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Enigma d’Armelle Carbonel

Editeur : Fayard Noir

Cela faisait un petit moment que je voulais découvrir la plume d’Armelle Carbonel et la sortie de son petit dernier est une bonne occasion de voyager dans le monde angoissant de cette jeune auteure française.

Connue pour ses documentaires sur des bâtiments abandonnés, Barbara Blair arrive dans un orphelinat perché au sommet d’une colline, le Domaine de la Haute-Barde. Warren et David, cadreur et preneur de son l’accompagnent. Dès leur visite du bâtiment en compagnie du propriétaire, ils ressentent une ambiance d’abandon avec des souffles de vent et des bruits étranges.

Magda, une voisine leur raconte que soixante ans auparavant, toutes les horloges du village se sont arrêtées à 21h00 dans une atmosphère de fin du monde sous un orage monstrueux. Tout le monde l’a surnommée L’Heure Fantôme. Cette nuit-là, des dizaines d’enfants ont disparu. Dans les souvenirs des habitants, ces disparitions ont survenu en même temps qu’une épidémie mortelle.

Barbara qui tous les soirs se connecte sur son micro avec sa fille sourde, a du mal à prendre du recul avec sa situation personnelle et son sentiment d’abandonner sa fille. Quand une jeune fille disparait dans le village, l’ambiance mystérieuse devient vite intenable. En interviewant le voisinage, ils rencontrent Arnold, un psycho-criminologue en fauteuil roulant qui va les guider sur ces événements passés ayant un impact sur aujourd’hui.

Enigma est une lecture particulière, qui laisse une impression de visiter un paysage mystérieux où Armelle Carbonel joue le rôle de guide. Ce roman n’est pas un roman d’action, ni un thriller et même pas un roman d’horreur. Tout se joue sur le talent de l’auteure, sa capacité à créer une ambiance dans un lieu clos et angoissant, puis de faire monter gentiment la pression chez le lecteur.

Avec son style très détaillé, Armelle Carbonel met l’accent sur les décors et l’ambiance, pour mieux créer un brouillard, et pas uniquement dans l’intrigue ou les décors. Même l’intrigue qui donne peu de repères temporels nécessite de s’accrocher un peu. On se laisse aisément promener et on prend du plaisir à sentir la tension monter, à frissonner sans effusion d’hémoglobine, juste du bon stress.

Je ne sais pas pourquoi, mais ce roman m’a fait penser au film Conjuring, que j’aime bien, par son ambiance. Tout se joue dans la façon de présenter les choses, d’ajouter un personnage flou qui passe au second plan, de donner un semblant de stress surprenant par une simple phrase. Tout est construit sur la base d’une ambiance angoissante et c’est bien fait.

Comme il est souvent mentionné son précédent roman Sinestra, j’ai l’impression d’avoir raté quelques rappels mais je dois dire que je me suis bien amusé. Et puis, dans la deuxième partie, le rythme s’accélère pour dévoiler un scénario bigrement retors et qui m’a pleinement satisfait. Pour moi, Enigma fut une belle découverte d’une auteure bigrement douée. A suivre donc, en ce qui me concerne.

Avalanche Hôtel de Niko Tackian

Editeur : Calmann-Levy

Alors que je m’attendais à une nouvelle enquête de Tomar Khan, son personnage récurrent (voir Toxique et Fantazmë), j’ai été surpris et emballé à l’idée de lire un roman orphelin. Et ce roman est un sacré pari, celui de fouler les terres d’autres auteurs ayant utilisé comme décor un hôtel isolé en pleine montagne dont le géant Shining du King.

Janvier 1980. Joshua Auberson se réveille dans la chambre 81 d’un palace suisse, l’Avalanche Hôtel. Outre un mal de tête monstrueux, il a peu de souvenirs de ce qu’il a fait. Quand il descend à l’accueil, il apprend qu’il est agent de sécurité et est interrogé par la police, à la recherche d’une jeune femme, Catherine Alexander qui a disparu le jour de la fête de ses 18 ans. Il accepte de suivre Clovis, le barman, et les deux hommes grimpent sur la montagne. Ils débouchent sur une piste de bobsleigh abandonnée. Clovis lui demande de lui faire confiance, l’installe dans la machine et le pousse sur la piste. Avec les secousses et la violence de la descente, Joshua perd connaissance.

