Archives pour la catégorie Littérature norvégienne

Du sang sur la glace de Jo Nesbo

Editeur : Gallimard ; Série Noire (Grand format), Folio (Format poche)

Traducteur : Céline Romand-Monnier

Jo Nesbo, l’illustre créateur de Harry Hole, inspecteur autodestructeur, nous avait déjà surpris avec un roman orphelin Chasseurs de têtes ; il nous refait le coup avec ce Du sang sur la glace, au style minimaliste appréciable.

Olav, le narrateur de cette histoire est tueur à gages pour Hoffmann, un caïd de la pègre. Il est expéditeur. Parce qu’il ne sait rien faire d’autre, à cause des tares dont il est affublé. Il le dit lui-même à la fin du premier chapitre :

« Donc. En résumé, nous pouvons formuler les choses ainsi : je n’arrive pas à rouler lentement, je suis soft comme du beurre, je tombe bien trop facilement amoureux, je perds la tête quand je suis furieux, et je suis mauvais en maths. J’ai lu un ou deux trucs, mais j’en sais bien peu et en tous cas pas le genre de choses qui peuvent être utiles. Et j’écris plus lentement que ne se forme une stalactite. »

Alors qu’il vient d’expédier un homme, dont le sang se répand sur la neige blanche, son patron lui demande un nouveau contrat. Olav devra tuer la femme d’Hoffmann. Ne se posant pas de questions, il commence sa surveillance, et s’aperçoit qu’elle reçoit la visite de son amant tous les jours et que ce dernier est violent envers elle. Pour Olav, émotif comme une éponge, il va devoir se débarrasser de l’amant avant tout.

Ce qu’il fait. Malheureusement pour lui, l’homme qu’il vient de tuer est le propre fils d’Hoffmann. Cela va lui compliquer la tâche …

C’est un roman surprenant par bien des égards. Nous sommes en réalité bien loin de l’univers de Harry Hole, puisque le personnage d’Olav est propre sur lui, en dehors de sa profession. Il peut apparaître simplet alors qu’il est doué pour son travail et qu’il doit faire avec ses tares, qui vont le mener dans des événements pour le moins inattendus.

Plus que l’histoire elle-même, ce sont ces rebondissements qui vont surprendre le lecteur, ce qui en fait au bout du compte un roman drôlement cynique et amusant à lire. On s’attend presque à avoir un retournement de situation à chaque fin de chapitre. Cela devient un vrai plaisir même si le roman est court.

Et la taille du roman est justement lié au fait que le style ne se veut pas descriptif, que l’on n’entre pas ou peu dans la psychologie humaine mais que Jo Nesbo a voulu privilégier le scénario, lequel met l’accent sur le fait qu’Olav ne peut se fier à personne. C’est aussi pour cela qu’on reste un peu sur notre faim, même à la fin, qui m’a semblé vite expédiée. Ce roman ne restera donc pas une lecture inoubliable mais un bon passe-temps, presque à réserver aux aficionados de l’auteur.

Oldies : Le condor de Stig Holmas

Editeur : Sonatine

Traduction : Alain Gnaedig

Attention, coup de cœur, gors coup de cœur, énorme coup de cœur !

L’auteur :

Stig Holmås, né le 25 février 1946 à Bergen, en Norvège, est un poète et romancier norvégien, auteur de quelques romans policiers et d’ouvrages de littérature d’enfance et de jeunesse.

Il est bibliothécaire avant d’être librettiste, scénariste et anthologiste. Il publie tout d’abord des recueils de poèmes puis des ouvrages pour la jeunesse. En 1982, il reçoit le prix Kulturdepartementets pour la littérature enfantine.

En 1991, il fait paraître son premier roman O.K. Corral. En 1994, il publie Le Condor (Kondoren), dont la « construction formelle sophistiquée et très habilement agencée permet au lecteur d’oublier les situations très conventionnelles décrites dans ce roman, curieuse incursion d’une écriture lyrique et métaphorique dans le monde du roman noir », selon Catherine Chauchard.

À partir de 2003, il signe des scénarios pour la série télévisée norvégienne Taxi, Taxi.

Il est le père de l’homme politique Heikki Holmås.

