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C’est ton nom de Laurent Rivière

Editeur : Toucan

J’avais découvert Laurent Rivière et son personnage récurrent Franck Bostik avec Le dernier Sycomore, et j’avais été agréablement surpris par sa plume simple mais évocatrice qui fournissait un réel plaisir à suivre la vie de cet ex-flic.

Dans ce nouveau roman, après la précédente et douloureuse affaire où Bostik devait enquêter sur la mort de Mathieu Groseiller (Le couz’), il a décidé de prendre le large, pour se ressourcer. Il laisse derrière lui sa femme adorée Lyly et prend la direction du Morvan, ses terres natales où l’attendent une vieille maison familiale. La proximité des bois lui permettra de devenir bucheron amateur, de faire des efforts physiques et se vider l’esprit.

En arrivant, une ancienne petite amie lui apprend qu’il est en réalité le père d’un adolescent. En apprenant qu’elle était enceinte, elle avait décidé de garder l’enfant sans en informer Bostik. Mais aujourd’hui, le bébé est devenu un adolescent difficile, qui sèche les cours, qui cache de l’argent dans sa chambre. Elle a peur qu’il soit impliqué dans des rackets ou pire, dans un trafic de drogue et pense qu’il a besoin d’être recadré par son père.

Bostik hésite, n’a pas encore pris sa décision mais la rencontre avec Livia, une amie archéologue va changer ses priorités. Lors de fouilles dans une cave des maisons noyées par le lac artificiel de Pannecière, elle a trouvé des ossements humains. Il semblerait qu’il s’agisse du squelette d’un enfant et les os attestent qu’il a été maltraité, ou du moins qu’il a reçu de nombreux coups. Bostik retrouve sa passion des enquêtes dans une affaire qui va lui en apprendre beaucoup sur sa région et sur lui-même.

Laurent Rivière va donc prendre comme argument la mise au vert de son personnage Franck Bostik pour nous parler de la dureté de la vie campagnarde mais aussi de la maltraitance des enfants. Il va aborder aussi la politique de repeuplement des campagnes dans les années 80 où l’on plaçait des orphelins dans des familles du Morvan (et probablement ailleurs) sans qu’aucun contrôle sérieux ne soit réalisé.

L’auteur aborde cet aspect en parallèle de la psychologie de Bostik, que l’on découvre hésitant, presque timide, en tous cas face à un problème qu’il ne sait pas gérer : comment prendre contact avec un adolescent de 12 ans alors que l’on est son père naturel ? Il fait cela sans esbroufe, de façon tout à fait naturel et je retrouve cette qualité que je cherche dans un roman : ce talent de dérouler une intrigue sans que l’on s’aperçoive de petits artifices.

Laurent Rivière confirme tout le bien que je pensais de sa plume et de sa faculté à dérouler une intrigue en mettant au premier plan la psychologie de son personnage. Il arrive à créer une intimité avec Bostik ce qui le rend attachant. Il ajoute dans ce roman un petit je-ne-sais-quoi qui rend son livre passionnant, intéressant, et on prend un grand plaisir à suivre Bostik dans ses problèmes personnels (qui vont se compliquer à la fin du roman et peut donner une idée pour la suite) et dans son enquête. Bostik devient un personnage que l’on a plaisir de fréquenter, de suivre ; en un mot, comme en cent, vivement le prochain !

Le jour des fous de Stéphane Keller

Editeur : Toucan Noir

Alors qu’il nous avait habitué à des polars racontant l’histoire contemporaine des années 50 aux années 80, dans Rouge parallèle, Telstar et L’affaire Silling, Stéphane Keller nous invite à un saut dans le futur en 2035, un voyage qui fait froid dans le dos.

Depuis 2033, la France a basculé dans la VIIème république, un régime presque dictatorial, fortement fascisant. L’Euro est oublié et a fait place au Franc Républicain. La moindre faute entraine la suppression des droits nationaux dont la carte d’identité bleue qui donne droits à des avantages sociaux. Le programme scolaire a été remodelé, avec la suppression des règles d’orthographe, de l’histoire, la géographie, la philosophie, le latin et le grec. Les médiathèques sont fermées, les livres et journaux interdits. Tout propos sexiste ou homophobe entraine une inscription sur le casier judiciaire. Les voyages à l’étranger sont prohibés à cause de l’empreinte carbone. Enfin, les effectifs de la police sont triplés et les criminels enfermés dans des cités surveillées par des gardes armés.

Le 17 avril 2035, Alexeï Ignatiev, premier violon à l’orchestre national de Paris étrangle un mendiant dans le métro. Le même jour, Mélanie Ribeiro, affublée d’un poids excessif, poignarde plusieurs personnes sur son lieu de travail. Au bois de Boulogne, un promeneur frappe à mort et noie un garçon qui l’a insulté. Porte de la Chapelle, un vieil homme déclenche une fusillade dans un bus, balayant plusieurs passagers. A Clichy, Kamel, ex-espoir raté du football devenu grutier, assassine toute sa famille.

Les journaux télévisés avaient débordé d’imagination pour nommer cette journée Le jour des fous. Krikor Sarafian, qui vient d’être nommé capitaine premier échelon de la brigade criminelle, est un être violent qui convient bien à cette époque. Il va hériter de l’affaire d’Alexeï Ignatiev et devra faire équipe avec une aspirante enquêtrice Illinka Bazevic. Il n’a aucune idée de l’engrenage dans lequel il vient de glisser un bras.