Joshua se réveille dans un lit d’hôpital. Il apprend par les médecins qu’il vient de survivre à une avalanche et a passé plusieurs jours dans le coma. Une femme vient le voir, elle se nomme Sybille. Elle lui apprend que nous sommes en 2018, qu’il est policier et qu’elle est sa partenaire. Il va petit à petit reprendre pied, en étant persuadé que l’Avalanche Hôtel n’est qu’un cauchemar … Quand ils doivent enquêter sur une mort mystérieuse, les cauchemars reviennent et Joshua part à la recherche d’informations …

Il y a de quoi être surpris, à la fois dans le changement de personnage mais aussi de décor et de sujet. On entre dans un décor inconnu, et l’auteur décide de nous plonger dans une atmosphère à la fois oppressante et mystérieuse, comme si on vivait (pardon, lisait !) ce roman en étant dans un brouillard épais. Car si le passage qui se passe en 1980 se déroule sur 3-4 chapitres, il n’en reste pas moins qu’on est bouleversé par le passage à l’hôpital, bousculé dans nos certitudes. Et le fait que l’on ait relevé quelques incohérences dans ces premiers chapitres nous rassure quand Niko Tackian nous donne comme explication que nous étions dans un cauchemar.

Sauf que … les cauchemars continuent, les mystères s’épaississent, et je peux vous dire que j’ai passé plus de 200 pages à me poser des questions, pas à cause de la résolution de l’énigme mais bien avec ce style jouant volontairement sur des tons brouillardeux. Quelle belle réussite de mettre en porte-à-faux le lecteur en le noyant sous des indices qui ne collent pas entre eux. Et si on ajoute à cela, cette ambiance glaciale des sommets montagneux, ces étendues blanches sans aucune trace pour nous ramener à la maison au chaud … C’est très réussi.

Il faut dire que le rythme de lecture est élevé puisque les chapitres ne dépassent que rarement les 4 pages, même s’il y a très peu de dialogues. Et que j’ai pris un plaisir fou à me laisser malmener. Et quand la conclusion, la clé de l’énigme arrive, je me suis dit que j’aurais du le voir venir, que je l’avais vu venir (là c’est quand je veux me rassurer sur mes qualités d’enquêteur !), mais en fait, je me suis bien fait avoir. Et pourtant, il y a pléthore d’indices ! Que dire de plus ? Avec un tel décor, un tel rythme et un tel scénario, nul doute que cela fera un excellent film si le réalisateur est à la hauteur. C’est donc un excellent divertissement que je vous recommande chaudement, forcément !

Ne ratez pas l’avis de mon ami Yvan

Ne meurs pas sans moi de Suzanne Stock (Points)

Je profite de la sortie de ce roman en format de poche pour dépoussiérer un billet que j’avais écrit quand ce roman est sorti en grand format.

Sandra Denison est une jeune avocate, que l’on peut appeler une sucess-woman. Elle vit sa vie au présent, collectionnant les succès professionnels et personnels. Le patron du cabinet où elle travaille, Kyle Hartmann, lui propose une promotion et d’intégrer le conseil d’administration. Mais ils n’auront pas l’occasion d’en parler avant lundi !

Suite à cette nouvelle, Sandra décide de fêter ça avec son collègue et amant Mark Stanton. Quand elle lui propose une soirée, il décline, étant déjà pris et ayant peur que sa femme se doute de quelque chose. Alors, elle se retourne vers son amie de toujours, Claire Jenkins. Elles fêteront cela avec des bouteilles de champagne.

Petit à petit, Sandra va se sentir oppressée par une silhouette noire, avec des yeux rouges. Emportée par l’alcool, son environnement va devenir brouillardeux. Des flashbacks vont lui rappeler son enfance, quand elle était maltraitée par sa mère, son père toujours présent et aimant et ce drame quand sa maison a pris feu avec le corps de sa mère à l’intérieur. Quand Sandra trouve le téléphone portable de Claire qu’elle a oublié, son esprit va totalement disjoncter. Que cache donc Sandra dans les replis de son esprit ?

Le roman est divisé en deux parties très différentes entre elles, comme on fait un puzzle. Dans L’appel du vide, Suzanne Stock étale les pièces du puzzle ; Dans La furie, elle les met en place pour nous montrer la qualité de son intrigue. Si la première partie oscille entre les personnages, entre les passages dans le présent et le passé, la deuxième partie est plus linéaire et classique dans son déroulement.

Dans L’appel du vide, tout est fait pour que le lecteur se sente mal. Toutes les descriptions sont centrées sur les petits détails de la vie, et les sentiments de Sandra. Et surtout, l’ambiance se retrouve vite mise à mal par des passages dignes d’un film d’horreur, avec des scènes visuelles pleines de sang et d’angoisse. Si l’alternance entre les différents personnages risque un peu de perdre un peu le lecteur, les scènes d’horreur sont terriblement réussies.