Source : Wikipedia

Quatrième de couverture :

William Malcolm Openshaw, poète, intellectuel et amoureux des oiseaux, a eu plusieurs vies. Depuis des années, il erre aux quatre coins du globe, de Mexico à Tanger, en passant par Bogotá et Le Caire, ne fréquentant que les quartiers les plus pauvres. « Je me contente de traverser les villes, de les quitter en marchant lentement. » William est un homme hanté par de mystérieuses tragédies, par des secrets dont il ne parle pas. Au Portugal, à la suite d’une agression, il fait la connaissance de Henry Richardson, attaché à l’ambassade britannique de Lisbonne. Ce dernier semble en savoir beaucoup sur le passé de William, beaucoup trop même. Sur les disparitions, les morts violentes, les ombres et les trahisons qui ont jalonné son parcours. Richardson a peut-être même les réponses aux questions que se pose William sur sa vie d’avant, sur la tragédie qui a brisé son existence. Une véritable partie d’échecs à base de manipulations s’engage alors entre les deux hommes, dont l’issue ne peut être que tragique.

Stig Holmås, tout en nous proposant une intrigue d’une efficacité absolue, s’interroge sur la condition humaine avec une lucidité déchirante. La beauté et la puissance de l’écriture ne font qu’ajouter à l’éclat de cette perle noire, publiée en 1991, et considérée par beaucoup d’amateurs comme un chef-d’œuvre absolu du genre.

Stig Holmås est né en 1946 à Bergen. Publié précédemment en France dans la «Série noire», en 2001, Le Condor est son premier roman.

Mon avis :

Je ne vais pas tourner autour du pot : cette lecture est une des plus impressionnantes que j’aie jamais lu. Et cela m’a tellement impressionné que j’ai bien du mal à dire autre chose que « Jetez vous dessus ! ». Si on y regarde d’un peu plus près, nous avons à faire avec l’histoire d’une vie, d’un jeune homme qui vit dans les bas-fonds de Lisbonne, et se fait offrir un verre par un homme qui l’interroge et semble connaitre sa vie mieux que lui-même.

Au lieu d’avoir un duel, nous avons droit au déroulement d’une vie, d’abord par bribes, comme des pièces de puzzle éparpillées, puis le tableau d’ensemble se met en place. De sa jeunesse à la mort de son père, de l’alcoolisme à la maladie de sa mère, de ses études aux influences communistes de ses camarades, de ses braquages à la prison puis sa fuite vers … nulle part.

Ce roman, c’est à la fois l’histoire d’une fuite du réel, mais aussi l’histoire d’un échec, l’histoire d’un homme qui s’est bercé d’illusions, l’histoire d’un homme qui a raté ses rencontres, qui a perdu ses femmes, l’histoire d’un homme qui s’est fourvoyé dans un monde trop grand pour lui. Et quand il cherche à se raccrocher à quelque chose, c’est pour s’apercevoir que les autres lui ont menti, ou peut-être est-ce lui qui s’est menti lui-même.

Et puis, il y a ce style si simple, si expressif, si beau, si poétique, que l’on n’a pas envie de poser le livre, que l’on n’a pas envie de le quitter. En fait, je crois bien que j’ai trouvé le livre parfait, celui qui me parle car il est tellement bien écrit, qui me parle et qui va parler à beaucoup d’entre nous. C’est un livre magnifique, extraordinaire. Coup de cœur !

Nratez pas les avis du boss de Unwalkers ou de Jeanne Desaubry qui sont unanimes !

Le zoo de Mengele de Gert Nygårdschaug (J’ai lu)

Voilà un roman dont j’ai pioché l’idée chez Bernard Poirette de RTL, et outre le fait que ce soit édité en grand format chez J’ai Lu, je dois dire qu’il n’y a aucune chance que j’ai eu la moindre envie de l’ouvrir. Et ce n’est pas le bandeau (qui affiche je cite : « le roman préféré des Norvégiens » ) qui m’aurait fait changer d’avis. Donc, je l’ai acheté. Et cette lecture s’avère fort bien écrite, bien menée et surtout fort dérangeante. Je m’explique :

Le roman se propose de suivre les premières années de Mino Aquiles Portoguesa, jeune indien vivant dans une tribu amazonienne, non encore impactée par l’Homme blanc. Mino se découvre la même passion que son père, à savoir la chasse aux papillons. Son rêve est de pouvoir détenir dans son filet un Morpho, superbe spécimen aux teintes bleues et rares.

