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Eden, l’affaire Rockwell de Christophe Penalan

Editeur : Viviane Hamy

Cela faisait un petit moment que je n’avais pas lu un premier roman, qui plus est maitrisé et passionnant. Passionné par les polars américains, l’auteur jour son va-tout et nous propose un très bon polar bien construit, en un mot passionnant.

En ce mois d’octobre 2004, l’inspecteur Dwight Myers fête sa première à son poste dans la police municipale de Bakersfield en Californie. Il a travaillé une dizaine d’années au LAPD puis a choisi de s’éloigner des horreurs de la Cité des Anges. Son précédent poste lui a déjà coûté un divorce avec Olivia et l’éloignement de sa fille Nancy qu’il ne voit que lors de quelques week-ends. Le travail de policier est bien peu compatible avec la vie de famille.

Myers reçoit un appel en soirée : la jeune Eden Rockwell âgée de 11ans n’est pas rentrée à la maison depuis sa sortie de l’école vers 15h30. Elle s’apprêtait à prendre le bus scolaire avec sa copine Sandra Johnson puis décida de rentrer à pied, ce qui lui arrivait parfois. Eden a été adoptée par la famille Rockwell et se révélait une très bonne élève, étant considérée comme une surdouée qui participait à beaucoup d’activités extrascolaires.

Myers et son adjoint Buddy Holcomb ne voient aucune raison tangible de penser à une fugue. Quelques jours plus tard, ils apprennent que le technicien de maintenance de la piscine municipale est absent depuis trois jours. Or la natation faisait partie des activités d’Eden. Quand ils arrivent à la maison de Todd Adams, ils découvrent qu’il vient de se suicider. Mais Myers trouve des traces de pneu dans la boue devant la maison, qui ne correspondent à aucune voiture garée.

Positionner une intrigue dans une petite ville des Etats-Unis, venant d’un auteur français, nous pousse à comparer ce roman avec les Grands du polar américain. Et je dois dire que la plume de cet auteur dont c’est le premier roman se révèle très agréable, fluide à souhait et que la construction de son intrigue est tout simplement bluffante, voire impressionnante. A tel point que l’on souhaite lire une autre enquête de Myers …

Les qualités de ce roman sont nombreuses : Christophe Penalan ne va pas insister outre mesure sur la vie privée de Myers mais positionner quelques scènes judicieusement dans l’enquête. De même, il ne s’appesantit pas sur la vie de la ville mais le cadre est bien décrit. Aussi, Myers ne prend pas toute la place en tant que personnage principal, les autres acteurs sont bien présents et surtout facilement reconnaissables car ils possèdent une vraie présence dans l’enquête.

Ce que l’on voit dans ce roman, c’est surtout une enquête qui balbutie, qui avance au fur et à mesure des indices ce qui montre un Myers qui ne sait pas par quel bout prendre cette énigme. Il faut dire que nous nous retrouvons à raisonner en même temps que Myers, et qu’on subit avec délice les nombreuses fausses pistes semées devant nos yeux. Quant aux dialogues, ils ne se montrent ni trop longs ni trop courts, juste le bon équilibre. Pour les amateurs de polar, c’est du pur plaisir.

Il faut se le dire, ce premier roman est une vraie réussite, ce que j’appellerai un coup de maître tant il tient la comparaison avec les plus grands, tant tout semble couler de source. Myers nous apparait comme humain, ni trop fort, ni trop faible ni trop torturé, un flic normal, quoi ! et cette enquête s’avère terrible par tous les aspects sombres qu’elle montre. Retenez bien ce nom : Frédéric Penalan : il a toutes les qualités d’un grand auteur du polar. Vivement le deuxième roman pour confirmer tout cela !

La conjuration de Dante de Fabrice Papillon

Editeur : Seuil – Cadre Noir

Etonnamment je n’avais jamais lu de roman de Fabrice Papillon, même si je dois avoir quelques-uns de ses romans. L’avis de Yvan et de Laulo m’ont décidé à lire ce thriller dans le bon sens du terme. Ici, on n’est pas dans de la violence à outrance mais dans un vrai roman instructif au rythme trépidant.

Une dizaine d’hommes débarquent dans le sous-sol du panthéon, dûment armés et cagoulés, après avoir arpenté des tunnels donnant sur la rue d’Ulm. Après avoir neutralisé les vigiles chargés de la sécurité, ils parcourent les souterrains où reposent les Grands Hommes et Femmes de la Patrie et arrivent devant le tombeau en plomb de Marie Curie-Sklodowska. S’étant équipés de détecteurs de radioactivité, ils l’ouvrent et prélèvent le crane de la chercheuse détentrice du Prix Nobel et s’enfuient après avoir tué deux des gardiens, en laissant une mystérieuse plaque métallique avec une inscription.

