Le chouchou du mois de novembre 2015

On entre dans l’hiver et la proximité de l’hiver n’est pas forcément pour me réjouir. Je ne reviendrai pas sur les horreurs du 13novembre …

Quand en plus, je repense à la mort de Henning Mankell, qui m’a beaucoup marqué, ça ne m’aide pas à me remonter le moral. C’est pour cela que j’ai voulu lui rendre un hommage en lisant la dernière enquête parue de Kurt Wallander, même si ce n’est pas sa meilleure. J’ai donc chroniqué Une main encombrante de Henning Mankell (Points).

Depuis quelque temps, je publie mes avis sur des romans de format poche. Pour le moment, j’arrive à suivre le rythme et cela me permet de lire à la fois des nouveautés et de revenir vers des classiques du polar. C’est ainsi que j’aurais parlé de Les gravats de la rade de Marek Corbel (Wartberg), un roman ambitieux d’un auteur que j’aime beaucoup, de Ne meurs pas sans moi de Suzanne Stock (Points) un premier roman qui flirte avec l’horreur, de King Suckerman de George Pelecanos (Points), l’un des meilleurs polars de cet auteur et un classique indémodable, et de Opération bigoudis de Ben Orton (Editions létales), la dernière aventure en date de Dari Valko qui nous surprend bien par son sujet.

Je me serai aussi bien amusé pour le billet sur Block 46 de Johana Gustavsson (Bragelonne). En faisant appel à ma fidèle chroniqueuse Suzie, nous avons réalisé un dialogue sur un roman que nous avons tous les deux lu, et aimé, un roman passionnant parce qu’écrit avec passion.

Pour les autres chroniques, elles concernent toutes des romans français et balaient une large palette de genres. Un temps de chien de Pascal Jahouen (Lajouanie) est un roman drôle, humoristique qui penche vers du cynisme. Jour de colère de Diego Arrabal (Arcane 17) est plutôt à classer dans les romans policiers, bien que son sujet me pousse à le classer dans les romans noirs. Son évocation des enfants volés du Franquisme m’a touché. Le pacte des innocentes de Valérie Saubade (Anne Carrière) est quant à lui un pur roman policier, un peu comme aurait pu le faire la grande Agatha, un roman aux accents british passionnant. Violences d’état de André Fortin (Jigal) est un roman important qui flirte avec les magouilles politiques dans lequel j’ai adoré sa précision et son rythme infernal. Cécile et le monsieur d’à coté de Philippe Setbon (Editions du Caïman) est un roman simple qui démontre qu’avec de la créativité, on peut écrire un roman génial sur les petites gens.

Le titre de chouchou du mois revient donc à Mala Vida de Marc Fernandez (Préludes), qui reprend aussi le thème des enfants volés du Franquisme en prenant un personnage de journaliste fascinant et qui nous livre une intrigue qui va à cent à l’heure. C’est un roman que j’ai adoré, qui m’a passionné aussi bien dans sa forme que dans son fond.

Je vous donne rendez vous le mois prochain. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Opération bigoudis de Ben Orton (Editions létales)

Voici la cinquième aventure de Dari Valko. Dans ce roman, Bon Orton décide de nous surprendre …

Quatrième de couverture :

Tsé, nous autres au Québec on a un dicton qui fait : quand le caribou est en rut, va pas couper du bois seul dans la forêt ! ». Ça veut dire cherche pas les ennuis, l’ami. Et moi, on peut pas dire que je les cherchais, les ennuis, câline : je suis coiffeur pour dames. Mais qu’est-ce tu veux, quand ça pète une coche ben raide, t’peux rien faire. Pi ça fait que c’est pas d’la neige qu’est tombée mais bel et ben d’la marde. Et c’est tombé d’un coup, même pas le temps de mettre l’anorak ! Alors, heureusement que pour m’aider, j’ai pu compter sur ma femme, parce que niveau secours, c’tait l’grand Nord ! En plus, tu sais-tu pas la meilleure ? Un gang de requins marteaux-piqueurs tournait autour de mon bungalow pour en faire un parc de stationnement. J’te niaise pas !

