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Le parfum de Patrick Süskind

Editeur : Fayard (Grand Format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Bernard Lortholary

Attention, coup de cœur !

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

L’ayant acheté il y a une éternité, il me fallait une occasion d’aborder ce roman annoncé comme un monument littéraire, voire un chef d’œuvre.

L’auteur :

Patrick Süskind est un écrivain et scénariste allemand. Il est né le 26 mars 1949 à Ambach à côté du lac de Starnberg (am Starnberger See), en Bavière près de Munich. Il a grandi dans le village bavarois de Holzhausen. Il étudie l’histoire (histoire médiévale et contemporaine) et la littérature à Munich et à Aix-en-Provence. Il travaille ensuite comme scénariste pour la télévision.

Il écrit une pièce de théâtre à un personnage : La Contrebasse, qui sera jouée pour la première fois à Munich en 1981. Elle sera publiée en 1984. Depuis sa création, cette pièce est régulièrement jouée en Allemagne et a également été interprétée à Paris par Jacques Villeret dans le rôle-titre.

Le Parfum est son premier roman édité en 1985 à Zurich, sous le titre Das Parfum, Die Geschichteeines Mörders, puis publié en France en 1986 aux éditions Fayard dans une traduction de Bernard Lortholary. Il vaut à son auteur un succès mondial. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 2006 : Le Parfum, histoire d’un meurtrier.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Au XVIIIème siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus horribles de son époque.

Il s’appelait Jean-Baptiste Grenouille.

Sa naissance, son enfance furent épouvantables et tout autre que lui n’aurait pas survécu.

Mais Grenouille n’avait besoin que d’un minimum de nourriture et de vêtements, et son âme n’avait besoin de rien. Or ce monstre de Grenouille avait un don, ou plutôt un nez unique au monde, et il entendait bien devenir, même par les moyens les plus atroces, le Dieu tout-puissant de l’univers, car « qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes ».

C’est son histoire abominable… et drolatique, qui nous est racontée dans Le Parfum, un best-seller mondial.

Mon avis :

On entre dans ce roman comme un voyage dans le temps. On est projeté dans un marché parisien, sur un étal de poissonnerie. On est harcelé par les odeurs de puanteur, des égouts aux entrailles de poisson qui encombrent les rues. La vendeuse de poisson, enceinte, accouche et coupe le cordon ombilical avec son couteau avant de perdre connaissance. De toutes façons, elle l’aurait laissé mourir, ne pouvant le nourrir. Mais le bébé va survivre.

Récupéré par une nourrice, puis par un moine, il est finalement élevé par une femme qui touche de l’argent pour les nourrir. Outre son nez « parfait », qui lui permet de détailler n’importe quelle odeur, Jean-Baptiste Grenouille n’en dégage aucune dans ce monde de relents immondes. Il va être rejeté de tous, être comparé au Diable et trouver un travail chez un tanneur.

J’ai été impressionné, époustouflé par la faculté de l’auteur à nous faire vivre, voir, entendre et sentir la façon dont le peuple vivait au dix-huitième siècle. Dès les premières pages et pendant tout le roman, la multitude de détails mais aussi la justesse des descriptions vont nous emmener ailleurs, et suivre l’itinéraire de ce jeune homme doté d’un talent unique et la façon dont il va se transformer en monstre.

Nous allons ainsi le suivre de Paris au massif central, Montpellier, Grasse pour revenir enfin à Paris. On en apprend à chaque page sur les conditions de vie, les écarts entre les pauvres et les nobles, sur la fabrication des parfums, sur l’essor de cette manufacture mais aussi sur les ambiances. Toute la magie de ce roman repose sur sa capacité à nous immerger dans cette période lointaine.

L’aspect psychologique des différents personnages croisant Jean-Baptiste Grenouille est aussi remarquablement décrit sans jamais être pédant. Il est d’ailleurs original de constater que l’itinéraire de Grenouille est principalement décrit via les personnes qui le rencontrent ou avec qui il travaille. Cela laisse une aura de mystère quant à ce que Grenouille pense réellement et insiste sur la façon dont il est vu et interprété. Car il ne faut pas oublier que dans sa folie, il nous montre une logique implacable le menant à sa fin.

En parlant de fin, l’auteur n’entre jamais dans des descriptions horribles, alors que ses actes le sont. Il se situe plutôt à un niveau technique de parfumerie ce qui évite des scènes à vomir. Et je ne peux qu’insister sur l’issue de ce roman, d’une folie à la hauteur de ce meurtrier, avec un aspect humour noir terrible (c’est mon ressenti). Et alors que l’on peut éprouver de la compassion envers cet enfant que l’on a vu grandir, on termine cette lecture en étant effrayé de ce qu’il fait, avec une rage noire collé au ventre.

J’ai été tellement pris par ce roman que je suis allé chercher sur Internet si ce Grenouille avait existé ! Impressionné de bout en bout, moi qui ne suis pas un fan de romans historiques, je dois bien vous avouer que ce roman vient d’intégrer mon TOP20. Il n’est pas étonnant de constater qu’il se situe en 16ème place des lectures préférées des Français pour sa qualité d’écriture et son immersion dans la France du 18ème siècle. Un roman hors normes.

