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Six versions : les orphelins du Mont Scarclaw de Matt Wesolowski

Editeur : Les Arènes – Equinox

Traducteur : Antoine Chainas

Auréolé de nombreux avis très positifs, je voulais me faire ma propre opinion de ce roman qui est annoncé comme un renouveau dans le monde du thriller. Très bonne pioche !

Les faits : En août 1996, Tom Jeffries, un adolescent de 15 ans, disparait lors d’un séjour dans un camp de vacances dans les Monts Scarclaw en Ecosse. Malgré les recherches organisées, personne ne le retrouve. Un an plus tard, son corps est retrouvé de l’autre côté du Mont Scarclaw immergé dans un marécage. L’enquête finit par conclure à un accident. Vingt ans plus tard, Scott King anime une émission à base de podcast et propose de revenir sur des « cold cases », construite en six épisodes.

Scott King va donc construire ses émissions en interviewant pour chaque podcast un personnage ayant été impliqué de près ou de loin dans cette disparition. Il commence par le nouveau propriétaire des lieux puisque les Monts Scarclaw ont été rachetés par la famille Saint Clément-Ramsay. Puis il aura comme invité l’organisateur du camp de vacances M.Derek Bickers.

Puis viendront Haris Novak, « l’idiot du village », un homme habitant Belkeld, un village voisin, avant de discuter avec les quatre adolescents, Eva Bickers la fille de Derek, Charlie Armstrong, Anyu Kekkonen, Brian Mings qui l’ont côtoyé pour mieux comprendre comment ce groupe de copains fonctionnait. Et puis rôde sur ces adolescents l’ombre d’une créature malfaisante légendaire, Nanna Varech.

Quelque soit l’avis que l’on peut trouver sur le Net, on y trouvera souligné le fait que la construction est originale. Effectivement, il faut reconnaitre que la présentation de cette intrigue / enquête est inédite et divise donc le roman en six chapitres, un par intervenant. Le choix de les présenter dans cet ordre est minutieusement choisi pour à la fois lever petit à petit le mystère mais aussi de dévoiler le contexte et surtout l’environnement et les événements ayant précédé la disparition de Tom Jeffries.

Mais il n’y a pas que cela. L’auteur est remarquablement doué pour présenter ses chapitres comme un podcast et on y croit vraiment. On peut y ajouter ce qui pour moi est la grosse qualité de ce roman l’aspect psychologique des interviewés, que Matt Wesolowski dévoile lentement à travers les entretiens. L’auteur se permet même de ne pas en faire trop et de laisser le lecteur se faire sa propre opinion sur chacun.

Car si l’on peut deviner ce qui s’est passé avant le dernier chapitre, on se retrouve tout de même surpris par les indices semés auparavant dans le roman. J’aurais juste aimé que ce dernier chapitre soit parfois un peu plus clair. Mais sinon, j’ai été époustouflé par l’aspect psychologique de ce roman dont l’intrigue se situe étonnamment à mi-chemin entre true crime et thriller psychologique.

En lisant les avis des collègues blogueurs sur le deuxième tome qui s’appelle La Tuerie McLeod, il parait qu’il est encore meilleur. Il y a donc de fortes chances qu’on en parle ici dans un futur proche.

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La dernière maison avant les bois de Catriona Ward

Editeur : Sonatine

Traducteur : Pierre Szczeciner

Accompagné de nombreux éloges mais aussi d’avis contraires, il semblerait que ce roman attise les avis du Net. Je le confirme, il faut se laisser mener par Catriona Ward pour atteindre, cent pages avant la fin, le dénouement et le Nirvana Littéraire.

Ted habite en solitaire une petite maison au fond de Needless Street. Onze années auparavant, une fillette de six ans, surnommée la petite fille à la glace au sirop a disparu proche du lac. La police a interrogé tous les habitants alentour, suivie par les journalistes. Ted fut le seul à être pris en photo, contre son opinion, et fut donc le seul à apparaitre à la Une des journaux. Les gens lui ont jeté des pierres, cassant ses fenêtres, alors il a décidé de cloitrer sa maison avec de grandes planches en bois.