Alors qu’elle se rend au 36 rue du Bastion, Louise Vernay est surprise par une moto qui s’approche d’elle. Le conducteur balance quasiment à ses pieds un homme inanimé et s’enfuit. Il lui dit un message obscur : « Tous les couvercles seront levés, et d’au-dedans sortiront les cris des hérésiarques et des disciples de toute secte. Celui-ci souffrira comme les autres, depuis son tombeau brûlant. Pourrez-vous le sauver ? » Elle appelle les secours et suit le blessé à l’hôpital le plus proche où on lui fait subir un IRM. Dès le début de l’examen, un bruit sourd se déclenche et le dicteur est obligé d’arrêter l’appareil.

A l’autopsie de Loïc Eyrolles, directeur adjoint au CEA, on trouve dans sa tête une minuscule plaque métallique avec une inscription qui a ruiné le cerveau du pauvre homme lors de l’examen. Dessus, est gravé le chiffre 6 et l’inscription : « Le pêcheur, conduit par Charon à travers l’Achéron ira de la ville rouge au neuvième cercle de glace et périra ensuite par la colère du plus petit cercle. », une citation de l’Enfer de Dante. Alors que l’on trouve la même plaque dans les sous-sols du Panthéon, les enquêteurs font le lien entre les deux actes criminels et pensent à la radioactivité.

Moi qui ne suis pas fan de polars ésotériques, j’ai suivi les conseils que l’on m’a donnés et je me suis laissé prendre au jeu. Et au bout de deux chapitres, on se retrouve à courir à coté de Louise Vernay, dépeinte comme une femme énergique, speedée et bigrement agaçante (et ça marche !). Les scènes s’enchainent sans que l’on ait l’impression qu’un indice tombe du ciel sans prévenir. Tout est réalisé avec une logique imparable, rythmé par un calendrier quotidien angoissant.

Plus que l’identité des enquêteurs, même si leur psychologie n’est, miracle !, pas laissée de coté, c’est surtout la quantité effarante de connaissances que l’auteur a dû ingurgiter et nous partager. Et c’est l’une pour ne pas dire LA raison pour laquelle j’ai adoré ce roman. Fabrice Papillon intercale des scènes du passé pour faire avancer son intrigue et mieux nous expliquer le cerveau, thème central et mystérieux de ce fantastique thriller. Mais surtout, l’auteur a un réel talent pour nous vulgariser des notions que nous ignorons, il nous apprend plein de détails sur le cerveau sans que cela ne soit rébarbatif. Impressionnant !

Enfin, contrairement à beaucoup d’auteurs de thrillers, au lieu de faire une fin à coups de petits chapitres, il en créé un long, très long, mais c’est complètement justifié et surtout, l’angoisse ne cesse d’être à son paroxysme. Dire qu’on le lit en retenant sa respiration serait faux, car on dénombrerait beaucoup de morts ! Mais le format de ce dernier chapitre interpelle jusqu’à cette dernière scène que je qualifierai de monstrueuse, extrêmement réussie.

Bizarrement, en lisant ce roman, cela m’a rappelé le plaisir que j’avais eu il y a plus de vingt ans en lisant L’Empire du Mal d’Allan Folsom. Les sujets n’ont strictement rien à voir, mais on se trouve en présence d’un roman prenant, que l’on n’a pas envie de refermer et on se retrouve embarqué dans une aventure plus grande que la vie, impressionnante et instructive. Bref, vous pouvez y aller, c’est du tout bon, de l’excellent divertissement !

Priya, le silence des nonnes de Marie Capron

Editeur : Viviane Hamy

La curiosité m’a poussé vers ce roman, la deuxième enquête de Priya Dharmesh, après La fille du boucher. N’ayant pas lu la première enquête, ce sera pour moi une découverte de l’univers de Marie Capron. Et le moins que je puisse dire, c’est que ça saigne !

Petits enfants du célèbre chimiste de la French Connection, Tristan et Bérénice Martinez tiennent une entreprise de savons artisanaux. En réalité, dans leur sous-sol, ils tentent de mettre au point la drogue idéale, qui serait réalisable simplement avec des produits du commerce. Leur voisin McKay leur rend parfois visite et son but en tant qu’agent dormant de la CIA est de les surveiller.

Suite à son enquête précédente, la commissaire Priya Dharmesh, malgré sa cinquantaine bien entamée, a décidé d’engager les démarches administratives pour adopter Lison Ober, la fille maltraitée des tueurs en série. Priya se rend à un entretien avec sa mère Pandialé, une femme forte et fière. La psychologue ne parait pas commode, voire réticente à ce dossier. Effectivement, en plein entretien, Priya reçoit un coup de fil du « Boss ».