Et l’sirop d’érable su’l’pancake, c’est qu’toute c’t’affaire s’est conclue d’une façon qu’est pas disable, complètement fou raide !

Tabarnouche !

Mon avis :

Ben Orton décide de nous surprendre et pour autant ne change pas son style. Le personnage principal de ce roman s’appelle Jimmy Lafleur. Il est coiffeur pour dames et prépare un concours international de bigoudis. Il est en ménage avec une belle Eurasienne qui est propriétaire de l’immeuble, situé au dessus du salon de coiffure.

Vous me direz qu’il ne s’agit pas d’un polar. Pas faux ! Quoique … de sombres hommes d’affaires sont intéressés pour acheter à bas prix l’immeuble pour le raser et construire un clapier à bobos.

Une nouvelle fois, l’humour fait rage dans ce livre avec les mêmes ingrédients que dans les précédents romans. L’auteur interpelle le lecteur, comme s’il lui racontait son histoire, fait des remarques bien vues et n’hésite pas à utiliser l’humour pour nous divertir. De nombreuses scènes se passent dans le salon de coiffure, et on a droit à des scènes vaudevillesques hilarantes.

Mais où est Dari dans cette affaire ? Il vous faudra attendre la toute fin du roman pour le savoir. Et toutes les hypothèses que vous aurez faites lors de votre lecture se révéleront fausses. Voilà un bon divertissement qui vous permettra de découvrir cet auteur que j’aime beaucoup … si vous ne le connaissez pas déjà ! Et malgré le format court du roman, les personnages sont bien présents et les scènes drôles s’enchainent sans temps mort.

A noter que pour les fêtes, les éditions létales sortent les quatre premières aventures de Dari Valko au prix de 29,90€ avec les frais de port à 1€. Une bonne idée de cadeau.

http://www.leseditionsletales.com/crbst_9.html

A noter l’avis de Bob polar ici : http://bobpolarexpress.over-blog.com/2015/11/au-bonheur-des-dames.html

Cécile et le monsieur d’à coté de Philippe Setbon (Editions du Caïman)

L’une des dernières sorties des éditions Caïman porte un nom à rallonge, alors que c’est un petit roman de 130 pages. Et vu l’énorme plaisir que j’ai pris à le lire, on se demande pourquoi écrire des pavés de 500 – 600 pages alors qu’une bonne histoire peut tenir dans un format si court. A découvrir …

Cécile débarque dans son nouvel appartement, et rencontre son voisin, un vieux monsieur qui prononce les mots en les mâchant. Servais Marcuse l’accueille avec bonhommie et bien que Cécile ne le connaisse pas, elle a de la sympathie pour lui. Le vieux monsieur décide de sortir de chez lui quand elle arrive avec ses affaires, aidée en cela par ses deux amis Pierre et Jean-Pierre. Quand il est l’heure de manger, il l’invite à manger un bout et les deux amis, qui sont plus méfiants, préfèrent dégotter un petit troquet à coté. Bizarrement, Cécile accepte la proposition du vieux monsieur.

Chez lui, tout est bien rangé. Même Fiona n’est pas encombrante. Fiona, c’est la chatte de Servais Marcuse. Cela rappelle de bons souvenirs à Cécile : elle avait un chat aussi. Mais elle l’a laissé chez son petit ami Bruce. Le vieux monsieur est vite pris par la colère, la haine envers Bruce. Alors, il va aider Cécile à récupérer son chat … puis petit à petit à résoudre ses petits problèmes quotidiens.

Qui ne s’est jamais posé de questions sur son voisin ? Qui ne s’est jamais étonné des réactions de gens que l’on côtoie tous les jours ? Le principe de base de ce roman est d’une simplicité confondante et peut ouvrir sur tous les débouchés possibles et imaginables. Je m’explique : Partez du principe qu’une jeune femme emménage dans un appartement et rencontre son nouveau voisin, un vieux monsieur. Je suis certain qu’avec une idée pareille, il y aurait autant de romans que d’auteurs.

