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Des promesses sous les balles d’Adrian McKinty

Editeur : Fayard Noir

Traducteur : Pierre Reignier

Attention, coup de cœur !

La série (en cours) des enquêtes de Sean Duffy est incontestablement la meilleure d’Adrian McKinty, même s’il ne faut pas oublier la trilogie Michael Forsythe. On a longtemps cru que les investigations de Sean Duffy ne seraient qu’une trilogie après Une terre si froide, Dans la rue, j’entends les sirènes (Coup de coeur !) et Ne me cherche pas demain. Mais, ô joie, Fayard reprend le flambeau de cette géniale série avec l’un des meilleurs opus (avec le deuxième).

1985, sur une plage proche de Derry. Sean Duffy, le seul inspecteur de la RUC (Royal Ulster Constabulary) planque à l’abri d’une dune. Une gigantesque opération incluant la Special Branch, la RUC, le MI5 et Interpol vise une livraison d’armes venant de la mer. Bientôt le chalutier Our Lady of Knock s’approche de la rive. Duffy voit bien le carnage devant la fébrilité des hommes. Un coup de feu part, et il préfère s’abstenir d’assister au fiasco.

Duffy aimerait bien passer une nuit complète quand son téléphone sonne. Son nouveau chef McArthur lui demande de venir immédiatement dans une maison close bien connue. Sur place, on lui explique qu’un célèbre acteur de cinéma américain a frappé une prostituée. Après tout, elle avait refusé de sniffer la cocaïne de la vedette. Après une explication musclée, chacun repart avec de l’argent et Duffy va enregistrer la moitié de la drogue confisquée au commissariat et s’en garde l’autre moitié pour son usage personnel.

Duffy pense enfin pouvoir commencer sa nuit quand son téléphone sonne encore. Son collègue McCrabban lui demande de le rejoindre dans la riche propriété des Kelly, propriétaires d’une société de paris sportifs. Ils ont été abattus devant leur télévision, le père d’abord et la mère ensuite. Duffy trouve étrange qu’elle n’ait pas esquissé un geste quand son mari a été tué d’une balle dans la tête … sauf si elle connaissait l’assassin. Etrangement, leur fils Michael Kelly a disparu, ce qui en fait le principal suspect. Mais, quelques jours plus tard, on découvre sa voiture abandonnée au bord d’une falaise, et son corps en bas. Se serait-il suicidé après le meurtre de ses parents ?

Pour ceux qui ne connaissent pas Sean Duffy, il s’agit d’un inspecteur irlandais catholique doué de la police irlandaise exclusivement protestante. Le contexte se situe dans les années 80, sous le gouvernement politique de Margaret Thatcher. Ce roman se place en 1985 lors des accords Angleterre / Irlande du nord : Il institue un rôle consultatif de l’Irlande sur la politique en Irlande du Nord ainsi qu’une coopération entre l’Irlande et le Royaume-Uni contre l’IRA provisoire. Selon les termes de l’accord, l’avenir politique de l’Irlande dans son ensemble, en particulier de l’Irlande du Nord, ne changera que dans le cas d’une décision d’une majorité de la population.

La situation était déjà violente et ces accords ne font qu’attiser les flammes. Adrian McKinty, à travers son personnage nous montre un inspecteur de plus en plus paranoïaque, regardant sous sa BMW s’il on y a déposé une bombe avec un déclencheur à mercure. Duffy nous apparait toujours aussi révolté, sans limites ni envers sa hiérarchie ni envers les services de police ou secrets anglais, ni envers les Américains. Son attitude rebelle envers ses supérieurs l’isole de plus en plus, dans sa sphère professionnelle et dans sa vie personnelle.

Adrian McKinty fait parler son personnage qui n’a peur de rien ni de personne, comme un suicidaire jusqu’au-boutiste et le talent de l’auteur nous emmène dans une enquête complexe et passionnante où à force de fouiller, de gratter la surface, Duffy va mettre à jour un scandale qui a éclaboussé de nombreux pays sur les ventes d’armes tactiques. Par sa psychologie parfaite, sa façon implacable de mener son intrigue, et ses dialogues formidables, sans oublier cet humour noir, froid et cynique typique de l’Irlande, Adrian McKinty éclabousse le monde du polar de sa capacité à construire un roman sans aucun défaut, dans lequel on se jette affamé et en en sortant pleinement rassasié. Indéniablement, cet opus fait partie des meilleurs de la série avec Dans la rue, j’entends les sirènes (mais ce n’est que mon humble avis, bien entendu).

Un dernier mot, toutefois : il n’est pas nécessaire d’avoir lu les autres pour apprécier Des promesses sous les balles. Même si certains personnages récurrents font leur apparition, on ne se sent nullement gêné dans cette lecture. Il serait toutefois dommage de passer au travers des trois premières enquêtes, toutes disponibles au format poche. Et bonne nouvelle : il reste encore 4 enquêtes de Sean Duffy à traduire … à ce jour.

Coup de cœur !

Enigma d’Armelle Carbonel

Editeur : Fayard Noir

Cela faisait un petit moment que je voulais découvrir la plume d’Armelle Carbonel et la sortie de son petit dernier est une bonne occasion de voyager dans le monde angoissant de cette jeune auteure française.

