Le chouchou du mois de janvier 2018

Voici venu le temps d’élire le premier chouchou de 2018. Comme je vous l’avais dit, je suis revenu à un rythme plus raisonnable de billets puisque je n’aurais quasiment pas publié de billets le vendredi … à part l’avis de mon invitée et amie Suzie qui nous a vanté les mérites d’un roman psychologique fait pour mettre mal à l’aise : Une vie exemplaire de Jacob M. Appel (La Martinière).

Bon, j’avoue que j’ai aussi inséré mon avis sur Droit dans le mur de Nick Gardel (Editions du Caïman), parce que c’est un auteur qui ne se prend pas au sérieux, et que j’aurais à la fois bien rigolé et surtout passé un excellent moment en compagnie de son retraité en prise avec une secte.

L’année du Lion de Deon Meyer (Seuil) sera ma seule lecture 2017, en toute fin d’année, qui aura vu mon avis publié l’année d’après. Mais je ne pouvais décemment pas passer outre de parler de ce roman post-apocalyptique qui nous plonge dans un décor extraordinaire et nous fait partager l’utopie d’un homme qui veut le reconstruire sans ses défauts. Un mois après sa lecture, je considère toujours que c’est le meilleur de son auteur.

Alors que l’année commence toujours par un mois de janvier (je suis sur que vous ne vous en étiez pas aperçu !), j’ai quant à moi lu et chroniqué quelques romans qui s’avèrent des débuts de série. Dans le cadre de ma rubrique Oldies, c’est la série de Harpur & Iles que j’ai débuté avec Raid sur la ville de Bill James (Rivages). C’est un roman qui m’a beaucoup surpris par la sécheresse de son style et la justesse de son propos, donnant une vision réaliste de l’ultra-libéralisme sous Margaret Thatcher. Toxique de Niko Tackian (Livre de poche) nous propose un nouveau personnage, Tomar Khan, qui tient à lui seul le roman. On y trouve beaucoup de mystère, plein de zones d’ombres et surtout une tension sous-jacente qui donne envie de lire le suivant (et je vous livre un scoop : la suite Fantasmë est sortie en début de mois chez Calmann Lévy. Et je vous donne un second scoop, je vais bientôt le lire !). Enfin, avec Les chemins de la haine d’Eva Dolan (Liana Levi), j’ai eu la chance de découvrir une auteure à part dans le paysage britannique, à la fois froide et humaine dans son propos, une artiste engagée qui ne mâche pas ses mots. Sa brutalité ne plaira pas à tout le monde en dénonçant l’esclavagisme moderne auprès des SDFs, mais son propos mérite d’être entendu et lu.

Après son premier roman Derrière les portes, j’étais curieux de savoir comment allait être le deuxième roman de BA.Paris. Défaillances de BA.Paris (Hugo & Cie) est en fait totalement prenant, une plongée dans la folie d’une femme qui se croit atteinte de la maladie d’Alzheimer. J’ai été immergé dans la psychologie de cette femme jusqu’à un dénouement à la fois surprenant et totalement logique.

Il est des auteurs que je suis et qui deviennent incontournables dans la Pile à Lire. Il et moi de Philippe Setbon (TohuBohu) est, sous des dehors de scénario remarquablement construit, un questionnement sur l’identité et sur la vie des acteurs qui changent de personnalité à chaque rôle. Une nouvelle réussite à mettre au crédit de cet auteur trop méconnu. Pour donner la mort, tapez 1 de Ahmed Tiab (Editions de l’Aube) nous place face à des questions de société difficile et nous propose le début d’une nouvelle trilogie sur Marseille. Si vous ne connaissez pas encore cet auteur, n’hésitez plus : il a un ton original et se pose en témoin de notre époque.

Le titre (honorifique) de chouchou du mois revient donc à 7/13 de Jacques Saussey (Editions du Toucan) car je me demandais comment cet auteur allait rebondir après son précédent roman écrit avec tant de rage, où il maltraitait ses deux personnages fétiches. Il aura suffi d’une trentaine de pages pour m’avaler dans un tourbillon et m’envoyer dans la Nord de la France, entre 1944 et 2015. C’est un roman en forme de renaissance, énorme, prenant.

J’espère que ce bilan vous aura aidé dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Il et moi de Philippe Setbon

Editeur : TohuBohu éditions

Depuis ses parutions aux éditions du Caïman, j’essaie de lire les romans de Philippe Setbon au fil de l’eau. Son petit dernier sort aux éditions TohuBohu, toute jeune maison d’édition et c’est une nouvelle fois un scénario fantastique.

Constantin Lepage, dit Costa est un acteur cinquantenaire, qui voit bien sa carrière décliner et qui se cherche un rôle.

Jean-Louis Rey est romancier et scénariste, et son dernier roman vient d’être refusé par sa maison d’édition.

Willy Willemetz est à la tête de sa maison d’édition, Double-V éditions et c’est aussi le meilleur ami de Jean-Louis. Mais il est bien ennuyé depuis que sa femme Elise a demandé le divorce.

Pour se venger, Jean-Louis monte un traquenard et propose à Willy de lui faire rencontrer un tueur à gages de ses connaissances, Henk Van Der Weld. Il pourrait s’occuper de gommer ses problèmes matrimoniaux. Puis, Jean-Louis propose à Costa un rôle à sa mesure, si ce n’est que ce sera dans la vraie vie. Après sa rencontre avec le tueur (en réalité Costa, vous l’aurez compris) et quelques jours de réflexion, Willy accepte le marché et paie 50% de la somme promise.