Finalement, on en viendrait à penser que les idées les plus simples sont les meilleures. Peut-être… En tous cas, le fait d’implanter son roman dans notre quotidien fait que l’on entre immédiatement dans le sujet et que l’on s’identifie rapidement aux acteurs de cette intrigue. Et ça marche d’autant mieux que l’on n’a pas droit à une psychologie lourdingue mais plutôt à des chapitres courts et un style simple.

L’auteur nous balade donc avec des rebondissements incessants, grâce surtout à une imagination débordante, n’hésitant pas à nous faire croire qu’un vieux monsieur qui marche à l’aide d’une canne arrive à se perpétrer des actions hautement condamnables. Et le lecteur que je suis marche à fond dans cette intrigue, court comme un malade pour savoir comment cela peut bien se terminer. Car comme c’est écrit avec un humour légèrement décalé, on est prêt à le suivre au bout du monde … du moins jusqu’à la fin du roman.

Vous l’aurez compris, c’est un excellent petit polar, et comme il est marqué sur la couverture que c’est le premier tome d’un triptyque nommé Les trois visages de la vengeance, je ne peux que vous conseiller de vous procurer ce roman avant la sortie du deuxième.

D’ailleurs, il vaut mieux vous le procurer directement chez l’éditeur dont je vous donne ici suite à ses problèmes avec son distributeur.

Ne ratez pas l’avis de Quatre Sans Quatre

Violence d’état de André Blanc (Jigal)

Un jour ou l’autre, nos chemins se seraient croisés, entre André Blanc et moi-même. A force de lire du bien de ses polars, à force de lire les quatrièmes de couverture qui me parlent, il était obligé que j’ouvre un de ses romans. Après être passé au travers de ses deux précédents (mais ce n’est que partie remise) que sont Farel et Tortuga’s bank, voici donc le troisième opus des enquêtes de Farel.

C’est un accident de la route comme un autre. Ça aurait pu passer inaperçu, mais les hasards de la vie font que de petits événements ont des conséquences qui peuvent être lourdes. Dans l’explosion de la citerne pleine de carburant sur le périphérique de Lyon, dix morts sont à déplorer, dont les quatre occupants du corbillard qui suivait le camion. Sauf que dans ce corbillard, il n’y avait pas de corps dans le cercueil, mais des armes et de la drogue. Le commandant Farel et son adjoint Lucchini sont appelés sur place.

Lors du débriefing du matin, Jimmy Liergal, le petit nouveau, expert en informatique, détaille le trajet du fourgon mortuaire grâce à l’exploitation des cameras. Celui-ci est identifié au péage de Vienne. Après avoir fait une pause à Bron, où ils rencontrent des complices, ils se retirent de l’argent puis s’échangent deux sacs lourds. L’analyse des dents des morts donnent des identités : Joseph Corbin, ancien militaire et actuellement connu comme mercenaire et Igor Strabine, connu des services de police et fils de Jean Strabine, dit le traqueur, redoutable assassin. Le véhicule appartient aux Pompes Funèbres Méditerranéennes, dirigées par Lazar Varlamov d’origine russe. Avec ces quelques indices, le commandant Farel et la juge Fournier vont mettre à jour un montage financier qui dépasse l’entendement.

Si je donne autant de détails sur le début du roman, c’est pour mettre en valeur plusieurs choses qui sont, à mon avis, les qualités dont fait montre cet auteur :

Premièrement, l’enquête regorge de détails, et tout est remarquablement réaliste. Des différents services de police aux moyens d’investigation mis en œuvre, tout cela confère à une immersion totale dans le service du commandant Farel et on a donc énormément de plaisir à être plongé au cœur de l’action.

Deuxièmement, ça va vite. Imaginez que mon résumé ne fait que balayer les trente premières pages. C’est vous dire comme de nombreuses choses se passent et que le rythme est soutenu du début à la fin.