Mais la jeunesse de Mino va guider son destin. A l’âge de 6 ans, des hommes armés vont tuer arbitrairement un homme du village, en lui éclatant la tête avec un bout de bois. A l’âge de 9 ans, c’est une femme qui est violée. A 13 ans, alors qu’il revient d’une chasse aux papillons, il retrouve son village incendié, détruit, et les habitants tous massacrés, assassinés, y compris les membres de sa famille.

Il se retrouve alors à errer et rejoindre la ville, quand il tombe sur Isidoro, un magicien qui va le prendre sous son aile et l’élever comme son fils. A nouveau, le drame va le frapper quand quelques années plus tard Isidoro va être brulé vif par des hommes blancs. Il va alors se faire d’autres amis, et former avec eux Mariposa, un groupe terroriste visant les responsables de sociétés occidentales mettant à mal les forêts et les populations amazoniennes.

Ce roman est remarquable, car son écriture s’avère envoutante. La narration est si logique, que l’on a l’impression de lire une biographie romancée. Seuls quelques détails par ci par là viennent nous rappeler que nous sommes dans un pays imaginaire d’Amazonie. Tout est fait pour que l’on prenne partie pour Mino, pour que l’on adhère à son idéologie. De l’atrocité perpétrée par les Américains (qui sont les premières cibles du roman, jusqu’au message d’introduction de l’auteur nous déclarant que les horreurs décrites ne sont rien comparées à la réalité du terrain, tout est fait pour que notre esprit humain se révolte et embrasse la cause de ces pauvres gens.

Quand Mino envisage puis embrasse des méthodes terroristes, la question sur la légitimité de son action se pose. Et nous, en tant que lecteurs, sommes face à un dilemme : peut-on justifier une action violente et terroriste ? Quand on lit la scène de torture sur Mino, qui comporte plusieurs pages, et l’assassinat d’un PDG (sur un paragraphe) qui massacre les forêts au profit de bananiers fort productifs mais dont la durée de vie est de 2 ans et dont la conséquence est de tuer à la fois les populations et la terre en la desséchant, l’opinion de l’auteur est claire et affirmée.

Pour le lecteur que je suis, par contre, la cause est plus compliquée. Parce qu’il n’est pas directement impliqué (quoique …) mais surtout parce qu’il a du mal à justifier toute action violente, aussi ciblée soit-elle. L’auteur a tendance à nous positionner devant nos responsabilités, même s’il prend parfois fait et cause pour les Indiens. Même quand Mino perd le contrôle sur son organisation et ses actes meurtriers quand d’autres se revendiquent de son mouvement, l’auteur montre un Mino désintéressé. Quand les journaux parlent des meurtres, ils parlent de terrorisme, et Mino pense que les media sont à la solde de ceux qui détruisent sa jungle, et là encore, l’auteur montre son parti pris par la façon de traiter ce passage.

En tout état de cause, c’est nous que l’auteur questionne au travers de cette histoire. Ce roman est bien plus insidieux qu’il n’y parait et s’avère bigrement intéressant par les interrogations qu’il soulève. Outre qu’il est remarquablement écrit et qu’il se termine par un « Fin de la première partie », c’est le genre de livre que l’on gardera en mémoire un certain temps, et dont on se rappellera quand on ira en supermarché acheter son bocal de Nutella … fait à base d’huile végétale. Ne ratez pas ce livre, dur et sans concession.

La femme congelée de Jon Michelet (Points)

Ce roman est sélectionné pour le prix Meilleurpolar.com organisé par les éditions Points, dont j’ai la chance de faire partie. On ne peut pas dire qu’il m’ait passionné, bien au contraire.

Vilhelm Thygesen est un ancien policier corrompu, qui vit d’une pension d’invalidité et de petits boulots comme assurer la défense de pauvres gens en tant qu’avocat volontaire. Ce matin de février, il va pour couper quelques branches de sapin, et découvre sous une bâche le corps d’une femme assassinée de plusieurs coups de couteaux.

Les agents de police connaissant son passé louche et sulfureux l’interrogent en ayant en tête qu’il est leur coupable. D’ailleurs, il semble bien que cela arrange beaucoup de monde qu’il soit le coupable dans cette affaire. Les inspecteurs Stribolt et Vaage vont donc mener l’enquête.

Ce roman commence bien mal … et continue bien mal. Il est inutile de vous cacher que je n’ai pas aimé ce roman, car les personnages m’ont paru mal croqués, par trop de superficialité. L’intrigue elle-même est bizarrement menée, passant de l’affaire de la femme congelée à un gang de motards, puis un accident de la route. Bref, de quoi perdre le lecteur alors qu’on en est déjà à la moitié du bouquin.