Costa, qui s’est pris au jeu, va se déguiser et aller voir la femme volage pour lui dire que son mari veut la tuer. Mais elle se met à paniquer devant l’air inquiétant de cet homme qui s’est introduit chez elle sans prévenir. Dans le feu de l’action, Henk Ven Der Weld / Costa lui lance un cendrier massif à la tête et la tue. Pris au dépourvu, il balance le corps par la fenêtre pour faire croire à un suicide et tape une lettre sur le micro-ordinateur. Ce qui ne devait rester qu’une blague va se transformer en spirale infernale.

Il et moi ou Il est moi ? Tout est question d’identité dans ce roman, avec un superbe jeu de mot en guise de titre. Tout part d’une situation simple, comme à chaque fois avec Philippe Setbon que je lis depuis maintenant quatre polars. Et après, tout déraille, juste à cause d’un petit grain de sable. Ce qui est remarquable dans ses romans, c’est la logique avec laquelle va se dérouler l’intrigue, ajoutée à une fluidité de l’écriture.

Ici, la situation de blague vengeresse va placer Costa, excellent acteur, dans un rôle qui va le hanter, au point de créer chez lui une bipolarité. Tout le sel de l’histoire va dans un premier temps résider dans la spirale infernale dans laquelle les deux compères vont s’enfermer, puis savoir comment tout cela peut bien se terminer. Et concernant Philippe Setbon, il faut vous attendre à une fin … surprenante et fort bien trouvée. On peut même y trouver une réflexion sur les acteurs, capables de se glisser dans la peau de personnages, et le risque de perdre leur propre personnalité, voire leur peau …

On n’a pas le temps de s’ennuyer, le roman est découpé en scènes qui chacune va constituer une brique à insérer dans le mur. Les dialogues vont participer à la logique de l’histoire, il n’y a pas de psychologie à rallonge, les actes parlent d’eux-mêmes. Bref, tout ceci ne vous surprendra pas si vous connaissez déjà Philippe Setbon. Sinon, c’est le moment de découvrir cet extraordinaire artisan de polars. Et encore une fois, ce roman là est une grande réussite à mettre au crédit d’un auteur injustement méconnu.

Ne ratez pas les avis de Julie et de PsychoPat sur QuatreSansQuatre

Droit dans le mur de Nick Gardel

Editeur : Éditions du Caïman

Après la lecture de Fourbi étourdi, je savais à quoi m’attendre avec le dernier roman en date de Nick Gardel, à savoir un roman humoristique. Là où Fourbi étourdi frisait avec le burlesque, nous sommes ici plus dans la dérision.

« Qu’est-ce que ça peut être chiant, de repeindre ses volets ! Tout d’abord, on passe une éternité à poncer, dans des endroits impossibles à atteindre ; ensuite, il faut peindre délicatement … et plusieurs couches en plus ! » C’est en gros, ce que pense Michel Marchandeau, ancien agent de sécurité aujourd’hui à la retraite quand il attaque son chantier.

Sa femme étant décédée quelques années auparavant, il occupe son temps à faire du bricolage et rendre visite à ses voisins. Parmi eux, Monique Godevin est une vielle dame toujours de mauvaise humeur ; David Waters lui est un Anglais qui préfère de loin le charme et la tranquillité de l’Alsace à son Angleterre natale, d’autant plus qu’il est persuadé qu’un trésor se cache dans sa propriété. Et puis, heureusement qu’il y a le Saloon, le bar du coin où on peut se rafraîchir le gosier avec son ami Martial.

La tranquillité est vite remise en question avec l’installation d’une secte du nom de la congrégation du Vif-Argent. Un gourou se dit venu d’une autre planète et encourage ses ouailles à participer à des orgies. La secte veut se développer et racheter de nombreux terrains, et c’est pour cela qu’ils négocient la propriété de la mère Godevin. Elle les envoie paître … mais quelques jours plus tard, celle-ci est retrouvée morte dans son poulailler.

Une nouvelle fois, on a affaire à une belle galerie de personnages, avec des caractères bien trempés. Cela nous donne un roman vif, avec deux narrations différentes : celle liée à la secte à la troisième personne et celle liée à Marchandeau à la première personne. Le ton y est résolument humoristique, plein de dérision. Je donnerais une mention particulière au gendarme Jules Lenoski que tout le monde prend pour un imbécile.

Si l’intrigue se déroule à peu près comme on peut l’imaginer, et donc il ne faut pas attendre beaucoup de surprises de ce coté là, on retrouve dans ce roman un grand nombre de péripéties et des dialogues très drôles. C’est un donc un polar fort divertissant et très agréable à lire que nous propose à nouveau Nick Gardel.

Ne ratez pas l’avis de Claude

7/13 de Jacques Saussey

Editeur : Editions du Toucan

Après Ne prononcez jamais leur nom, qui vient de sortir au Livre de Poche, je me demandais comment Jacques Saussey pouvait relancer son duo de policiers, Daniel Magne et Lisa Heslin, tant ils ont souffert lors de leur précédente enquête. Que nenni ! J’ai même l’impression que c’est un nouveau cycle que démarre <Jacques Saussey avec ce 7/13 au titre énigmatique.

14 mars 2015, Versailles : Le commandant Picaud accueille le capitaine Magne devant la maison où l’attend un corps. Le décor du jardin est cossu, bourgeois, alors qu’à l’intérieur, cela ressemble plutôt à un film d’horreur. Le légiste Torrentin donne peu de détails : la mort date de quelques jours; le chauffage a été monté pour accélérer la décomposition; il sera difficile de procéder rapidement à l’identification sans mains ni tête. Puis Picaud demande à Magne comment se porte Lisa. L’air de Magne ne trompe personne, ils doivent reconstruire et se reconstruire.