Ce matin-là, sinistre anniversaire de la disparition de la fillette, Ted trouve des oiseaux collés sur le rebord de l’abreuvoir. Quelqu’un a dû apposer de la glu pour les tuer. Tout le monde sait qu’il aime les oiseaux ; les gens ont voulu l’atteindre par l’intermédiaire des oiseaux. Il ne peut rien faire pour les sauver. Par un trou percé dans une planche, il voit la dame au chihuahua ; il est sûr qu’elle le surveille. Il préfère jouer avec sa fille Lauren.

Olivia, son chat, saute sur ses genoux pour avoir son lot de caresses. Olivia confie ses pensées, en léchant sa patte qui lui fait mal. Pour elle, tous les hommes sont des teds. Elle se rappelle comment Ted l’a sauvée en la trouvant dans un fossé. Depuis, elle habite dans un congélateur où Ted a percé des trous pour respirer. Elle regarde dehors en espérant voir un chat passer dans la rue.

Onze ans auparavant, Dee passait de belles vacances au bord du lac avec ses parents et sa jeune sœur Lulu. Jeune adolescente, ça l’énervait d’être suivie par Lulu ; elle aurait préféré rencontrer des garçons ! Alors qu’elle doit aller aux toilettes, elle en oublie sa sœur. En sortant, il faut bien se rendre à l’évidence qu’elle a disparu. Depuis ce jour-là, Dee cherche sa sœur, jusqu’à venir louer une maison dans Needless Street.

Ma foi, je pense que ce roman est et restera le roman le plus étrange que j’aurais lu cette année. Dès le début, on a droit à des fautes de conjugaison avant que Ted explique qu’il a toujours eu du mal avec les verbes. Quand il explique la mésentente qu’il subit, le harcèlement des voisins, il en devient poignant, puis on trouve des éléments perturbants qui ne « collent » pas avec ce qu’il disait.

Le principe est expliqué dans ces premiers chapitres : tout ce que vous croyez lire, ce que vous croyez voir n’est que le prisme de votre interprétation. Car après Ted, Olivia, un chat qui parle, va nous expliquer sa vie, et sa vision de son environnement. Puis entrent en jeu Dee la seule personne saine et Lauren qui nous décrit ses peurs.

La construction, basée sur celle d’un roman choral, fait tout pour nous déstabiliser. La trame est plus ou moins linéaire, avec quelques retours sur le passé, mais les faits décrits ne nous aident pas à comprendre où l’auteure veut en venir. Je me suis demandé si je devais continuer ou arrêter ma lecture, mais j’ai persévéré car je ne pouvais pas comprendre que des blogueurs que je suis (dont Yvan) aient encensé ce roman s’il ne présentait pas un quelconque intérêt.

Il faudra arriver aux cent dernières pages (sur quatre cents) pour avoir un gigantesque chamboulement qui va faire voler en éclat tout ce que nous avions cru comprendre de cette situation. Et du coup, comme dirait mon fils, nos croyances vont exploser ; ce que j’avais pris pour des longueurs se révèlent justifiées par les indices parsemés de-ci de-là. Et la postface de l’auteure nous éclaire à la fois sur ce qu’elle a voulu montrer et sur ce qu’elle a voulu construire. Alors, vous voilà prévenus, si vous voulez un roman surprenant, extraordinaire et que vous êtes patients, La dernière maison avant les bois est fait pour vous. Je peux juste ajouter que la fin en vaut le coup !

Sur un arbre perché de Gérard Saryan

Editeur : Taurnada

Cette année 2023 va décidément se positionner sous le signe de la découverte. Sur un arbre perché n’est pas le premier roman de l’auteur mais son deuxième après Prison Bank Water. Une bien belle découverte en ce qui me concerne.

Guillaume a refait sa vie avec Alice après un divorce sans anicroches. Il veut profiter d’avoir la garde de ses deux enfants Barbara et Dimitri pour s’offrir un week-end à Paris. Guillaume étant sur Paris, Alice embarque donc les deux enfants dans le TGV. Elle connait sa première frayeur quand Barbara disparait de sa place soi-disant parce que son voisin ronfle. Son statut de femme enceinte l’a transformé en mère poule attentive à ses beaux-enfants.

Dans la gare de Lyon, à Paris, le foule se dirige vers la sortie à peine le TGV arrivé à quai. Des musiciens jouent sur le piano et Alice reste avec les enfants qui le suivent. Au bout d’un moment, elle s’aperçoit que le petit Dimitri ne la suit plus. Elle est prise de panique, cherche du regard, l’appelle, court dans tous les sens. Elle appelle Guillaume au téléphone qui vient d’arriver ; elle l’aperçoit de l’autre côté de la rue et traverse en courant quand un camion la renverse.