Le roman commence par nous présenter la Nouvelle Société Française puis le personnage de Krikor Sarafian. Et on le déteste, ce personnage de flic ultra-violent, du genre à tirer avant d’interroger, et de tuer pour tuer. Puis l’auteur forme le couple du vieux et de la jeune et on se dit naturellement que l’on a déjà lu ce genre de polar, qu’il soit situé aujourd’hui ou dans le passé ou dans le futur.

ERREUR !

Je suis sincèrement persuadé que l’auteur a voulu de début, a fait le pari qu’on accepterait de la suivre au-delà du deuxième chapitre. Et effectivement, il déroule son intrigue de façon tout à fait classique mais en y introduisant différents aspects sociétaux, sans en rajouter outre mesure. On citera pêle-mêle le fossé entre les riches et les pauvres, la nuisance des chaines d’information en continu, la déprime généralisée, la façon inhumaine de traiter les délinquants petits ou grands, la lutte contre l’homophobie qui est devenue une guerre Hommes contre Femmes, les hommes politiques peints comme des comédiens, l’insoutenable chaleur de la canicule omniprésente …

Et on se régale de petites phrases telles celle-ci : « La farce était toujours risible ou détestable, il en avait toujours été ainsi car l’homme ne savait que corrompre ce qu’il touchait, il changeait l’or en plomb, ses mains ne savaient que souiller et flétrir ».

Et plus on avance dans le roman, plus on est pris par le paysage qui y est décrit. Stéphane Keller a pris une photographie de notre monde d’aujourd’hui, et l’a déformé pour imaginer demain, en forme de cauchemar. Au niveau de l’intrigue, il la mène de main de maitre, et nous fait aller dans des directions inattendues, et il nous concocte même une fin bien noire qui nous démontre qu’il s’est bien amusé à écrire ce livre et que surtout, et c’est le plus important, on ressent qu’il y a mis sa passion, sa volonté de passer son message. Un excellent roman à ne pas rater.

Le dernier sycomore de Laurent Rivière

Editeur : Toucan Noir

Le hasard fait parfois bien les choses. J’avais envie d’un livre divertissant et de découverte. Quand j’ai reçu ce livre, je n’ai pas lu la quatrième de couverture pour conserver la surprise et je me suis lancé.

Franck Bostik a été radié de la police suite à un profond désaccord avec sa hiérarchie. Pourtant on le considérait doué et son métier était devenu une passion depuis qu’il avait rencontré Lew Griffin (le personnage récurrent de James Sallis) quand il était enfant et était surnommé Petit Chicouine. Depuis, il vit en ménage avec Lyly, une superbe jeune femme.

En ce premier mai, alors que le couple se prélasse au lit, le cousin de Bostik Mathieu Groseiller (Le couz’) l’appelle pour lui annoncer qu’on a encore volé la tête de la statue de Miss Evelyn Frost, une célèbre aviatrice américaine. Ce monument, érigé après la deuxième guerre mondiale, subit des exactions depuis sa création et le couz’ s’est donné comme mission de retrouver les fauteurs de trouble.

Quand Bostik arrive sur la place de Vauzelles pour retrouver le couz’, celui-ci n’est pas dans les environs, pas plus que la tête de l’aviatrice. Bostik va donc vérifier chez lui et il découvre la police en bas de l’immeuble. On lui raconte qu’on a découvert son cousin pendu. Pour la police, il ne fait aucun doute qu’il s’est suicidé. Pour Bostik, cela n’a aucun sens. Il va partir en croisade et découvrir la vraie vie de son cousin.

Dès le début de ce roman, l’écriture simple nous tient, nous emporte dans l’histoire d’un quarantenaire en mal de repères, exilé loin de sa passion, mais qui a la chance de vivre avec son amour. Son problème va donc être de tout faire pour garder Lyly. Et on le retrouve à s’embarquer dans une nouvelle affaire passionnante comme s’il n’attendait que cela. Cette simplicité de style n’est que façade : les descriptions sont minutieuses, le déroulement fort plaisant. Le seul bémol pour moi réside dans des paragraphes trop longs, ce que je n’aime pas particulièrement.

On n’y trouvera pas de scènes d’action mais un rythme certain insufflé par le personnage de Bostik. On prend un vrai plaisir à le suivre dans son rythme. Et grâce au talent de l’auteur, on va tout de suite croire à ce personnage et on va être prêt à courir à ses cotés. Bostik nous entraine, à la recherche de l’assassin de son cousin, et on le fait avec grand plaisir tant on apprécie ses réparties, son humour et son coté immature, inconscient, irréfléchi.

J’ai aussi particulièrement apprécié la mention de Lew Griffin, le héros de James Sallis, qui apparait dans le livre, au début et à la fin. Outre le grand respect montré par Laurent Rivière, on y trouve un Griffin vieillissant qui remet Bostik dans les rails, comme un père naturel pour le domaine professionnel. Ce Dernier Sycomore s’avère donc une belle surprise, un bon divertissement dont on appréciera son personnage, ses dialogues et la minutie de la plume de l’auteur. Et c’est déjà beaucoup.

L’affaire Silling de Stéphane Keller

Editeur : Toucan

Après Rouge parallèle qui revisitait les années 60 et Telstar qui nous emmenait en pleine guerre d’Algérie dans les années 50, L’affaire Silling vient clore la trilogie consacrée à Norbert Lentz, ex-flic devenu barbouze assassin pour la république. Nous le retrouvons quelques semaines avant l’élection de François Mitterrand en 1981.