Dans La furie, le personnage principal devient Josh, le père de Sandra et la mécanique se met en place. Et là aussi, en tant qu’habitué des polars, je me suis un peu douté du dénouement, mais la construction m’a paru fort bien faite … Jusqu’à un épilogue qui nous montre que l’on n’a pas rêvé ce cauchemar.

Ce premier roman, sans être exempt de défauts, montre en tous cas une auteure qui est capable de faire frémir le lecteur avec des scènes dignes des films d’horreur. Le style est imagé et j’aurais juste aimé que les paragraphes soient un peu moins longs, plus aérés pour faciliter la lecture. Il n’en reste pas moins que c’est un roman fort prometteur avec quelques scènes tout bonnement ahurissantes. A découvrir.

Dites Mme Stock, c’est pour quand le deuxième ?

Kind of black de Samuel Sutra (Terriciaë)

Attention, coup de cœur !

La dernière page vient de se tourner, les mains de pianiste qui s’immiscent sur la couverture se tendent vers moi. Je prends le roman, l’ouvre au hasard, mais pas tout à fait, attrape un effluve de chapitre et commence (ou plutôt recommence) ma lecture. Je retrouve Jacques, cet inspecteur en vacances, qui plonge dans cette affaire ténébreuse, au fin fond d’une cave enfumée, bercé par une douce musique légèrement nonchalante et infiniment triste.

J’entame à peine les premières phrases du chapitre 21 qu’une musique caresse mes oreilles. D’un accord parfait, d’une introduction musicale d’une douceur inégalée, les phrases débouchent sur une voix, celle de l’auteur, de son amour pour le jazz, de son amour pour les mélodies, pour les histoires de gens. Malgré le fait que je ne sois pas fan de jazz, Samuel Sutra m’a attiré dans ses filets, comme une sorte d’initiation à la vie.

Ce roman, c’est aussi une histoire de personnages. La pierre centrale, c’est Stan Meursault, ce pianiste de génie qui n’est pas reconnu à sa juste valeur, mais que beaucoup admirent dans le milieu. Il est la pierre angulaire du Night Tavern, cette cave au pied de Montmartre où, tous les soirs se déroulent des concerts de jazz. Stan est tiraillé entre sa joie de retrouver Sarah Davis, cette chanteuse partie chercher et trouver la gloire aux Etats Unis et son appréhension de la retrouver après plusieurs années de séparation. Car ces deux là se sont connus, se sont aimés et se sont quittés au nom de la reconnaissance, du succès, de la gloire si éphémère mais si importante.

Sarah Davis a accepté de venir faire un set d’une trentaine de minutes au Night Tavern, en ne chantant que des classiques pour éviter les problèmes de droits d’auteur. Ce sont d’ailleurs les détails que doit régler Baker, l’agent de Sarah Davis et compagnon de la chanteuse. Sarah Davis a aussi permis à Stan d’enregistrer le concert, pour qu’il puisse le vendre à une maison de disque, s’il le veut.

Stan et ses deux acolytes contrebassiste et batteur laisse Sarah Davis dans la loge et montent sur scène. Ils ne voient pas le public, éblouis qu’ils sont par les projecteurs. Stan débute par If you wait too long, la célèbre chanson qui a révélé et consacré Sarah Davis. Il joue comme jamais, ses doigts volant sur les touches du piano, les notes qui sortent du piano semblant rendre hommage à cette chanteuse devenue diva du jazz. L’introduction reste suspendue dans l’air, et plus les secondes passent, plus l’atmosphère devient lourde, pesante. Stan se sent obligé de présenter « La grande, l’immense Sarah Davis … » mais elle n’apparait pas. Le silence tombe, assourdissant cet espace de musique magique ; on entend de l’agitation et la sanction tombe : Sarah Davis a été poignardée.

Je n’oublierai que bien difficilement ces formidables personnages, ni Stan et ses doigts magiques, éternel maudit de la vie, ni Jacques ce policier consciencieux, obligé de travailler en marge de sa passion, la musique ; ni Lisa si belle et si parfaite dans le regard de Jacques ; ni Baker ce personnage si antipathique ; ni les autres collègues de Jacques si bien dessinés, si vivants, si attachants. Je n’oublierai pas cette douce musique portée par le style fluide et entêtant comme une ritournelle, cette histoire racontée comme un morceau de musique, où on prend le temps d’ouvrir le capot du piano, où l’introduction vous prépare au meilleur, où le corps du morceau vous emmène petit à petit, où la fin, la conclusion du morceau vous cloue au poteau, tant c’est beau, noir et imparable. Voilà, je l’ai dit, les dernières pages de ce roman m’ont détruit.