Elle se réveille à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, fourbue de douleurs. Guillaume est près d’elle n’osant lui avouer la vérité. Elle finit par comprendre qu’elle vient de perdre son bébé et que Dimitri a disparu, probablement enlevé. Aux informations, des messages font état d’enfants kidnappés dans les gares. Au-delà de son état de culpabilité, elle décide de chercher Dimitri et de retourner sur les lieux.

Ce roman se révèle une excellente surprise, autant pour son scénario que par l’écriture fluide et bigrement agréable. Grâce à ses chapitres courts, on ressent une réelle urgence, une rapidité et une tension monter en suivant les pérégrinations d’Alice. Ayant une psychologie de battante, ne s’avouant jamais vaincue, elle va vivre des aventures incroyables, menées à un rythme élevé.

Le scénario est particulièrement impressionnant, et complexe à souhait. Des souterrains de la gare de Lyon en passant par Saint Denis et les camps de nomades, de l’Albanie à la Suisse, Alice va découvrir des réseaux qu’elle n’aurait jamais imaginés. Bien qu’aveuglée par sa culpabilité, elle va creuser quitte à mettre sa santé en danger. J’ai juste regretté le passage en Albanie où des coïncidences vont la mettre sur le bon chemin trop facilement et le nombre de fois où l’auteur maltraite son héroïne. .

Par contre, quand on croit en avoir fini avec cette histoire, la dernière partie rebat les cartes et on s’aperçoit qu’une machination que l’on n’aurait pas imaginé est à l’œuvre. Du coup, on repense aux éléments parsemés dans le livre, et à cette conclusion menée de main de maitre. Pour un deuxième roman, ce roman passionnant impressionne et je ne peux que vous conseiller sa lecture.

La stratégie de l’écureuil de Serge Brussolo

Editeur : H&O éditions

Ce roman était paru en 2017 en format uniquement numérique et en deux parties, sous le titre « Le manoir de l’écureuil ». Serge Brussolo a décidé, avec les éditions H&O de nous l’offrir en format papier, retravaillé avec une introduction nous présentant Mickie Katz.

Michelle Annabella « Mickie » Katz a connu une enfance difficile, entre un père mystérieux, disparaissant parfois pour des semaines, et une mère plus occupée par son travail d’illustratrice que par son statut de mère. Son père l’a éduquée à savoir se défendre dans les pires conditions imaginables dès son plus jeune âge. Puis, à la séparation de ses parents, elle a suivi sa mère aux Etats-Unis où elle a bénéficié d’un contrat juteux d’illustration de romans d’horreur.

A présent, elle est devenue décoratrice pour l’Agence 13. Son travail consiste à remettre en état des maisons où ont eu lieu des crimes sanglants. Sa nouvelle mission est de remettre en état le manoir de Savannah Warlock, une romancière de polars horrifiques aujourd’hui disparue, conformément aux directives de son testament. Si cela n’est pas fait, les éditions Screaming Black Cat dirigée par Benjamin Lovson perdront les droits sur les romans de cette auteure devenue culte.

Mickie va donc visiter ce véritable château situé en plein milieu du désert, aux abords d’un lac salé. Elle y découvre des pièces étranges, à l’image de leur propriétaire et une bibliothèque impressionnante. A l’extérieur, un campement s’est créé comprenant les fans de la star qui refusent de croire à sa mort, ainsi qu’un certain nombre de personnages qui sont tous à la recherche de quelque chose, mais quoi ? Et quel rapport tout ceci peut avoir à faire avec la couverture du dernier roman paru, réalisé par la mère de Mickie ?

En réalité, La stratégie de l’écureuil est le quatrième tome des aventures de Mickie, après Dortoir interdit, Ceux d’en bas, et Le chat aux yeux jaunes. Il est paru en deux parties en format numérique sous le titre du Manoir de l’écureuil et cette version a été remodelée par l’auteur pour en faire un roman à part entière. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’avoir lu les précédents tomes pour s’imprégner de l’ambiance du roman.