Connue pour ses documentaires sur des bâtiments abandonnés, Barbara Blair arrive dans un orphelinat perché au sommet d’une colline, le Domaine de la Haute-Barde. Warren et David, cadreur et preneur de son l’accompagnent. Dès leur visite du bâtiment en compagnie du propriétaire, ils ressentent une ambiance d’abandon avec des souffles de vent et des bruits étranges.

Magda, une voisine leur raconte que soixante ans auparavant, toutes les horloges du village se sont arrêtées à 21h00 dans une atmosphère de fin du monde sous un orage monstrueux. Tout le monde l’a surnommée L’Heure Fantôme. Cette nuit-là, des dizaines d’enfants ont disparu. Dans les souvenirs des habitants, ces disparitions ont survenu en même temps qu’une épidémie mortelle.

Barbara qui tous les soirs se connecte sur son micro avec sa fille sourde, a du mal à prendre du recul avec sa situation personnelle et son sentiment d’abandonner sa fille. Quand une jeune fille disparait dans le village, l’ambiance mystérieuse devient vite intenable. En interviewant le voisinage, ils rencontrent Arnold, un psycho-criminologue en fauteuil roulant qui va les guider sur ces événements passés ayant un impact sur aujourd’hui.

Enigma est une lecture particulière, qui laisse une impression de visiter un paysage mystérieux où Armelle Carbonel joue le rôle de guide. Ce roman n’est pas un roman d’action, ni un thriller et même pas un roman d’horreur. Tout se joue sur le talent de l’auteure, sa capacité à créer une ambiance dans un lieu clos et angoissant, puis de faire monter gentiment la pression chez le lecteur.

Avec son style très détaillé, Armelle Carbonel met l’accent sur les décors et l’ambiance, pour mieux créer un brouillard, et pas uniquement dans l’intrigue ou les décors. Même l’intrigue qui donne peu de repères temporels nécessite de s’accrocher un peu. On se laisse aisément promener et on prend du plaisir à sentir la tension monter, à frissonner sans effusion d’hémoglobine, juste du bon stress.

Je ne sais pas pourquoi, mais ce roman m’a fait penser au film Conjuring, que j’aime bien, par son ambiance. Tout se joue dans la façon de présenter les choses, d’ajouter un personnage flou qui passe au second plan, de donner un semblant de stress surprenant par une simple phrase. Tout est construit sur la base d’une ambiance angoissante et c’est bien fait.

Comme il est souvent mentionné son précédent roman Sinestra, j’ai l’impression d’avoir raté quelques rappels mais je dois dire que je me suis bien amusé. Et puis, dans la deuxième partie, le rythme s’accélère pour dévoiler un scénario bigrement retors et qui m’a pleinement satisfait. Pour moi, Enigma fut une belle découverte d’une auteure bigrement douée. A suivre donc, en ce qui me concerne.

Le parfum de Patrick Süskind

Editeur : Fayard (Grand Format) ; Livre de Poche (Format poche)

Traducteur : Bernard Lortholary

Attention, coup de cœur !

Les titres de la rubrique Oldies de l’année 2023 sont consacrés aux éditions du Livre de Poche pour fêter leurs 70 années d’existence.

L’ayant acheté il y a une éternité, il me fallait une occasion d’aborder ce roman annoncé comme un monument littéraire, voire un chef d’œuvre.

L’auteur :

Patrick Süskind est un écrivain et scénariste allemand. Il est né le 26 mars 1949 à Ambach à côté du lac de Starnberg (am Starnberger See), en Bavière près de Munich. Il a grandi dans le village bavarois de Holzhausen. Il étudie l’histoire (histoire médiévale et contemporaine) et la littérature à Munich et à Aix-en-Provence. Il travaille ensuite comme scénariste pour la télévision.

Il écrit une pièce de théâtre à un personnage : La Contrebasse, qui sera jouée pour la première fois à Munich en 1981. Elle sera publiée en 1984. Depuis sa création, cette pièce est régulièrement jouée en Allemagne et a également été interprétée à Paris par Jacques Villeret dans le rôle-titre.

Le Parfum est son premier roman édité en 1985 à Zurich, sous le titre Das Parfum, Die Geschichteeines Mörders, puis publié en France en 1986 aux éditions Fayard dans une traduction de Bernard Lortholary. Il vaut à son auteur un succès mondial. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 2006 : Le Parfum, histoire d’un meurtrier.

(Source Wikipedia)

Quatrième de couverture :

Au XVIIIème siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus horribles de son époque.

Il s’appelait Jean-Baptiste Grenouille.

Sa naissance, son enfance furent épouvantables et tout autre que lui n’aurait pas survécu.

Mais Grenouille n’avait besoin que d’un minimum de nourriture et de vêtements, et son âme n’avait besoin de rien. Or ce monstre de Grenouille avait un don, ou plutôt un nez unique au monde, et il entendait bien devenir, même par les moyens les plus atroces, le Dieu tout-puissant de l’univers, car « qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes ».

C’est son histoire abominable… et drolatique, qui nous est racontée dans Le Parfum, un best-seller mondial.