Troisièmement, cette écriture est tout bonnement diabolique. Les dialogues sont succincts et formidablement prenants, les descriptions ne dépassent pas quelques lignes. Tout est dosé, millimétré. C’est du pur régal.

Quatrièmement, les personnages qui peuvent paraitre caricaturaux (ce sont des justiciers modernes, incorruptibles, sortes de chevaliers sans peur et sans reproche) sont passionnants, car André Blanc nous les montre dans leur simplicité, sans en rajouter sur leurs failles ou leurs peurs.

Enfin, le sujet est tout bonnement effarant. Gageons que tout ceci n’est que de la fiction … mais quand même ! Sur les milliards que brasse un pays, combien (de milliards) passent inaperçus dans la poche de l’un ou de l’autre … ou d’un pays à l’autre.

Si le but de l’auteur n’est pas de marteler que tous nos politiques sont pourris, j’y vois en tous cas une volonté d’ouvrir les yeux du lecteur, qu’il arrête de croire ce qu’on lui serine au journal télévisé pour essayer de comprendre ce qu’il y a derrière les décors de papier que l’on veut nous faire prendre pour des ors.

En cela, ce roman est extraordinaire, c’est une formidable réussite. Et je dois bien dire que dans ce genre là, Violence d’état est un roman intelligent, passionnant et que vous vous devez de le lire … pour découvrir un pan caché et inavoué des scandales de la république. Violence d’état est un roman important, qui vous fait prendre conscience de votre état de citoyen. Et un citoyen a pour devoir de juger ses représentants sur ce qu’ils font.

Vous trouverez les différents avis sur ce roman sur le site des éditions Jigal

King Suckerman de George Pelecanos (Points)

Aux dire des experts pelecanosiens, King Suckerman est le meilleur roman de cet auteur, et chacun de ses romans se propose de montrer un aspect de la ville de Washington. Ici, nous faisons un retour en arrière, dans les années 70, quand la ville était à 80% noire. Ce roman est le premier d’un quartet, qui comporte Un nommé Peter Karras (qui se situe avant celui-ci), puis Suave comme l’éternité et Funky guns.

Nous sommes en 1976, à quelques jours des célébrations du bicentenaire de L’indépendance américaine. Wilton Cooper est un tueur à gages noir. Il est venu assister au Drive-in à son film favori : L’exécuteur noir, un film qu’il adore car il représente tellement ce qu’il est, lui. Au moment de la scène finale, il voit un jeune homme blanc qui entre dans la cabine du projecteur. Il reproduit les dialogues du film en tuant le projectionniste de plusieurs balles. Wilton Cooper va prendre sous son aile le jeune Bobby Roy Clagget.

Marcus Clay est un disquaire noir. C’est un ancien soldat revenu du Vietnam, mais il préfère ne jamais en parler. Il s’est pris d’affection pour le jeune Dimitri Karras, qui est élevé par sa mère, et avec qui il joue au basket. Dimitri sèche les cours, ne fait rien de ses journées et deale un peu de drogue.

Eddie Marchetti, surnommé Eddie Spaghetti, est à la tête du traffic de drogue à Washington, depuis que la Famille lui a demandé de quitter le New Jersey. Il attend la visite de Cooper qui doit lui proposer d’éliminer un gang de motards qui vend de la drogue, et celle d’un nommé Karras qui veut acheter une livre de dope.

Quand Dimitri débarque avec Clay chez Eddie Marchetti, Cooper est là avec Bobby Roy. La rencontre est sous haute tension, car il parle mal à Vivian et Dimitri ne l’accepte pas. Dimitri flanque un coup de poing à Eddie et les flingues sortent. Tout le monde se tient en joue. Et Clay ne sait pas pourquoi il fait cela, mais il prend l’argent, en même temps que la drogue. Dimitri et Clay repartent avec Vivian … Leur vie va se résumer à une question de survie.

Nous allons donc suivre l’itinéraire des deux groupes de personnes : d’un coté, la course sanglante de Cooper, avec son acolyte Bobby Roy, sorte de jeune homme cinglé et psychopathe. De l’autre Dimitri et Clay qui savent qu’une rencontre est incontournable, qu’il ne peuvent rien contre cela … jusqu’à ce que cela devienne une obligation pour stopper la série de massacres.