Coup de cœur, oh que oui, énorme coup de cœur !

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Une saison pour les ombres de Roger Jon Ellory

Editeur : Sonatine

Traducteur : Etienne Gomez

Moi qui ai lu presque tous les romans de Roger Jon Ellory, je peux ressentir derrière ce nouveau titre à la fois l’évolution de l’auteur et sa passion pour la psychologie humaine, la faculté de l’homme à prendre des décisions et les assumer … ou pas. Le Ellory nouveau est arrivé !

Montréal, 2011. Jack Devereaux parcourt la maison qui a été la proie de l’incendie avec son comparse Ludovick Caron. En tant qu’enquêteur pour la compagnie d’assurance, il s’aperçoit vite qu’un court-circuit dans un appareil ménager est à l’origine du sinistre. Jack est surpris de recevoir un coup de fil d’un numéro inconnu. Le shérif de Jasperville l’informe que son frère Calvis a été arrêté pour tentative de meurtre.

Calvis, son petit frère, vient se rappeler à ses souvenirs, de même que Jasperville, qu’il a voulu oublier ;Jasperville, que l’on surnomme Despairville, petite commune située à l’extrême nord-ouest du Canada et qui vit uniquement grâce à ses mines de métaux ferreux. Pour Jack, Jasperville représente son pire cauchemar, un endroit inhumain ne connaissant que rarement des températures positives, une ville de 5000 habitants enclavée par les monts Torngat, surnommés le lieu des esprits mauvais par les indiens ayant vécu là auparavant.

Canada Ironexploite les minerais issus des roches éruptives de Jasperville. A cause de la crise économique, en 1969, Henri Devereaux accepte un poste de contremaître et y emmène sa famille, Elisabeth sa femme et ses deux enfants Juliette et Jacques, ainsi que le grand-père William. William raconte les légendes indiennes et le Wendigo, un esprit malfaisant qui prend possession des hommes et leur fait faire des meurtres. Dès 1972, un corps de jeune fille est retrouvé dans les bois. Le policier en poste en déduit vite qu’elle a été attaquée par un animal, un ours ou un loup.

Le Ellory Nouveau est arrivé ! cela peut paraitre bizarre comme entrée en matière, comme si je le comparais au Beaujolais. Détrompez-vous, le but de cette phrase d’introduction est bien de mettre l’accent sur tout ce qui change chez cet auteur incontournable dans le paysage du polar contemporain.

Commençons par le contexte : Roger Jon Ellory reste sur le continent américain mais change de pays : direction le Canada et en particulier l’extrême nord du pays, avec son climat rigoureux, inhumain, où les températures descendent à -40°C et la population ne voit quasiment jamais le soleil. L’auteur utilise cet aspect pour les conséquences sur la psychologie des gens, enfermés chez eux, renfermés sur eux-mêmes.

Il apparait donc logique que de nombreuses légendes fassent leur apparition, et en particulier celles émanant des tribus indiennes. Avec la proximité des Monts Torngat qui pèsent sur le village comme une main maléfique se refermant sur la petite ville, Roger Jon Ellory utilise à merveille le contexte pour faire monter l’angoisse et introduire les meurtres de jeunes filles qui vont se succéder.

Utilisant des allers-retours entre le présent (le retour de Jack dans sa ville de jeunesse) et le passé (sa jeunesse, ses drames familiaux), Roger Jon Ellory place au centre de son intrigue Jack qui a amputé son prénom comme s’il voulait laisser derrière lui ces mauvais souvenirs. Prévu pour être sympathique, nous allons avoir affaire à une histoire introspective, une méticuleuse analyse de sa réaction d’homme.

Car le sujet, au-delà de la recherche du ou des tueurs, se situe bien au niveau de ce jeune homme qui a quitté sa ville 26 ans plus tôt à l’âge de 19 ans, laissant derrière lui sa famille, ses amis, son amour de jeunesse. Et une fois sa décision prise, la difficulté d’assumer son choix, surtout quand le passé se rappelle à lui d’une façon particulièrement cruelle et fait ressortir son lot de culpabilité.

De la même façon que le paysage est brutal, les événements violents, le contexte sans pitié, le style de Roger Jon Ellory évolue pour s’adapter à son histoire. Finies les digressions ou la volonté d’expliquer les réactions de ses personnages, place ici à un style plus direct, plus franc, sans pour autant délaisser les qualités de narration, ni les événements placés au bon moment de l’histoire. Indéniablement, cette Saison pour les ombres est remarquable et fait partie des meilleurs romans de l’auteur avec Seul le silence et Papillon de nuit.

L’aigle noir de Jacques Saussey

Editeur : Fleuve Noir

Il ne doit me rester qu’un ou deux romans de Jacques Saussey, dont les plus célèbres sont le cycle consacré à Daniel Magne et Lisa Heslin. Il s’agit d’un changement d’éditeur pour cet auteur aux intrigues foisonnantes avec ce roman orphelin, qui nous convie à un voyage à la Réunion.

2016, Ghana. La jeune femme s’est endormie en bord de plage alors qu’un homme l’observe. Irrésistiblement attiré par elle, il s’approche. Quand elle se réveille, il est au dessus d’elle et prend peur. Sans hésiter, avec sa machette, il lui tranche la tête et s’enfuit dans la forêt en entrainant sa fille qui jouait à coté.