Juste pour vous donner un exemple. Premier chapitre : l’interrogatoire du suspect et propriétaire de la maison se déroule. Un peu d’agressivité de la part des policiers et de suffisance chez Thygesen. Deuxième chapitre : après 3 jours, rien de nouveau sur l’affaire. Troisième chapitre : après une semaine, rien de nouveau sur l’affaire. Quatrième chapitre : après un mois rien de nouveau sur l’affaire.

Je caricature, bien sur, et pourtant c’est bien comme ça que j’ai pris le livre. Ajouté à cela que l’écriture est enfantine avec des expressions bizarres qui viennent probablement d’une traduction douteuse, ce roman restera pour moi l’exemple du roman où l’on lutte pour avancer. Et si ce roman a reçu le grand prix norvégien de littérature policière, c’est soit parce qu’il n’y avait pas grande concurrence cette année là, soit que je n’ai pas compris. A vous de vous faire votre propre opinion.

Anges déchus de Gunnar Staalesen (Folio)

Voici la troisième version de lecture commune, avec un roman « nordique » d’un auteur dont on ne parle pas assez, Gunnar Staalesen. Mon choix a été conseillé par l’excellent Cynic, fan de Staalesen.

Lors de l’enterrement d’un copain d’enfance tombé d’un échafaudage, Varg Veum rencontre d’autres amis, et c’est l’occasion pour lui de remuer ses souvenirs. Il va faire la fête avec son ami Jakob, qui fit partie d’un groupe de rock appelé The Harpers dans les années 60.

Jakob raconte à Varg l’histoire des Harpers : Ils ont tous laissé tomber brutalement le groupe en 1975, et seul le chanteur Johnny continue à faire le spectacle en public, dans une boite de nuit miteuse. Deux des membres du groupe sont morts récemment, l’un s’est étouffé pour avoir trop bu, l’autre s’est fait renverser par un bus.

Jakob demande à Varg de retrouver sa femme qui a quitté le domicile conjugal pour la deuxième fois. Quand Varg voit la photographie,  il reconnaît son amour de jeunesse : Rebecca. La première fois qu’elle est partie, elle avait rejoint Johnny. Quand Johnny est poignardé en pleine rue, Varg décide d’enquêter et il va découvrir les dessous d’un groupe de rock, avec des accents de nostalgie.

Varg Veum n’est pas de ces détectives privés qui vont résoudre des énigmes à la force de leurs poings ou à l’aide de batailles furieuses. Il va réunir les indices et sans violence, confondre le ou les coupables. C’est donc une enquête à base de visites, d’interrogatoires et de déductions à laquelle on assiste ici. Et Gunnar Staalesen se met au diapason de son intrigue, avançant doucement, prenant le temps de décrire les lieux, définissant la psychologie de ses personnages par leurs expressions ou leurs réactions.

Le rythme est lent, Staalesen prend son temps pour installer ses personnages, pour décrire les lieux de l’enfance de Veum, pour plonger le lecteur dans une atmosphère nostalgique de souvenirs enchantés. Car au-delà de l’intrigue policière, le sujet est bien là : que sont devenus nos souvenirs d’antan ? Si les passages du passé flottent dans une ambiance ouatée idéalisée, le contraste est flagrant avec la réalité du jour et les découvertes ignobles de Veum. Et le décor si beau et si pur qu’il avait en mémoire ressemble au fur et à mesure du roman à une citadelle qui s’effondre.

Veum devient alors un homme qui, s’il ne perd pas ses illusions car son cynisme le met à l’abri, doit remettre en cause ses certitudes et doit regarder en face sa réalité qui vient en totale contradiction avec les images et sensations subjectives qu’il gardait en mémoire. Ce roman est un beau portrait d’un homme qui perd ses repères, ses racines, et le peu d’illusions qu’il pouvait encore avoir sur la malfaisance de l’homme en général. C’est un roman fait pour remettre à sa place le lecteur et il le fait rudement bien.

Le léopard de Jo Nesbo (Gallimard Série Noire)

Retour sur une lecture de cet été ! Voici donc les nouvelles enquêtes de Harry Hole, et donc le nouveau roman de Jo Nesbo. Comme d’habitude, c’est un très bon thriller, prenant du début à la fin, un roman de poids puisqu’il fait un kilogramme !