Coup de cœur !

Samuel Sutra décline son talent dans l’humour avec les aventures de Tonton et sa bande : Le pire du milieu, Les particules et les menteurs, et Akhanguetno et sa bande. La quatrième aventure de Tonton vient de sortir aux éditions Flamand Noir et s’appelle Le bazar et la nécessité. Kind of Black vient d’être réédité par les éditions Flamant Noir.

Dernier désir de Olivier Bordaçarre (Fayard)

J’ai découvert Olivier Bordaçarre avec La France Tranquille, que j’ai beaucoup aimé. Il y avait un ton, un style et une verve pour décrire la vie d’une petite ville provinciale que l’on lit trop peu souvent. Son dernier roman est plus intimiste et parait d’ailleurs en littérature, probablement parce que le sujet peut paraitre de prime abord moins étiqueté polar, ce que je ne pense pas du tout. Il n’en reste pas moins que c’est un roman formidable.

Mina et Jonathan Martin est un ancien couple de Parisiens qui, ont commencé par déménager de Paris en banlieue parisienne avant de se rendre compte que leur vie serait plus confortable s’ils allaient vivre en province. Evidemment, ils vivraient plus chichement, Jonathan s’occupant de son jardin, d’ébénisterie et de bricolage tandis que Mina se contenterait de son poste de guide dans un château local. Ils ont donc choisi de s’installer au fin fond du Berry, proche de l’écluse de Neuilly-en-Dun avec leur fils Romain âgé de dix ans.

Un nouveau voisin débarque à quelques centaines de mètres de chez eux. Son prénom est Vladimir et son nom est le même que le leur, Martin. Si la coïncidence peut s’avérer amusante au début, celui-ci s’avère vite énigmatique, toujours aimable, légèrement distant, mais surtout extrêmement riche. Vladimir n’arrête pas de leur faire des cadeaux, entame la rénovation complète de sa maison en faisant appel aux artisans du coin, et commande les derniers équipements nec plus ultra pour améliorer son confort.

Mais certains petits détails vont transformer la vision qu’ont Jonathan et Mina de Vladimir. Il s’achète le dernier modèle de chez Volvo, de couleur rouge, le même que Jonathan et Mina, mais en véhicule neuf. Puis il fait repeindre les murs de la même couleur qu’eux, aménage sa cuisine exactement de la même façon. Quand Vladimir commence à offrir des cadeaux à Romain et qu’il devient de plus en plus intrusif, le couple commence à chanceler sur ses fondations.

Formidable ! D’une situation d’une simplicité extrême, Olivier Bordaçarre construit un petit joyau de roman noir, en distillant de petits détails par ci par là, mais sans en dire trop de façon à faire monter la pression. Sa façon de ne pas donner trop de détails laisse la place à l’imagination du lecteur, ce qui fait que l’on est pris dans la tenaille dès les premières pages sans pouvoir en sortir. On a vraiment l’impression qu’Olivier Bordaçarre tient notre cou entre ses mains, en serrant petit à petit, tout en relâchant la pression avant de resserrer vicieusement et sans prévenir dans la scène suivante.

Et quand je parle de pression, je dois dire que la sensation qui prédomine au fur et à mesure de la lecture est aussi et surtout le malaise. Car quoi de plus normal que d’avoir un nouveau voisin, charmant qui plus est ? Quoi de plus normal que de l’accueillir quand l’alimentation en eau de sa maison est coupée pour trois jours ? Certes, mais quand il se lève la nuit, fouille la maison, quoi de plus inquiétant ? Et puis, quand Vladimir sort de sa maison pour aller en ville, il s’avère un personnage autoritaire, étrange et sans pitié.

En disséquant le couple, Olivier Bordaçarre montre combien le contexte peut jouer sur notre vie quotidienne, tout en balançant le véritable sujet de son livre : Jonathan et Mina sont deux personnes ayant choisi de vivre loin du monde de l’ultra-consommation. Mais combien de temps peut-on résister à la facilité de l’argent, au confort de l’argent, même quand tout ce à quoi l’on croit semblait former des fondations à l épreuve de tous les obstacles. Olivier Bordaçarre nous offre une formidable démonstration de la fragilité du couple, de l’illusion des rêves, de la naïveté des principes de vie.