3 mars 1981, Paris. Sa fille Cécile arrive vingt minutes en retard à leur rendez-vous au restaurant ; Norbert Lentz cache dans sa poche le cadeau qu’il lui destine, les clés d’une Renault 5. Il serait prêt à tout pour sa fille mais surtout pas en mémoire de sa mère Denise, volage et morte vingt ans auparavant. Leur entrevue se termine mal et Lentz décide de passer sa nuit à boire. Ses excès violents envers des passants seront noyés dans les souvenirs de l’alcool.

Le lendemain matin, le téléphone le réveille. Le colonel Préville qu’il a connu à son retour d’Algérie le convoque. La mission est habituelle pour un tueur comme lui mais étonnante quant à son objectif. Il doit retrouver Nicolas Lovat, la star du cinéma français car ce dernier a en sa possession des photographies compromettantes pour tout un pan de la société française, de tous les domaines. Ces images auraient été prises par le majordome Paolo de Sisti.

Paolo de Sisti aurait été logé près de Menton. Lentz doit s’y rendre immédiatement afin qu’un contact lui contacte où dénicher sa proie. C’est finalement à Gênes qu’il doit se rendre, dans un hôtel de luxe où le majordome chercherait à négocier à bon pris les photographies compromettantes. La mission se révèle un cuisant échec : Le beau Paolo rentre trop tôt, Lentz est obligé de le tuer et il repart sans trouver la moindre photographie. Préville lui donne 48 heures pour les trouver. Lentz va se diriger vers la somptueuse villa de Lovat. Mais s’il trouve les photographies, il sera l’homme à abattre.

Voici donc le dernier tome de la trilogie consacrée à ce tueur des services secrets français, ex-flic revenu de tout et sans aucun état d’âme. Dans ce roman, Lentz a vieilli, il n’a plus la même vitesse d’exécution, plus la même déduction, mais il a gardé la même hargne, la même rage. Il est devenu une bête inarrêtable qui est capable de tuer n’importe qui parce qu’il n’a plus peur des conséquences.

Il va tomber sur une histoire des plus sordides et, de chasseur, il va devenir chassé, devenant l’homme à abattre pour avoir vu des images qui ne doivent pas ressortir au grand jour. Et pour être ignobles, elles sont ignobles. Sauf que Lentz, même chassé, passe toujours à l’attaque. Ce genre d’histoire, même s’il a déjà été abordé dans d’autres romans est bigrement haletant dans ce cas-ci pour beaucoup de raisons.

Tout d’abord, comme pour ses deux premiers romans, l’époque est bien rendue : on y parle de la peur de l’arrivée au pouvoir de Mitterrand avec dans ses bagages les communistes. La peur du rouge en devient terrible à tel point que de nombreux riches ou bourgeois partent déjà vers la Suisse ou le Luxembourg. La défaite de Giscard d’Estaing n’est plus une surprise mais une évidence et il s’agit de mettre à l’abri son argent.

Ensuite, ce personnage de Lentz est incroyable, je n’ai jamais lu un tel personnage dur, intraitable, meurtrier dans le polar français. Et le style de ce roman, sec, sans fioritures, dur, va s’adapter à l’histoire ce qui est un grand changement par rapport aux deux autres histoires, Rouge Parallèle et Telstar. Du coup, le roman est plus court, il se lit vite et va vite puisque les événements s’enchainent à un rythme d’enfer.

Stéphane Keller ne laisse pas de coté ni l’immersion dans cette époque de changements pour le peuple, abordé par de petites touches, ni la psychologie des personnages secondaires, dont il se débarrasse quand il n’en a pas besoin. Et finalement, on est pleinement satisfait après avoir tourné la dernière page d’avoir voyagé dans ce polar noir avec ce personnage hors-norme. Comme pour ses deux premiers romans, Stéphane Keller nous surprend à nouveau avec cette histoire noire et rouge sang.

Le chouchou du mois de mai 2020

En avant pour une onzième année ! Après deux mois d’enfermement, nous avons enfin eu le droit de sortir et de retrouver nos librairies préférées. Forcément, les billets que j’ai publiés en ce mois de mai ont été un mélange de nouveautés datant d’avant le mois de mars et de romans plus anciens. Dans tous les cas, ce sont des lectures hautement recommandables.

Parmi, les nouveautés, je vous signale la dernière aventure de Stan Kurtz, Détour de Marc Falvo (Faute de frappe), qui démarre doucement avant de trouver son rythme, toujours avec autant d’entrain.

Dans le genre humoristique, mais plus déjanté, Fin de siècle de Sébastien Gendron (Gallimard) imagine un monde séparé entre ultra-riches et pauvres où débarquent des requins préhistoriques sans pitié. Et c’est l’occasion de fouiller l’inhumanité des humains.

Dans un autre genre, Tu entreras dans le silence de Maurice Gouiran (Jigal) nous emmène en 1916 avec l’envoi de jeunes soldats russes en échange d’armes. Cette période trouble donne l’occasion à cet auteur incomparable de nous offrir un de ses plus beaux romans historiques.

Riposte de David Albertyn (Harper & Collins) est un premier roman ambitieux, à la fois simple dans sa structure, impressionnant dans sa maitrise du temps qui passe (le roman se déroule sur 24 heures) et bluffant par son scénario et sa structure. Un nouveau nom d’auteur de polar à retenir.