L’auteur a ainsi prévu de nous présenter Mickie et sa jeunesse dans un long prologue où il détaille la personnalité de son père, de sa mère et les raisons pour laquelle elle a quitté ses parents de manière irrémédiable. Ce prologue, c’est du pur plaisir ! il est juste dommage que l’on retrouve dans la première partie (Les fils de la hyène) quelques redites qui ont dû échapper à l’auteur lors de la refonte du roman.

On retrouve ici tout le talent de Serge Brussolo, cet art de créer une ambiance non pas angoissante mais étrange, brumeuse et empreinte de mystères. Et connaissant l’auteur, on ne sait jamais à quoi s’attendre ; on se retrouve désappointé quand après nous avoir présenté le cadre et les environs du manoir, il nous livre une longue lettre de la mère de Mickie au milieu du livre qui épaissit encore le mystère.

Et au fur et à mesure de ma lecture, je n’ai pas arrêté de me demander ce qu’il se passait, qui était vivant, qui était mort, et le pourquoi de tous ces protagonistes … avant que tout ne devienne clair dans un dernier chapitre de haute volée. Je vous le dis, une nouvelle fois, par sa construction originale, cette intrigue est emberlificotée à souhait et procure un plaisir jouissif. Il est juste étonnant que ce roman m’ait occasionné des cauchemars pendant une nuit, alors qu’il ne comporte aucune scène d’horreur mais juste une ambiance oppressante … signe qu’il a réussi son objectif !

Un dernier mot : La stratégie de l’écureuil consiste à cacher de la nourriture en prévision de l’hiver puis d’oublier où elle est cachée.

Wonderland Babe de Benoit Marie Lecoin

Editeur : Afitt

Depuis son entrée dans le monde du polar, sous la direction de Stanislas Petrosky, on peut s’attendre à des polars de bonne tenue. Ce Wonderland Babe mérite largement le détour, foi de Black Novel !

New York, fin des années 70. Kessy est atteinte d’albinisme ce qui pose problème dans une famille d’origine noire. Elle a subi les moqueries de ses camarades à l’école, sa famille la regardait de travers, la délaissant pour cette anomalie physique. Sa couleur blanche de peau lui a seulement servi pour ses études et pour trouver un travail, dans une société privilégiant les Blancs.

Kessy travaille donc dans un cabinet de thanatopracteur, en tant qu’assistante de Ron. Elle est sujette à des sautes d’humeur, s’autorisant même à ne venir à son poste que quand elle le veut. Obsédée par son apparence physique, elle panique quand elle aperçoit dans son miroir une ride apparaitre sur son visage. A partir ce moment-là, elle se convainc de séduire Ron.

Ron, de son côté, est prêt à passer l’éponge sur la mauvaise humeur ponctuelle ; sans vouloir se prononcer, il est tombé amoureux de cette jeune femme magnifique. Il suffit juste d’un clignement d’œil, d’un geste ouaté comme le ferait une chatte pour qu’il fonde. Ron tombe dans les filets exactement comme Kessy l’a prévu et lors d’un diner, elle lui avoue son secret : elle tue les femmes plus belles qu’elle.

Oscillant entre thriller pour le sujet et histoire d’amour fou, Benoit Marie Lecoin nous plonge au cœur de la fin des années 70 en plein New York. Il joue sur les oppositions à tous les points de vue, que ce soit Ron (meurtrier par rage) et Kessy (meurtrière par envie ou besoin), ou par la trame de l’histoire en mettant bout à bout le jour dans le cabinet et les nuits dans les boites de nuit branchées.

Adoptant un style simple, l’auteur préfère un ton minimaliste et introspectif plutôt que de s’étendre dans des dialogues sans fin. Nous avons donc droit dans la majorité du roman aux pensées des deux personnages car parler ne sert à rien, il vaut mieux agir. Aidé en cela par des scènes d’une force incroyable et d’une imagination débordante (le premier meurtre de Ron par exemple ou bien cette île glauque mais paradisiaque pour Ron et Kessy), Benoit Marie Lecoin déroule son intrigue en nous mettant mal à l’aise devant tant de naturel.

