que les autres. Et en guise de victimes, on trouve les pauvres trimards et les jeunes, mais personne ne se remet jamais en cause, chacun est capable de justifier sa vie et ses actes. Je l’ai déjà dit, et je le répète, Philippe Hauret se pose en digne héritier de Thierry Jonquet … et c’est bien pour ça que je l’adore, surtout quand la lecture est jouissive comme ici.