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Il était une fois dans l’Est d’Arpad Soltesz

Editeur : Agullo

Traducteur : Barbora Faure

Les éditions Agullo ont l’habitude de dégoter de sacrées pépites noires. Quand j’ai lu la quatrième de couverture de ce roman, j’étais dubitatif. Ce sont les avis de Yan et Jean-Marc qui m’ont décidé. Ils avaient une nouvelle fois raison.

Veronika Bodnarova, dit Nika sort d’un supermarché et marche sur la route, en faisant de auto-stop. Une voiture s’arrête, avec à bord deux énergumènes qui se présentent comme étant Vasil’ et Mammouth. Puis ils changent de route au lieu d’aller à Roztoka, et après quelques baffes, se dirigent vers une maison esseulée. Pendant quelques jours, ils vont la séquestrer et la violer. Simulant une crise d’allergie, elle obtient des médicaments qu’elle leur donne pour les endormir et s’enfuit.

Son père s’est inquiété de l’absence de sa fille et s’est rendu au poste de police. Mais ils n’ont pas l’air de s’en faire plus que cela. Il faut dire que les disparitions de jeunes filles, ce n’est pas ce qui manque en Slovaquie. Quelques jours plus tard, c’est le lieutenant Miko qui la recueille. Quand Nika lui dit que l’un des deux hommes s’appelle Mammouth, Miko sait que c’est un homme de Sasà, le caïd du coin. Il va donc mener l’enquête avec son coéquipier Valent le Barge.

Quand Mammouth se réveille, il appelle Sasà et lui demande un service. Vasil’ ne s’est pas réveillé, il est mort à cause du somnifère de Nika. Mammouth a besoin des services du nettoyeur Maxo. Sasa va débarquer, accompagné de ses deux sbires Pat et Mat. Effectivement, il va falloir faire disparaître le corps et se préparer à des difficultés. Heureusement que Sasà le Grand les tient tous sous sa coupe. Quoique …

A la manière d’un Robert Altman, Arpad Soltesz va petit à petit introduire ses personnages dans cette intrigue qui se veut une vision de la société slovaque. On va donc passer en revue plus d’une dizaine de personnages dans des situations qui en d’autres temps pourraient être comiques ou traitées d’une façon comique. Mais on est dans le noir, le vrai de vrai, le pur.

Car il vaut mieux avoir le moral avant d’attaquer ce roman, ce premier roman, au style détaillé, descriptif mais jamais bavard. La vision que l’auteur nous partage est noire, je l’ai déjà dit, et sert presque de témoignage devant tant de pourris qui tiennent les gens par leurs trafics et leur corruption. Des flics aux juges, en passant par les avocats, les journalistes ou même les politiques, l’héritage du communisme est bien noir.

Si vu de chez nous, on peut penser que ce peuple a enfin atteint à la démocratie, au Graal du bonheur politique, on s’aperçoit que tous sont bien pourris, bien dégueulasses, et qu’il n’y en a pas un pour relever l’autre. La force du discours est étayée par une intrigue déroulée comme un métronome, d’une précision suisse, mais aussi par ces personnages forts et réels auxquels on croit d’emblée.

Et puis, il y a cette opposition entre les truands (globalement ils le sont tous !) et les honnêtes gens (Nika et ses parents) écrasés par tous les trafics possibles et imaginables, sans limites, sans aucune considération de l’humain. Et la chute finale, entrecoupée de quelques figures qui tombent dans des chapitres au présent, est énorme de cynisme. Bref, ce roman a tout pour me plaire, il est lucide, vrai, honnête et franc dans sa démonstration. Il aide à arrêter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Et c’est un premier roman fantastique, écrit avec une telle passion que l’on se demande ce que Arpad Soltesz va pouvoir écrire ensuite. En tous cas, je serai au rendez-vous, c’est sûr.