A cela s’ajoute le jeu des couleurs, dont il utilise toutes les palettes. Le ton est froid dans le cabinet lors des embaumements (dont il évite les détails gore) alors qu’il se fait chaud dans les boites de nuit colorées. L’auteur joue sur les contrastes noir / blanc, couleurs froides / chaudes pour terminer dans un noir le plus profond, que viennent rehausser les planches de dessin réalisées par Chabouté. Si ce roman m’a fasciné à la façon d’un cauchemar, il a quand même réussi à me mettre mal à l’aise sans en faire des tonnes. Surprenant !

L’illusion du mal de Piergiorgio Pulixi

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons-Reumaux

Dans L’île des âmes, nous faisions la connaissance de Mara Rais et Eva Croce, la première sarde et mutée aux affaires non élucidées et la deuxième milanaise ayant demandé sa mutation suite à la mort de sa petite fille. Autant L’île aux âmes faisait la part belle aux paysages et aux légendes de la Sardaigne, autant nous nous retrouvons dans un pur thriller qui respecte à la lettre les codes du genre. Un thriller de haut vol, 600 pages avalées en trois jours seulement.

Le verdict vient de tomber dans le procès d’un pédophile avéré et stupéfie l’assistance. Le beau-père ayant abusé de la jeune fille est acquitté parce qu’à force de faire trainer en longueur les délais d’enquête, les faits qui lui sont reprochés sont devenus prescrits. La présidence du tribunal ne peut que commencer son annonce par des excuses : « Je vous demande pardon au nom du peuple italien pour cette grave injustice dont nous avons tous conscience… »

Après avoir remercié son avocat, Daniele Truzzu rentre chez lui. A son domicile, un homme l’attend et l’endort. Plus tard, ce jour-là, une vidéo est postée sur Whatsapp. On y voit Truzzu attaché sur une chaise, les dents arrachées, la bouche ensanglantée. Puisque la justice ne peut faire son travail, le peuple devra voter sur le sort du violeur. Le ravisseur donne trois heures aux gens pour entre la vie et la mort.

Eva, en pèlerinage sur ses terres natales à Belfast, reçoit un appel de Mara. Elle doit vite revenir pour retrouver le violeur, dont les dents ont été offertes dans un sac en plastique à la victime de Truzzu, sa belle-fille. Quand la vidéo déferle sur les réseaux sociaux, tout le monde ne parle que de cela. En haut lieu, à Milan, tout le système judiciaire est sur les dents (désolé, je n’ai pas pu m’empêcher de la faire !). On dépêche sur place un excellent policier habitué aux cas difficiles, Vito Strega.

« En Italie, le meurtre vend plus que le cul. » Luana Rubicondi a commencé comme simple journaliste avant d’arriver devant les écrans pour les informations télévisées. Approchant de la cinquantaine, après un passage au télé-achat, elle a profité du regain d’intérêt pour les faits divers et créé son émission Verdict. Quand elle apprend l’existence de la video du Dentiste, elle change son programme et improvise une émission spéciale qui va mettre le feu aux poudres.

Les qualités qu’attendent les fanas du thriller peuvent se résumer en quelques mots : des personnages forts, une histoire prenante et du rythme. Ce que j’attends des thrillers, c’est une belle écriture et un thème qui permet d’élever le débat au dessus d’une simple course poursuite après un serial killer. Avec ce roman là, les fanas du genre vont être comblés et j’ai été happé, ébloui par ses qualités et les différences avec le premier roman.

On retrouve avec une joie non dissimulée nos deux inspectrices dont tous les traits de caractère sont aussi opposés que l’eau et le feu. Malgré cela, elles forment un duo imparable, implacable et redoutablement efficace. A la limite, on n’avait pas besoin de Vito Strega sauf pour les scènes finales. S’il n’est pas nécessaire d’avoir lu L’île des âmes auparavant, je vous conseille tout de même de la faire, pour deux raisons : vous appréhenderez mieux les personnalités de Mara et Eva ainsi que la Sardaigne ; et il vient de sortir au format poche.

L’histoire est implacablement menée, avec ses morts toutes les deux cent pages, le passage d’un personnage à l’autre, les dialogues qui claquent, des phrases courtes, les chapitres qui ne dépassent que rarement les quatre pages. Toutes ces qualités font que cela nous pousse à aller toujours plus loin, à vouloir connaitre la suite et ne pas le lâcher. De ce point de vue là aussi, ce roman est une grande réussite.