Deux femmes sont retrouvées assassinées à Oslo, noyées dans leur propre sang. Elles sont retrouvées avec de nombreuses blessures dans la bouche, au nombre de vingt quatre. La police de Oslo n’a aucune idée ni aucune piste, si ce n’est la certitude d’avoir affaire avec un tueur en série. Et la situation est urgente, car la police criminelle est mise en concurrence avec la Kripos, un nouvel organisme d’état qui doit enquêter sur les affaires criminelles et qui est dirigé par Bellman, un acien concurrent de Harry Hole.

Kaja Solness est envoyée à Hong Kong, pour retrouver la seule personne finlandaise apte à démasquer un tueur en série. Harry Hole se cache à Hong Kong, où il a échoué pour fuir son ancienne vie. Il a emprunté de l’argent aux triades qu’il n’a jamais rendu, et vit dans des taudis au milieu d’un million d’habitants anonymes. Kaja met la main sur Harry et lui demande de venir les aider mais il refuse. Le seul argument qui le fait changer d’avis est que son père est atteint du cancer et va bientôt mourir.

Ils reviennent donc et se retrouvent avec un nouveau cadavre : une élue de la chambre des représentants est retrouvée pendue sur le plongeoir de sa piscine. Bien que les modes opératoires diffèrent, Harry est absolument persuadé d’être confronté au même tueur. Avec Bjorn Holm et Kaja, il va former une équipe clandestine qui va devoir trouver un assassin bien mystérieux.

Ce roman, que l’on peut qualifier de page turner est un roman idéal pour passer un excellent moment de lecture. Outre l’enquête que l’on lit avec énormément de plaisir et sans temps mort, les personnages sont très bien dessinés et on ne peut pas lâcher ce roman, une fois commencé. On retrouve donc Harry Hole, au mieux de sa forme, toujours aussi désagréable et égoïste, prêt à entrainer ses proches dans ses abimes.

Il y a cette enquête, menée tambour battant, à l’aide de chapitres assez courts, avec un suspense haletant, et un mystère troublant. Aucun indice de trop pour que le lecteur devine qui est l’assassin, c’est du grand œuvre. Et puis, c’est un livre idéal pour l’été, car avec ses 760 pages et son kilogramme, vous pouvez faire de la musculation en même temps que des frissons parcourent votre échine.

Jo Nesbo dit de ce livre, qu’après avoir écrit la première version, il avait tout détruit pour le réécrire, car la fin n’allait pas où il voulait l’emmener. C’est un roman impressionnant qu’il faut avoir lu. Pour ma part, j’étais sceptique pour le Bonhomme de neige, mais là j’ai marché à fond. J’adore !

Les chiens enterrés ne mordent pas de Gunnar Staalesen (Gaia polar)