Je ne peux vous dire qu’une chose : en 275 pages, vous allez vous sentir mal, reconnaissant des situations que vous pourriez rencontrer, parce que vous allez forcément vous identifier à ce couple comme les autres. Et puis, vous ferez comme moi, vous relirez deux, trois, quatre fois ce passage des pages 263 à 265 car le sujet est bien là : la surconsommation n’est qu’une futilité qui ne fait avancer personne. Ce roman est une démonstration à la fois subtile et dure d’un sujet social important dans le fond, avec une forme d’huis-clos formidable. Un des romans incontournables de ce début d’année 2014, selon moi.

Ne ratez pas l’avis entre autres de l’ami Claude ici.

La Madone de Notre-Dame de Alexis Ragougneau (Viviane Hamy)

Si je ne peux que vous conseiller qu’une chose, c’est de vous précipiter sur ce petit roman, le premier de son auteur qui regorge de qualités. Cela s’appelle La madone de Notre-Dame, c’est écrit par Alexis Ragougneau. Un auteur à suivre, sans aucun doute.

Au lendemain des processions des cérémonies de l’assomption, une touriste anglaise vient allumer des cierges devant l’autel réservé à Notre-Dame des Sept Douleurs, dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Elle demande l’aide d’une jeune femme, assise là sans bouger, qui semble prier sans bruit. N’obtenant pas de réponse, l’Anglaise s’approche, et en la touchant, fait tomber le corps. La jeune femme, habillée de blanc en mini jupe est morte.

La jeune magistrate Claire Kaufman n’a pas beaucoup d’expérience, mais c’est à elle qu’échoit cette affaire bien difficile. Elle va être épaulée par le commandant de police Landard, qui est réputé pour ne pas être une flèche, malgré sa vingtaine d’années de service. Rapidement, le légiste leur annonce que le vagin de la victime a été scellé avec de la cire d’un cierge.

Les témoins se souviennent de cette jeune femme, habillée de façon inconvenante voire provocante dans un tel lieu de culte. Elle a d’ailleurs été prise à partie par un jeune homme la veille, pour cette même raison. Ce jeune homme, Thibault, est bien vite arrêté et fait un coupable idéal. Mais l’affaire ne va pas être si simple …

Quand on lit un premier roman, on est forcément attentif à la fois au style et à la façon dont est menée l’intrigue. Que l’on se rassure, le style est très fluide, et j’ai pris un énorme plaisir à lire ce roman. Ce qui m’a époustouflé, c’est la force des images, la capacité à nous faire ressentir l’atmosphère feutrée de la cathédrale Notre-Dame. S’il y a eu un énorme travail en ce sens, cela ne se sent pas au travers de la lecture tant cela semble naturel. J’avais même l’impression d’avoir les statues devant moi, la magnificence des sculptures autour de moi.

Et puis, il y a l’intrigue, que l’auteur a voulue simple. Si c’est la première impression qui en ressort, c’est aussi et surtout parce que, vers la moitié du roman, l’auteur s’amuse à la déstructurer pour changer de personnage principal et faire diriger l’enquête par un prêtre, le père Kern, qui est affublé d’une petite taille due à un problème de croissance dans sa jeunesse. Et le livre se retrouve donc comme un puzzle dont l’auteur se serait amusé à mélanger les pièces une fois que nous l’aurions presque terminé. Pour un habitué aux romans policiers, c’est peu commun, pour le lecteur c’est bigrement intéressant et passionnant à suivre, d’autant plus que la solution va nous être dévoilée dans les toutes dernières pages.

Enfin, on trouve dans ce roman de formidables personnages, des gens que l’on aimerait côtoyer, pour discuter avec eux. Ce roman, empli de spiritualité, se montre surtout comme un hymne au respect. L’auteur aime ses personnages, il ne les juge jamais, mais se veut explicite pour montrer leur position vis-à-vis de la religion. Il n’y a pas à proprement parler de bons ou de méchants, tout n’est pas blanc ou noir, mais tous les personnages sont humains avec leurs qualités et leurs faiblesses. Et croyez moi, c’est un des grands points forts de ce roman.

Vous l’aurez compris, avec cette ambiance impeccablement rendue, avec son intrigue originale et surprenante, avec ses personnages formidablement attachants, ce premier roman est une grande réussite qu’il vous faut découvrir. Retenez bien ce nom, Alexis Ragougneau, car vous pourriez bien en entendre parler bientôt.