Enfin le sujet qui se rapproche de 7 milliards de jurés ? de Frédéric Bertin-Denis, fera forcément réagir beaucoup de gens. L’état étant le garant du progrès de la société, il est inadmissible que les budgets de la justice soient sabrés, que les procès trainent en longueur et que des coupables évidents s’en sortent avec des dessous de table ou juste un avocat doué. Piergiorgio Pulixi s’en sort remarquablement bien en abordant tous les points de vue et en cela, ce roman s’avère bigrement passionnant aussi.

Allez, je vais chipoter un peu, alors que ce thriller est réellement un excellent roman. Tout d’abord, comme je l’ai dit, le personnage de Vito Strenga n’était pas nécessaire, sauf pour la fin. Ensuite, il a tendance à insister sur le mal-être de Mara, sur la dureté d’Eva, et cela se voit, même si j’apprécie Eva. Enfin, les événements, c’est à dire chaque kidnapping, interviennent de façon un peu trop rythmé (toutes les 150 pages environ) et j’aurais aimé un peu plus de surprise. Mais au regard du plaisir que j’ai eu à le lire, je chipote.

Ne ratez pas cet excellent thriller, il en vaut largement le coup.

La maison de la pieuvre de Serge Brussolo

Editeur : H&O

De cet auteur protéiforme et prolifique que j’aurais découvert sur le tard, je me délecte de ces romans faciles à lire et toujours surprenants. Et ce dernier roman a de quoi vous surprendre. En moins de 250 pages, il nous fait passer par toutes les émotions.

Et cela commence dès le prologue, où nous nous retrouvons avec Norman en voiture. Il ramène son fils Johan à son père, l’histoire de quelques jours, le temps qu’il l’éloigne de sa femme néfaste, le temps de son divorce. Sauf que Grand’Pa Lester dirige une secte qui honnit toute modernité et lui a fait subir une éducation sévère voire violente. Quant à Grand’Ma, elle est faite du même bois. Mais Norman pense que pour quelques jours, Johan peut les supporter.

Logiquement, on s’attend à ce que Serge Brussolo revienne sur cette éducation « à la dure ». Eh bien non, nous revenons certes en arrière, mais au moment où Norman décide de fuir son père et sa mère à l’adolescence, à la suite d’une blessure qui menaçait de s’infecter mortellement. Il sera accompagné de Branton, un boxeur mal vu de la secte. Débarquant à L.A., ils ont survécu de petits boulots avant qu’il ne rencontre Wilma, une actrice manquée qu’il épousera. Wilma créant une société de films pornos, Norman n’a pas d’autre choix que d’envisager le divorce.

Et là encore, on s’attend à la bataille entre Norman et Wilma … Eh bien non ! je ne vais pas vous raconter la suite, mais on se retrouve ici avec un auteur qui joue avec nos nerfs, et qui choisit des itinéraires qui ne sont pas ceux que l’on attend. On est toujours surpris par la direction de l’intrigue et on assiste même à la fin à de beaux rebondissements même quand on croit la situation établie.

Serge Brussolo ne s’attarde pas sur les descriptions, ni sur les psychologies. Toutes les situations, tous les actes permet de décrire bien plus efficacement leur psychologie. Et en moins de 250 pages, on va visiter une sombre secte perdue au fond des bois et les bas-fonds du cinéma de Los Angeles, dans une style fluide et toujours agréable, ce qui en fait un divertissement fort agréable.

La face nord du cœur de Dolores Redondo

Editeur : Gallimard – Folio Policier

Traducteur : Anne Plantagenet

Sélectionné parmi les finalistes du trophée du meilleur roman étranger de l’Association 813, j’avais acheté ce roman à sa sortie suite à de nombreux conseils de mes collègues et amis blogueurs. Ils avaient raison !

En aout 2005, Amaia Salazar, sous-inspectrice de la police de Navarre, vient suivre une conférence au siège du FBI à Quantico. Son objectif est d’acquérir des compétences dans la détermination des profils de tueurs en série et devenir ainsi profileuse. La conférence est assurée par l’agent spécial Duprée, reconnu comme étant un génie dans les analyses de serial killers.

Lors de la présentation d’un cas réel, Amaia qui semble être d’un caractère réservé, participe activement à l’activité proposée et impressionne Duprée. En proposant une nouvelle façon d’analyser les indices, elle met en lumière une nouvelle piste potentielle. Duprée l’aborde donc lors d’une pause au restaurant et lui propose d’intégrer leur groupe d’enquête sur la chasse au tueur qu’ils vont maintenant dénommer Le Compositeur.