Ce roman fait partie d’une série de 12 volumes mettant en scène Varg Veum, un détective privé ayant un passé dans des ervices contre la maltraitance des enfants. Celui-ci est le septième de la série. J’avais lu il y a quelque temps le premier de la série qui s’appelle Un loup dans la bergerie. Si j’avais apprécié la façon dont l’auteur déroulait son intrigue, cela restait un roman classique avec tous les ingrédients d’un polar « américain ». Et puis, l’article de Cynic63 m’a donné envie de le lire.
Mons Vassenden est un homme qui ne peut se passer des jeux de pari et miné par les dettes. Il débarque dans le bureau de Varg Veum, et lui propose une mission de garde du corps lors de son voyage à Oslo, où il est censé rembourser sa dette 0 Svein Grorud. L’atmosphère est tendue lors de l’entretien mais tout se passe bien. Varg remarque un homme Axel Hauger, qui semble être un truand ou l’homme qui dirige tout. De même, il assiste à des coups de fil qui semblent indiquer que plusieurs autres personnes doivent de l’argent à Grorud et Hauger. En sortant, Varg reconnait Marete, une jeune femme qu’il a connu presque trente ans plus tôt lors de ses études. Elle, par contre, refuse de le reconnaître. Il cherche à en savoir plus, et apprend que Marete est morte en 89. Et comme Varg est curieux, il va poursuivre son enquête jonchée de quelques cadavres.
Clairement, ce roman n’est pas écrit par un amateur du genre. Staalesen sait y faire pour créer une atmosphère, pour tisser une énigme, et contruire son intrigue petit à petit. Il sait parfaitement manipuler le lecteur, sans que cela ne se voit. Tout s’agence naturellement, et on n’arrive pas à deviner le dernier fil de la toile d’araignée avant les dernières pages. Et c’est d’autant mieux fait que l’auteur repose son livre sur des personnages forts, bien dessinés, très nombreux (plus d’une dizaine) et très intéressants. Mais on n’est pas perdu dans cette « pièce de théatre », les protagonistes sont immédiatement reconnaissables, et replacés intelligemment dans l’intrigue.
La construction du roman est pour beaucoup dans le plaisir de la lecture. Des chapitres courts, des descriptions claires et efficaces des dialogues très bien écrits et réalistes saupoudrés d’humour, m’ont donné envie d’aller vite pour comprendre ce qui se passait. D’ailleurs, un passage de ce livre se passe lors d’un marathon et le livre m’a fait penser à cela : Staalesen a créée un style qui fait penser à un coureur de fond. Varg court, comme nous, tout au long de l’intrigue, accélérant par moments, reprenant son souffle à d’autres, doublant certains concurrents ou les suivant à la trace.
Enfin, on perçoit très nettement la dénonciation de Staalesen envers les dérives de la société nordique. Par petites touches, on voit poindre les signes d’un modèle de société qui part à la dérive (je vous rappelle que ce roman a été écrit en 93). Il distille quelques petites remarques au travers de l’avis de plusieurs personnages et j’ai bien eu l’impression qu’ils se rendaient compte de l’état de leur société sans pour autant savoir quoi faire, comme des passagers d’un train lancé à grande vitesse sans possibilité de freiner.
Au final, une enquête de très bon niveau, très divertissante pour le lecteur, avec tous les ingrédients qu’il faut (meurtres, chantages, extorsion, sexe, politique, argent, …), menée de façon classique mais brillante. Et un petit merci à Cynic.

Chasseurs de têtes de Jo Nesbo (Gallimard Folio)

Jo Nesbo fait partie de ces auteurs dont j’achète chaque nouveauté dès qu’elle sort. Pas forcément pour la lire dès que je l’ai, mais juste pour avoir le livre … en stock. Je l’avais découvert avec l’étoile du diable, fantastique enquête du cycle Harry Hole. Puis, Le sauveur, qui est une super course contre la montre. Et j’avais été un peu déçu par le bonhomme de neige car il donnait l’impression de multiplier les fausses pistes et j’avais trouvé cela un peu lassant. Voici donc Chasseurs de têtes, où Jo Nesbo met de coté son personnage fétiche.

Roger Brown est un chasseur de têtes, le meilleur dans son domaine. Il n’a pas son pareil pour dénicher le bon candidat à un futur poste de direction. Il est marié à Diana, dont il est amoureux, et ne lésine pas à céder à tous ses caprices onéreux, et va même jusqu ‘à lui offrir une galerie de peinture. Pour se sortir de sa faillite, il a une méthode originale : il vole les œuvres détenues par les candidats qu’il reçoit en entretien. Sa petite mécanique déraille quand il tombe sur Clas Greve qui a chez lui un Rubens, et que Clas est un ancien commando qui ne va pas se laisser faire … si l’on peut dire.

Jo Nesbo abandonne donc provisoirement ( ?) son personnage fétiche de Harry Hole pour un chasseur de têtes détestable au possible. Cet homme n’a aucune morale autre que son propre plaisir. Jamais il ne remet en cause, ni ses actes, ni son mode de vie. Et son travail est finalement à l’image de son caractère qui est de vouloir manipuler les gens. Dans un monde sans humanité, on devient inhumain.

Jo Nesbo déroule son histoire avec une redoutable efficacité, avec un style un peu plus direct que dans ses précédents volumes, pour le plaisir du lecteur. Cela pourrait en faire un livre comme les autres sans l’humour de certaines scènes, qui sont très bien amenées, pour finir par des scènes dantesques à la limite du burlesque. Je me suis cru par moment dans les meilleurs romans de Westlake, c’est dire ! Et il ne faut pas rater l’interview de l’inspecteur de police à la fin qui est obligé de trouver des explications à toutes ces situations abracadabrantes.

Certes, ce n’est pas un chef d’œuvre, ni le meilleur Nesbo, mais j’y ai pris beaucoup de plaisir. Les fans de Harry Hole seront peut-être déçus, les fans de Jo Nesbo découvriront une autre facette de cet auteur, les autres passeront un bon moment.