2020, Toulon. Hubert Bourdenais, directeur de la société chargée du traitement des déchets ménagers, accueille chez lui Paul Kessler, qu’il utilise pour régler de menus trafics orchestrés par ses ouvriers. Bourdenais sait que Paul a perdu son fils et que cette perte l’a fait démissionner de la police. Il lui propose une enquête en sous-main, inofficielle, celle de connaitre les causes de la mort en hélicoptère de son propre fils, Pierre Bourdenais. Le rapport légiste a conclu à un accident alors qu’il était un as du pilotage.

2020, Ecole Jacques Brel, La Réunion. Jean-Denis Pavadé, nouvellement nommé professeur des écoles, surveille les enfants dans la cour de récréation. Il voit la petite Louna dans un coin, en train de dessiner. Quand il lui demande de regarder ses œuvres, elle s’enfuit. Il est surpris de voir des croquis de monstres sur chaque page. Chloé la psychologue scolaire essaie de faire dire à l’enfant la raison de ces dessins, mais elle reste mutique. Chloé et Jean-Denis font part de leurs soupçons à la directrice de l’école.

Dès le départ de ce roman, l’auteur nous présente une multitude de personnages, pas loin d’une dizaine, dans des lieux et des contextes différents. Et chaque personnage va amener son lot de mystères, d’énigmes à résoudre, ce qui va forcément aiguiser l’esprit du lecteur de roman policier ou de thriller. Heureusement, Paul Kessler va faire le lien en progressant petit à petit dans sa propre enquête.

On louera donc la construction qui, si elle peut s’avérer complexe de prime abord, va ressembler à une toile d’araignée que nous allons parcourir en commençant par les fils extérieurs. Et Jacques Saussey sait comment nous tenir en haleine, comment mener une intrigue, nous passionner par dialogues remarquablement efficace, et utiliser les codes du thriller quand il le faut avec des chapitres courts.

Contrairement à beaucoup de ses confrères, Jacques Saussey ne prend pas son lectorat pour des imbéciles : j’en prends pour exemple les mentions des dates et des lieux en tête de chapitre qui ne sont présents que quand on en a besoin. De même, il a conçu son intrigue avec beaucoup de pistes à suivre, des trafics en tout genre, et l’itinéraire de Sobgwe sur quatre années sans jamais perdre l’intérêt du lecteur.

Enfin, on y trouve une description des deux facettes de la Réunion (sans que l’auteur n’y ait mis les pieds, il l’avoue en fin de roman), l’une faite de belles maisons pour les riches, l’autre plus misérable avec tout ce que cela comporte comme horreurs (même s’il reste très évasif et non démonstratif dans le glauque). L’aigle Noir est donc un thriller de très bonne facture de la part d’un auteur au savoir-faire incontestable, trop injustement méconnu à mon goût.

La face nord du cœur de Dolores Redondo

Editeur : Gallimard – Folio Policier

Traducteur : Anne Plantagenet

Sélectionné parmi les finalistes du trophée du meilleur roman étranger de l’Association 813, j’avais acheté ce roman à sa sortie suite à de nombreux conseils de mes collègues et amis blogueurs. Ils avaient raison !

En aout 2005, Amaia Salazar, sous-inspectrice de la police de Navarre, vient suivre une conférence au siège du FBI à Quantico. Son objectif est d’acquérir des compétences dans la détermination des profils de tueurs en série et devenir ainsi profileuse. La conférence est assurée par l’agent spécial Duprée, reconnu comme étant un génie dans les analyses de serial killers.

Lors de la présentation d’un cas réel, Amaia qui semble être d’un caractère réservé, participe activement à l’activité proposée et impressionne Duprée. En proposant une nouvelle façon d’analyser les indices, elle met en lumière une nouvelle piste potentielle. Duprée l’aborde donc lors d’une pause au restaurant et lui propose d’intégrer leur groupe d’enquête sur la chasse au tueur qu’ils vont maintenant dénommer Le Compositeur.

Ce dernier profiterait en effet des catastrophes naturelles pour s’immiscer dans des familles en détresse et d’assassiner des familles entières, composées de deux parents, trois enfants et de la grand-mère. La situation devient urgente quand on leur annonce un cyclone de niveau 1, nommé Katrina, se dirige vers la Nouvelle Orléans et va bientôt devenir un des ouragans les plus dévastateurs que les Etats-Unis ont connu.

Il ne faut pas avoir peur de se jeter à corps perdu dans ce pavé de 750 pages, tant on se retrouve rapidement emmené dans ces enquêtes menées par deux génies policiers. Et il n’est pas nécessaire d’avoir lu la trilogie de Betzan pour aborder ce prequel, qui va nous présenter la jeunesse d’Amaia, mais aussi celle de Duprée et l’obsession de ce dernier dans la recherche de jeunes filles disparues en Nouvelle Orléans.

A base d’allers-retours entre présent et passé, entre les deux personnages principaux mais aussi des autres enquêteurs du FBI, Dolores Redondo nous passionne à nous décrire la démarche utilisée, la façon d’utiliser les indices à la disposition des agents du FBI pour essayer de déterminer la psychologie du tueur, et en déduire sa façon d’opérer. On va ainsi passer plus de temps à assister à des brainstormings qu’à une course poursuite effrénée, dans la première partie.