Mon avis :

On entre dans ce roman comme un voyage dans le temps. On est projeté dans un marché parisien, sur un étal de poissonnerie. On est harcelé par les odeurs de puanteur, des égouts aux entrailles de poisson qui encombrent les rues. La vendeuse de poisson, enceinte, accouche et coupe le cordon ombilical avec son couteau avant de perdre connaissance. De toutes façons, elle l’aurait laissé mourir, ne pouvant le nourrir. Mais le bébé va survivre.

Récupéré par une nourrice, puis par un moine, il est finalement élevé par une femme qui touche de l’argent pour les nourrir. Outre son nez « parfait », qui lui permet de détailler n’importe quelle odeur, Jean-Baptiste Grenouille n’en dégage aucune dans ce monde de relents immondes. Il va être rejeté de tous, être comparé au Diable et trouver un travail chez un tanneur.

J’ai été impressionné, époustouflé par la faculté de l’auteur à nous faire vivre, voir, entendre et sentir la façon dont le peuple vivait au dix-huitième siècle. Dès les premières pages et pendant tout le roman, la multitude de détails mais aussi la justesse des descriptions vont nous emmener ailleurs, et suivre l’itinéraire de ce jeune homme doté d’un talent unique et la façon dont il va se transformer en monstre.

Nous allons ainsi le suivre de Paris au massif central, Montpellier, Grasse pour revenir enfin à Paris. On en apprend à chaque page sur les conditions de vie, les écarts entre les pauvres et les nobles, sur la fabrication des parfums, sur l’essor de cette manufacture mais aussi sur les ambiances. Toute la magie de ce roman repose sur sa capacité à nous immerger dans cette période lointaine.

L’aspect psychologique des différents personnages croisant Jean-Baptiste Grenouille est aussi remarquablement décrit sans jamais être pédant. Il est d’ailleurs original de constater que l’itinéraire de Grenouille est principalement décrit via les personnes qui le rencontrent ou avec qui il travaille. Cela laisse une aura de mystère quant à ce que Grenouille pense réellement et insiste sur la façon dont il est vu et interprété. Car il ne faut pas oublier que dans sa folie, il nous montre une logique implacable le menant à sa fin.

En parlant de fin, l’auteur n’entre jamais dans des descriptions horribles, alors que ses actes le sont. Il se situe plutôt à un niveau technique de parfumerie ce qui évite des scènes à vomir. Et je ne peux qu’insister sur l’issue de ce roman, d’une folie à la hauteur de ce meurtrier, avec un aspect humour noir terrible (c’est mon ressenti). Et alors que l’on peut éprouver de la compassion envers cet enfant que l’on a vu grandir, on termine cette lecture en étant effrayé de ce qu’il fait, avec une rage noire collé au ventre.

J’ai été tellement pris par ce roman que je suis allé chercher sur Internet si ce Grenouille avait existé ! Impressionné de bout en bout, moi qui ne suis pas un fan de romans historiques, je dois bien vous avouer que ce roman vient d’intégrer mon TOP20. Il n’est pas étonnant de constater qu’il se situe en 16ème place des lectures préférées des Français pour sa qualité d’écriture et son immersion dans la France du 18ème siècle. Un roman hors normes.

Coup de cœur, oh que oui, énorme coup de cœur !

Mortels trafics / Overdose de Pierre Pouchairet

Editeur : Fayard / Livre de Poche

Prix du quai des Orfèvres 2017, ce roman a été adapté par Olivier Marchal sous le titre Overdose et réédité à cette occasion au Livre de Poche. Nous faisons donc connaissance avec Léanne Vallauri.

La base militaire anglaise du détroit de Gibraltar est en émoi : un Zodiac navigue dans leur direction. Par peur d’un attentat, la caserne se mobilise, avant de s’apercevoir que le bateau se dirige vers la plage toute proche. Ahuris, les militaires assistent à distance, à travers leur paire de jumelles au débarquement de nombreux paquets de drogue sur la plage réservée aux touristes.

A l’hôpital Necker de Paris, la brigade criminelle est appelée d’urgence. Deux enfants ont été assassinés et on a peint sur les murs « Allahu Akbar » avec le sang des victimes. Le commandant Patrick Girard va être chargé de cette affaire, pour savoir s’il y a un lien avec les réseaux extrémistes. Quand ils vont rendre visite à la mère d’un des jeunes enfants qui loge chez un cousin, ils s’aperçoivent qu’elle a disparu.

La brigade des stupéfiants de Nice s’apprête à arrêter un réseau de trafiquants de drogue, dès qu’ils passeront la douane. Un de leurs indics les a prévenus que des BMW vont faire le trajet de Marbella à la France comme de simples touristes … finis les Go-Fast. Avec l’aide des autorités espagnoles, la commandante Léanne Vallauri va suivre la progression des véhicules jusqu’à ce qu’un accident sur l’autoroute ne chamboule leur plan.

Comme tous les lauréats du Prix du Quai des orfèvres, ce roman offre une bonne intrigue et nous montre tous les rouages du système policier en respectant les relations entre la police et la justice et ici, particulièrement, les relations entre les différents services. Contrairement à d’autres romans, on ne va pas assister à une guerre entre services mais bien à une collaboration entre la police judiciaire et la brigade des stupéfiants.