Donbass de Benoit Vitkine (Les Arènes – Equinox) est lui aussi un premier roman. Il nous envoie en Ukraine, dans une guerre dont personne ne veut entendre parler et le réalisme et la description du contexte emportent l’adhésion. A ne pas rater.

Avec La tête dans le sable de Georges-Jean Arnaud (Fleuve Noir), j’aurais aussi rendu un hommage à un des auteurs français les plus prolifiques. Ce roman noir est une plongée dans le monde de l’entreprise et parle d’une machination sous fond de harcèlement. Excellent.

J’aurais aussi lu la Saison 4 de Double-Noir, la collection créée par Claude Mesplède avec des auteurs aussi diverses et variés que … On y trouve quelques belles pépites. J’attends avec impatience la saison 5 !

Je continue aussi à lire ou relire le duel entre Bob Morane et l’Ombre Jaune. Je me suis rappelé de Le retour de l’Ombre Jaune d’Henri Vernes (Marabout), une de mes lectures adolescentes et cela m’a donné une cure de jouvence, un retour en arrière vers mes années de lectures adolescentes. C’est un des grands moments de cette série.

Et j’ai commencé un nouveau cycle, celui mettant en scène Harry Bosch. Les égouts de Los Angeles de Michaël Connelly (Livre de Poche) est un parfait exemple d’un roman présentant un nouveau personnage tout en parlant des soldats dont la mission était de fouiller les tunnels au Vietnam.

Les effarés de Hervé Le Corre (Points), lu dans la cadre de ma rubrique Oldies, constitue ma lecture mensuelle pour fêter les 40 ans de la collection Policiers de Points. C’est une œuvre de jeunesse de cet auteur devenu incontournable dans le paysage littéraire français et un super polar, à découvrir.

Je suis allé à la découverte d’un personnage concurrent de Sherlock Holmes avec Arrowood de Mick Finlay (Harper & Collins). On se retrouve avec une enquête complexe pleine d’événements et de rebondissements. C’est une lecture distrayante et passionnante, pleine de vitalité et de rythme.

Le titre du chouchou du mois revient donc à Le dossier Anténora de LFJ Muracciole (Toucan), parce que c’est un roman totalement bluffant, plein de personnages, plein d’inventivité, qui nous fait revivre une période trouble, mai 1968, et toutes les luttes politiques de cette époque. L’immersion est telle que l’on se demande si ce qui est raconté est vrai ou pas. Ce roman remet au gout du jour le vrai roman populaire, et lui redonne des lettres de noblesse.

J’espère que ces avis vous auront été utiles dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, et plus que jamais, n’oubliez pas le principal : protégez vous, protégez les autres et lisez !

Le dossier Anténora de LFJ Muracciole

Editeur : Toucan

Le nom de l’auteur (en fait il s’agit d’auteurs au pluriel) est mystérieux. La quatrième de couverture est bien tentante. Et la présentation de l’éditeur (que je vous recopie ci-après) dans le dossier de presse édifiant. Ce cocktail donne un polar fantastique.

La présentation de l’éditeur cite un personnage :

« Ce récit relate une série d’événements demeurés trop longtemps ignorés. Pendant le mois de mai fut réalisé à Paris le plus grand casse de l’histoire. Au même moment, le programme lunaire américain faillit capoter par la défection d’un astronaute, tandis qu’un réseau soviétique parvint à s’emparer des plans français de la bombe H.

Les protagonistes de ces affaires n’auraient jamais dû se rencontrer. Ils furent pourtant réunis et, sans aucune violence, ils réussirent à déstabiliser le système monétaire international.

Le temps a fait son œuvre et je suis aujourd’hui le dernier survivant de l’aventure. Il m’a paru qu’il était temps de témoigner. Si la trame est romancée, les faits sont bien réels, y compris pour les histoires d’amour qui ont parcouru l’intrigue. »

Le mercredi 24 avril 1968, un homme est retrouvé mort à l’aéroport d’Orly, vraisemblablement victime d’une crise cardiaque. Il s’agit du professeur Jacques Lacroix, éminent expert nucléaire du centre d’études de Saclay.

Le jeudi 25 avril 1968, le commandant Jim Clyde et son copilote Pete Young réalisent l’un des derniers essais sur le module lunaire Appolo. Plus tard dans la journée, Jim Clyde est convoqué. On lui annonce que ses résultats sanguins font état de prise d’alcool et de drogues. La NASA l’envoie à Paris avec sa femme, tous frais payés pour se reposer.

Le jeudi 25 avril 1968, à Vincennes, une Citroën DS se gare devant une agence de la BNP. Deux hommes en sortent et réalisent un casse sans blesser personne, emportant plus de 100 000 francs. Le gang des DS a encore frappé.

Le vendredi 26 avril 1968, Etienne Lemonnier, patron de la DST reçoit une information primordiale : Le Borgne, bien connu comme étant le plus grand espion soviétique actif en France, vient de sortir de l’ambassade russe. Lemonnier le fait suivre.

Il ne reste que quelques mois au commissaire Pujaud avant de profiter d’une retraite bien méritée. Âgé de 65 ans, il apprend qu’il va bientôt être grand-père. Il apprend aussi que plusieurs affaires vont avoir besoin de ses talents.