Vu l’état du corps, il est difficile de tirer des conclusions. Tout juste Torrentin peut-il affirmer que la personne assassinée avait entre 50 et 60 ans et qu’elle picolait un peu. Mais les propriétaires de la maison étaient en vacances au Mexique. Est-ce voulu d’avoir perpétré ce massacre dans cette maison ou une opportunité ? En recoupant avec les déclarations de disparition de personnes, ils ont peut-être un nom à mettre en face de ce corps mutilé.

14 décembre 1944, Londres. L’homme chaussa ses lunettes. Décidément, le brouillard ne voulait pas se lever et cela risquait d’empêcher son avion de décoller à destination de Paris. Alton va devoir prévenir Haynes du risque de ne pas pouvoir décoller. Il est épuisé mais décidé : c’est sa dernière mission avant de rejoindre sa famille aux Etats Unis.

Ce roman m’a tout simplement impressionné. Et tout d’abord parce qu’il ne lui aura fallu qu’une petite trentaine de pages pour me passionner. Alors, bien sur, je suis un fan de Jacques Saussey et de son couple d’enquêteurs Daniel Magne et Lisa Heslin. Mais après la lecture du précédent opus, qui avait des airs de conclusion tant il maltraitait ses personnages, je m’étais dit que Jacques allait passer à autre chose, écrire un roman “Stand-alone” avec d’autres personnages. En fait, comme je l’ai dit plus haut, il semblerait que ce roman soit une renaissance.

Trente deux pages, exactement, et quatre chapitres, car les chapitres sont courts, et j’ai été pris dans la tourmente, dans le rythme infernal assuré à la fois par les événements et les bouleversements intimes de notre couple. Si la construction Aller-Retour entre Passé et Présent est classique, elle donne dans le cas présent une autre dimension, une texture complexe et créée une addiction à la lecture. Alton, cet homme, Alton Glenn Miller, qui veut rejoindre Paris en pleine guerre est aussi vivant et important que tout le reste,.

Et que dire des SDF rencontrés au cours de l’histoire, ces pauvres hères sans logement, obligés d’abandonner leur pays qui ne veut plus d’eux, obligés de lutter pour survivre dans un pays qui ne veut pas d’eux. Jacques Saussey montre dans son roman toute son humanité, et nous plonge dans une réalité que beaucoup d’entre nous ne voient pas ou ne veulent pas voir.

Depuis que je lis Jacques Saussey, et je ne les ai pas tous lus (mais je les ai tous dans mes bibliothèques), je n’ai jamais été déçu. A chaque fois, je suis surpris par son écriture si fluide, si limpide, ses intrigues si solidement charpentées. Et à chaque fois, j’ai l’impression de le découvrir, comme si c’était la première fois. Cet épisode-là, je vous le dis, est difficile à oublier, tant il est parfaitement construit et écrit, et tant ses personnages font preuve d’une humanité que nous avons tendance à oublier. Enorme, cette renaissance !

Ne ratez pas les avis d’Anne,  de Luciole, et Sagweste

Un dernier mot : ce roman est édité en moyen format, et vendu au prix de 13,90€. Un excellentissime rapport Qualité/Prix, en somme. N’hésitez plus, jetez vous dessus !

Toxique de Niko Tackian

Editeur : Calmann Levy (Grand Format) ; Livre de Poche (2017)

Voilà une lecture conseillée par mon ami Richard Contin, car ce roman fait partie de la sélection 2018 pour le Grand Prix du Balai d’Or. C’est un polar rondement mené, qu’il faut aborder comme le début d’une série avec un personnage récurrent fort, très fort.

Charline a 22 ans et a décidé de fêter son anniversaire au bar L’étoile filante, en ce mois de janvier 2016. Même si le peuple parisien (et français) est encore marqué par les attentats de fin 2015, elle ne se laisse pas influencer par la peur ambiante. Bob la regarde s’amuser avec ses copines, son Taser bien au chaud dans sa poche. Elle l’excite avec sa petite jupe noire. Elle rejoint sa BMW au parking, en titubant. Au moment où il s’apprête à l’immobiliser, une ombre se glisse derrière lui et l’assomme … comme l’impression d’avoir reçu un mur de brique.

Bob se réveille dans un coffre de voiture, juste au moment où elle s’arrête. Le mur de briques s’avère être un homme de forte corpulence qu’il n’a jamais vu. L’homme le dirige dans les bois attenant et pose une pelle devant, lui demandant de creuser un trou. Bob fait celui qui ne comprend pas, alors l’homme lui énonce son verdict : Parce qu’il est violeur multirécidiviste, c’est ici qu’il finira sa vie. Quand le trou est creusé, l’homme lui envoie une droite puissante et lui donne les prénoms de ses victimes, avant de lui signaler qu’il le laisse partir mais que s’il recommence, ce trou sera sa tombe.

Tomar Khan débarque chez Rhonda vers 6 heures du matin, après son escapade nocturne dans les bois. Rhonda travaille dans le service de Tomar au « 36 ». Après une séance sportive et intime, il prend une douche et va faire de la boxe avec son frère Goran, qu’il protège depuis sa plus tendre enfance. Quand il arrive au bureau, il apprend que la directrice d’une école primaire de Fontenay-sous-Bois vient d’être retrouvée, étranglée dans son bureau. Une affaire facile à résoudre ? Pas si sûr !