J’ai particulièrement apprécié les personnages et la façon dont Pierre Pouchairet les a créés, avec Léanne que l’on retrouvera ensuite dans la série des Trois Brestoises et Patrick Girard. Malgré le grand nombre de personnages, on ne se retrouve jamais perdu et on alterne entre les différents lieux avec une aisance remarquable, aidés en cela par un style fluide et une construction maitrisée.

Et dès le début du roman, on se sent pris par le rythme de l’action. Malgré le fait que l’on parle d’un « Go-Slow », on ressent une célérité, une vitesse, un rythme qui nous empêche de lâcher ce roman. Du transfert de la drogue à l’enquête sur les meurtres d’enfants, les pièces du puzzle vont se mettre en place avec en filigrane une certaine urgence à boucler les dossiers pour cause de réduction de budget. Pierre Pouchairet nous offre avec Mortels Trafics (ou Overdose) un polar agréable, costaud, bien fait.

Le Botaniste de Jean-Luc Bizien

Editeur : Fayard

Pour ceux qui ne le savent pas, je ne suis pas un grand fan de Thriller, ou du moins des polars estampillés de la sorte. Pour autant, j’en lis environ un par mois, à la recherche non de la perle rare mais de pur divertissement. Depuis le début de l’année, les quatre que j’ai choisis m’ont profondément déçu. Heureusement, le dernier roman de Jean-Luc Bizien vient relever un niveau franchement très moyen.

Dans la forêt amazonienne, William Icard, un scientifique botaniste, doit récupérer quelques échantillons, avant d’évacuer la zone où il habite. Sa famille, composée de sa femme et de ses trois enfants sont menacés par des groupuscules armés chargés de mener à bien la déforestation de cette zone. Alerté par de fortes explosions, il arrive trop tard et assiste à l’incendie de leur maison. Il peut tout juste récupérer les corps brûlés de ses deux jumeaux avant de se coucher de désespoir auprès d’eux.

Dix années ont passé. Dans un hôtel new-yorkais, sont logés les jurés d’un procès retentissant opposant une Greenpeace à l’entreprise d’exploitation forestière McKenzie-Huang. Toutes les chaînes de télévision ont accrédité leurs journalistes, et le FBI est sur les dents par peur d’un débordement lié aux manifestations qui ont lieu à l’extérieur. Au même moment, Joan Peabody assiste à une conférence sur la climat en tant qu’entomologiste de renom. Elle est accompagnée par sa fille Florence, qui espère faire du shopping avec sa mère après les conférences.

Quand les avocats annoncent officiellement que le procès va être reporté pour cause de corruption des jurés, on apprend que quatre d’entre ont disparu. Ils auraient été enlevés et Florence semble aussi manquer à l’appel. Aurait-elle été enlevée par erreur ? Le lendemain, les principaux canaux de télévision sont piratés. Le monde entier assiste à une retransmission en direct des jurés, retenus dans une cabane en pleine forêt amazonienne. La voix off indique qu’elle veut alerter sur la nécessité de la sauvegarde des forêts primaires. Le PDG M. McKenzie-Huang, le FBI, et la CIA vont partir à la chasse de ce personnage qui se fait nommer Le Botaniste.

Prenant comme base un documentaire « Poumon vert et tapis rouge », sorti en 2021, scénarisé par Luc Marescot et réalisé par Guillaume Maidatchevsky, Jean-Luc Bizien, dont la savoir-faire n’est pas à démontrer se saisit d’un sujet « brûlant » pour bâtir une intrigue dont la forme respecte à la lettre les codes du thriller et nous alerter sur le problème majeur auquel est confronté notre monde.

Nous avons donc droit à plusieurs points de vue, passant d’un personnage à l’autre, tous facilement croqués car suffisamment décrits. Les chapitres courts donnent un bon rythme à la lecture, et les événements, nombreux, font que ce livre est difficile à lâcher. Dans la forme, nous avons droit à un thriller prenant, nous offrant une tension croissante jusqu’à un final explosif, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ce roman s’avère aussi particulièrement instructif sur le rôle des forêts primaires, soit par l’intermédiaire des dialogues soit par des extraits d’analyse réalisées (en théorie) par William Icard ; mais je soupçonne que cela soit extrait des études de l’entomologiste français Francis Hallé. Quoiqu’il en soit, on se rend compte que la nature a beaucoup à nous apprendre, a beaucoup à nous offrir pourvu que nous la respections.

Entendons-nous bien, je ne suis pas un extrémiste écologiste, mais juste dégoûté devant le gâchis auquel je suis confronté tous les jours. La réflexion qui me taraude est plus générale. Devant de tels sujets primordiaux mais lointains, devant la difficulté de se faire entendre, faut-il forcément en passer par la violence pour faire bouger les dirigeants de tous pays ? Je vous laisse quatre heures pour y répondre.

La saignée de Cédric Sire

Editeur : Fayard Noir

Ce matin, j’ai reçu un gentil petit message. Ôh, quelle surprise ! Revoici Suzie qui revient pour nous parler du dernier roman de Cédric Sire.

