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Un monde merveilleux de Paul Colize

Depuis Back-up et Un long moment de silence, je suis et resterai à jamais fan des écrits de Paul Colize, pour ses personnages, ses intrigues et son message humaniste. Comme d’habitude, on trouve dans ce dernier roman plusieurs niveaux de lecture.

Le premier maréchal des logis Daniel Sabre a choisi le poste d’instructeur-chef de char, situé dans une base militaire belge en Allemagne. Marié à Catherine, il conçoit sa vie comme son métier : ordonné, respectueux des règles et aveuglément obéissant aux ordres. Ce matin-là, il est convoqué par le colonel Brabant. Afin de valider sa demande de promotion, il devra réaliser une mission spéciale.

Le colonel Brabant lui demande de quitter l’Allemagne pour la Belgique, et de récupérer à Bruxelles une jeune femme. Il devra suivre ses indications à la lettre, la conduire où elle veut pour une durée indéterminée, ne pas poser de questions et ne pas lui donner d’informations. Sabre rentre chez lui préparer ses affaires et quitte Düren en direction de la capitale belge à bord de la Mercedes 220D qu’on lui a fournie.

Le rendez-vous est fixé à midi et à 11h58, une jeune femme à l’allure altière, vêtue d’un long manteau gris l’attend sur le trottoir. Tel un chauffeur, il pose ses bagages dans le coffre,  juste au dessus de l’arme qu’il a pris soin de cacher sous la roue de secours. Marlène s’installe à l’arrière, et commence à remplir un petit cahier dans lequel elle écrit les souvenirs de ce voyage. Elle lui indique la direction de Lyon, et le voyage commence.

Paul Colize est connu pour allier la forme et le fonds à son sujet. On n’y trouvera donc pas de courses poursuites effrénées mais plutôt un aspect psychologique fouillé venant supporter un sujet historique, au moins pour ses derniers romans. Pour ce Monde merveilleux, il choisit le format d’un huis-clos pour opposer deux personnages qui n’ont rien en commun et remet en lumière un événement remontant à la deuxième guerre mondiale.

Deux personnages donc, vont intervenir dans ce roman, en alternance. L’un est un soldat et a été élevé pour obéir aveuglément aux ordres. L’autre est une jeune femme libre, à la recherche de son passé. Ils vont être enfermés dans une voiture et Paul Colize va nous montrer tout ce qui les oppose avant de trouver quelques événements qui va les amener à se découvrir, ou au moins à s’écouter voire se comprendre.

De façon totalement incroyable, Paul Colize nous passionne avec ces deux caractères forts qui ne sont pas prêts à remettre en cause leur éducation. Et il en profite pour nous poser la question de la conséquence de l’obéissance aveugle, qui aboutit entre autres aux horreurs que l’on a connues pendant la deuxième guerre mondiale. Ce qui, sans vouloir déflorer le scénario du roman, en devient un des sujets.

Entre chaque chapitre (ou presque), Paul Colize introduit de courts passages nous présentant des exemples précis de personnages réels ayant réalisé des actes ignobles et/ou horribles et certains (rares) de bonnes actions. Dans ce deuxième niveau de lecture, il nous montre ou plutôt nous demande si finalement, l’Homme n’est pas naturellement mauvais. A la lecture, on sent bien que cet humaniste dans l’âme est miné par les horreurs que l’on rencontre dans n’importe quel fait divers. Et le titre, qui fait référence à la chanson de Louis Armstrong, est formidablement trouvé pour tous ces thèmes qui s’emmêlent comme une remise en question de la nature de l’Homme. Excellentissime.

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Havanaise de Franck Membribe

Editeur : Editions du Horsain (Format Papier); Ska (Format électronique)

Je connais surtout Franck Membribe pour ses nouvelles, certaines étant éditées en lecture électronique chez Ska. Après Reflux, il nous propose un voyage à Cuba très réussi par son évocation et qui me rappelle tant de bons souvenirs.