Commençons par ce que je n’ai pas aimé dans ce roman, et il y en a peu. Ce roman possède des paragraphes longs, trop longs. Certes, ils sont entrecoupés de dialogues, peu nombreux mais redoutablement efficaces. Mais les paragraphes qui font plusieurs pages, personnellement, j’ai l’impression d’étouffer. J’aime bien quand le texte est aéré et quand les paragraphes sont découpés logiquement. Voilà, c’est la seule réserve que j’émettrais à propos de ce roman.

Vous dire que je viens de découvrir l’auteur de l’année serait exagéré, surtout parce que ce roman, Toxique, a déjà eu de fort belles critiques sur la blogosphère. Donc j’arrive après la guerre, et mieux vaut tard que jamais. Niko Tackian regorge de talent, car il arrive à imprimer à son texte une tension, une urgence, qui passe surtout par ses personnages, qui, bien qu’ils ne soient pas décrits dans le détail, sont brossés pour que l’imagination fasse le reste.

L’enquête policière ne casse pas des briques, comme on dit, au contraire du personnage de Tomar Khan. Les codes sont respectés, à la lettre, le meurtre ouvre sur beaucoup d’hypothèses, mais la solution est très vite donnée sur l’identité du coupable (vers le milieu du livre). Il ne reste plus qu’à comprendre le pourquoi. Bref, tout cela pour dire que ce n’est pas pour son intrigue qu’il faut lire ce livre, mais bien pour ses personnages.

Et pour le coup, on est gâtés avec les personnages. En tête de liste, Tomar, bien sur, ressemble à un chef de meute, cherchant à défendre sa famille, composée de sa mère et son frère. Car un lourd secret issu de leur passé pèse sur son quotidien. Et en particulier un certain Jeff, à la recherche d’argent et qui semblerait être leur père. Ce sont ces scènes là, empreintes de mystère et de tension qui donnent le ton au livre, qui le rendent spécial. Autant j’ai été peu attiré par l’enquête, autant dès que Tomar s’occupe des affaires familiales, cela devient passionnant.

Et puis, ce livre se termine sur des points de suspension du point de vue de l’intrigue. Construit comme un scénario de film, ou d’une série télévisée (dans le bon sens du terme), Toxique est avant tout le premier tome et comme le deuxième tome Fantazmë, vient de sortir aux éditions Calmann-Levy, je peux vous dire que je ne vais pas attendre longtemps pour le lire. Car je suis devenu accro à Tomar et je veux savoir la suite !

Ne ratez pas les avis de Nathalie et Anaïs

Défaillances de BA.Paris

Editeur : Hugo & Cie

Traducteur : Vincent Guilluy

Son premier roman, Derrière les portes, a fait beaucoup de bruit de ce coté-ci de la Manche, comme chez nos amis anglo-saxons. Derrière les portes s’avérait un thriller psychologique au scénario rondement construit, et dont le style simple participait à l’immersion du lecteur dans la peau de cette pauvre femme malmenée par un mari sans pitié.

Cassandra est professeur d’histoire au collège de Castle Height. En ce 17 juillet, elle termine ses cours et sort un peu tard après une petite fête avec ses collègues. Quand elle sort, il tombe des cordes et elle téléphone à son mari Matthew pour qu’il ne s’inquiète pas. Elle décide de prendre un raccourci qui passe par la forêt. Elle passe devant un petit parking et aperçoit une voiture garée et la tête blonde de la conductrice. Elle s’arrête, se disant que si elle a besoin d’aide, elle la rejoindra. Mais après 5 minutes d’attente, elle décide de reprendre sa route.

Le lendemain matin, son mari va mieux, sa migraine de la veille a disparu. Il lui amène même son petit déjeuner au lit. La télévision annonce qu’une femme a été retrouvée sauvagement assassinée dans la forêt. Soudain, elle se rappelle le visage qu’elle a entre-aperçu, et se rend compte que, non seulement elle connait la victime, mais en plus qu’elle ne l’a pas aidée.

Elle va essayer d’assumer sa culpabilité, gardant pour elle les détails de cette soirée, puisque personne ne sait qu’elle a pris ce raccourci. Mais elle va petit à petit craquer, d’autant plus que des coups de fils mystérieux commencent à la harceler. Et puis, elle va se rendre compte qu’elle oublie des choses, des actes, des phrases et cela augmente sa peur de finir comme sa mère qui fut atteinte d’une sénilité précoce, dès l’âge de 44 ans.

Ce deuxième roman est à la fois pareil et différent de son premier. Dans les deux cas, j’ai retrouvé le talent de cette jeune auteure de prendre le lecteur par la main et de l’emmener exactement là où elle veut. On entre dans le vif du sujet très rapidement, car en deux chapitres, le contexte est posé, les personnages placés et on attaque l’histoire. Si on peut penser qu’il s’agit d’une illustration de la culpabilité de Cassandra de ne pas avoir aidé la jeune femme garée sur le parking, l’intrigue oblique vite vers la maladie d’Alzheimer.

Car tout est raconté à la première personne par Cassandra et à coups de phrases simples, en ajoutant minutieusement de petits événements insignifiants, l’auteure va nous faire plonger dans la folie paranoïaque de Cassandra. Comme c’est elle qui raconte, elle va tirer des conclusions de tout ce qu’elle oublie, étant obsédée et effrayée de finir comme sa mère. Il n’y a aucun temps mort, les oublis, les coups de téléphone s’enchaînent, et comme elle n’assume pas sa culpabilité, elle va commencer une descente aux enfers, et entraîner le lecteur à sa suite.