Entre nous, je sais qu’il faut que je découvre cet auteur, tant on m’en a dit du bien. Je vais juste attendre que ses écrits soient un peu moins sanguinolents. Je donne donc la parole à Suzie que je remercie beaucoup pour sa contribution amicale.

Bonjour amis lecteur,

Voici un moment que je n’étais pas sortie de mon antre. Bizarrement, le monde d’après ne semble pas beaucoup différent du monde d’avant.

A la demande de notre hôte, je me suis plongée dans un nouveau roman, « La saignée » de Cédric Sire. La bibliographie de cet auteur français, comporte une quinzaine de publications comprenant aussi bien des romans que des nouvelles dans différents domaines tels que le fantastique ou le thriller.

Ayant déjà croisé l’auteur lors de diverses manifestations littéraires, je n’avais encore jamais eu l’occasion de me plonger dans sa prose. C’est dorénavant chose faite et je vais vous parler de sa dernière publication en date.

Publié le 29 septembre 2021 aux éditions Fayard, « la Saignée » va nous transporter dans un monde à part, un monde mythique, celui des « chambres rouges ». D’ailleurs, la couverture choisie pour cet ouvrage donne le ton. Cette dominante rouge avec cette porte au fond vous indique que seule une poignée d’élus pourront la franchir. C’est un avertissement aux âmes sensibles de passer leur chemin.

La structuration de l’histoire est composée de huit parties ainsi que d’un prologue et d’un épilogue dans lesquels s’intercalent des chapitres courts, de longueurs diverses qui vont servir la rythmique du récit. Les titres des différentes parties font toutes référence à une ou des femmes dans des situations bien précises. L’auteur met la femme au centre de son récit. De celle traumatisée et mal dans sa peau, ex-championne de boxe à la lieutenante de police méticuleuse à l’extrême en passant par la hackeuse écologiste ou bien l’attachée de presse prête à tout, l’auteur va jouer avec différents codes et brouiller les codes et les frontières. Le comportement de ses divers protagonistes féminins va engendrer une multitude de questions ; questions qui vont être reprises et exposées par les autres personnages qui les entourent.

En face de ces caractères féminins, l’auteur va y opposer des personnages masculins plus stéréotypés tels que le gentil geek qui n’attend qu’une chose, qu’on lui parle, le mafioso qui se veut respectable mais dont les actions sont en complète contradiction avec son comportement, l’agent qui souhaite se venger du mal qu’on a pu lui faire ou l’écrivain qui apprécie un peu trop ses fans. La perception de ces personnages va être biaisée par les différents filtres que l’auteur va proposer tout au long du récit. Qu’est ce qui tient du réel, qu’est ce qui est imaginaire ? La fin justifie-t-elle l’utilisation de tous les moyens? L’auteur développe un univers qui n’est pas si manichéen qu’on pourrait le percevoir en utilisant des « flash-back » imputables ou pas à certains des personnages. C’est une manière d’étoffer certains personnages et de mieux comprendre leur comportement.

Et l’histoire alors? Elle va se composer de deux intrigues parallèles. L’une concerne le principal protagoniste et sa vie qui semble prise dans une toile d’araignée qui semble se refermer au fur et à mesure sur elle. L’autre est la recherche de cette mythique « chambre rouge ». Existe-t-elle réellement ou tout cela n’est-il qu’un écran de fumée, une vaste arnaque pour récupérer l’argent d’êtres trop crédules ? En ajoutant, au fur et à mesure de l’avancée du récit, de nouveaux personnages, l’auteur pose ses pièges et ses chausse-trappes pour malmener le lecteur et l’induire en erreur. Qui faut-il croire, alors ? Est-ce que les apparences ne sont que des apparences ? Le jeu du chat et de la souris avec, comme toile de fond, l’univers du web profond, renforce cette impression de duperie. Si vous trouvez les codes, vous accéderez peut-être à ce lieu mythique ou pas.

Bizarrement lorsque j’ai lu le prologue, un autre livre est venu se superposer à ma lecture. Mon esprit a fait un parallèle entre cette scène et une de celles que l’on trouve dans le livre « Rouge est la nuit » de Tetsuya Honda. Car, pour ne rien vous cacher, l’auteur met à l’épreuve ses lecteurs dès les premières pages tel un rite initiatique où peu d’élus sont appelés. Si vous ne supportez pas la torture, je vous propose de passer votre chemin. Âmes sensibles s’abstenir.

Par la suite, le récit est moins dur, excepté quelles scènes par-ci, par là. Autant sur la première partie de l’histoire, ma lecture a été continue, autant sur la deuxième partie, je n’ai pu me retenir et je souhaitais connaitre la fin expressément. Le mécanisme du récit et, donc l’auteur, m’avait suffisamment prise dans ses filets pour que je veuille connaître la suite rapidement. Et, une fois de plus, je me suis fait avoir. Le meurtrier n’est pas celui que j’escomptais. Les filtres mis en place par l’auteur ont éclaté en morceaux à la fin du récit. Les apparences ne sont bien que des apparences. Les traces informatiques peuvent vous faire prendre des vessies pour des lanternes. L’interprétation de preuves et la rigueur mise en place sont au cœur de ce récit. Le doute est toujours de mise, surtout s’il s’appuie sur des preuves trop évidentes.