Ce roman, c’est du pur plaisir. A la frontière du roman policier, du roman d’espionnage et du roman d’aventures, il comprend toutes les qualités que l’on peut demander à un vrai bon polar populaire. A tel point que l’on a du mal à déterminer où se finit la réalité et où commence la fiction. A tel point que l’on se demande si ce roman est réellement une uchronie ou s’il se propose d’illustrer des moments peu connus de notre histoire. C’en est vraiment saisissant.

La construction, comme tout le roman, est d’une ambition folle : faire revivre la France au mois de mai 1968, non pas du coté des manifestations, mais sur les enquêtes que doit suivre en parallèle le commissaire Pujaud. Ce ne sont pas moins d’une douzaine de personnages qui vont animer cette intrigue, dans plusieurs lieux situés dans trois pays principaux, la France, Les Etats-Unis et la Russie.

L’une des principales énigmes du roman se situe autour de La divine comédie de Dante Alighieri, dont une nouvelle traduction doit voir le jour. Le roman est donc construit autour de trois grandes parties, L’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, et va dérouler cette histoire avec une passion peu commune. Avec ses chapitres ne dépassant que rarement les quatre pages, il se lit vite, très vite, malgré ses 574 pages, parce que nous sommes pris dans ce Paris du siècle dernier, par cette intrigue et le devenir de ses personnages.

Car les personnages sont brossés, et on n’y trouvera aucune description détaillée. On imagine bien de grands acteurs derrière ces figures et chaque scène ferait une fantastique trame pour un film ou une série. Malgré le grand nombre de personnages, on s’y retrouve facilement, pris par les nombreux soubresauts et meurtres qui vont émailler cette histoire. C’en est juste bluffant.

On y retrouve des énigmes policières, des courses poursuites, des espions, des barbouzes, des dirigeants, des banquiers, des jeunes gens innocents, des scientifiques, et tous vont se retrouver emportés par la furie de cette époque. D’ailleurs, les manifestations apparaissent rarement, de temps en temps, pour nous rappeler le contexte d’un monde sous haute tension. Et on y trouvera de-ci de-là quelques allusions à des habitudes d’alors, ainsi que quelques coups d’œil envers notre époque d’aujourd’hui.

Au final, c’est un régal, le genre de roman qui rappelle qu’avec une bonne histoire, d’excellents personnages et un excellent sens du rythme, on arrive avec beaucoup de talent à passionner le lecteur et surtout à semer le doute. Car, tout ce qui est raconté ici est-il vrai ou faux ? Tout est fait pour semer le doute et cela marche à fond.

On ne sait que peu de choses des auteurs, qui sont (a-priori) un couple Lucie et Jean-François Muracciole, mais je peux vous dire qu’on ne sent jamais qu’il s’agit d’une écriture à quatre mains et que l’ambition de ce roman est formidablement réussie. Sans aucun doute, je serai au rendez-vous de leur prochain roman. Que du plaisir, du vrai bon plaisir, que de lire un excellent polar populaire !

Telstar de Stéphane Keller

Editeur : Toucan

J’avais été très impressionné par le premier roman de Stéphane Keller, l’année dernière, Rouge Parallèle, par son intrigue qui s’appuie sur trois personnages forts et par sa faculté à nous immerger dans une autre époque, les années 60. Telstar sort moins d’un an après et reprend les mêmes personnages.

Une suite ? Non, plutôt une explication du parcours des policiers et militaires rencontrés dans Rouge Parallèle. Les anglo-saxons appellent cela un pre-quel ; moi j’appelle ça un « Revenons en arrière » ! Original, non ? Et donc, pour bien appréhender les Lentz et Holliman, quoi de mieux que de les envoyer dans les années 50, plus précisément 1956, en Algérie.

Alger, 24 décembre 1956. Le corps d’une jeune fille est retrouvé. Elle a été violée puis étranglée ; il lui manque une socquette. Pour l’inspecteur principal Brochard, ce n’est qu’une horreur de plus dans un pays de plus en plus ensanglanté. Depuis le début du mois, ce sont plus de 120 attentats mortels qui ont déferlé, dont la responsabilité incombe au FLN, le Front de Libération Nationale. Son adjoint, Joanin ne s’est pas encore remis d’un massacre dans une petite ferme du coin. Sa mère leur donne son nom : la petite s’appelait Henriette Pellegrini. Quelques témoins font état d’une voiture américaine de couleur, avec à son bord un homme blond. Cela n’arrange pas Brochard qui viserait plutôt les fellaghas.

Chypre, 24 décembre 1956. L’armée franco-britannique a remporté la victoire du Canal de Suez face à Nasser mais a dû faire marche arrière sous la pression des Américains et des Russes. Alors l’état major leur ordonne de rallier Alger, pour sécuriser la situation. La 10ème DP, accompagnée du capitaine Jourdan allait s’atteler à cette mission. Ils avaient carte blanche. La chasse au FLN débutera dès le 26 décembre, date de leur arrivée sur place. Par contre, Jourdan devra se coltiner la colonel Stuart Hollyman, observateur américain sur place.