Ce n’est que dans les cent dernières pages que BA.Paris va nous livrer l’explication de tout ce qu’elle a minutieusement décrit, nous livrant tous les indices qu’elle a parsemés ça et là. On pourrait reprocher un dénouement que l’on sent venir, mais personnellement j’ai été happé par la psychologie de Cassandra. On pourrait reprocher ce style simple voire simpliste de l’auteure. J’y trouve quant à moi une force, celle de se glisser dans la peau d’une jeune femme commune et de ne pas vouloir faire d’effets de style qui, dans ce roman, auraient été bien inutiles.

Une nouvelle fois, BA.Paris, dont ce n’est que le deuxième roman, est arrivée à me surprendre, moins au niveau de l’intrigue que par sa faculté à écrire un pur roman psychologique, nous décrivant une plongée dans la folie pure. Tenir presque 400 pages avec un tel sujet, enfermer le lecteur dans la tête d’une folle est un coup de force. Il faut bien reconnaître que ce roman est une nouvelle fois une bien belle réussite.

Pour donner la mort, tapez 1 d’Ahmed Tiab

Editeur : Editions de l’Aube

Après avoir écrit une trilogie mettant en scène le commissaire Kémal Fadil (Le Français de Roseville, Le désert ou la mer, Gymnopédie pour une disparue), Ahmed Tiab nous revient avec ce qui devrait être une nouvelle trilogie centrée sur la ville de Marseille.

Je tiens à remercier tout particulièrement mon ami du Sud La Petite Souris, qui, par ses questions a joué le rôle de catalyseur dans l’alchimie de mon cerveau quand je cherchais à rédiger cet avis.

Si la technologie a fait de grandes avancées, surtout dans le domaine de la communication et des réseaux sociaux, il n’en est pas de même dans les règles de la société ni dans les mises en garde pour nos bambins. Les extrémistes, eux, ont vite compris l’intérêt d’Internet et sa possibilité de toucher les masses par la diffusion de vidéos, montrant des assassinats en direct de mécréants.

C’est le cas des trois adolescents qui ouvrent ce roman, habitant dans les cités Nord de Marseille. Sofiane et Hocine traînent leur misère dans un pays qui ne veut pas d’eux. Quand ils retournent au pays, c’est la joie de participer à de grandes fêtes. Dès qu’ils reviennent en France, la grisaille et le racisme ambiant les plombent. Les vidéos sur Youtube leur donne l’idée de faire respecter la morale, leur morale. Ils vont donc réfléchir à faire aboutir leur idée avec leur copain de cité Benji.

Le corps d’une jeune femme est retrouvé dans un hangar désaffecté. Franck Massonnier est chargé de l’enquête. Son parcours personnel est particulier, puisqu’il est divorcé de Catherine et est tombé amoureux de Lotfi Benattar, un jeune enquêteur qui travaille dans son équipe. Pour couronner le tout, Maï la fille de Franck en en pleine adolescence difficile et s’adonne plus à fumer des pétards qu’à ses cours. La jeune femme assassinée a subi de graves coups à la tête, portés par un ou des objets contondants. Il semblerait qu’on l’ait couverte d’une cagoule avant de jouer à la pétanque avec sa tête en guise de cochonnet. Après enquête, des rumeurs qui circulent dans la cité la décrivent comme volage. Mais un sigle tagué sur un mur du hangar laisse envisager d’autres pistes.

Ahmed Tiab continue son exploration de la société française, ou plutôt la vision qu’il en a. Si la forme s’apparente à du polar, ce sont en premier lieu des romans sociétaux dont il ressort un malaise flagrant des maghrébins, par le fait que la nouvelle génération ne croit plus à une intégration dans une société conservatrice. A ce titre, ses trois premiers romans, ou du moins les deux que j’ai lus, étaient des livres précieux pour mieux comprendre et se comprendre. Ils mettaient en scène un commissaire Kamel Fedil dans trois situations qui parlaient de trois sujets différents liés à l’Algérie. Ce que j’avais adoré, c’est aussi cette façon de raconter une histoire de façon non linéaire et d’y insérer des personnages forts.

Dans ce dernier roman, on se sépare de notre commissaire pour trouver un autre personnage de poids : Marseille. Il semblerait en effet qu’Ahmed Tiab commence avec ce nouveau roman une nouvelle trilogie mettant en scène la cité Phocéenne. Nous avons donc à faire avec deux nouveaux flics Franck et Lotfi. S’ils sont (comme d’habitude) bien décrits, ils sont surtout là pour être au cœur de l’action et pour faire le contrepoids avec les trafiquants de drogue. Je m’explique :

Ce roman commence avec des jeunes des cités qui vont pencher du coté du djihadisme. Si la morale qu’ils veulent perpétrer est stricte, elle l’est moins vis-à-vis des trafiquants de drogue. Franck et Lotfi étant amants, donc homosexuels, ils s’attirent les foudres des croyants musulmans, ces derniers étant plus permissifs vis-à-vis des distributeurs de mort. C’est essentiellement cette contradiction qu’Ahmed Tiab veut mettre en avant, nous appelant tous à un peu plus de mesure, de recul et de lucidité.

Je dis essentiellement car les personnages secondaires vont apporter beaucoup d’autres thèmes, qui sont abordés et pas forcément creusés comme ils auraient dus l’être. Du danger des réseaux sociaux au racisme ambiant, des adolescents abandonnés à eux-mêmes à la vie de famille qui part en vrille, du djihadisme aux jeunes chômeurs désœuvrés, tous ces thèmes ont au moins en commun une analyse froide et factuelle de notre société, où la mesure et la morale ont depuis bien longtemps été laminées.