Ce dernier profiterait en effet des catastrophes naturelles pour s’immiscer dans des familles en détresse et d’assassiner des familles entières, composées de deux parents, trois enfants et de la grand-mère. La situation devient urgente quand on leur annonce un cyclone de niveau 1, nommé Katrina, se dirige vers la Nouvelle Orléans et va bientôt devenir un des ouragans les plus dévastateurs que les Etats-Unis ont connu.

Il ne faut pas avoir peur de se jeter à corps perdu dans ce pavé de 750 pages, tant on se retrouve rapidement emmené dans ces enquêtes menées par deux génies policiers. Et il n’est pas nécessaire d’avoir lu la trilogie de Betzan pour aborder ce prequel, qui va nous présenter la jeunesse d’Amaia, mais aussi celle de Duprée et l’obsession de ce dernier dans la recherche de jeunes filles disparues en Nouvelle Orléans.

A base d’allers-retours entre présent et passé, entre les deux personnages principaux mais aussi des autres enquêteurs du FBI, Dolores Redondo nous passionne à nous décrire la démarche utilisée, la façon d’utiliser les indices à la disposition des agents du FBI pour essayer de déterminer la psychologie du tueur, et en déduire sa façon d’opérer. On va ainsi passer plus de temps à assister à des brainstormings qu’à une course poursuite effrénée, dans la première partie.

Puis arrive l’ouragan, et le décor change pour devenir un champ de désolation, que l’auteure va nous faire vivre par les yeux d’Amaia, seule personne extérieure (car non américaine) et seule personne choquée par la façon dont les gens sont traités, ou devrais-je dire non secourus. A coté, la façon d’aborder le vaudou dans l’enquête de Duprée parait un peu pâlotte. C’est dans cette deuxième partie que l’on trouve cette phrase extrêmement explicite et que je garderai longtemps en mémoire :

« Des terroristes détruisent le World Trade Center et le pays bascule dans le malheur, mais quand une ville entière à forte population noire disparaît sous l’eau, qu’est-ce que ça peut faire ? Aurait-on trouvé normal que quatre jours après la destruction des tours jumelles l’aide ne soit toujours pas arrivée ? »

La face nord du cœur, « le lieu le plus désolé du monde », comme l’annonce Dolores Redondo en introduction, se révèle un excellent thriller, irrémédiablement bien construit et original dans sa façon d’aborder une enquête sur un serial killer. En ayant décrit les racines d’Amaia, elle nous donne envie de nous plonger dans la trilogie de Betzan qui va suivre ces événements et publiés antérieurement.

Traqués d’Adrian McKinty

Editeur : Mazarine

Traducteur : Pierre Reignier

Je connais et j’adore Adrian McKinty, surtout avec sa série de Sean Duffy. La curiosité m’a guidé dans un genre totalement différent, le thriller, avec ce roman orphelin, qui nous présente une traque sur une île australienne.

Tom Baxter profite d’une conférence en Australie pour y emmener sa famille, Heather sa femme et Olivia et Owen ses enfants. En tant qu’expert en chirurgie orthopédique, il doit faire une présentation le lundi et dispose du week-end pour visiter le pays. La mort accidentelle de sa précédente femme, atteinte de sclérose en plaque, va leur permettre de se changer les idées.

En visitant les environs, ils arrivent dans un petit port. Owen et Olivia insistent pour voir des koalas et des kangourous alors que Tom aimerait bien préparer son discours. Un homme conduisant un bac leur propose de se rendre sur une île toute proche où les enfants pourront admirer des animaux. Heather insiste pour y aller et un couple de hollandais se décide à se joindre à eux.

A bord de leur Porsche, ils débarquent sur Dutch Island, et le pilote de la barge leur conseille une petite forêt proche et leur conseille de ne pas quitter la route et surtout de ne pas déranger les autochtones. Dans un virage, Tom ne voit pas un vélo débouler de sa droite et l’écrase, tuant sur le coup la jeune cycliste. N’écoutant que leur frayeur d’être confrontés à des cinglés, ils décident de fuir. Mais les autochtones les rattrapent bientôt.