Sainte Marthe, 25 décembre 1956. Norbert Lentz est un simple soldat, dont l’objectif et la motivation tiennent en quelques mots : faire la chasse aux communistes. Et il est sur d’en trouver à la pelle en Algérie. Direction donc Marseille, pour embarquer vers cette colonie qui a la prétention de revendiquer son indépendance. Il va leur faire passer cette envie, aux communistes …

Que c’est dur de faire un résumé du contexte de ce roman, environ les 50 premières pages, alors que la situation est inextricable. Après Rouge parallèle, l’auteur m’avait indiqué qu’il envisageait de traiter cette période sanglante pour y placer quelques uns de ses personnages, et expliquer leur histoire. Alors, si je dois vous conseiller quelque chose, c’est de lire celui-ci avant Rouge parallèle … ou pas. En fait, je pense que l’on peut suivre un déroulement chronologique mais on peut aussi lire Telstar en premier. En aucun cas, vous ne serez gêné dans votre lecture.

Passé cette introduction, je retrouve la puissance d’évocation de cette période, la sensation de danger permanent alors que le style de l’auteur est plutôt descriptif. Stéphane Keller nous montre la difficulté de cette situation qui ne peut que dégénérer, où les différents camps en présence se livrent à une guerre mortelle sans aucun état d’âme. Aux attentats aveugles, la police française y répond par des meurtres sans enquête pour boucler ses dossiers et l’armée se livre à des tortures qu’on a du mal à imaginer.

En fait, Stéphane Keller arrive à atteindre le juste équilibre entre personnages et contexte, entre action décrite et dialogues réduits au strict minimum. Et surtout, il réussit la gageure, en s’appuyant sur une documentation sans faille mais pas lourdingue, à nous montrer toute l’inhumanité des hommes quand ils sont persuadés de leurs actes. Il n’est pas étonnant que l’on ait vu aussi peu de romans traitant ce sujet et il semble bien que les vannes de l’imagination littéraire s’ouvrent depuis peu. Et c’est finalement une bonne chose pour l’Histoire.

Quant à Stéphane Keller, il passe haut la main le risque du deuxième roman en gardant le même thème. Et ça, c’était un sacré pari, un pari qu’il a formidablement transformé. Enfin, le titre, il s’agit d’un titre des Tornadoes, sorte de musique désenchantée, qui tourne en rond comme si les hommes refaisaient tout le temps les mêmes erreurs.

Ne ratez pas les avis de Wollanup

Le chouchou du mois de novembre 2018

Le mois de novembre a été pour moi le mois des découvertes : découverte de nouvelles maisons d’édition ou bien découvertes de nouveaux auteurs. Ne tenez pas compte de l’ordre d’apparition, j’ai fait l’effort de les classer par ordre alphabétique des auteurs. Jugez-en plutôt :

J’aurais chroniqué les 5 fascicules et 10 nouvelles de la saison 2 de Double Noir, édité par l’association Nèfle Noir. On y trouve beaucoup de pépites parmi celles de Guy de MAUPASSANT, Jack MOFFITT, Alexandre DUMAS, Georges J.ARNAUD, Louis PERGAUD, Marin LEDUN, Prosper MÉRIMÉE, Max OBIONE, Jean-François COATMEUR et Claude MESPLÈDE lui-même. N’hésitez plus, le détail est ici.

L’autre nouveauté pour moi aura été de lire des romans électroniques dont Max de Jérémy Bouquin (Ska), un polar annoncé pour adolescent mais qui peut plaire à toute la famille à partir de 15-16 ans ; et Ma vie sera pire que la tienne de Williams Exbrayat, roman auto-édité, divisé en trois parties toutes différentes les unes des autres, original et décalé, à découvrir.

Je ne savais pas que les éditions In8 publiaient des romans, et encore moins des polars. Amère Méditerranée de Philippe Georget (Editions In8) fut une superbe lecture pour moi, car il correspond tout à fait à l’humanisme qui me porte. Si l’intrigue porte sur la recherche de ce qui s’est passé sur un chalutier qui a pris feu, elle aborde un sujet sensible, placé au niveau de ceux qui subissent ce trafic d’humains.

La disparition d’Adèle Bedeau de Graeme MacRae Burnet (Sonatine) est le premier roman de l’auteur et le premier que je lis de lui. Ce roman à réserver aux amateurs de roman psychologique est à ranger juste à coté des romans de Simenon, et c’est une vraie réussite. Présenté comme un duel à distance entre les deux personnages, c’est fascinant de justesse.

Encore un premier roman avec Dégradation de Benjamin Myers (Seuil), qui est plutôt à classer dans les romans noirs. S’il faut s’habituer au style de l’auteur, et accepter certaines scènes dures, le constat qu’il dévoile est démontré sans concession, d’un groupe d’hommes dépourvu de toute humanité et qui sait se mettre à l’abri des lois grâce aux petits arrangements entre amis. Eloquent et éblouissement.

Les damnés ne meurent jamais de Jim Nisbet (Rivages Noir) aura été l’occasion pour moi de découvrir un extraordinaire auteur de polar, qui déroule son histoire en suivant tous les codes mais en les détournant avec beaucoup d’humour. Nul doute que je vais revenir bientôt fouiller dans sa bibliographie.

Don Winslow, j’adore. L’auteur de La griffe du chien et de Cartel revient avec Corruption de Don Winslow (Harper & Collins), un roman coup de poing qui dénonce la corruption (d’où son titre !) à tous les étages, de la polie en passant par la justice en passant par les politiques. Le roman est inlâchable et le seul bémol que j’y ai trouvé est sa similitude avec la série télévisée The Shield, que j’adore. C’est un roman extraordinaire qui sera sans nul doute au pied de beaucoup de sapins.