Elle doit se rendre avec son adjoint Ziad au carmel de Montmartre où des nonnes sont enfermées dans une salle sans accès. Une fois la porte ouverte, les corps affreusement découpés laissent penser qu’elles se sont entretuées et dévorées. La seule explication avancée serait qu’elles auraient été droguées à leur insu. Tout de suite, Priya pense à un empoisonnement de l’eau.

Habituellement, je ne serais pas allé au bout de cette lecture, car je vous garantie qu’il faut avoir le cœur bien accroché. Certaines scènes sont réellement gore, même si leur description est succincte. Sauf que voilà, je me suis laissé emporter par le style frappeur, comme des séries incessantes d’uppercuts, tapant sans arrêt sans nous laisser un seul moment de répit.

Marie Capron a un vrai ton personnel, et aussi un univers personnel. Elle situe son intrigue dans un futur proche, une sorte de mélange entre la situation actuelle et un futur proche qui pourrait être probable. Cela lui donne l’occasion de trouver des astuces pour faire avancer l’enquête sans avoir l’air de sortir des indices du chapeau magique. Elle va aussi insuffler un brin d’espionnage, faisant intervenir la CIA et les magouilles entre les pays, la manipulation des média pour faire croire au peuple des inepties, uniquement pour que les gouvernements puissent se sortir de la mouise dans laquelle ils se sont mis eux-mêmes.

Mais à travers son histoire, Marie Capron, avec son style frondeur, s’octroie tous les droits dont celui de donner son avis sur notre société actuelle ou celle qu’elle pourrait devenir. On apprend que le gouvernement français a fait marche arrière sur la privatisation de la police ! Que la France sombre dans l’islamophobie, que les hôpitaux manquent drastiquement de moyens, que l’école est laissée à l’abandon, laissant libre place au développement des écoles privées réservées aux riches. Et que dire des fausses informations disséminées par les pouvoirs publics eux-mêmes sur les réseaux sociaux, du trafic de drogue dont les dirigeants profitent à plusieurs niveaux, des difficultés d’adoption où les futurs parents sont jugés avec des raisonnements psychologiques à deux balles ?

J’ai plus été intéressé par ces aspects sociologiques que par l’intrigue réellement sanglante mais je reconnais à Marie Capron un réel talent dans l’écriture de son roman, renouant avec les pulp américains. Et je retiendrai ces scènes remarquables, ces personnages inoubliables avec une mention spéciale pour Pandialé sans oublier ce groupe policier qui vit comme s’ils étaient une famille, soudée devant l’adversité. Une belle découverte mais il faut avoir le cœur bien accroché.

Féminicide de Pascal Engman

Féminicide de Pascal Engman

Editeur : Nouveau Monde

Traductrice : Catherine Renaud

Nadège (elle se reconnaitra) a bien fait d’attirer mon attention sur ce roman et cet auteur. Et Pascal Engman fait son entrée en France avec ce roman, auréolé d’une réputation de leader de la nouvelle génération suédoise. Autant le dire tout de suite, ce roman mérite tous les compliments qu’on lui fait.

De retour à Stockholm, Vanessa Franck rend visite à son ancien mari. Svante l’invite à entrer pour prendre un gin tonic. Elle lui apprend qu’elle vient d’intégrer la police criminelle. Elle ne peut s’empêcher de devenir amer, de parler de Johanna Ek, l’actrice pour laquelle il a quitté Vanessa et avec laquelle il a eu un enfant.

Jeune journaliste, Jasmina Kovac Kvälllspressen, un grand quotidien du soir et sait qu’elle doit faire ses preuves. Elle informe son collègue Max Lewenhaupt qu’elle a une idée d’article sur un parlementaire social-démocrate qui a pris des vacances avec se femme à Paris aux frais de son parti. Quand le directeur de l’information Bengt « La Brioche » Svensson lui annonce qu’il leur manque un artticle de 3 colonnes, elle se lance. Elle se rend dans un bar et travaille d’arrache-pied quand un dénommé Thomas lui offre un verre. Soudain, la tête lui tourne et il l’emmène. Dans le flou, elle se voit arriver dans une maison, où trois hommes vont abuser d’elle.

Emelie Rydén doit rendre visite à Karim, son mari qui est enfermé en prison. Elle a rencontré Ilian, mais il doit se rendre à Malmö pour son travail. Elle profite que sa fille soit chez ses parents pour apporter à Karim un dessin de sa fille et lui annoncer son intention de divorcer. Cela se passe mal, il s’énerve et la menace de la tuer. Le lendemain, on découvre le cadavre d’Emelie chez elle.

Je ne qualifierai pas ce roman de thriller mais je dois dire que le terme « Page Turner » lui va à merveille. Et pourtant on pourrait penser que le grand nombre de personnages présentés dans ce roman peut déconcerter. Il n’en est rien tant tout tient sur le talent de la construction et sur un style d’une fluidité et d’une évidence rares.