Puis arrive l’ouragan, et le décor change pour devenir un champ de désolation, que l’auteure va nous faire vivre par les yeux d’Amaia, seule personne extérieure (car non américaine) et seule personne choquée par la façon dont les gens sont traités, ou devrais-je dire non secourus. A coté, la façon d’aborder le vaudou dans l’enquête de Duprée parait un peu pâlotte. C’est dans cette deuxième partie que l’on trouve cette phrase extrêmement explicite et que je garderai longtemps en mémoire :

« Des terroristes détruisent le World Trade Center et le pays bascule dans le malheur, mais quand une ville entière à forte population noire disparaît sous l’eau, qu’est-ce que ça peut faire ? Aurait-on trouvé normal que quatre jours après la destruction des tours jumelles l’aide ne soit toujours pas arrivée ? »

La face nord du cœur, « le lieu le plus désolé du monde », comme l’annonce Dolores Redondo en introduction, se révèle un excellent thriller, irrémédiablement bien construit et original dans sa façon d’aborder une enquête sur un serial killer. En ayant décrit les racines d’Amaia, elle nous donne envie de nous plonger dans la trilogie de Betzan qui va suivre ces événements et publiés antérieurement.

Lady Chevy de John Woods

Editeur : Albin Michel

Traducteur : Diniz Galhos

L’Ohio semble receler d’un vivier d’auteurs très intéressants et à la clairvoyance remarquable. Il n’y a qu’à se rappeler de Stephen Marklay, Tiffany McDaniel, David Joy, Benjamin Whitmer pour n’en citer que certains. John Woods arrive avec un roman coup de poing, une autopsie de l’Amérique des campagnes, très largement suprémaciste, d’aucuns diraient trumpiste, même si le roman se déroule pendant le gouvernement de Barack Obama.

Subissant les moqueries de ses camarades de classe, Amy Wirkner porte sur son dos le surnom de Lady Chevy, en lien avec son surpoids et son postérieur très large. La fête organisée chez Sadie Schafer regroupe toute sa classe qui va entamer sa dernière année de lycée, avant d’essayer d’obtenir une place en université pour quitter enfin cette petite ville de Barnesville. Paul McCormick et Sadie forment le petit cercle d’amis d’Amy, surtout parce qu’ils se connaissent depuis la petite enfance.

Amy intégrera l’Ohio State University si ses moyennes restent à ce niveau. Elle deviendra vétérinaire, quittera enfin son père, qui a loué ses terres à une entreprise extrayant le gaz de schiste, sa mère qui va se faire baiser tous les soirs par des inconnus, son oncle, ex-soldat, enfermé dans ses théories paranoïaques et suprémacistes, et tous ces imbéciles qui passent leur temps à soigner leur apparence et vomir sur elle. Mais l’université coûte cher, et elle compte sur une bourse et un don de la paroisse.

Brett Hastings représente la loi à Barnesville en tant qu’adjoint du shérif. Il conduit dans le désert, avec comme passager, un homme dont la tête a été recouverte d’un sac poubelle. Randy s’est fait kidnapper parce qu’il est un dealer, parce qu’Hastings veut faire le ménage dans sa ville, à moins qu’il en ait besoin. Il le sort et les deux hommes avancent dans les collines, avant qu’Hastings lui ordonne de s’arrêter. La discussion ne dure pas longtemps et il lui tire une balle dans la tête à travers le sac poubelle.

Toute la ville devient malade, même son frère Stonewall, petit être chétif atteint de saignements et de crises. Tout le monde sait que cela vient des produits qu’ils injectent dans le sol. Paul, ce soir-là, vient voir Amy pour lui demander de l’aide. Il a fabriqué des bombes artisanales pour détruire les installations gazières ; Sauf que leur plan va tourner au drame et Amy va devoir réagir.

John Woods aurait pu donner la parole à Amy, en faire l’unique narratrice ; il a préféré un duo de raconteurs avec Amy et Hastings. Et il ne faut pas prendre ce roman comme un énième roman sur l’adolescence, ou même une simpliste description des campagnes américaines ou encore un pamphlet contre l’extraction du gaz de schiste. Ce serait bien trop réducteur par rapport à ce que John Woods a voulu montrer.

Car dans son premier roman, il a voulu parler de beaucoup de thèmes, et pour cela, il a choisi un personnage féminin hors normes (je ne parle pas de son poids), au sens où il a minutieusement construit sa psychologie. S’il l’a voulue en surpoids, c’est pour montrer une adolescente qui s’est construit un mur contre sa famille, contre ses amis, contre le monde ; et ce mur est tellement haut qu’elle a fini enfermée dans son monde. On la voit ainsi écoutant les autres, regardant les autres, mais ne suivant que son chemin, aidée en cela par une acuité et une intelligence au dessus du troupeau peuplant Barnesville.

Il a voulu aussi son héroïne en prise avec un environnement familial perturbé, mais il n’a pas fait dans la simplicité. Son père d’abord, au chômage, mais responsable, se retrouve obligé de louer ses terres à un processus mortel pour lui et les autres, car c’est sa seule source d’argent. Sa mère ne rêve que de s’enfuir, même s’il ne s’agit que d’une nuit dans les bras d’inconnus.