Ce qui m’a particulièrement intéressée, ce sont ces différentes figures de femmes qui essaient de trouver leur rédemption par diverses actions. Pour l’une, ce sera le combat, pour une autre la rigueur, une troisième par la mort. De plus, l’auteur va ajouter, en filigrane, une sombre histoire entre des fans et un écrivain célèbre. Jusqu’à quel point le machiavélisme de ce personnage va-t-il aller ?

Enfin, si vous cherchez à comprendre pourquoi le choix de ce titre, vous en saurez plus en lisant ce récit.

Merci amis lecteurs de m’avoir suivi dans ce nouveau choix de lecture. Je reviendrai bientôt pour vous parler de mes prochains livres. A bientôt

Sauve-la de Sylvain Forge

Editeur : Fayard

Depuis ma découverte des ouvrages de Sylvain Forge, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Depuis, il a été couronné du Prix du Quai des Orfèvres en 2018 et a sorti quelques thrillers penchant sur la haute technologie, domaine qu’il maîtrise parfaitement. C’est aussi le fond de cette histoire, écrite sous forme de roman à suspense flirtant avec la forme d’un thriller.

Alexis Lepage a tout pour être heureux : amoureux de la fille du patron d’une société d’investigations contre les fraudes aux assurances, il doit bientôt épouser Clémence et enfin envisager d’avoir un enfant par la PMA. Un cauchemar va le réveiller en pleine nuit : Clara, son amour de jeunesse, qu’il n’a pas revu depuis 26 ans, lui crie : « Alexis, je t’en supplie. Sauve-la ! ».

Le lendemain, un SMS lui annonce avoir reçu un message de Clara Vasilescu. Pour cela, il doit cliquer sur une application jointe par Anael Technologies, et l’installer. Poussé par son désir de la retrouver, il l’installe et se retrouve en contact avec Clara. Elle lui annonce être atteinte d’un cancer, en phase terminale, et veut qu’il retrouve sa fille Olivia, disparue dans un accident de car en Ariège.

Alexis contacte Anael Technologies qui lui annonce que Clara est morte et qu’il est en contact avec une intelligence artificielle que Clara a conçue. Il recontacte alors Clara et celle-ci lui annonce qu’Olivia est sa fille. Alors que Clémence et Alexis ont prévu de prendre une semaine de vacances à Vichy, elle découvre Clara et Alexis lui explique qu’il se doit de retrouver sa fille. Clémence part, fâchée, et Alexis se lance dans l’aventure.

Ah que les massifs montagneux et boisés d’Ariège sont beaux ! Mais qu’ils sont inquiétants sous la plume de Sylvain Forge. Alexis va se retrouver dans un petit village, Sainte Albane, peuplé de personnages hostiles aux étrangers et au milieu d’une végétation dangereuse. Poussé par sa passion, il va se jeter dans le gueule du loup, ce qui peut être pris au premier degré quand on pense au chien qui garde l’auberge de jeunesse.

Avec tous les ingrédients inhérents au thriller, Sylvain Forge utilise un style coupé à la serpe, et des chapitres ultra-courts pour donner du rythme à son histoire. Cela va vite, il y a beaucoup de suspense, et malgré quelques incohérences, on avale ce roman très rapidement, tant on veut connaitre la fin, qui ne sera pas toute rose. On a entre les mains un vrai roman populaire, idéal pour passer un bon moment estival.

Il n’en reste pas moins que Sylvain Forge nous montre les capacités des intelligences artificielles, que nous connaissons déjà au travers de Siri ou Cortina. Ces machines, capables d’apprendre, répondent à nos besoins quotidiens, et plus inquiétants, finissent par ne plus nous faire réfléchir, prenant notre place. Plus inquiétant encore, leur utilisation en devient une drogue tant leur facilité d’utilisation est accrue.

Et donc j’ai avalé ce roman en un peu plus de deux jours, parce que j’ai trouvé le roman facile à lire, l’histoire bien construite et le message intelligent pour y adhérer. Cela prouve que l’on peut dire des choses, alerter les gens grâce à une intrigue de bon aloi. Je ne peux que vous encourager à lire ce livre, distrayant avec une projection sur notre futur qui est loin d’être rose.

Dans la dèche à Los Angeles de Larry Fondation (Fayard)

J’ai lu les deux précédents de Larry Fondation, Sur les nerfs et Criminels ordinaires, et je dois dire qu’à chaque fois j’ai été époustouflé par la force d’évocation de sa plume. La seule chose qui m’a gêné, c’est le fait qu’il amoncelle des scènes, sans qu’il y ait des personnages ou une intrigue auxquels se raccrocher, comme si la vie aux Etats Unis partait en lambeaux. Sur les nerfs se déroulait dans les années 70, Criminels Ordinaires dans les années 80; Dans la dèche à Los Angeles se passe en 1994. Après les destructions des deux premiers romans, ce roman montre une société en ruine, illustrée par trois personnages, trois clochards que sont Fish, Soap et Bonds. Il nous raconte leurs errances alors que Bonds vient de rejoindre le couple formé par Fish et Soap.