Outre la structure qui est plutôt classique et qui alterne entre les différents personnages, ce qui est remarquable dans ce roman, c’est la peinture du Washington des années 70, avec ces petits détails qui nous plongent dans les décors d’alors, avec cette bande son impeccable. On y trouve aussi ce combat des noirs pour exister, ce besoin d’être reconnu d’égal à égal avec les blancs. Le personnage de Cooper est d’ailleurs annonciateur de ce qui va arriver à la société américaine, puisque c’est un noir qui manipule et utilise un blanc.

Et puis, on retrouve les thèmes chers à l’auteur tels que l’amitié, la loyauté, la justice. Mais ce que Pelecanos a voulu mettre en avant, c’est cette époque charnière où dans une ville à 80% noire, la révolte gronde. Les films de la Blaxploitation montrent l’exemple à suivre, et donnent un espoir aux défavorisés d’accéder à une vie décente. Il n’y a jamais de volonté de dénoncer de la part de Pelecanos, juste de raconter à travers une histoire formidablement bien maitrisée les changements de la société américaine à venir. Superbe !

Le pacte des innocentes de Valérie Saubade (Anne Carrière)

J’ai la chance de pouvoir lire des polars de tous horizons et tout style. Comme je ne cantonne pas à un genre, cela me permet d’alterner et de découvrir des auteurs que je n’aurais jamais eu l’idée de lire. A l’origine de cette envie d’ouvrir ce livre, il y a tout d’abord la couverture … magnifique. Ensuite, il y a le billet de l’ami Claude grâce auquel je me suis dit : « Chiche, chouette, un pur roman policier ». Enfin, il faut que je remercie Olivia qui a pensé à moi … et qui se reconnaitra.

Ce roman si situe dans la campagne anglaise, plus exactement à Blewbury, un petit village tranquille de l’Oxfordshire. C’est pour cette raison que l’on peut se demander pourquoi, tout d’un coup, des événements vont secouer cette vie paisible et faire office de cataclysme.

Tout d’abord, ce sont des lettres de menace, presque de chantage, qui sont envoyées au maire et à ses adjoints. Ces lettres citent, pour chacune d’entre elles, une date et une citation religieuse, qu’elle soit issue de la bible, des évangiles ou bien de l’Apocalypse. Ensuite, c’est un meurtre que l’on déplore au domaine de Key Fields, la luxueuse maison de retraite du village. D’ailleurs, pour y entrer, il faut montrer patte blanche, entendez par là être doté d’une certaine richesse et d’une santé convenable, de façon à ce que la propriétaire du domaine ne soit pas embêtée.

Au poste de police local, bien peu équipé pour ce genre d’enquêtes, c’est l’inspecteur Reeves qui dirige les affaires, secondé par McHaggis. D’ailleurs, c’est une petite jeune qui débarque dans ce capharnaüm, en la personne de Karen Stanner. Cette dernière essaie d’ailleurs de faire bonne figure, mais manque sérieusement de confiance en elle.

Par moments, cela fait du bien de changer de type de lecture, de se sortir la tête des thrillers, d’éviter les romans noirs pour revenir à une lecture plus simple telle qu’un roman policier. C’est le genre qu’a choisi Valérie Saubade, en respectant à la lettre les codes et en ajoutant sa patte à une histoire qui aurait pu se limiter à la résolution d’un meurtre.

Valérie Saubade a choisi de situer son intrigue en Grande Bretagne, et en particulier en pleine campagne. Et pour cela, elle a mis au diapason son style, qui est très propre, très british, à un tel point qu’à un moment je suis allé voir la biographie de l’auteure. Je dois avouer que se laisser bercer au rythme d’une campagne éloignée de toute ville et de bruits des routes, cela fait un bien fou. Et je n’ai pas honte à dire que j’ai eu le même plaisir avec cette lecture que quand je lisais des romans d’Agatha Christie.