Enfin, son oncle, que l’auteur a appelé Oncle Tom (quel humour !), apparait comme un homme cultivé, qui est passé par la guerre et qui en a déduit sa propre logique philosophique raciste et s’est donné comme but dans la vie, la sauvegarde de la race blanche. Ces passages, où Amy et Tom discutent en s’entrainant au tir au fusil, sont les plus réussis du livre et font froid dans le dos. Ils apparaissent comme un portrait lucide de l’Amérique contemporaine (et pas que l’Amérique).

Bien sur, on y voit l’église essayer de fédérer cette ville, les riches profiter et les pauvres souffrir, mais on y voit surtout par ces descriptions les campagnes subir les lois des grandes villes, de l’Etat, et le ras-le-bol des politiques (Rappelons nous que ce roman se déroule sous l’ère Obama). On y voit aussi la police, pas plus douée que les gens du cru, à part Hastings, que l’on peut prendre comme un justicier de l’ombre et qui s’avère un assassin qui se débarrasse des gens qui le gênent.

Tout au long du roman, on va se retrouver gêné par ce qui est dit, par la façon dont c’est dit, par les événements qui vont se dérouler. Car on n’y trouve plus de notion de bien ou de mal, la morale n’existe plus, on parle ici de survie ; et pour Tom, il s’agit de survie de la race blanche. Plus que choquant, ce roman est provoquant, poussant toujours le bouchon un peu plus loin, en gardant son ton clairvoyant pour montrer la vérité du terrain, celui que les politiques ne veulent pas voir.

A part quelques passages un peu long où on a l’impression que l’auteur en rajoute, ce roman porté par Amy et Hastings m’a impressionné par ce qu’il montre. J’ai tendance à dire que les auteurs mettent leurs tripes dans leur premier roman, et cela semble être le cas ici, tant John Woods est capable de faire une démonstration éloquente sans jamais juger qui que soit ; au lecteur de se faire sa propre opinion. John Woods a écrit l’autopsie de l’Amérique moderne et il va falloir suivre ses prochains écrits.

Un dernier mot : ne ratez pas la fin, avec quelques retournements de situation qui font que je ne suis pas prêt d’oublier ce roman. Impressionnant !

Usual victims de Gilles Vincent

Editeur : Au diable Vauvert

J’avais un peu perdu de vue Gilles Vincent, depuis qu’il avait quitté les éditions Jigal, et les nombreux avis positifs des collègues blogueurs m’ont fait acheter son dernier roman en date, Usual victims, un polar au scénario implacable, dont le titre nous rappelle un célèbre film de Bryan Singer.

Après avoir bourlingué avec son diplôme d’officier de la Police Nationale, Martin Delbard atterrit à Tarbes avec le grade de capitaine. Depuis le collège, il ressent une attirance pour les hommes et doit cacher ce penchant dans sa vie professionnelle. Le hasard le fait rencontrer Florent, le facteur, avec qui il vit une idylle parfaite.

Clémentine Rucher lui a été rattachée, non pas pour ses qualités professionnelles mais pour le fait qu’elle soit lesbiennes. Leurs supérieurs ont surement dû juger que cela éviterait de mauvaises blagues. Elle vit une parfaite idylle avec Maïwen, professeure de lettres, depuis sept ans.

Stéphane Brindille se retrouve sans ses parents à l’âge de vingt-deux ans, ses parents s’étant noyés en barque deux ans auparavant. Le cinéma américain est sa passion première, et il en apprend les répliques cultes. Dans sa commode, il cache des cahiers dans lesquels il inscrit le poids des choses, de tous les objets qu’il rencontre. Diagnostiqué atteint du syndrome d’Asperger, il ne ressent aucune empathie et arrive dans l’équipe du capitaine Delbard en tant que stagiaire.

La plus grosse entreprise du coin se nomme Titania, le mastodonte du commerce en ligne. Dans une région abandonnée de ses riverains, Titania a bâti un gigantesque entrepôt et offre des emplois à tous les désœuvrés du coin, à tel point qu’elle pèse maintenant quatre mille cent soixante salariés en CDI. Sauf qu’on vient de découvrir le suicide de Camille Barrere juste avant son service, la quatrième en quelques semaines.

Tout est affaire de sentiments, de ressenti. Pour ce roman, j’ai été surpris par les premiers chapitres. Après l’introduction et le suicide de Camille, l’auteur laisse la parole aux trois policiers l’un après l’autre, pour leur présentation personnelle. Et je me suis dit que j’allais me retrouver dans un reportage criminel type « Présumé innocent » ou Affaires criminelles », ce que j’ai trouvé amusant.

Dès le quatrième chapitre, on entre dans le vif du sujet, avec une narration à la troisième personne, et au premier plan les trois flics, même si Stéphane semble mis en avant. Vous l’aurez compris, ce roman ne propose pas de « héros », de personnage principal, mais déroule une enquête dont le scénario est sans cesse surprenant, fait de multiples révélations, et nous malmène dans nos certitudes.

