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Du sable dans la vaseline de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Je vous propose de passer ce mois de juin en compagnie de quelques romans de la dernière décennie des San-Antonio, les années 90. Je vous propose un roman de 1991 à propos duquel j’ai trouvé peu d’avis, alors que cette enquête est menée avec beaucoup de rythme et de verve.

Les anecdotes :

Du sable dans la vaseline est un roman publié en octobre 1998 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 171ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte le numéro 171 de la collection « San-Antonio ».

La couverture a été réalisée par Claude Serre

Les citaions en exergue sont nombreuses :

« J’étais indéniablement philanthrope.Je voulus traverser à gué un marigot infesté de cons.Quand j’atteignis l’autre rive, j’étais devenu misanthrope.San-A. »

« De nos jours, à défaut de se distinguer, on se singularise. »

« Fais des pieds et des mains, certes, mais fais surtout du sexe. »

« Un critique gastronomique mange pour gagner son pain. »

« Les vaches qui regardent passer les trainsconnaissent les horaires. Albert Benloulou »

« Le point de suspension, c’est le parent pauvre dela ponctuation. »

« Il n’y a pas plus con qu’un homme ayant les couilles pleines.Zoulet »

Le roman est dédicacé à Fabrice CARPENTIER de CARO dont les activités sont si loin des miennes, mais dont le cœur estsi proche du mien.SAN-A.

Le roman se déroule à Las Vegas.

Mon résumé :

Martin, un ours polaire a échappé à la mort promise par une troupe de chasseurs. Finalement capturé, il a failli être vendu à un zoo avant qu’Erwin Liebling n’en fasse l’acquisition. Cet homme toujours habillé en blanc est en réalité un prestidigitateur mondialement reconnu et a profité de ce plantigrade pour le dompter pour un de ses numéros.

Le débris Pinaud qui a fait fortune dans les brosses à dents invite ses amis à Las Vegas. San-Antonio et la famille Bérurier débarque dans la capitale du jeu. Ils prévoient tous d’aller voir le spectacle de magie de Liebling. A la fin, le magicien invite à monter sur scène pour le dernier numéro et Pinaud est choisi. Mais à la fin du numéro, la vieille branche disparait. San-Antonio va devoir enquêter pour le retrouver et compter un nombre important de cadavres.

Mon avis :

Depuis que j’ai attaqué mes lectures de San-Antonio cette année, ce roman est bien le premier à m’avoir vraiment déçu. Pourtant, le premier chapitre sur l’itinéraire de Martin, l’ours polaire démarrait bien ; même l’arrivée de San-Antonio et sa troupe à Las Vegas tient la route … puis ça se délite, les scènes s’amoncellent entre cadavres et pseudo-scènes de sexe qui ont eu du mal à me tirer un sourire. Seule la présence de Salami m’a fait plaisir, c’est dire …

J’en retiendrai à peine quelques citations (voir ci-dessous) en l’absence de digressions enthousiasmantes et les fautes de conjugaison volontaires du passé simple (dans la première partie) qui m’ont amusé. Pour le reste, même la conclusion est décevante et je dois finalement me rendre à l’évidence que cette enquête est un tome mineur dans les aventures de San-Antonio, pour ne pas dire dispensable.

Quelques citations impayables :

« Ça lui cisaille son début d’érection au ras du nerf optique. »

« L’Allemand salue, l’ours également et aussi les deux grognasses. La musique attaque l’Hymne à la Paix. Des jeux d’éclairage rythment les vivats. Erwin Liebling en bande dans son falzar. Un haut-parleur beau parleur annonce que l’artiste signera ses photos au foyer. Des nanas dépoilées un max se mettent à proposer du pop-corn d’abondance. Le public en achète par seaux de plastique de cinq litres ! Geneviève-Marthe Pinaud, enamourée, commente la prestation de son époux valeureux. L’allure qu’il avait, ce Vieux Con, dans les projecteurs ! »

« Toute la salle applaudit et Pinuche se laisse embarquer sur la scène, effarouché mais pas mécontent de son succès. Une fois sous les feux de la rampe, il salue la foule puis envoie un baiser à son épouse du bout de ses doigts jaunis par la nicotine. »