Double découverte avec Le loup d’Hiroshima de Yuko Yusuki (Atelier Akatombo), celle d’une toute nouvelle maison d’édition et celle d’un auteur. Yuko Yusuki nous montre l’arrivée d’un jeune policier, coaché par un ancien bien intégré parmi les gangs de Yakuzas. C’est l’occasion de détailler les codes qui régissent ces mafias à travers un scénario fort bien mené. A découvrir pour le dépaysement mais aussi pour la qualité de la narration.

Le titre du chouchou du mois revient donc à Rouge parallèle de Stéphane Keller (Toucan) qui m’a tout simplement envoûté. La plongée dans les années 60, la description des itinéraires de deux personnages forts font de ce roman un moment de lecture et de plaisir intenses, que l’on a bien du mal à lâcher, et que l’on a beaucoup de peine à oublier. C’est le premier roman de l’auteur et je peux vous dire que j’attends le prochain avec grande impatience.

J’espère que ces avis vous seront utiles dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez-vous le mois prochain, pour le bilan de cette année 2018. Quant à moi, je vais consacrer mon mois de décembre aux romans que j’ai mis de coté au long de cette année et à la sélection des balais d’or. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !

Rouge parallèle de Stéphane Keller

Editeur : Toucan

J’ai un peu de mal à croire, après avoir tourné la dernière page de ce roman, qu’il s’agit d’un premier roman. Certes, l’auteur est un scénariste chevronné, pour la télévision et le cinéma. Mais de là à écrire un tel roman, il y a un pas. Et vous savez mon aversion vis-à-vis des films contemporains. Nous sommes dans un roman, un vrai roman, un grand roman, qui nous fait revivre les années 60 et en particulier l’année 1963.

3 janvier 1963. Son passeport le désigne comme un Corse, nommé Vincent Cipriani. Ancien di 1er REP, clandestin de l’OAS, il se nomme en réalité Etienne Jourdan. Il est accoudé au comptoir du café de la Tour de Nesle, dans l’anonymat le plus complet et est recherché par toutes polices de France. Son premier meurtre, ce fut un soldat allemand, le jour de ses 17 ans. Entré dans la maquis, il a participé à la libération, puis partit en Indochine, puis passerait par l’Algérie.

En sortant du café, il tombe sur deux jeunes flics. En fuyant, l’un d’eux, Norbert Lentz, glisse sur un toit, se retient à une gouttière. Jourdan va le sauver, mais va se faire arrêter. Après son interrogatoire, il va être transférer par fourgon, et un groupe de soldats va organiser son évasion. Le groupe est dirigé par un américain, le colonel Hollyman, qui fait officiellement partie de la CIA. Hollyman va fuir la France avec Jourdan, après s’être assuré qu’il accomplirait la mission secrète qu’il a à lui confier.

Hollyman est ce qu’on pourrait qualifier de pédophile psychopathe. Il a toujours eu des problèmes avec les femmes. Pour autant, il n’aime pas les hommes non plus. Il a toujours aimé les jeunes filles. Alors qu’il était soldat dans l’armée, détaché en Allemagne, il avait tué et violé une jeune fille de 12 ans, et avait connu sa plus grande jouissance. Mais personne ne connait sa part sombre, et on lui confie toujours des opérations délicates.

Norbert Lentz, le jeune policier, est âgé de 23 ans. Marié, père d’un bébé, il vit une vie tranquille avec sa femme Denise. Lors d’une de leur sortie au cinéma, elle est bousculée par un beau jeune homme, de type italien, et leur complicité est immédiate. Ils s’enferment dans les toilettes et font l’amour debout. Denise aime le sexe avec les inconnus et Norbert ne se rend compte de rien. Mais ce beau jeune homme pourrait changer leur vie à tous les deux.

Ah, les années 60 ! Les années bonheur, les années folles, les années yé-yé. Vu d’aujourd’hui, on peut éprouver de la nostalgie pour une époque où il y avait le plein emploi, où les gens savaient s’amuser et où les seuls souvenirs qui nous arrivent sont peuplés de fleurs et de sourires. Je ne vous cache pas que ce n’est pas complètement ce que Stéphane Keller nous décrit ici. Rouge parallèle, c’est la couleur du sang, qui va servir de trace de deux itinéraires, celui de Jourdan et celui de Lentz.

Dès le début du roman, le ton est donné et le parti-pris de l’auteur clairement affiché. Nous allons avoir la description d’une société qui n’a pas oublié la deuxième guerre mondiale et qui est embringuée dans des conflits locaux qui impliquent les plus grandes puissances mondiales. A travers ces deux personnages, Hollyman étant un peu en retrait comme un catalyseur, Stéphane Keller nous décrit deux pays en proie aux ressentiments et aux alliances de circonstance, aux grandes trahisons et aux grands mensonges.

Avec une belle lucidité, la France est montrée comme une nation dirigée par un personnage omnipotent, régnant sur la politique, la police et la presse, passant au travers d’attentats et ayant construit son pouvoir entre fascisme et communisme, en piochant un peu de ci, un peu de là. Les Etats Unis en sont au même point, ayant mis au pouvoir un homme porté par l’argent de la mafia et tournant le dos aux agences gouvernementales pour afficher son grand sourire devant les médias.