Car outre une intrigue fort bien construite, les personnages qui font vivre ces pages sont vivants et ont chacun leurs problèmes personnels. D’ailleurs, Valérie Saubade a choisi une forme certes simple mais efficace, puisqu’elle passe en revue à chaque fin de chapitre la vie personnelle de chacun d’eux. Cela nous permet aussi de les comprendre au-delà de leurs réactions professionnelles et de les apprécier. On suivra donc l’inspecteur Reeves qui doit accueillir son père chez lui, puisqu’il est atteint de sénilité douce ; On adorera les affres de McHaggis dont la femme vient de partir avec les enfants et qui demande conseil à un ancien collègue divorcé. On aura de la compassion pour la jeune Karen enfermée dans sa timidité et être obligée de se répéter qu’elle va y arriver.

Vous l’aurez compris, sous sa couverture fantastiquement subtile aux tons verts fleurant bon la nostalgie, vous trouverez un excellent roman policier qui n’a rien à envier aux grands auteurs du genre.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude ici

Jour de colère de Diego Arrabal (Arcane 17)

Alors que cela fait 40 ans que Franco est mort, de nombreux polars reviennent sur l’histoire de l’Espagne, et ses moments les plus noirs. Ce roman revient sur les enfants volés du franquisme, et j’ai eu l’occasion de lire deux romans à ce sujet, et si le fond et le contexte étaient les mêmes, la forme en était bien différente. Il y a eu L’hiver des enfants volés de Maurice Gouiran (Jigal) qui était un polar dur. Il y eut Mala Vida de Marc Fernandez (Préludes) qui était un polar rythmé. Voici Jour de colère de Diego Arrabal (Arcane 17) qui est un pur roman policier.

Nancy, novembre 2003. L’assemblée générale de la congrégation religieuse Les Filles de la Charité de Saint Lazare a lieu l’hôtel Park Inn. Au petit déjeuner, le père Eduardo Carril s’inquiète de l’absence de sor Lucía de Fatima et sor María del Carmen. Il demande à sor Juana d’aller voir dans leur chambre si elles ne sont pas souffrantes. Dix minutes plus tard, la nouvelle tombe : les deux sœurs sont mortes dans leur lit.

Le commissaire Ney débarque peu après. Connu et apprécié de ses collègues, c’est un policier foncièrement honnête et doté d’un sens de la logique remarquable. Quand il entre dans la chambre des deux sœurs, il les découvre allongées dans leur lit et une poupée dont on a détruit le visage dort à coté de chacune d’elles. Le fait qu’elles aient été étranglées confirme la thèse du meurtre.

Le commissaire Ney, à cause de la nationalité des deux sœurs, va fouiller la psychologie des deux sœurs, qui s’avéraient extrêmement sévères envers tout manquement. Il pense tout de suite à des relations avec leur passé en Espagne. Il s’avère d’ailleurs que les deux sœurs ont été infirmières par le passé. A-t-on affaire à une vengeance ? Le mystère à résoudre si tue bien au niveau du mobile du meurtrier.

Comme je l’ai dit en introduction, la forme de ce roman policier est bien différente des deux précédents romans que j’ai pu lire sur le même sujet. Et dès les premières lignes, ce qui frappe, c’est la beauté de la langue employée. On a affaire ici à une écriture inspirée, simple mais remarquable. Les pages présentant la ville de Nancy sont, de ce point-de-vue là, très imagées et très justes.

La deuxième chose que j’ai particulièrement apprécié, c’est ce personnage de policier. C’est un enquêteur à l’ancienne, qui est très brillant dans ses interrogatoires, et qui est capable de déduire la psychologie de la personne qu’il a en face de lui. Par conséquent, l’enquête avance beaucoup grâce aux nombreux dialogues, qui sont fort bien faits et qui laissent la part belle au lecteur quant aux réactions des gens interrogés.

