Editeur : Manufacture de livres
Quand il s’agit de roman politique, j’attends de découvrir des faits que je ne connais pas et surtout un style qui m’emporte. Frédéric Paulin ou Dominique Manotti font partie de mes auteurs favoris dans ce domaine. Si j’ai commencé cette lecture en étant dubitatif, j’ai fini par être convaincu puis emporté puis passionné.
En tant que députée suppléante des Rhône-Alpes, Djamila Garrand-Boushaki fait des allers-retours entre Paris et sa circonscription. Elle remplace Serge Ruggieri devenu ministre de l’intérieur de François Hollande. Elle se rend à Privas pour soutenir une association protestante pour la charité. Elle a épousé Jean-Michel Garrand, Enarque et chef de cabinet de Ruggieri. Grâce à cela, la jeune femme originaire des banlieues de Bron-Terraillon a posé un pied parmi ceux qui comptent en politique. A la fin de la journée, Mediapart publie un article affirmant que Ruggieri a possédé un compte en banque au Luxembourg.
Le commandant Alain Dubak a été muté de la Brigade des stupéfiants à la Brigade financière alors qu’il n’y connait rien. C’en est probablement la raison, d’ailleurs. Son équipe est composée du capitaine Joseph Filippo et la lieutenante Peggy Guilleminot, alors qu’ils devraient être six pour abattre leur boulot. Ils viennent de coincer Gérard Dalmaro, directeur général de la société Eau Noire, pour détournement et évasion fiscale.
Gérald Hébert est un barbouze qui a été mis de coté à la DCRI. Il a rendez-vous avec Hugues Corvoisier, directeur international de la sécurité d’un groupe majeur de l’énergie. Corvoisier roule pour Fillon. Ce groupe qui a remporté 80% des marchés publics de la région lyonnaise se sent gêné par la tournure des événements à propos de Ruggieri. Corvoisier lui demande de trouver une diversion.
J’ai commencé ce roman un peu à reculons, parce que j’attends d’un roman politique un fonds solide mais aussi un aspect fictif fourni par une intrigue forte et construite. Sans grande surprise, mes maîtres dans ce domaine sont James Ellroy, Dominique Manotti et plus récemment Frédéric Paulin. Je ne veux pas oublier non plus l’excellentissime French Tabloïd de Jean-Hugues Oppel dont La résistance des matériaux se rapproche.
François Médéline fait reposer son intrigue sur trois personnages forts, Djamila, femme politique calculatrice, Dubak, flic désabusé et tête brûlée et Hébert, un auteur de basses œuvres sur commande, qui vont intervenir alternativement dans le roman. Mais ce qui prend à la gorge, c’est le rythme de la narration, ce style haché, rapide, fait de petites phrases qui ne vous lâche plus et qui insuffle un battement d’urgence dans tout ce qui s’y passe.
Si on peut penser que le focus est mis sur l’affaire Cahusac, ministre du budget et condamné pour avoir détourné des sommes astronomiques, j’ai personnellement trouvé l’intérêt ailleurs. J’ai dépassé « l’ère » des Tous pourris, mais j’ai été fasciné par les relations des uns et des autres, leur entraide même quand ils font partie du camp adverse, leur façon de manipuler les médias ou la justice.
On va retrouver nombre de personnages connus, Mosco, Le Foll, Guéant, Sarkozy, Woerth, Hollande et tant d’autres à la fois dans l’histoire mais aussi à travers des pseudo-interceptions réalisées par la NSA. Personnellement, certaines conversations (téléphoniques ou SMS) ne m’ont apporté quelque chose que quand elles faisaient référence à une information relayée par les médias qu’ils avaient manipulés.
Et au final, si j’ai été réticent avant d’entamer ce roman, je l’ai terminé à la vitesse de la lumière tant l’écriture vous emporte dans son tourbillon jusqu’à nous faire ressentir un mal-être devant le drame démocratique et le niveau de manipulation que l’on subit, de la part de n’importe quel camp. Je ne suis pas sûr que ce roman donne envie d’aller voter alors qu’il nous permet de prendre du recul face à l’omnipotence des informations inutiles et parasites dont on nous gave à toute heure.
(Nota : je ne fais pas de politique).