Commençant avec deux personnages, Vanessa et Jasmina, l’auteur va petit à petit étoffer son panel par des personnages secondaires (qui ne le sont pas). Chacun ayant un chapitre à part entière, Pascal Engman prend le temps de décrire leurs attitudes pour mieux positionner leur psychologie. Et cela se révèle d’autant plus fort qu’ils n’ont aucun lien les uns avec les autres, ce qui nous passionne tout en nous questionnant comment l’auteur va s’en sortir.

Plus le livre avance, plus je trouve impressionnant cette façon de mener une histoire, en élargissant le spectre avant de resserrer tout le monde sur le sujet principal de ce roman, les Incels (involontary celibates). Avec ses chapitres ne dépassant jamais les quatre pages (d’un roman grand format, tout de même), la lecture est rapide et surtout, quand on reprend le livre, on s’y retrouve immédiatement.

Le roman s’articule autour de ce mouvement de jeunes hommes qui connaissent des difficultés auprès de la gent féminine et qui en viennent à détester les femmes. Outre ce phénomène de société exacerbé par les réseaux sociaux, le roman montre le clivage entre hommes et femmes, en prenant des exemples parmi les personnages présentés qui pourraient faire penser à des connaissances que l’on rencontre tous les jours. Les extraits en tête de parties sont pris sur Internet et font froid dans le dos !

Entre les hommes violents riches bénéficiant d’une certaine immunité, entre le voyeur harceleur, entre le célèbre présentateur télévisé qui joue sur sa renommée, ou l’homme violent « lambda », on bénéficie d’une belle palette de salauds que l’auteur croque avec parfois un gros trait. Mais il s’en sort en nous présentant leur pendant féminin et, plutôt que d’accuser les uns ou les autres, nous présente une situation sociologique grave et problématique qui se base sur l’absence de contacts humains, le refus de l’autre en tant qu’être différent.

Si Pascal Engman avait pris parti pour les femmes, ou pour les hommes, ce roman aurait pu être un nanar à oublier de suite. Grâce à sa construction plurielle, à sa volonté de présenter la situation en nous posant des questions, il écrit un roman qui va au-delà du simple et bête divertissement. Depuis quelque temps, on voit apparaitre des thrillers qui ont des choses à dire et c’est tant mieux ! Celui-ci est à ne pas rater et est très prometteur pour la suite !

Le manoir des glaces de Camilla Sten

Editeur : Seuil – Cadre Noir

Traductrice : Anna Postel

Dans la famille Sten, je demande la fille. Ce roman est l’occasion de découvrir une nouvelle autrice, Camilla Sten, fille de sa mère Viveca Sten, mais aussi un retour pour moi vers la littérature suédoise.

Eleanor a été élevée par sa grand-mère Vivianne et s’arrange toujours pour aller manger avec elle le dimanche. Cette semaine-là, Vivianne a essayé de la joindre plus d’une dizaine de fois mais Eleanor ne lui a pas répondu à cause de ses occupations professionnelles. Quand elle se décide à aller la voir, la porte est ouverte. Elle découvre sa grand-mère allongée par terre égorgée avec une paire de ciseaux en argent.

Sous le choc, elle se sent bousculée par une personne qu’elle pense être l’assassin. Eleanor étant atteinte de prosopagnosie, maladie neurologique qui l’empêche de reconnaitre les visages, elle est incapable de décrire la personne à la police quand elle est interrogée.

Quelques mois plus tard, elle apprend que Vivianne lui a léguée le Domaine du Haut Soleil, une vaste demeure située au nord de Stockholm. Elle s’y rend avec son petit ami Sebastian, et y retrouve sa tante Veronika, et l’avocat Rickard Snäll chargé de faire l’inventaire. Seul Bengtsson, le régisseur chargé de l’entretien de la propriété est absent.

1965. Anushka vient d’arriver au domaine en tant que femme de chambre au service de la mère de Vivianne. D’origine polonaise, on lui fait vite comprendre qu’elle doit oublier sa langue maternelle, le polonais et qu’elle doit garder ses distances avec sa cousine qui n’est autre que Vivianne.

Des romans proposant une intrigue dans une demeure mystérieuse en prise à une tempête, ce n’est pas nouveau et cela s’apparente à une variation du huis-clos. Dès lors, quand il se passe des événements étranges, qu’on entend des bruits incongrus, et que l’on est en présence de quatre personnes (cinq si l’on compte Bengtsson), on comprend vite que le but recherché par Viveca Sten n’est pas de chercher un éventuel tueur.