La troisième chose que je voulais signaler, c’est l’extrême rigueur de l’intrigue. On se rend compte en avançant dans le livre, que l’auteur a mis beaucoup d’application dans le cheminement de son histoire. C’est le genre de roman où l’on ne trouvera pas d’incohérence ou d’indice tombé du ciel. Et c’est extrêmement plaisant de se laisser guider, mais aussi d’avancer au même rythme que le commissaire Ney sans que l’on ait l’impression que l’auteur nous cache des choses.

Ne croyez pas pour autant que ce roman est dépourvu d’action. Le commissaire Ney va être amené à aller en Espagne pour résoudre son enquête et nous aurons droit à quelques scènes qui, si elles ne sont pas impressionnantes, sont d’une belle efficacité. Et puis, il a ce chapitre 9, pierre angulaire du roman, qui détaille tout ce trafic d’enfants horrible, qui se fait sous forme de dialogue, et qui est écrit sans émotions, de façon très journalistique et qui n’en est que plus révoltant. Rien que pour ce passage là, il faut lire ce livre, remarquable à bien des égards.

Ne ratez pas l’avis de l’ami Claude

Ne meurs pas sans moi de Suzanne Stock (Points)

Je profite de la sortie de ce roman en format de poche pour dépoussiérer un billet que j’avais écrit quand ce roman est sorti en grand format.

Sandra Denison est une jeune avocate, que l’on peut appeler une sucess-woman. Elle vit sa vie au présent, collectionnant les succès professionnels et personnels. Le patron du cabinet où elle travaille, Kyle Hartmann, lui propose une promotion et d’intégrer le conseil d’administration. Mais ils n’auront pas l’occasion d’en parler avant lundi !

Suite à cette nouvelle, Sandra décide de fêter ça avec son collègue et amant Mark Stanton. Quand elle lui propose une soirée, il décline, étant déjà pris et ayant peur que sa femme se doute de quelque chose. Alors, elle se retourne vers son amie de toujours, Claire Jenkins. Elles fêteront cela avec des bouteilles de champagne.

Petit à petit, Sandra va se sentir oppressée par une silhouette noire, avec des yeux rouges. Emportée par l’alcool, son environnement va devenir brouillardeux. Des flashbacks vont lui rappeler son enfance, quand elle était maltraitée par sa mère, son père toujours présent et aimant et ce drame quand sa maison a pris feu avec le corps de sa mère à l’intérieur. Quand Sandra trouve le téléphone portable de Claire qu’elle a oublié, son esprit va totalement disjoncter. Que cache donc Sandra dans les replis de son esprit ?

Le roman est divisé en deux parties très différentes entre elles, comme on fait un puzzle. Dans L’appel du vide, Suzanne Stock étale les pièces du puzzle ; Dans La furie, elle les met en place pour nous montrer la qualité de son intrigue. Si la première partie oscille entre les personnages, entre les passages dans le présent et le passé, la deuxième partie est plus linéaire et classique dans son déroulement.

Dans L’appel du vide, tout est fait pour que le lecteur se sente mal. Toutes les descriptions sont centrées sur les petits détails de la vie, et les sentiments de Sandra. Et surtout, l’ambiance se retrouve vite mise à mal par des passages dignes d’un film d’horreur, avec des scènes visuelles pleines de sang et d’angoisse. Si l’alternance entre les différents personnages risque un peu de perdre un peu le lecteur, les scènes d’horreur sont terriblement réussies.

Dans La furie, le personnage principal devient Josh, le père de Sandra et la mécanique se met en place. Et là aussi, en tant qu’habitué des polars, je me suis un peu douté du dénouement, mais la construction m’a paru fort bien faite … Jusqu’à un épilogue qui nous montre que l’on n’a pas rêvé ce cauchemar.

Ce premier roman, sans être exempt de défauts, montre en tous cas une auteure qui est capable de faire frémir le lecteur avec des scènes dignes des films d’horreur. Le style est imagé et j’aurais juste aimé que les paragraphes soient un peu moins longs, plus aérés pour faciliter la lecture. Il n’en reste pas moins que c’est un roman fort prometteur avec quelques scènes tout bonnement ahurissantes. A découvrir.