« Tu dois te souvenir, ô mon lecteur comblé, que la Pine, dit la Vieillasse, a fait fortune sur le tard aux États-Unis grâce à deux idées que n’eût pas désavouées Christophe Colomb1. À cause de ce concept génial, le doux César perçut des dividendes forcenés qui modifièrent sa vie : appartement de grande classe à la Muette, domestiques, Rolls, suceuses de luxe, vêtements de chez Zili, villa sur la Côte d’Azur, caviar, montres Cartier, manteau de zibeline à médème, thermalisme de haut niveau, chien de concours, shampooing au foutre de puceau ; tout ! Que dis-je : Tout ! »

« Cette maniaquerie faillit lui causer des désagréments, le jour où il planta son couteau dans le ventre d’un serveur de restaurant qui avait renversé le contenu d’une saucière pleine de coulis de tomate sur son plastron. Fort heureusement, l’employé portait un bandage herniaire ce qui valut au dompteur d’éviter la prison. »

« Redoutable jusque dans le jeu de Scrabble qui ne comporte pas deux « Z » pour pouvoir écrire « grizzli », il t’arrache la tronche d’un coup de patte, comme toi l’aile d’un ortolan. Faut se rendre à l’évidence : nounours est un fauve plus sanguinaire que ceux d’Afrique et du Bengale. »

« Il paraît gentil, l’ours. À preuve, c’est le jouet du premier âge. Son pelage épais, son air rigolard et sa démarche de gros plein-de-miel inspirent confiance. »

« Plus on a de la bouteille, mieux on sait la vider. »

« Si le taulier possédait des racines françaises, sa rombiasse en charriait d’ibériques, aussi la musique sentait-elle sous les bras. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

http://francois.kersulec.free.fr/FK/SA/HTML/livre.php?CodeLivre=DSDLV&DepuisListe=LivresSAOC-%-Non&PosDansListe=171

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/26547

Close-up de Michel Quint (Editions de la Branche)

Voici un nouveau roman de la collection Vendredi 13, des éditions de la Branche. Après Samedi 14 de Jean Bernard Pouy, Close-Up de Michel Quint nous offre un polar écrit avec beaucoup de style.

De nos jours, dans la banlieue lilloise, le Quolibet est un petit cabaret miteux, offrant à ses clients des numéros de bas étage. Seul le numéro de Miranda sort du lot, un numéro d’illusionniste à base de tirage de cartes, grâce auquel elle fait semblant de prédire l’avenir à ceux qui veulent bien y croire. Dans la salle, Bruno Carteret est attentif, passionné et lui propose de faire son numéro lors d’un anniversaire qui aura lieu début janvier.

Miranda connaît Bruno Carteret, c’est le PDG de Buildinvest, une société de BTP qui employait l’ancien petit ami de Miranda, Eric. Eric a eu un accident de travail et est resté handicapé. Il a refusé de profiter de son accident et a démissionné, alors que Miranda avait préparé un dossier qui lui aurait permis d’obtenir une pension.

Miranda va accepter de faire son numéro à cet anniversaire, devant une partie de la haute bourgeoise lilloise. Elle a préparé son coup, et en tirant les cartes à Bruno, elle lui prédit qu’il va mourir avant le prochain vendredi 13. Sauf que, quelques jours plus tard, Bruno débarque au Quolibet, gravement blessé. On vient de tenter de l’assassiner. Il va demander à Miranda de le protéger.

Des histoires de duos improbables (clin d’œil à Jean Marc), on en trouve des centaines dans les polars. La confrontation de deux personnages, différents par leur psychologie, leur origine, leur vie est quelque chose de bien connu. Ici, on ne déroge pas à la règle, deux mondes différents à travers deux personnages fort bien dessinés, les pauvres face aux riches. Et Michel Quint nous dénonce de façon explicite mais pour autant pas militante les marchés français et étrangers faussés par des mallettes d’argent illicites.

Mais au-delà de ce refrain que l’on connaît, l’ambiance des nuits lilloises, des banlieues glauques, des soirées richissimes est formidablement rendu par le style inimitable de l’auteur, que je connaissais pour avoir lu ses œuvres dans la collection Rivages noir. Michel Quint est un jongleur de mots, un danseur qui fait virevolter ses phrases, un équilibriste de l’expression, un peintre impressionnant de bons mots. A travers un polar noir et fort bien construit, il m’a enchanté par son style flamboyant, et m’a donné beaucoup de plaisir avec ce roman fort bien maîtrisé.