On ne peut pas non plus dire que ce roman nous terrifie, contrairement à ce que nous annonce la quatrième de couverture. Camilla Sten joue sur différents genres sans en choisir un, roman d’ambiance, roman de mystères, roman psychologique et l’intérêt est plutôt à chercher du côté de l’intrigue avec le journal d’Anushka et sur la subjectivité de la narration qui nous montre le strict nécessaire pour mieux nous surprendre dans le final.

On peut juste regretter quelques facilités ou quelques incohérences, surtout avec les batteries de téléphone portable un coup vides, un coup encore chargées mais on apprécie grandement cette histoire familiale racontée de façon emberlificotée pour mieux attirer le lecteur dans ses filets. Camilla Sten n’est pas encore au niveau de sa mère, mais avec une faculté à construire des intrigues tordues comme cela, elle en prend le chemin.

Le chant des innocents de Piergiorgio Pulixi

Editeur : Gallmeister

Traducteur : Anatole Pons-Reumaux

Nous avions fait la connaissance de Piergiorgio Pulixi avec le formidable L’île des âmes qui se déroulait en Sardaigne dont la visite était assurée par deux inspectrices Mara Rais et Eva Croce. Nous les retrouvions l’année suivante dans L’illusion du mal dans lequel apparaissait un nouveau personnage Vito Stega. Ce roman a d’ailleurs brillamment remporté le trophée de meilleur roman étranger de l’Association 813 (Rejoignez-nous !). En réalité, ce roman était le troisième d’une quadrilogie (pour le moment), Les chants du mal, mettant en scène Vito, personnage de flic complexe. Le chant des innocents revient dans le passé et s’avère être le premier tome de la quadrilogie.

Les policiers entrèrent dans la maison pour trouver une scène de carnage. Une jeune fille a été poignardée 85 fois et sa meurtrière se laisse désarmer en répétant inlassablement et d’une voix atone : « Il est à moi ». Elle doit parler de son petit ami. Les policiers sont effrayés non pas par la scène mais par la meurtrière : Une gamine qui n’a que 13 ans.

Vito Stega est suspendu de son poste de commissaire pour avoir tué son partenaire Jacopo Di Giulio. Sa hiérarchie lui impose de suivre des entretiens avec une psychologue, Livia Salerno. Ayant fait lui-même des études de psychologie et de droit, il se montre réfractaire envers ces rendez-vous. D’un abord bourru et agressif, il ne souhaite que son autodestruction depuis que Cinzia sa femme l’a quitté quatre mois auparavant.

L’inspectrice Teresa Brusca se retrouve aux premières loges et hérite de cette affaire d’adolescente et demande conseil à Vito. Mais ils doivent bien se rendre à l’évidence qu’aucun indice ne leur permet d’avancer. Quand un deuxième adolescent tue son père à coups de marteau, Teresa et Vito sont persuadés que quelqu’un manipule ces jeunes, qu’ils vont surnommer le Marionnettiste. Alors que leur hiérarchie les prie de boucler les affaires, les assassins étant connus, ils vont enquêter chacun de leur coté.

Pour bien l’apprécier, il faut à mon humble avis aborder ce roman comme le premier d’une série. Il faut par conséquent passer par la présentation du personnage principal et c’est le cas puisque Vito Stega occupe tout l’espace disponible, tant il est imposant et psychologiquement complexe. Sa rage d’ailleurs souffre de la volonté de l’auteur de grossir le trait dans certaines scènes.

Mais à l’instar de ceux qui le fréquentent, on ne peut qu’aimer Vito Stega malgré ses défauts. Son entourage ne s’y trompe pas, sa femme tout d’abord qui a parfaitement su voir en lui son talent et qui refuse de le suivre sur son trajet autodestructif, sa collègue ensuite qui en tombe secrètement amoureuse, sa psychologue enfin qui veut le protéger quitte à lui supprimer sa raison de vivre, les enquêtes. Que des femmes me direz-vous ? Je dois avouer que Piergiorgio Pulixi a le don de les créer désirantes (et je précise pas toutes belles comme dans les magazines), fortes et sûres d’elles. On peut d’ailleurs y ajouter sa voisine Ada et sa petite fille qui sont pour moi les bonnes idées de cette galerie de personnages.

Enfin, Piergiorgio Pulixi a le talent d’écrire juste et avec rythme. Quelque soit le chapitre, tout y est minutieusement dosé et le rythme est apporté par les chapitres ultra-courts qui ne dépassent que rarement les quatre pages. Ce roman est prenant, vif, animé et on ne veut pas le lâcher. Quand au sujet, il m’a paru banal parce qu’on parle tous les jours des adolescents hypnotisés par les jeux vidéos (mais il faut se rappeler que le roman a été écrit en 2015) et j’avais deviné bien tôt de quoi il s’agissait. Le chant des innocents est donc le premier roman d’un cycle passionnant qui donne furieusement envie de lire le suivant.