Car dès l’arrivée des flics sur le site de Titania, l’auteur nous décrit le monde ultra-sécurisé des grandes entreprises, les parkings où les voitures sont rangées en épi, les contrôles par badge à l’entrée, les vestiaires déshumanisés, les séparations entre les postes pour privilégier l’efficacité et le rendement, le rythme infernal demandé aux employés et les méthodes de motivation à base de récompenses futiles.

Même si le roman présente une enquête classique, et finit par faire un détour par le Darkweb, il présente l’avantage de nous présenter un contexte peu connu, et bénéficie d’un style remarquablement fluide, de personnages formidablement bien croqués, et d’un scénario noir dans lequel bien peu de protagonistes s’en sortiront. Et l’amusement que j’avais ressenti au début du roman s’est transformé en excellent divertissement avec un fond social important, en même temps qu’il est un hommage au cinéma policier.

Oldies : Le diable de Glasgow de Gilles Bornais

Editeur : 10/18

Afin de fêter leurs 60 années d’existence, les chroniques Oldies de cette année seront consacrées aux 10/18.

Ce mois-ci, je vous présente le premier roman d’une série de six à ce jour, mettant en scène un détective du Scotland Yard au dix-neuvième siècle. La série est la suivante :

Le Diable de Glasgow, Atout éditions, & 10/18 Grands détectives

Le Bûcher de Saint-Enoch, Grasset, & 10/18 Grands détectives

Le Mystère Millow, Grasset, & 10/18 Grands détectives

Les Nuits rouges de Nerwood, Éditions Pascal Galodé, & Éditions du Masque, Masque poche

Le Trésor de Graham, Éditions Pascal Galodé,

Le Sang des Highlands, City Editions, & City Poche

Quatrième de couverture :

« Le 23 août 1887, la police de Glasgow a demandé l’aide du Yard pour résoudre « une méchante histoire de meurtres ». L’Écosse, je savais juste que c’était au nord et que les villes y suintaient le malheur, la crasse et le whisky. Glasgow était un ramassis de cette dèche. On me collait sur l’enquête parce que personne n’en avait voulu, de cette méchante histoire. On m’avait balancé sur les traces d’un monstre. Pas une crapule ordinaire, et pas un dingue. Non ! Une créature comme celles qui me faisaient hurler de terreur dans mes nuits de gosse. Sauf que cette fois, j’étais tout ce qu’il y a de réveillé, et c’est ma vie entière qui a basculé dans cet enfer. »

Le détective Hackney, ancien loubard des bas-fonds londoniens promu à Scotland Yard, doit mener l’enquête sur une série de meurtres qui désorientent la police de Glasgow. Chaque crime porte la même signature : de la rouille sur les blessures des victimes. Pourtant, aucune piste n’aboutit.

Flanqué de Buchanan, un flic un peu borné et long à la détente, Hackney tente tant bien que mal d’élucider l’affaire mais les témoignages qu’il recueille ne font que l’obscurcir davantage, évoquant tour à tour un jeune jardinier et un homme d’âge mûr pour décrire l’assassin. Qui est donc ce meurtrier aux multiples visages et pourquoi s’acharne-t-il de manière si diabolique ?

Lorsque la vérité a du mal à faire surface, c’est souvent qu’elle est trop difficile à accepter…

Mon avis :

J’avais découvert Gilles Bornais avec Franconville, Bâtiment B, un roman noir et je plonge ici dans le roman historique pour la première enquête de Joe Hackney. Narré à la première personne, l’accent est mis sur ce détective, citadin de Londres qui va débarquer à Glasgow, ville pauvre de province. Son coté hautain se confirme quand il doit travailler avec Innes et Buchanan qui ne sont pas des foudres de guerre.

Hackney n’a qu’une hâte : bâcler cette affaire pour retourner dans la capitale anglaise, retrouver sa mère chez qui il vit et sa petite amie qui menace de le délaisser pour un marin. Mais quand il fouille les meurtres similaires, il s’aperçoit qu’il doit faire face à une série qui s’étend sur plusieurs dizaines d’années. A tel point que l’assassin doit avoir plus de 70 ans pour avoir commis les derniers en date.

Dans une première partie, l’auteur nous présente une affaire en apparence simple qui va petit à petit se compliquer, voire devenir impossible à résoudre, parce que dépassant l’entendement. Il met l’accent sur Joe Hackney, sa psychologie et sur les personnages avec qui il va travailler. La peinture de la Grande-Bretagne du XIXème siècle apparait en petites touches, subtilement et permettent de nous plonger dans ce monde d’antan sans en rajouter outre mesure.

Dans la deuxième partie, le rythme s’élève suite à l’attentat contre un policier (je ne vais pas tout vous dévoiler), et la psychologie de Joe Hackney aussi. De détaché et professionnel, il se montre plus impliqué et affecté, dévoilant un coté sensible auquel on ne s’attendait pas. Dans cette partie-là le style efficace devient redoutablement efficace et accroche le lecteur sans plus le lâcher.

Plusieurs fois dans le roman, il apparait la peur des gens mais aussi des policiers d’être confrontés à des événements et faits qu’ils ne comprennent pas. Nous sommes dans une époque où la science est peu avancée, et les croyances en des personnes et puissances occultes peuvent troubler la déduction logique et scientifique. Ceci explique à la fois le déroulement de l’intrigue, que les réactions des personnages et même la fin. Le diable de Glasgow s’adresse donc aux amateurs exigents de polars dans la grande tradition, avec une rigueur dans l’évocation de cette époque. Enfin, il donne furieusement envie de lire les enquêtes suivantes.