Deux hommes vont traverser cette période charnière, cette année 1963 qui va changer le monde, qui va faire atterrir le peuple et lui rappeler que nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours. Ces deux hommes ont perdu leurs illusions et avancent comme des spectres, semant les cadavres comme autant d’appels au secours du monde. Je ne suis pas en train de défendre ces deux figures qui vont tenir le roman au bout de leurs armes, mais juste essayer de vous donner envie de lire ce formidable roman.

Passant de Jourdan à Lentz, sans avoir de schéma établi, Stéphane Keller écrit là un roman qui doit lui tenir à cœur tant il y a mis de la passion, une passion qu’il nous transmet au travers de ces presque 400 pages, sans que l’on n’y ressente une once de lassitude. L’histoire est racontée avec une telle évidence, avec une telle fluidité qu’on ne peut qu’être ébahi devant le talent brut et époustouflé par cette histoire dans l’Histoire. S’il y avait sur Black Novel une palme du meilleur premier roman 2018, Rouge parallèle l’obtiendrait haut la main.

L’ami Claude a donné un coup de cœur à ce roman. Ne ratez pas son avis ici

Le chouchou du mois de janvier 2018

Voici venu le temps d’élire le premier chouchou de 2018. Comme je vous l’avais dit, je suis revenu à un rythme plus raisonnable de billets puisque je n’aurais quasiment pas publié de billets le vendredi … à part l’avis de mon invitée et amie Suzie qui nous a vanté les mérites d’un roman psychologique fait pour mettre mal à l’aise : Une vie exemplaire de Jacob M. Appel (La Martinière).

Bon, j’avoue que j’ai aussi inséré mon avis sur Droit dans le mur de Nick Gardel (Editions du Caïman), parce que c’est un auteur qui ne se prend pas au sérieux, et que j’aurais à la fois bien rigolé et surtout passé un excellent moment en compagnie de son retraité en prise avec une secte.

L’année du Lion de Deon Meyer (Seuil) sera ma seule lecture 2017, en toute fin d’année, qui aura vu mon avis publié l’année d’après. Mais je ne pouvais décemment pas passer outre de parler de ce roman post-apocalyptique qui nous plonge dans un décor extraordinaire et nous fait partager l’utopie d’un homme qui veut le reconstruire sans ses défauts. Un mois après sa lecture, je considère toujours que c’est le meilleur de son auteur.

Alors que l’année commence toujours par un mois de janvier (je suis sur que vous ne vous en étiez pas aperçu !), j’ai quant à moi lu et chroniqué quelques romans qui s’avèrent des débuts de série. Dans le cadre de ma rubrique Oldies, c’est la série de Harpur & Iles que j’ai débuté avec Raid sur la ville de Bill James (Rivages). C’est un roman qui m’a beaucoup surpris par la sécheresse de son style et la justesse de son propos, donnant une vision réaliste de l’ultra-libéralisme sous Margaret Thatcher. Toxique de Niko Tackian (Livre de poche) nous propose un nouveau personnage, Tomar Khan, qui tient à lui seul le roman. On y trouve beaucoup de mystère, plein de zones d’ombres et surtout une tension sous-jacente qui donne envie de lire le suivant (et je vous livre un scoop : la suite Fantasmë est sortie en début de mois chez Calmann Lévy. Et je vous donne un second scoop, je vais bientôt le lire !). Enfin, avec Les chemins de la haine d’Eva Dolan (Liana Levi), j’ai eu la chance de découvrir une auteure à part dans le paysage britannique, à la fois froide et humaine dans son propos, une artiste engagée qui ne mâche pas ses mots. Sa brutalité ne plaira pas à tout le monde en dénonçant l’esclavagisme moderne auprès des SDFs, mais son propos mérite d’être entendu et lu.

Après son premier roman Derrière les portes, j’étais curieux de savoir comment allait être le deuxième roman de BA.Paris. Défaillances de BA.Paris (Hugo & Cie) est en fait totalement prenant, une plongée dans la folie d’une femme qui se croit atteinte de la maladie d’Alzheimer. J’ai été immergé dans la psychologie de cette femme jusqu’à un dénouement à la fois surprenant et totalement logique.

Il est des auteurs que je suis et qui deviennent incontournables dans la Pile à Lire. Il et moi de Philippe Setbon (TohuBohu) est, sous des dehors de scénario remarquablement construit, un questionnement sur l’identité et sur la vie des acteurs qui changent de personnalité à chaque rôle. Une nouvelle réussite à mettre au crédit de cet auteur trop méconnu. Pour donner la mort, tapez 1 de Ahmed Tiab (Editions de l’Aube) nous place face à des questions de société difficile et nous propose le début d’une nouvelle trilogie sur Marseille. Si vous ne connaissez pas encore cet auteur, n’hésitez plus : il a un ton original et se pose en témoin de notre époque.

Le titre (honorifique) de chouchou du mois revient donc à 7/13 de Jacques Saussey (Editions du Toucan) car je me demandais comment cet auteur allait rebondir après son précédent roman écrit avec tant de rage, où il maltraitait ses deux personnages fétiches. Il aura suffi d’une trentaine de pages pour m’avaler dans un tourbillon et m’envoyer dans la Nord de la France, entre 1944 et 2015. C’est un roman en forme de renaissance, énorme, prenant.

J’espère que ce bilan vous aura aidé dans vos choix de lecture. Je vous donne rendez vous le mois prochain pour un nouveau titre de chouchou. En attendant, n’oubliez pas le principal, lisez !