Six Versions : La tuerie MacLeod de Matt Wesolowski

Editeur : Les Arènes – Equinox

Traducteur : Antoine Chainas

Après un premier tome bigrement novateur dans sa forme intitulé Les Orphelins du Mont Scarclaw, j’ai replongé dans ce deuxième tome avec le risque de ne pas bénéficier de l’effet de surprise du premier. Matt Wesolowski a inventé la forme d’un podcast en six épisodes enregistré par Scott King. Le principe est de revenir sur un « cold case » et de discuter avec des témoins ayant été impliqués.

Dans l’affaire qui nous concerne, Arla MacLeod, alors âgée de 21 ans, a massacré à coups de marteau son beau-père, sa jeune sœur et sa mère, un soir de novembre 2014. Le bruit a inquiété les voisins qui ont appelé les policiers. Quand ils arrivent, Arla leur ouvre la porte avec un marteau sanglant à la main et sa chemise de nuit pleine de sang. Lors de son interrogatoire, Arla reconnait les meurtres et lors de son procès, elle sera reconnue non responsable de son état et enfermée dans un asile psychiatrique.

Exceptionnellement, Scott King arrive à parler avec la principale intéressée, lors d’un entretien téléphonique surveillé par les assistants médicaux de la clinique de luxe du Lancashire. Scott King va, en prenant des pincettes, essayer de dénicher des pistes lui permettant de comprendre pourquoi elle a tué sa famille. Elle va aborder sa vie de famille, au collège, sa passion pour un chanteur gothique Skexxixx et sa peur d’enfants imaginaires aux yeux noirs, les Black Eyed Kids.

Les intervenants suivants seront Tessa Spurrey qui était dans sa classe au collège de Stanwel et qu’Arla effrayait par son attitude provocatrice. Puis ce sera le tour de Paulette English, qui faisait partie de la petite bande d’Arla. Paulette mettre Scott King sur des vacances qu’Arla a passé dans les Cornouailles quand elle était adolescente. Les témoins suivants feront partie des jeunes ayant rencontré Arla lors de ces vacances, puis Skexxixx lui-même puis une surprise pour finir.

Cette nouvelle mouture de Six Versions ne va pas chercher à déterminer ce qui s’est passé ou qui est la coupable puisqu’on le sait dès le début. Scott King va plutôt essayer de comprendre ce qui peut pousser une jeune adulte à massacrer sa famille. Et cela va être l’occasion de creuser beaucoup de thèmes, tout en nous donnant l’occasion, comme c’était le cas dans le premier tome, de nous forger nous-même notre opinion.

La forme et le talent de conteur de Matt Wesolowski font à nouveau merveille dans ce nouveau podcast, et nous donne l’impression de suivre cette émission en direct. Il insère pendant ses entretiens des remarques, des questionnements qui rajoutent à l’authenticité de son récit. Petit à petit il dévoile les dessous de l’affaire et arrive malgré tout, à nous surprendre avec ce final de haute volée.

Cette nouvelle affaire va être l’occasion de creuser nombre de thèmes, dont l’éducation des enfants, avec des parents qui montrent une préférence envers l’un de leurs enfants, leur absence et leur négation / oubli de leur responsabilité, mais aussi l’absence de réaction des éducateurs au collège. Il va enfin insister sur le côté néfaste des réseaux sociaux, de l’influence sur les plus jeunes, du harcèlement dont Scott King lui-même sera victime.

Ce thème-là prendra le pas sur un aspect fantastique qui apparaitra comme une fausse piste mais servira de petit caillou blanc pour bien dénoncer les dérives d’Internet, cette usine à fabriquer des moutons qui peut amener jusqu’à une cabale envers des innocents. Et on ne peut que louer l’intelligence dont fait preuve l’auteur qui permet de mettre en garde contre le danger d’une innovation hors contrôle chez les plus jeunes. 

Six versions : les orphelins du Mont Scarclaw de Matt Wesolowski

Editeur : Les Arènes – Equinox

Traducteur : Antoine Chainas

Auréolé de nombreux avis très positifs, je voulais me faire ma propre opinion de ce roman qui est annoncé comme un renouveau dans le monde du thriller. Très bonne pioche !

Les faits : En août 1996, Tom Jeffries, un adolescent de 15 ans, disparait lors d’un séjour dans un camp de vacances dans les Monts Scarclaw en Ecosse. Malgré les recherches organisées, personne ne le retrouve. Un an plus tard, son corps est retrouvé de l’autre côté du Mont Scarclaw immergé dans un marécage. L’enquête finit par conclure à un accident. Vingt ans plus tard, Scott King anime une émission à base de podcast et propose de revenir sur des « cold cases », construite en six épisodes.