City of windows de Robert Pobi

Editeur : Les Arènes / Equinox (Grand Format) ; Points (Format poche)

Traductrice : Mathilde Helleu

J’étais passé à coté lors de sa sortie en grand format, ne trouvant pas le temps de l’ouvrir. Sa sortie en format poche est l’occasion pour moi d’effectuer une séance de rattrapage pour cet excellent thriller.

19 décembre, New York. Nimi Olsen tente de traverser la 42ème rue en dehors des passages réservés pour les piétons. Par chance, une bonne âme lui fait signe de passer et elle le remercie d’un simple sourire. A ce moment-là, le pare-brise éclate et la tête de l’homme au volant disparait. Puis, le coup de feu retentit. Par un pur reflexe, le corps appuie sur l’accélérateur et la voiture bondit en avant. Le bilan se monte à deux morts.

Alors qu’il termine son cours de licence à l’université de Columbia, le docteur Lucas Page souhaite de joyeuses fêtes de Noël aux étudiants puis rejoint son secrétariat, balayant rapidement les nombreux messages reçus dans la journée. Sur la télévision branchée sur CNN, il assiste à un compte-rendu de l’assassinat qui vient de survenir, mais préfère l’ignorer volontairement.

Lucas Page a perdu une jambe, un bras et un œil dans une précédente enquête pour le FBI. Il a refait sa vie avec Erin, qui l’a soigné. Ils forment une famille unie avec les enfants estropiés qu’ils adoptent. Quand l’agent spécial Brett Kehoe sonne à la porte, Lucas Page sait qu’il est le seul à pouvoir les aider à trouver d’où a été tiré le coup de feu, grâce à son génie mathématique. Il accepte contre l’opinion d’Erin, et fera équipe avec l’agent spécial Whitaker. Et la série de meurtres ne fait que commencer.

Pour l’introduction d’un nouveau personnage, Robert Pobi en a choisi un avec de nombreux handicaps, mais il lui a surtout concocté un caractère bien particulier basé essentiellement sur un humour ravageur, fortement cynique. L’auteur y ajoute de bons sentiments avec sa vie de famille et le fait qu’ils aient décidé d’adopter des enfants estropiés. N’en jetez plus : ce personnage là, on l’adopte et pour longtemps.

Robert Pobi fait montre d’un beau savoir faire, à la fois dans la conduction de son intrigue mais aussi dans la construction de son intrigue, écrite sur la base de chapitres courts. Il nous montre un sacré talent dans la description de scènes d’action ; j’en veux la scène où un groupuscule investit sa maison, où on se retrouve à dévorer une trentaine de pages sans prendre le temps de respirer.

Et puis, Robert Pobi nous présente son avis, au travers de ce personnage qui a acquis une grande lucidité sur le monde qui nous entoure. Il nous donne son avis sur les lobbyistes de tout poil, les défenseurs des possesseurs d’armes à feu, le racisme de tout poil mais aussi les préjugés de la police, les journalistes et les politiciens si prompts à désigner des boucs émissaires pour le peuple. Voilà un excellent thriller qui donne envie de poursuivre l’aventure avec Lucas Page.

Solitudes de Niko Tackian

Editeur : Calmann-Levy

Depuis Toxique, j’essaie de suivre le rythme de parution annuel de Niko Tackian, les achetant dès leur sortie, avec l’assurance de lire un polar costaud. Comme ce roman a été écrit pendant le premier confinement, la façon de dérouler l’intrigue est forcément particulière.

Garde-nature dans le massif du Vercors, Elie Martins s’apprête à affronter une violente tempête de neige. A la poursuite d’un loup, il remarque des traces et se demande qui peut bien se promener dehors par ce temps. L’apparition de traces de sang le pousse à continuer son exploration jusqu’à un vieux pin au tronc fendu. En en faisant le tour, il découvre un corps pendu et appelle la police.

La lieutenante Nina Melliski est immédiatement convoquée sur place, et elle doit faire deux heures de route depuis Grenoble. Quand elle arrive, l’endroit est déjà sécurisé par des rubalises et elle assiste au décrochage du corps. Il s’agit d’une jeune femme, et sur son dos, l’assassin a gravé à même la chair un mot en grec ancien : αλήθεια, ce qui signifie Vérité. A la vue de ce mot, Elie est troublé.

Elie Martins a connu une histoire peu commune : quelques années auparavant, quelqu’un lui a mis un sac en plastique sur la tête, avant de lui tirer une balle dans la tête. Lors de l’autopsie, le médecin légiste a vu sa main bouger et s’est rendu compte qu’il était vivant. Après une longue période de coma, Elie a survécu, conservant la balle dans sa tête, mais avec une amnésie totale quant à son passé.

Elie est-il victime ou coupable ? Le corps de cette jeune femme est-il son œuvre ou un message qui lui est destiné ?