En cette fin 2008, Vincent débarque à l’aéroport José Marti de la Havane. Au lieu du ciel bleu promis, il arrive sous un orage, ce qui est toujours mieux que le brouillard qu’i a quitté à Paris. Hervé son compagnon de voyage l’invite à manger. Les deux hommes sont venus pour auditer des musiciens et leur faire signer un contrat au profit de leur maison de disques. A la veille de la fête pour le cinquantenaire de la Révolution Cubaine, ils devraient trouver leur bonheur.

Arrivés à l’hôtel Trip Habana Libre, Hervé et Vincent font un point sur la situation de leur société de téléchargement de musique. Il leur faut trouver de nouveaux noms, surprendre le public s’ils veulent survivre. Puis Hervé reçoit un SMS lui apprenant que son audience pour son divorce est avancée au 4 janvier. Son ex-femme n’en finira donc pas de le faire chier. Il ne leur reste que quatre jours pour trouver la perle rare.

Après quelques heures de sieste, les voilà partis pour La Casa de la Musica, où ils vont écouter un trio de cubains. Puis, évitant les bars à touristes, ils arrivent à La Bodega Inomada où ils discutent d’un contrat et où Hervé leur fait une démonstration au piano. L’alcool coule à flot avant que Hervé fasse un scandale et parte de cette soirée de réveillon. Le lendemain, Vincent qui a rejoint son hôtel dans la nuit, se lève avec un mal de tête obsédant. Il n’a pas de nouvelles de son ami et s’aperçoit même qu’il a disparu. La convocation à la police va lui apprendre une nouvelle beaucoup plus dramatique.

L’auteur prend son temps pour présenter ses personnages et surtout pour nous glisser dans la peau de touristes. Et petit à petit, l’histoire va se dérouler et les événements nous montrer ce qu’est (ou ce que fut) la vie à Cuba, celle des touristes et celle des cubains. Alors, autant vous le dire, l’enquête de Vincent va avancer étape par étape et ceux qui cherchent de l’action sont priés de passer leur chemin. Car l’intérêt de ce roman là est ailleurs.

Sans en avoir l’air, de façon remarquablement subtile, Franck Membribe montre sans fioritures et sans excès la séparation qu’il y avait entre les touristes et la vie cubaine. Il valait mieux pour les étrangers ne pas sortir des zones balisées, surtout à La Havane. Et quand vous parliez à des gens, personne ne critiquait le régime en place, et tous sortaient le même discours de l’école et la médecine gratuite.

Pourquoi en parlé-je au passé ? Parce que ma femme et moi sommes allés là-bas, le siècle dernier. Parce que nous avons vu l’écart entre la vie citadine et la vie paysanne. Effectivement, nous avons arpenté les bars à touristes, nous sommes baladés dans les avenues à la Havane. Et puis, nous avons eu droit à une après-midi dans un petit village de pêcheurs. Là, nous étions libres de nous balader.

Une famille de Cubains nous a invités à prendre le café, à manger leurs biscuits. Ils étaient heureux de nous accueillir (et nous ne parlions pas espagnol !) ; ils étaient fiers de nous montrer leurs meubles, de formidables commodes ou armoires en bois brut, qui, chez nous, vaudraient une fortune. Ils nous ont raconté (en mimant) leur vie, sans critiquer le gouvernement, ni le louer, juste en montrant tant de bienveillance. Dans ces moments-là, nous ne pouvions faire qu’une chose : leur montrer notre respect.

Voilà tout ce que m’a apporté ce roman, une bouffée de nostalgie, un film retraçant un des meilleurs moments de vacances que j’ai connu. Franck Membribe nous présente des personnages vrais, des situations réalistes sans en rajouter. En un peu plus de 200 pages, il nous plonge dans le vrai Cuba et cela rend ce roman bigrement attachant. Avis aux lecteurs avides de voyages dépaysants.