La seule chose que j’ajouterai, c’est qu’à aborder trop de thèmes, on perd la force du discours. Trop de thèmes tuent le discours. Ce qui fait que ce roman, bien qu’il soit passionnant, m’a paru touffu et s’égarer entre tous les sujets abordés. J’aurais probablement préféré une histoire moins complexe afin que le ou les messages soient plus martelés.

Ceci dit, les adeptes de romans policiers avec un fond sociétal seront enchantés, car cela reste du très bon polar, avec une fin bien noire, comme pour renvoyer tout le monde dos à dos. Car ce roman ne donne pas de leçon ou de solution, il semble juste nous dire que nous sommes différents et que nous devons vivre ensemble. En cela, c’est un bel exemple d’humanisme comme je les aime.

Ne ratez pas l’avis de Claude

Les chemins de la haine d’Eva Dolan

Editeur : Liana Levi

Traducteur : Lise Garond

Les éditions Liana Levi nous proposent en ce début d’année 2018 un premier roman, qui est aussi le début d’une série qui comporte à ce jour 4 romans, d’une jeune auteure Eva Dolan. Ayant été critique de polar, Eva Dolan connait parfaitement les codes du genre, ainsi que les différents genres. D’ailleurs, si je devais situer ce roman, je le mettrais aux cotés d’un Arnaldur Indridason. Belle comparaison, non ?

Mercredi. L’inspecteur Zigic se dirige vers Highbury Street, à Peterborough. Depuis cinq ans, il est à la tête de la section des crimes de haine. C’est une volonté de la direction de mettre un immigré de « troisième génération » à la tête de ce service. La rue où il se gare est au cœur d’un des quartiers les plus pauvres. Aujourd’hui, on y trouve surtout des Bulgares ou des Estoniens, qui vivent de petits boulots, quand ils en ont un.

Au numéro 63, il trouva le cordon de police, et franchit le portail. Dans le jardin, une odeur de chair calcinée envahissait l’atmosphère. L’abri, situé au fond du jardin, s’est effondré sous les assauts du feu. A l’intérieur, il y avait un homme brulé vif. Zigic retrouva la sergente Ferreira, portugaise de naissance, qui le guida vers l’abri. L’odeur d’essence laisse à penser qu’il s’agit d’un incendie criminel, car la porte était fermée par un cadenas à l’extérieur.

Le corps dans l’abri de jardin est probablement un SDF ou un locataire. Il n’est pas rare que des gens louent leur abri de jardin à des pauvres pour 400 livres par mois. La maison appartient à Phil et Gemma Barlow. Ils dormaient quand l’abri a pris feu. Gemma confirme qu’ils ne savaient que le SDF était là. Ils ont été réveillés par les pompiers qui éteignaient l’incendie. La première étape pour Zigic et Ferreira va être de trouver l’identité du mort.

Voici donc la première enquête du duo Zigic / Ferreira, qui en comporte quatre à ce jour, si l’on en croit le site Goodreads. Si le titre français peut induire en erreur quant au contenu, il est bien trouvé pour parler de ce service des crimes de haine. Avec cette enquête, nous allons être plongés dans la vie des SDF, des sans papiers et des pauvres qui luttent pour survivre.

Et le sujet va aborder brutalement l’esclavagisme moderne, en particulier dans le BTP, les cercles d’entreprises qui utilisent des étrangers pour de la main-d’œuvre interchangeable et pas chère, voire gratuite, puisque l’on va s’apercevoir que des requins vont les utiliser sans les payer, en les torturant à la moindre rébellion. Pour tout vous dire, ce roman va bien au-delà du « travail au noir », dénonçant des entreprises organisées qui parquent les gens dans des hangars, les emmènent sur un chantier et les ramène en ne leur donnant que le strict nécessaire en termes de nourriture.

C’est d’autant plus frappant, que tout cela est décrit de façon très détaillée, mais sans aucune émotion. Le style d’Eva Dolan, son parti-pris, est de rester à distance pour laisser place à des scènes d’émotion et de dégoût, dégoût pour les salauds et les profiteurs, les esclavagistes modernes qui sont les descendants directs de leurs aïeux du 19ème siècle. Finalement, rien n’a évolué du coté de l’Homme, bien au contraire.

Fort intelligemment, Eva Dolan montrera comme un trait sur une peinture le racisme ambiant, les Anglais déçus d’être envahis et de perdre leur identité britannique. Peut-être ce sujet fera-t-il l’objet d’une prochaine enquête ? Elle se contente, avec un sujet fort comme le sien, de montrer ce scandale, dans un décor gris écrasé par les nuages bas, dans un style finalement froid comme l’ambiance d’une morgue.

J’ai beaucoup pensé à Arnaldur Indridason dans la façon de construire l’intrigue. On y trouve beaucoup de pistes, et deux enquêteurs qui par leurs origines se retrouvent motivés et impliqués dans leurs enquêtes. Eva Dolan ne passe pas des pages et des pages à décrire leur passé, se contentant de poser les bases : Zigic est tenaillé entre son boulot et sa femme Anna et sert de good cop. Ferreira a connu des brimades dans son enfance et fait office de bad cop.

Si l’ensemble est classique, le sujet évoqué prend clairement le devant de la scène et laisse augurer du meilleur dans les futures enquêtes. Bref, ne passez pas à coté de cette enquête pour ce qu’elle révèle, et suivez l’actualité des sorties pour lire les suites !