Cela fait deux ans que Fish et Soap vivent dans la rue. Les gens respectables les appellent des SDF, Sans Domicile Fixe. Ils n’ont rien, ont connu des déboires et se sont retrouvés laminés par la machine sociale, celle qui refuse que vous fassiez la moindre erreur, sous peine de vous retrouver sans rien, à la rue, à chercher de la nourriture tous les jours, à accumuler un peu d’argent pour pouvoir vous payer une nuit d’hôtel pour vous laver une fois par semaine.

Fish était courtier en assurance, Soap a été mise à la rue par son dernier mari en date, Bonds est un ancien militaire que son pays a lâchement abandonné. Ce trio n’a qu’une seule préoccupation, récupérer de l’argent par tous les moyens, que ce soit la manche ou bien de petits boulots, pour pouvoir manger ou bien survivre.

On retrouve dans ce roman toute la force d’évocation de l’écriture de Larry Fondation, nous plongeant dans les cartons qui jonchent les impasses sales et puantes. Et pour autant, on ne s’apitoie pas devant les différentes étapes que rencontrent nos trois compères, le but n’est pas d’éprouver une quelconque empathie, mais de montrer une réalité du terrain : la plus grande démocratie du monde, gérée et menée par le bout du nez par son désir jamais assez assouvi du fric laisse sur le coté de la route de pauvres hères qui ne demandent qu’une chose : vivre ou plutôt survivre.

Bien qu’il ne se passe pas grand-chose, ce roman est passionnant, parce qu’il se passe toujours quelque chose, les dialogues sont toujours là pour vous interpeler ou les situations pour vous révolter. Car pour peu que l’on prenne un peu de recul, ce roman remarquablement écrit arrive à vous plonger dans une réalité sordide mais pour autant tellement vraie. D’ailleurs, Fish, Soap et Bonds ne se plaignent pas, ils sont comme des animaux à la recherche de quoi survivre.

Dans la dèche à Los Angeles, c’est un portrait de personnages que la « bonne » société a engendrés et qu’elle ne veut pas voir. Mais est-on capable de regarder la vérité en face ? Ce sont des gens que l’on a poussé dans l’ombre, et la fin est éloquente, montrant une société qui a créé des gens pour mieux les détruire. C’est un roman impressionnant qu’il ne faut pas rater.

Dernier désir de Olivier Bordaçarre (Fayard)

J’ai découvert Olivier Bordaçarre avec La France Tranquille, que j’ai beaucoup aimé. Il y avait un ton, un style et une verve pour décrire la vie d’une petite ville provinciale que l’on lit trop peu souvent. Son dernier roman est plus intimiste et parait d’ailleurs en littérature, probablement parce que le sujet peut paraitre de prime abord moins étiqueté polar, ce que je ne pense pas du tout. Il n’en reste pas moins que c’est un roman formidable.

Mina et Jonathan Martin est un ancien couple de Parisiens qui, ont commencé par déménager de Paris en banlieue parisienne avant de se rendre compte que leur vie serait plus confortable s’ils allaient vivre en province. Evidemment, ils vivraient plus chichement, Jonathan s’occupant de son jardin, d’ébénisterie et de bricolage tandis que Mina se contenterait de son poste de guide dans un château local. Ils ont donc choisi de s’installer au fin fond du Berry, proche de l’écluse de Neuilly-en-Dun avec leur fils Romain âgé de dix ans.

Un nouveau voisin débarque à quelques centaines de mètres de chez eux. Son prénom est Vladimir et son nom est le même que le leur, Martin. Si la coïncidence peut s’avérer amusante au début, celui-ci s’avère vite énigmatique, toujours aimable, légèrement distant, mais surtout extrêmement riche. Vladimir n’arrête pas de leur faire des cadeaux, entame la rénovation complète de sa maison en faisant appel aux artisans du coin, et commande les derniers équipements nec plus ultra pour améliorer son confort.

Mais certains petits détails vont transformer la vision qu’ont Jonathan et Mina de Vladimir. Il s’achète le dernier modèle de chez Volvo, de couleur rouge, le même que Jonathan et Mina, mais en véhicule neuf. Puis il fait repeindre les murs de la même couleur qu’eux, aménage sa cuisine exactement de la même façon. Quand Vladimir commence à offrir des cadeaux à Romain et qu’il devient de plus en plus intrusif, le couple commence à chanceler sur ses fondations.

Formidable ! D’une situation d’une simplicité extrême, Olivier Bordaçarre construit un petit joyau de roman noir, en distillant de petits détails par ci par là, mais sans en dire trop de façon à faire monter la pression. Sa façon de ne pas donner trop de détails laisse la place à l’imagination du lecteur, ce qui fait que l’on est pris dans la tenaille dès les premières pages sans pouvoir en sortir. On a vraiment l’impression qu’Olivier Bordaçarre tient notre cou entre ses mains, en serrant petit à petit, tout en relâchant la pression avant de resserrer vicieusement et sans prévenir dans la scène suivante.