Dites Mme Stock, c’est pour quand le deuxième ?

Mala Vida de Marc Fernandez (Préludes)

Avec un titre qui rappelle les meilleurs moments de la Mano Negra, avec un sujet qui rappelle les pires moments de l’histoire espagnole, Marc Fernandez, avec ce premier titre en solo nous offre un pur polar d’action. Remarquable !

L’Espagne semble avoir oublié les sombres années du Franquisme. Le peuple a massivement voté pour l’Alliance pour la Majorité Populaire. Paco Gomez, un jeune conseiller municipal AMP de 36 ans, rejoint sa voiture après une soirée électorale de fête. Une jeune femme le suit, s’approche, et lui tire une balle dans la tête.

Diego Martin est prêt à lancer son émission radiophonique hebdomadaire, « Ondes confidentielles », sur Radio Uno. Après une dernière clope, il se lance : « Amis du noir, bonsoir ». Son émission concerne la justice en général, et les affaires judiciaires. Ce soir, il diffusera un reportage sur le LAPD. Lors de son émission intervient aussi le procureur X, qui vient parler d’affaires criminelles contemporaines. Son émission est devenue incontournable, tant elle a révélé d’innombrables scandales. La force de l’émission de Diego, c’est qu’il est le seul à maitriser son contenu.

Six mois plus tard, Isabel Ferrer, une avocate d’une quarantaine d’années, débarque à Madrid en provenance de Paris. Elle a tout laissé tomber pour se mettre au service d’une association des enfants volés du Franquisme. Elle organise une conférence de presse, annonçant qu’elle détient des preuves de plusieurs dizaines d’enfants disparus.

Et pendant ce temps, le deuxième meurtre d’un éminent et richissime industriel Pedro de la Vega survient dans la rue, celui ayant été assassiné d’une balle dans la tête.

Dès les premières lignes de ce roman, on est pris par le rythme de la narration, du style de l’auteur. Marc Fernandez nous prend à la gorge avec ses phrases courtes, et insuffle un rythme effréné pour ce polar dans la plus pure tradition du genre. D’ailleurs, ils sont peu nombreux les romans à me plonger dans leur intrigue de cette façon. Que je vous raconte : je marchais pour rejoindre l’arrêt de mon bus et pour cela je dois longer une voie réservée aux bus. J’étais tellement pris par la lecture que je n’ai pas entendu le bus arriver et je ne me suis rendu compte qu’il était là que quand je suis arrivé à sa hauteur … et qu’il démarrait.

Marc Fernandez a de toute évidence pris un sujet qui lui tient à cœur, a muri ce roman pour nous livrer un polar extraordinaire, avec des personnages forts, un contexte grave et une intrigue en béton. Chacun des trois personnages principaux ont leurs failles : Diego qui a perdu sa femme quand il a fait un reportage sur les trafiquants de drogue, le juge Ponce (le fameux procureur X) qui voue sa vie à la justice, et Ana Duran enquêtrice douée et transsexuelle d’origine argentine. On y croit, on est à fond derrière eux, et on court à en perdre haleine.

Pour un premier roman, c’est une formidable réussite, un formidable moment de lecture, dont le rythme ne baisse pas du début à la fin. Car ça aussi, c’est très fort. Marc Fernandez arrive à nous tenir le rythme tout au long des 280 pages que comporte ce roman, et que vous ne verrez pas passer. Il y a bien un ou deux passages qui manque de réalisme mais franchement, ce n’est rien par rapport à ce formidable moment passé en compagnie de Diego et ses amis.

On peut se demander alors comment ce roman peut se terminer. S’il s’était terminé bien, on le lui aurait reproché. S’il s’était terminé mal, on le lui aurait reproché. Finalement, trouver une fin entre les deux est une excellente trouvaille et transforme ce coup d’essai en coup de maitre. Vous l’aurez compris, j’ai adoré ! J’espère que vous l’adorerez aussi ! ça s’appelle Mala Vida et c’est définitivement à ne pas rater.