Ne ratez pas l’avis de Christophe Laurent

L’année du Lion de Deon Meyer

Editeur : Seuil

Traducteur : Catherine Du Toit & Marie-Caroline Aubert

Deon Meyer est bien connu des amateurs de polar, ayant écrit ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme des classiques se déroulant dans son pays, l’Afrique du Sud. J’avais laissé de coté ses dernières productions et c’est bien le changement de Cap (Hi Hi) qui m’a poussé à lire ce dernier roman en date. Deon Meyer se lance dans le genre Post-Apocalyptique. Et c’est bien parce qu’il a des choses à dire. Ce roman est énorme, aussi bien par sa taille (626 pages) que par son traitement.

Nico Storm raconte sa vie, dans ses mémoires qui serviront de référence pour raconter l’Histoire d’Amanzi. Nico a 13 ans quand un coronavirus a dévasté la Terre. 90% a succombé à cette maladie, dont la légende dit que le virus est une mutation d’un gène de chauve-souris. Nico se retrouve donc avec son père Willem, et ils arpentent tous deux l’Afrique du Sud à la recherche d’un abri sûr.

Nico et Willem roulent dans leur camion, rempli de victuailles et de médicaments, quand ils arrivent à Koffiefontein. Ils se dirigent vers une station-service, pour faire le plein. Soudain, les insectes se taisent. Un danger menace. Une meute de chiens sauvages entoure Willem rapidement. Nico prend son courage à bras le corps, empoigne le fusil, et tire comme son père le lui a appris. Bien que blessé, Willem arrive à rejoindre le camion.

Plus loin, ils s’arrêtent pour se soigner et manger. Ils doivent faire attention aux animaux, mais aussi aux humains devenus des animaux bien plus violents et plus agressifs que les animaux. Malgré cela, Willem rêve de créer une ville, une sorte d’oasis où il construirait une société parfaite, en repartant de zéro. Enfin, Willem trouve le lieu parfait pour construire sa ville, qu’il appellera Amanzi, qui signifie Eau, puisqu’elle est située à coté d’un barrage. Bientôt, ils vont être rejoints par de nombreuses personnes.

Je dois dire que je ne suis pas spécialement fan de romans post-apocalyptique et que je n’ai pas lu La Route de Cormac McCarthy. Sans forcément m’avoir converti à ce genre, ce roman de Deon Meyer m’a enchanté, voire envoûté. Et je me suis rendu compte combien cet auteur sud-africain était un conteur hors pair, un créateur d’ambiances rare. Car ce roman nous invite à visiter un nouveau monde, et le dépaysement y est total.

A travers ces plus de 600 pages, nous allons voir Nico grandir, passer par une adolescence de doux rebelle, pour devenir un adulte responsable. C’est lui, le personnage principal, et il prendre en charge l’écriture de l’Histoire d’Amanzi, cette communauté crée par son père. Nous allons avoir son opinion, avoir son témoignage en tant que témoin privilégié, et c’est bien ce parti-pris de l’auteur qui fait de ce roman un grand moment. Parsemé ça et là de témoignages des habitants d’Amanzi, ce roman donne une impression de lire un document officiel, un manuscrit historique qui va balayer quatre années, comme autant de parties.

Outre les relations familiales avec ses petits secrets et ses gros mensonges, Willem est le personnage qui m’aura marqué. Convaincu qu’il est capable de construire une nouvelle société meilleure que celle qui vient de mourir, il va être à l’origine d’Amanzi, faire vivre son rêve et être confronté à de nombreux problèmes dont le principal n’est pas le plus simple : l’Homme n’est rien d’autre qu’un animal. Car loin d’être naïf dans son propos, Deon Meyer nous décrit des dizaines de personnes qui vont soit construire la communauté, soit tenter de la détruire, pour survivre ou juste assouvir un besoin de pouvoir. Une bonne partie de ce livre va en effet montrer la dualité de l’Homme, et ses combats pour un idéal.

Ce sont aussi les qualités de conteur de Deon Meyer qui sont à l’honneur dans ce roman : il nous peint un paysage de désolation, d’où les humains ont disparu. Le premier indice est l’absence de bruit. Ce qui permet de revenir à l’homme de revenir à un sens de prédilection pour sa protection : l’ouïe. Puis ce sont les paysages fantastiques qu’il nous décrit, sans être lourdingue, d’une façon toute naturelle et fluide. Avec les différents personnages, il termine son tableau sous nos yeux ébahis. Et on ne peut qu’être ébahis par le savoir faire mais aussi le talent pour faire passer autant d’émotions.

Enfin, il y a, au travers du personnage de Willem, cette utopie de reconstruire une société idéale. Deon Meyer met dans ce roman toute sa passion, toute sa vision sur la société actuelle, sur ses dérives et imagine comment reconstruire tout de zéro, en prenant en compte les avancements technologiques à conserver. Willem va donc bâtir une communauté en recréant l’école, la gestion de la ville, l’agriculture, la médecine, puis enfin la politique. Deon Meyer arrive à nous faire partager sa passion pour l’humanité et donne au passage son avis. C’en est passionnant.

Ne croyez pas que c’est un roman de grands discours. Il y aura du stress, des menaces, des scènes d’action incroyables, des moments intimes, des personnages vivants et incroyables. Quelque soit ce qu’il nous raconte, la plongée dans ce Nouveau Monde est réaliste, A chaque fois que j’ai repris sa lecture, j’ai été immédiatement plongé dans cet univers fascinant. Ce roman est une vraie drogue, un voyage dans l’imaginaire tout en gardant les pieds sur Terre. C’est une lecture indispensable, le meilleur roman de Deon Meyer, tout simplement.

Ne ratez pas les avis de Yan et Jean-Marc. L’année du Lion est aussi la 2ème meilleure lecture de Yvan pour 2017.