Le royaume des perches de Martti Linna (Gaïa)

Ce roman policier est bien particulier, car à première vue, rien ne peut attirer un lecteur à la lecture de la quatrième de couverture. Et pourtant, la somptuosité de la couverture attirera l’œil à la recherche d’une esthétique simple et silencieuse. Et l’intrigue, résumée à l’arrière du livre, ne rendra pas hommage à la beauté des paysages et au calme ambiant que l’on peut y trouver. Il faut dire qu’il est bien difficile de faire ressentir les émotions qui vont traverser le lecteur durant cette lecture.

L’intrigue est d’une simplicité extrême : Ilpo Kauppinen est un pêcheur invétéré de perches. Tous les étés, il loue un bungalow perdu au fin fond des forêts finlandaises, à l’abri de tout bruit de la civilisation, et passe ses journées sur sa barque, à la recherche de la Grosse Perche. Pendant ce temps là, sa femme l’attend sur la rive, en fumant des cigarettes.

Lors d’une de ses parties de pêche, sa femme l’appelle sur son portable, lui disant qu’un homme tente de pénétrer dans leur bungalow. Il revient rapidement à la rame, et s’aperçoit que sa femme a disparu. Il appelle la police qui va chercher cette femme, en espérant qu’elle ne soit pas morte. Mais le capitaine Sudenmaa de la police criminelle va s’apercevoir que Ilpo est plus intéressé par les perches que par le sort de sa femme.

Et Martti Linna va réussir un tour de force puisque, à partir d’une intrigue si mince, il va tenir le lecteur en haleine pendant presque 200 pages, sans que l’on ressente un quelconque ennui. De par la psychologie des personnages, décrite avec beaucoup de subtilité, à la beauté des paysages de la Finlande, du silence qui plane au dessus des lacs aux odeurs des sous bois, on lit ce livre en ouvrant grand les yeux, tant on a l’impression d’y être.

Alors certes, l’intrigue est mince, mais intéressante, entre un homme seulement intéressé par sa façon de piéger les poissons et un inspecteur empêtré dans ses affaires familiales compliquées, mais le rythme est lent et les descriptions si belles que l’on tourne les pages doucement pour ne pas faire de bruit et effrayer les perches qui pourraient être curieuses.

Certains auteurs nordiques sont doués pour installer des ambiances et nous faire partager des atmosphères calmes. Martti Linna nous montre, avec ce roman, qu’il est un auteur à suivre, et que ce livre est à ranger aux cotés de Johan Theorin. Excusez du peu, cela démontre bien que ce livre est à lire pour tous ceux qui sont adeptes de littérature au rythme calme et aux univers silencieux. Un peu de douceur dans un monde de brutes.

Choquée de Tania Carver (Ixelles éditions)

Revenons sur une lecture 2012 …

Ce roman est arrivé par hasard sur ma pile de lecture, et je dois dire que c’est une très bonne surprise. Surprise, car même si vous lisez la quatrième de couverture, vous serez surpris par le contenu. Déjà, juste avant d’ouvrir le livre, la couverture est superbe, le flou d’une maison perdue au milieu d’une campagne nauséeuse, ce mélange entre noir et gris plas clair mais pas foncé non plus. Eh bien, le titre, qui est une traduction littérale du titre anglais Choked, qui signifie enrouée, émue en parlant d’une voix, me parait bien mal choisi.  Car personne n’est choqué ici, et surement pas Marina.

Marina Esposito est psychologue, et a eu une petite fille Josephina avec son mari, Philip Brennan. Alors qu’ils passent le week-end de Pâques chez ses beaux parents, une explosion dévaste la maison. Son beau père meurt, sa belle mère et Phil se retrouvent blessés, et Marina se réveille sur un lit d’hôpital. Quand elle demande où est sa fille, la police lui dit qu’elle a disparu.

Le téléphone de Marina sonne (Love will tear us apart de Joy Division, ce qui prouve qu’elle a un goût excellent !). Une voix inhumaine lui dit qu’elle doit se rendre dans un bar et demander Tyrell si elle veut revoir sa fille vivante. Elle s’enfuit, et vole une voiture de police car tout ce qui compte pour elle, c’est de sauver sa vie.