A côté des enquêtes de son enquêteur récurrent Tomar Kahn, Niko Tackian nous offre des romans orphelins tels que celui-ci. Ce doit être l’occasion pour l’auteur de sortir d’un cadre qu’il a créé, de laisser libre cours à son imagination. En tous cas, ce roman écrit pendant le premier confinement montre clairement la nécessité de la liberté de l’esprit devant l’enfermement obligatoire pour des causes sanitaires.

Cela a dû être une sorte de délivrance pour Niko Tackian que d’écrire ce roman, et on sent bien son besoin de retrouver un lien avec la nature, sa joie de retrouver de grands espaces, ici des paysages montagneux et enneigés, couverts d’une nature forestière à la fois belle mais aussi inquiétante et mystérieuses. Car pour rajouter du stress à son intrigue, il ajoute une tempête de neige aussi violente que rare.

J’ai retrouvé dans ce roman tout ce que j’aime dans les romans de Niko Tackian, une intrigue rigoureuse, fort bien menée, une écriture très visuelle et une angoisse parfaitement travaillée. On y trouve peu d’action, beaucoup de descriptions des décors et paysages mais les chapitres courts ne dépassant que rarement 4 pages permettent une rapidité de lecture et une sensation de vitesse dans le déroulement de l’intrigue.

Enfin, les personnages sont très finement travaillés, minutieusement construits ; ce sont même probablement les mieux faits de tous les romans que j’ai lus de lui. Même peu nombreux, chacun comporte des psychologies et a des réactions parfaitement en lien avec ce qu’il est. Ce sont eux qui portent le message d’une sorte de dualité antinomique, un enfermement intérieur face à une nature grandiose, d’où le titre Solitudes.

J’attendais de ce roman un polar costaud, il l’est assurément.

Message Personnel : Merci Coco

Harry Bosch 3 : La blonde en béton de Michael Connelly

Editeur : Points

Traducteur : Jean Esch

Après Les égouts de Los Angeles et La glace noire, voici donc la troisième enquête de Hieronymus Bosch, dit Harry, qui va creuser un nouvel aspect de la justice américaine, tout en approfondissant le personnage de Harry. Un très bon opus.

Alors que la police est à la recherche du tueur en série qui sévit sur Los Angeles, Harry Bosch reçoit un appel lui indiquant qu’une prostituée vient de lui échapper. Il se rend chez Norman Church, suspecté d’être le Dollmaker, celui qui maquille ses victimes comme des poupées, guidé par le jeune femme et lui demande de rester dans la voiture. Voyant une ombre devant la fenêtre, il imagine que le tueur a peut-être déjà trouvé une autre victime.

Harry défonce la porte, s’annonce et aperçoit une ombre dans la chambre. Il lui demande de ne pas faire un geste, de mettre les mains sur la tête. Norman Church tend doucement sa main vers le coussin et cherche quelque chose dessous. Harry lui demande de s’arrêter, mais l’autre continue. Harry est obligé de faire feu. Quand il regarde sous le coussin, il trouve une perruque et dans l’armoire de la salle de bain, des produits cosmétiques, appartenant probablement à ses victimes.

Quatre ans ont passé depuis la mort du Dollmaker et Harry est poursuivi dans un procès en civil par la veuve de Norman Church. Il est accusé d’avoir joué au cow-boy, d’avoir tué un innocent. Pendant une pause, un coup de téléphone lui apprend qu’une lettre vient d’arriver au commissariat, un poème dans le style du Dollmaker, indiquant l’emplacement d’une de ses victimes. Harry va devoir mener une enquête en même temps que son procès.

Marchant dans les traces d’un John Grisham, Michael Connelly nous offre ici un pur roman judiciaire, accompagné en parallèle d’une enquête policière en temps limité. C’est l’occasion pour l’auteur de creuser plusieurs thèmes dont le principal est la façon de mener un procès. Comme d’habitude, tout y est d’une véracité impressionnante des stratégies des avocats aux dépositions en passant par les motivations pécuniaires des uns et des autres.

Los Angeles va aussi occuper une place prépondérante, nous faisant visiter l’autre facette du cinéma, à savoir le monde de la pornographie et la vie des actrices, qui arrondissent leur fin de mois en se prostituant. Puis, quand elles tombent dans la drogue, elles deviennent des épaves, cherchant le moindre client pour assouvir leur besoin avant de mourir abandonnées dans une ruelle sombre.

On va aussi voir toutes les différentes relations entre les défenseurs de la loi, la police, les spécialistes, les légistes et les journalistes. Tout ce petit monde œuvre pour l’argent, ou pour la gloire, celle par exemple, d’avoir un article en première page du journal, au dessus du pli ! j’ai particulièrement apprécié les descriptions des psychologies des tueurs en série, quand Harry va demander l’aide du professeur Locke.

Si le rythme se fait plutôt lent dans les trois quart du roman, suivant en cela le déroulement du procès, la tension monte petit à petit quand l’issue se fait sentir. Harry doit trouver le coupable, l’imitateur du Dollmaker, nommé le Disciple, et c’est bien un coup de chance qui l’aidera dans cette tâche. Une nouvelle fois, c’est un très bon roman policier, instructif, qui assoit Harry dans son rôle de personnage récurrent tout en nous montrant une nouvelle facette de cette ville maudite qu’est Los Angeles.