Et quand je parle de pression, je dois dire que la sensation qui prédomine au fur et à mesure de la lecture est aussi et surtout le malaise. Car quoi de plus normal que d’avoir un nouveau voisin, charmant qui plus est ? Quoi de plus normal que de l’accueillir quand l’alimentation en eau de sa maison est coupée pour trois jours ? Certes, mais quand il se lève la nuit, fouille la maison, quoi de plus inquiétant ? Et puis, quand Vladimir sort de sa maison pour aller en ville, il s’avère un personnage autoritaire, étrange et sans pitié.

En disséquant le couple, Olivier Bordaçarre montre combien le contexte peut jouer sur notre vie quotidienne, tout en balançant le véritable sujet de son livre : Jonathan et Mina sont deux personnes ayant choisi de vivre loin du monde de l’ultra-consommation. Mais combien de temps peut-on résister à la facilité de l’argent, au confort de l’argent, même quand tout ce à quoi l’on croit semblait former des fondations à l épreuve de tous les obstacles. Olivier Bordaçarre nous offre une formidable démonstration de la fragilité du couple, de l’illusion des rêves, de la naïveté des principes de vie.

Je ne peux vous dire qu’une chose : en 275 pages, vous allez vous sentir mal, reconnaissant des situations que vous pourriez rencontrer, parce que vous allez forcément vous identifier à ce couple comme les autres. Et puis, vous ferez comme moi, vous relirez deux, trois, quatre fois ce passage des pages 263 à 265 car le sujet est bien là : la surconsommation n’est qu’une futilité qui ne fait avancer personne. Ce roman est une démonstration à la fois subtile et dure d’un sujet social important dans le fond, avec une forme d’huis-clos formidable. Un des romans incontournables de ce début d’année 2014, selon moi.

Ne ratez pas l’avis entre autres de l’ami Claude ici.

Sur ta tombe de Ken Bruen (Fayard)

Jack Taylor, mon pote, un de ces personnages récurrents qui m’a procuré les sensations les plus fortes est de retour. C’est sa neuvième enquête, il y a du nouveau, beaucoup de nouveau, et en même temps, c’est toujours pareil, toujours aussi noir, toujours aussi bien. La grosse nouveauté, c’est que Jack est amoureux d’une écrivaine américaine, qu’ils ont passé quelque temps à Londres et que Jack revient à Galway … seul. Et que tout va se dérégler.

Le père Malachy a été agressé, et il est dans le coma. Bien que l’ambiance entre les deux hommes ne soit pas au beau fixe (c’est le moins que l’on puisse dire), Jack est intrigué, d’autant plus que les agressions se multiplient, un jeune homme trisomique puis ceux qui recoivent une stèle funéraire miniature, à savoir Jack et ses amis Ridge et Stewart. Il semblerait qu’un groupe de jeunes illuminés se consacre à l’élimination de gens différents tels que les pauvres les homosexuels ou les handicapés.

En parallèle, le père Gabriel demande à Jack de retrouver le père Loyola qui a disparu de la circulation avec l’argent d’une association catholique. En éclusant les bars et tous les endroits possibles et imaginables, le père Loyola reste introuvable … jusqu’à ce que sa gouvernante, la sœur Maeve le mette sur une piste digne de ce nom.

Mais c’est surtout Galway, ce petit quartier typiquement irlandais qui est le véritable partenaire de Jack. Au travers de son personnage fétiche, Ken Bruen fait l’autopsie de la société irlandaise, qui s’enfonce méticuleusement vers un avenir noir et bouché, accueillant à bras ouvert la modernité pour mieux perdre ce qui faisait son identité.

Cet épisode est tristement réaliste sur un pays qui répond à l’appel de l’argent facile, qui vend son âme pour le tourisme mondial, au détriment des petits pubs que Jack affectionne. Le nombre de bars où il se sent bien diminue comme peau de chagrin, le nombre de gens qu’il connait aussi et la plupart de ses amis peuple le cimetière. C’est aussi une société toujours plus violente que nous peint Ken Bruen dans cet épisode, avec des gens illuminés et racistes, dignes des nazis, des armes en vente libre et des propagandes plus dégoutantes les unes que les autres.

C’est un Jack en réaction, face à cette évolution néfaste, dépassé par la violence, mais capable de répondre au coup pour coup, qui se retrouve de plus en plus isolé, désespéré, parfois au bord du suicide jusqu’à ce que son téléphone sonne, ou qu’un enfant lui fasse un sourire. C’est un Jack fataliste, qui se débat comme un beau diable face à un combat perdu d’avance.

J’ai trouvé cet épisode plus noir et pourtant toujours marqué de traits d’humour, plus violent et pourtant toujours aussi peu démonstratif, plus noir alors que certains passages sont d’une beauté éclatante, plus désespéré que les autres car montrant une lutte vaine. Après son combat contre le diable (dans le précédent épisode qui s’appelait le Démon), Jack se bat contre ses contemporains et ce n’est pas forcément facile. C’est aussi un roman qui ressemble à la conclusion d’un cycle, et qui me parait plus destiné aux fans. Je ne le dirai jamais assez, lisez donc le cycle Jack Taylor depuis le début.

Cette chronique de Galway est dédicacée à Lilas Seewald, qui comprendra.