Scott King va donc construire ses émissions en interviewant pour chaque podcast un personnage ayant été impliqué de près ou de loin dans cette disparition. Il commence par le nouveau propriétaire des lieux puisque les Monts Scarclaw ont été rachetés par la famille Saint Clément-Ramsay. Puis il aura comme invité l’organisateur du camp de vacances M.Derek Bickers.

Puis viendront Haris Novak, « l’idiot du village », un homme habitant Belkeld, un village voisin, avant de discuter avec les quatre adolescents, Eva Bickers la fille de Derek, Charlie Armstrong, Anyu Kekkonen, Brian Mings qui l’ont côtoyé pour mieux comprendre comment ce groupe de copains fonctionnait. Et puis rôde sur ces adolescents l’ombre d’une créature malfaisante légendaire, Nanna Varech.

Quelque soit l’avis que l’on peut trouver sur le Net, on y trouvera souligné le fait que la construction est originale. Effectivement, il faut reconnaitre que la présentation de cette intrigue / enquête est inédite et divise donc le roman en six chapitres, un par intervenant. Le choix de les présenter dans cet ordre est minutieusement choisi pour à la fois lever petit à petit le mystère mais aussi de dévoiler le contexte et surtout l’environnement et les événements ayant précédé la disparition de Tom Jeffries.

Mais il n’y a pas que cela. L’auteur est remarquablement doué pour présenter ses chapitres comme un podcast et on y croit vraiment. On peut y ajouter ce qui pour moi est la grosse qualité de ce roman l’aspect psychologique des interviewés, que Matt Wesolowski dévoile lentement à travers les entretiens. L’auteur se permet même de ne pas en faire trop et de laisser le lecteur se faire sa propre opinion sur chacun.

Car si l’on peut deviner ce qui s’est passé avant le dernier chapitre, on se retrouve tout de même surpris par les indices semés auparavant dans le roman. J’aurais juste aimé que ce dernier chapitre soit parfois un peu plus clair. Mais sinon, j’ai été époustouflé par l’aspect psychologique de ce roman dont l’intrigue se situe étonnamment à mi-chemin entre true crime et thriller psychologique.

En lisant les avis des collègues blogueurs sur le deuxième tome qui s’appelle La Tuerie McLeod, il parait qu’il est encore meilleur. Il y a donc de fortes chances qu’on en parle ici dans un futur proche.

La dernière maison avant les bois de Catriona Ward

Editeur : Sonatine

Traducteur : Pierre Szczeciner

Accompagné de nombreux éloges mais aussi d’avis contraires, il semblerait que ce roman attise les avis du Net. Je le confirme, il faut se laisser mener par Catriona Ward pour atteindre, cent pages avant la fin, le dénouement et le Nirvana Littéraire.

Ted habite en solitaire une petite maison au fond de Needless Street. Onze années auparavant, une fillette de six ans, surnommée la petite fille à la glace au sirop a disparu proche du lac. La police a interrogé tous les habitants alentour, suivie par les journalistes. Ted fut le seul à être pris en photo, contre son opinion, et fut donc le seul à apparaitre à la Une des journaux. Les gens lui ont jeté des pierres, cassant ses fenêtres, alors il a décidé de cloitrer sa maison avec de grandes planches en bois.

Ce matin-là, sinistre anniversaire de la disparition de la fillette, Ted trouve des oiseaux collés sur le rebord de l’abreuvoir. Quelqu’un a dû apposer de la glu pour les tuer. Tout le monde sait qu’il aime les oiseaux ; les gens ont voulu l’atteindre par l’intermédiaire des oiseaux. Il ne peut rien faire pour les sauver. Par un trou percé dans une planche, il voit la dame au chihuahua ; il est sûr qu’elle le surveille. Il préfère jouer avec sa fille Lauren.

Olivia, son chat, saute sur ses genoux pour avoir son lot de caresses. Olivia confie ses pensées, en léchant sa patte qui lui fait mal. Pour elle, tous les hommes sont des teds. Elle se rappelle comment Ted l’a sauvée en la trouvant dans un fossé. Depuis, elle habite dans un congélateur où Ted a percé des trous pour respirer. Elle regarde dehors en espérant voir un chat passer dans la rue.

Onze ans auparavant, Dee passait de belles vacances au bord du lac avec ses parents et sa jeune sœur Lulu. Jeune adolescente, ça l’énervait d’être suivie par Lulu ; elle aurait préféré rencontrer des garçons ! Alors qu’elle doit aller aux toilettes, elle en oublie sa sœur. En sortant, il faut bien se rendre à l’évidence qu’elle a disparu. Depuis ce jour-là, Dee cherche sa sœur, jusqu’à venir louer une maison dans Needless Street.

Ma foi, je pense que ce roman est et restera le roman le plus étrange que j’aurais lu cette année. Dès le début, on a droit à des fautes de conjugaison avant que Ted explique qu’il a toujours eu du mal avec les verbes. Quand il explique la mésentente qu’il subit, le harcèlement des voisins, il en devient poignant, puis on trouve des éléments perturbants qui ne « collent » pas avec ce qu’il disait.