La chronique de Suzie : Une vie exemplaire de Jacob M. Appel

Editeur : La Martinière

Traductrice : Anne Renon

On démarre l’année 2018 en fanfare avec une nouvelle chronique de mon amie Suzie, sur un roman sorti en fin d’année dernière et qui est très prometteur. Je lui laisse la parole :

Bonjour chers lecteurs. Me voici de nouveau hors de mon antre pour vous parler d’un nouveau livre. Son titre est « Une vie exemplaire » de Jacob M. Appel, publié aux éditions de La Martinière.

Ce livre est une agréable surprise. Mais, reprenons depuis le début.

Tout d’abord, le livre en tant qu’objet est intriguant par lui-même. Il attire l’attention. La couverture est à dominance blanche avec du rouge au niveau du visage de la photo ainsi que du titre. Il s’avère que ce bouquin comporte une sur-couverture transparente avec le sur lignage en rouge et le nom de l’auteur. Si vous enlevez cette sur-couverture, vous vous retrouverez face à un visage sympathique, souriant, à qui on peut faire confiance. Cette couverture fait encore plus sens lorsqu’on la relie au titre original de cet ouvrage « the Mask of Sanity » (le masque de la bonne santé mentale). Autant en anglais, ce titre passe, autant en français, on pourrait croire qu’on va lire un traité de psychologie. Le titre choisi par l’éditeur ainsi que la couverture vous donne déjà une bonne idée du contenu du livre. Enfin, le synopsis va finir le lier le sujet.

Ainsi, dès le début de l’histoire, vous savez à quoi vous attendre : un trentenaire actif dont le but est de tuer l’amant de sa femme, un de ses collègues sans faire de vague. Il va programmer son homicide et faire en sorte de passer à travers les mailles du filet. Autre indication qu’on nous donne dès le départ, dans le synopsis, c’est que le protagoniste principal est un sociopathe.

L’histoire va être ordonnancée telle une pièce de théâtre, en trois actes. Chacune de ces parties se termine sur une information importante et déterminante.

Le contexte va être posé dès le départ. L’auteur définit rapidement la condition sociale, familiale et religieuse de son protagoniste masculin. D’ailleurs, il explique dans un court avant-propos le pourquoi de cette histoire. De même, il va poser le point de rupture de son personnage dès les premières pages. On est dans un monde post-acceptation des nouvelles conditions de vie. L’intrigue principale va tourner autour de la programmation du meurtre de son collègue et les différentes actions y menant. Le récit ne montre qu’un seul état de pensée : celui de Jérémy. On le suit pas à pas dans son mode de pensée et d’acceptation de ses actes.

C’est un personnage qui semble soumis à son épouse et dont la vie ne tourne qu’autour de sa famille. Dans sa tête, il suit une logique assez particulière qui lui permet d’évaluer les bénéfices et les inconvénients et de statuer ce qui lui est le plus favorable. Suite à la découverte de l’adultère de son épouse, il ne va pas changer de comportement, juste l’adapter à cette nouvelle circonstance et à la décision qu’il a prise. Il va donc vivre une double vie : le médecin que tout le monde apprécie et l’assassin qui est en attente.

Toutes les décisions qu’il va prendre, exceptée une, suivront cette même logique de dichotomie entre ses deux aspects. Une troisième composante va rajouter un masque supplémentaire qu’il va devoir gérer et cela va devenir de plus en plus complexe. D’autres informations vont compléter la psychologie de ce personnage qui permettront de comprendre que ses démons existaient depuis longtemps. Mais, qu’ils n’avaient pas trouvé de nouvelles voies d’expression.

Au fur et à mesure du récit, certains personnages vont avoir des indices mais qu’ils ne seront pas capables de décrypter dans un premier temps. Est-ce qu’ils y arriveront plus tard? A voir. A chaque fois, on pourrait croire que … et c’est une fausse alerte. C’est surtout que, pendant toute l’intrigue, le seul point de vue que l’on a est celui de Jérémy, l’impact sur ses actions, ses décisions. C’est comme si les autres protagonistes étaient des fantômes qu’il croiserait et avec qui il se doit d’interagir. D’ailleurs, en parlant des autres personnages, ces derniers correspondent à des stéréotypes complètement décalés. Ils vont évoluer en même temps que le personnage principal, par petites touches, comme un puzzle, dont on ne verra l’image qu’à la fin.

Comme dans une pièce de théâtre, beaucoup de choses vont basculer dans le troisième acte avec de nouveaux éléments, de nouvelles directives avec une fin bien particulière que je vous laisse découvrir.

Lorsque j’ai eu ce livre entre les mains, j’ai été surprise par le « packaging ». Ensuite, le fait de pouvoir entrer dans l’esprit d’un sociopathe est assez surprenant car l’auteur nous amène à le percevoir non pas comme un tiers mais comme une personne dont on ferait partie. On peut comprendre ses motivations et ses actions. Est-ce qu’on agirait de la même manière, j’espère bien que non. C’est une histoire prenante et en même temps dérangeante par ce coté voyeur et organisationnel. Un livre qui fait réfléchir, et je pense que c’est aussi son but, sur la place des sociopathes dans notre société. Rien ne dit que vous n’en croisiez pas un tous les jours. Sous un masque sympathique et agréable, un monstre peut se cacher.

En conclusion, si vous avez envie d’entrer dans la tête d’un sociopathe, cette histoire vous en donnera un bon reflet. Ah, j’allais oublier. Juste un dernier mot pour vous rassurer : il y a très peu de sang et quasiment pas de tortures.

Je veux vous souhaiter une très bonne année 2018 et je retourne dans mon antre avec une nouvelle provision livresque. A bientôt, si vous le voulez bien.