Et là, vous pourriez vous arrêter de lire. Car une histoire qui tient sur un post-it telle que je viens de la décrire, et qui se déroule sur 460 pages, ça peut rebuter. Donc on croit entrer dans une histoire classique de course poursuite, de mère aux abois … mais en fait ce n’est pas du tout cela. Car Tania Carver va faire entrer Tyrell …

Il est demeuré, ou simplement amnésique, et se retrouve devant un fusil, du mauvais coté … en fait, c’est lui qui le tient, il veut en finir, quand Jiminy Criquet vient le sauver et lui propose de changer sa vie. Et c’est grâce à ces personnages bizarres, dérangés et ultra violents que Tania Carver nous fait entrer dans son monde, étrange et décalé.

En fait, le monde de Tania Carver ressemble à une toile de peintre, qui se transformerait au fur et à mesure qu’on la regarde. Il y a du David Lynch dans les paysages qu’elle nous dépeint, dans les caractères qu’elle nous décrit. L’influence d’un Sailor et Lula ou de Blue Velvet m’est tout le temps venue à l’esprit. Et ce n’est pas pour me déplaire. Donc, le roman est bien une course poursuite avec une Marina qui passe par toutes les couleurs de la psychologie humaine, de horrifiée à concentrée sur son objectif, d’un remarquable sang froid à des scènes de déprime.

460 pages et 128 chapitres, cela veut dire que les chapitres dépassent rarement 4 pages. Si le sujet est plutôt du genre policier, le format lui a plutôt tendance à pencher du coté du thriller. Les chapitres vont donc alterner entre la police, Marina, Tyrell et un drôle de couple ultra violent et complètement barré. Et la lecture va vite, très vite car les personnages sont attachants et/ou fascinants.

Bref, Choquée se révèle un roman plein de bonnes surprises, sautillant d’un genre à l’autre, et dont l’ambiance particulière et glacée laissera un bon souvenir. Et il ne serait pas étonnant que dans quelque temps, j’aie envie d’y revenir et de lire une des précédentes enquêtes du couple Phil / Marina.

N’hésitez pas à jeter un coup d’oeil chez les copains :

http://unpolar.hautetfort.com/archive/2012/11/17/choquee-de-tania-carver.html

http://www.unwalkers.com/choquee-de-tania-carver-ixelles-ne-vous-arretez-pas-au-mauvais-titre/

Le cercle de Bernard Minier (XO éditions)

Ce roman va être l’occasion de lire un nouvel auteur, de découvrir un nouvel univers. Ce roman, que tout le monde voudrait classer dans la rubrique Thriller, en comporte l’écriture alors que la forme est plutôt un roman policier. Et par bien des égards, j’ai beaucoup aimé cette lecture, cette intrigue en forme de puzzle.

Cette enquête est en fait la deuxième du commandant Martin Servaz, après Glacé qui est sorti chez Pocket. Mais si Servaz est bien au centre de l’intrigue, le livre s’ouvre sur Oliver Winshaw, un retraité qui écrit des poésies. Cette nuit là, il a du mal à dormir, et regarde dehors l’orage avancer, et jette un coup d’œil chez sa voisine. Lorsqu’un éclair déchire le ciel, il aperçoit un jeune homme assis au bord de la piscine, alors que des poupées flottent dans celle-ci. Il appelle la police, intrigué et angoissé par cette vision.

Servaz reçoit un coup de fil : c’est Marianne, une de ses amours de jeunesse ; vingt ans qu’il ne l’a pas vue, après qu’il l’ait abandonnée. Elle lui demande de venir à Marsac, car son fils Hugo vient d’être arrêté alors qu’il déambulait dans la maison de Claire, sa professeur de civilisation antique. Le corps est retrouvé dans la baignoire, Claire a été ligotée et noyée, et après sa mort, l’assassin a glissé une lampe dans sa bouche.

Marsac est une petite ville, qui ressemble à une mini Silicon Valley. En effet, son université accueille toutes les têtes de la région. C’est d’ailleurs là que va étudier la fille de Martin, Margot. Quand Martin va découvrir dans le lecteur de CD un disque de Gustav Malher, les chants pour les enfants morts, il va être persuadé que le serial Killer suisse Julien Hirtmann est impliqué dans ce meurtre.

Encore une histoire de serial killer, me direz vous ? Que nenni ! ce roman est avant tout le portrait d’un homme, miné par son passé, déboussolé, à la recherche de son passé, de son présent et de son futur. Il a toujours été abandonné, mais il se complait dans sa solitude. Les deux faits qui vont le bouleverser sont l’appel de Marianne et le fait que sa fille parte à 200 kilomètres étudier à Marsac. Il se retrouve donc seul une nouvelle fois, et s’enfonce dans ses déductions souvent fausses.