Et c’est parti pour une course poursuite qui va durer pendant 360 pages. Et c’est un sacré pari de tenir le lecteur en haleine aussi longtemps. On retrouve un thème proche du film Délivrance de John Boorman ou bien du roman Piège nuptial de Douglas Kennedy qui nous conseille fortement de se méfier des autochtones, et surtout ne pas les froisser et encore moins tuer un membre de leur famille.

De la psychologie de la famille Baxter à la description du clan de cinglés qui habite sur l’île, tout est bien fait pour nous faire passer un bon moment, et de tourner les pages sans se poser de questions. Bien peu de gens parmi les « visiteurs » vont en réchapper et Adrian McKinty va éviter les scènes sanglantes, se contentant de décrire ce que voit la famille. Bon point en ce qui me concerne.

L’auteur va placer en personnage central Heather, pièce rapportée chez les Baxter, en faire une battante issue de parents militaires et donc apte à soutenir les enfants dans ces épreuves. Car ce roman regorge de rebondissements et laisse bien peu de temps morts ce qui s’avère bien agréable. Je resterai juste plus réservé sur la fin, fortement capillotractée mais qui ne gâche pas l’impression d’ensemble, celle d’avoir passé du bon temps avec un bon roman de divertissement.

L’affaire Myosotis de Luc Chartrand

Editeur : Seuil – Cadre Noir

Sorti initialement chez Québec Amérique, L’affaire Myosotis se lance dans une deuxième vie avec une sortie en métropole. Ce roman comporte tous les ingrédients d’un bon thriller politique.

Bande de Gaza, janvier 2009. Les chars se sont massés le long du mur, les bombes pleuvent et malgré cela, Ibrahim Shalabi et ses copains jouent dans la rue. Quand un cortège de véhicules est annoncé, ils s’enfuient en sens inverse. Ibrahim a un don pour croquer des visages et quand sa famille est consignée à domicile par la police, son aptitude l’a servi. Un matin, il observe à travers la fenêtre les policiers s’en aller. Quelques minutes plus tard, un bruit envahit l’espace et la maison est réduite en cendres par un missile.

Israël, 2011. Pierre Boileau, travaillant pour le gouvernement canadien se présente à la porte d’une maison. Il cherche Paul Carpentier, son ancien élève qui est devenu son ami, et qui a abandonné sa carrière de journaliste. Rachel, l’ex-femme de Paul, ne peut le renseigner. Pierre donne ses numéros de téléphone pour que Paul le joigne rapidement. Quelques jours plus tard, le corps de Pierre Boileau est retrouvé criblé de balles.

Trois voitures déboulent à coté d’un terrain de hockey. Les policiers sont à la recherche de Paul Carpentier. Celui-ci est surpris de voir apparaitre sa chef, Sarah Steinberg, qui fait partie des Israéliens qui pensent qu’ils doivent cesser leur occupation de la Palestine. Elle lui annonce la mort de Pierre Boileau et lui demande d’enquêter, à cause de ses liens avec le gouvernement canadien. Quand Paul écoute les messages de son répondeur, il se rend compte que son ami lui a laissé plusieurs messages.  

Situé dans une zone de guerre, en pleine période difficile, l’auteur choisit la forme d’un thriller pour nous concocter une intrigue qui en respecte tous les codes. Ainsi, on y voit passer plusieurs personnages, on va voyager dans plusieurs pays, et on va assister à l’implication de plusieurs niveaux du gouvernement canadien dans le conflit israélo-palestinien.

Pourquoi canadien ? L’auteur étant canadien, il tient à nous montrer comment un gouvernement, le sien, qui a toujours soutenu la cause des palestiniens, se trouve à un tournant l’obligeant à changer sa politique étrangère. Il nous montre l’inextricable situation de cette zone, opposant les va-t-en guerre et les pacifistes à travers de nombreux points de vue et s’en tire plutôt bien.

Car écrire un roman situé dans la zone d’occupation sans être ni dans un camp ni historien factuel est une sacrée gageure. Luc Chartrand nous offre donc un thriller de bon niveau, avec des chapitres courts, une plume agréable, une enquête linéaire en y insérant quelques événements ou situations intéressantes, auquel il m’aura manqué ce petit soupçon d’émotion qui en aurait fait un thriller de haut niveau.