Le principe est expliqué dans ces premiers chapitres : tout ce que vous croyez lire, ce que vous croyez voir n’est que le prisme de votre interprétation. Car après Ted, Olivia, un chat qui parle, va nous expliquer sa vie, et sa vision de son environnement. Puis entrent en jeu Dee la seule personne saine et Lauren qui nous décrit ses peurs.

La construction, basée sur celle d’un roman choral, fait tout pour nous déstabiliser. La trame est plus ou moins linéaire, avec quelques retours sur le passé, mais les faits décrits ne nous aident pas à comprendre où l’auteure veut en venir. Je me suis demandé si je devais continuer ou arrêter ma lecture, mais j’ai persévéré car je ne pouvais pas comprendre que des blogueurs que je suis (dont Yvan) aient encensé ce roman s’il ne présentait pas un quelconque intérêt.

Il faudra arriver aux cent dernières pages (sur quatre cents) pour avoir un gigantesque chamboulement qui va faire voler en éclat tout ce que nous avions cru comprendre de cette situation. Et du coup, comme dirait mon fils, nos croyances vont exploser ; ce que j’avais pris pour des longueurs se révèlent justifiées par les indices parsemés de-ci de-là. Et la postface de l’auteure nous éclaire à la fois sur ce qu’elle a voulu montrer et sur ce qu’elle a voulu construire. Alors, vous voilà prévenus, si vous voulez un roman surprenant, extraordinaire et que vous êtes patients, La dernière maison avant les bois est fait pour vous. Je peux juste ajouter que la fin en vaut le coup !

Sur un arbre perché de Gérard Saryan

Editeur : Taurnada

Cette année 2023 va décidément se positionner sous le signe de la découverte. Sur un arbre perché n’est pas le premier roman de l’auteur mais son deuxième après Prison Bank Water. Une bien belle découverte en ce qui me concerne.

Guillaume a refait sa vie avec Alice après un divorce sans anicroches. Il veut profiter d’avoir la garde de ses deux enfants Barbara et Dimitri pour s’offrir un week-end à Paris. Guillaume étant sur Paris, Alice embarque donc les deux enfants dans le TGV. Elle connait sa première frayeur quand Barbara disparait de sa place soi-disant parce que son voisin ronfle. Son statut de femme enceinte l’a transformé en mère poule attentive à ses beaux-enfants.

Dans la gare de Lyon, à Paris, le foule se dirige vers la sortie à peine le TGV arrivé à quai. Des musiciens jouent sur le piano et Alice reste avec les enfants qui le suivent. Au bout d’un moment, elle s’aperçoit que le petit Dimitri ne la suit plus. Elle est prise de panique, cherche du regard, l’appelle, court dans tous les sens. Elle appelle Guillaume au téléphone qui vient d’arriver ; elle l’aperçoit de l’autre côté de la rue et traverse en courant quand un camion la renverse.

Elle se réveille à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, fourbue de douleurs. Guillaume est près d’elle n’osant lui avouer la vérité. Elle finit par comprendre qu’elle vient de perdre son bébé et que Dimitri a disparu, probablement enlevé. Aux informations, des messages font état d’enfants kidnappés dans les gares. Au-delà de son état de culpabilité, elle décide de chercher Dimitri et de retourner sur les lieux.

Ce roman se révèle une excellente surprise, autant pour son scénario que par l’écriture fluide et bigrement agréable. Grâce à ses chapitres courts, on ressent une réelle urgence, une rapidité et une tension monter en suivant les pérégrinations d’Alice. Ayant une psychologie de battante, ne s’avouant jamais vaincue, elle va vivre des aventures incroyables, menées à un rythme élevé.

Le scénario est particulièrement impressionnant, et complexe à souhait. Des souterrains de la gare de Lyon en passant par Saint Denis et les camps de nomades, de l’Albanie à la Suisse, Alice va découvrir des réseaux qu’elle n’aurait jamais imaginés. Bien qu’aveuglée par sa culpabilité, elle va creuser quitte à mettre sa santé en danger. J’ai juste regretté le passage en Albanie où des coïncidences vont la mettre sur le bon chemin trop facilement et le nombre de fois où l’auteur maltraite son héroïne. .

Par contre, quand on croit en avoir fini avec cette histoire, la dernière partie rebat les cartes et on s’aperçoit qu’une machination que l’on n’aurait pas imaginé est à l’œuvre. Du coup, on repense aux éléments parsemés dans le livre, et à cette conclusion menée de main de maitre. Pour un deuxième roman, ce roman passionnant impressionne et je ne peux que vous conseiller sa lecture.