Car ce roman regorge de rebondissements, de fausses pistes, à l’image de Martin qui ne comprend rien à cette histoire. On a plutôt l’habitude de lire des enquêtes avec des policiers infaillibles, eh bien ici ce n’est pas le cas. Et jusqu’aux dernières pages, vous ne saurez pas qui est l’assassin ou qui sont les assassins. Car Bernard Minier a l’art de renverser vos certitudes, en rajoutant des pièces dans le puzzle, tout en mélangeant celles que vous aviez en main.

Alors le lecteur que je suis est intrigué, et c’est tellement bien écrit, avec des dialogues excellents car longs juste comme il faut, avec des remarques inquiétantes qui mettent l’ambiance, que ce roman qui fait tout de même 550 pages s’avale en un rien de temps. Il y a dans l’écriture une tension permanente, une urgence dans les phrases qui s’enchainent que le plaisir est intense.

Alors vous qui cherchez un roman à offrir à Noel, nul doute que celui-ci doit faire partie de la hotte du père Noel. Il tient la dragée haute à beaucoup de thrillers américains, et va ravir tous les fans déçus de Jean Christophe Grangé ou Maxime Chattam. Pour moi, c’est en tous cas une sacrée découverte et je vais m’acheter Glacé de ce pas. Voici aussi une liste de quelques avis que vous trouverez sur Internet. Et sachez que la comparaison avec Donna Tartt et son génial Maitre des illusions n’est en rien usurpée.

http://www.unwalkers.com/le-cercle-de-bernard-minier-xo-superbe-bernard-minier/

http://dora-suarez-leblog.over-blog.com/article-le-cercle-de-bernard-minier-112283840.html

http://blog-du-serial-lecteur.over-blog.com/article-bernard-minier-glace-edition-xo-109449574.html

http://www.un-polar.com/article-le-cercle-de-bernard-minier-113284777.html

http://actu-du-noir.over-blog.com/article-encore-une-tentative-de-thriller-113277561.html

Ainsi puis-je mourir de Viviane Moore (10/18)

Ce roman est donc le dernier de mes lectures pour le prix du meilleur roman français de Confidentielles.com. Je l’avais mis en dernier car la quatrième de couverture me faisait penser à un roman à l’eau de rose, comme on dit. Finalement, ce n’est pas du tout le cas, même si j’ai un peu de mal à le définir.

Quatrième de couverture :

Comme dans les contes de fées, il y a une rencontre magique : celle de Gabrielle, la romancière, et de Philip Sedley, un mariage et, bien sûr, un château. Sauf qu’ici, non loin de Cherbourg, dans ce pays de bocages et de légendes, entre ces murs épais, quatre cents ans plus tôt, a vécu une autre femme, Marguerite, qu’une passion tragique a menée à la mort. En faisant de ce destin le sujet de son nouveau roman, Gabrielle ne peut se douter qu’elle va en devenir la prisonnière. La fiction se mêle au réel, le passé au présent. L’histoire semble se répéter, telle une malédiction, et menace de faire de la jeune femme la dernière victime du château des Ravalet.

Mon avis :

La première chose que je voudrais dire de ce bouquin, c’est que c’est fluide et très bien écrit. l’auteur mélange les styles en fonction des époques, agrémente ses dialogues d’expressions d’une autre époque, et c’est un vrai plaisir à lire. Même si on peut se demander pourquoi Gabrielle se marie si vite (au bout d’un mois) sans connaitre ni son mari, ni sa future belle famille, on est vite emporté par les événements de l’intrigue et intrigué sur la destination que veut nous faire prendre l’auteure.

D’ailleurs, c’est bien là où je me pose des questions : ce livre m’a donné l’impression de toucher plusieurs sujets sans vraiment en choisir un. Du travail d’une écrivaine, et de ses relations avec la vie réelle, Viviane Moore penche par moments vers de l’angoisse en nous faisant voir un fantôme sur les marches de l’escalier, puis elle nous emmène vers la jalousie avec l’arrivée de sa belle sœur, avant de nous sortir la tête de l’eau avec des passages du livre de Béatrice. Puis c’est à nouveau le mystère qui revient avec un mari cachotier voire bizarre. Bref, j’ai trouvé cette histoire difficile à suivre, à force d’être malmené comme une balle de ping-pong. D’un coté, chacun peut y trouver son compte, d’un autre, c’est très déstabilisant et il m’a été difficile de me passionner pour ce livre. Bref, Viviane Moore, ça n’a pas l’air d’être pour moi. Et pour vous ?