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Faut être logique de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Je continue mon exploration des romans des années 60, avec ce roman qui est un des seuls à flirter avec le surnaturel, dans lequel on entend des fantômes dans une ferme abandonnée. J’ai bénéficié d’un exemplaire original de 1967. Un bon numéro.

Version 1.0.0

Les anecdotes :

Faut être logique est un roman publié en février 1967 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 63ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte d’abord le numéro 577 de la collection « Spécial Police », puis en 1974 le numéro 28 de la collection « San-Antonio ».

Le livre se déroule sur deux jours dans la ferme du cousin par alliance de Bérurier, Ambroise. Le roman est découpé en deux parties, une par journée.

Il s’agit, à ma connaissance, de la seule incursion de San-Antonio dans le genre paranormal, puisqu’on y parle de fantômes.

En préambule, San-Antonio nous explique la raison de son titre, puis se fend de remerciements envers les dirigeants de l’Angleterre, des Etats-Unis, de l’URSS et de la Chine, bien qui l’ont autorisé à publier Faut être logique, alors qu’ils n’ont aucun rapport ni aucune influence sur cette intrigue. 

Mon résumé :

Alors que Félicie profite de son jardin à Saint-Cloud, San-Antonio voit avec désespoir les nouveaux programmes bétonnés envahir son petit espace de verdure. Heureusement, un coup de téléphone va le distraire pendant ses pensées sombres et énervées. Bérurier, en week-end chez son cousin par alliance en province lui demande un coup de main pour une affaire bien étrange.

Direction Bécasseville pour San-Antonio et Félicie chez le cousin issu de Germain AmbroiseParrey, fermier de son état. Il semblerait que des fantômes habitent le domaine de Franc-Mâchon, conjoint à ladite ferme. San-Antonio n’est même pas surpris de trouver Bérurier et sa femme Berthe en train de batifoler avec les ouvriers agricoles. Afin de trouver la source des bruits étranges, San-Antonio décide de coucher dans la demeure en T hantée.

Mon avis :

Si le roman est divisé en autant de parties qu’il y a de jours (plus une), comme je l’ai dit plus haut, c’est-à-dire deux, la narration va se révéler différente. Dans la première, nous nous retrouvons avec un mystère de bruits étranges qui devient bien glauque dans son explication, sans toutefois être très crédible. Dans la deuxième, nous suivons une enquête bâtie sur des interrogatoires des différents suspects. La troisième partie se consacre à la résolution de l’enquête.

Pour autant, le ton reste à la plaisanterie avec un Bérurier en forme dans sa déformation de la langue française et l’enquête qui s’en suit remarquablement rigoureuse. Les potentiels coupables vont augmenter en nombre, le mystère s’épaissir jusqu’à aboutir à la scène finale où San-Antonio va réunir tout ce beau monde pour une démonstration qui aboutit aux aveux de l’assassin.

On sourit beaucoup dans ce roman, on apprécie à nouveau les détournements de la langue française et les jeux de mots nombreux et surtout on se régale avec cette intrigue qui, si elle commence dans le paranormal, se dirige comme un whodunit à la manière de la grande Agatha Christie. On appréciera aussi les quelques digressions dont une envers ses lecteurs qui lui demandent toujours plus de scènes délirantes et crades, sexuelles ou non, car ils « veulent en avoir pour leur argent ».

Quelques citations impayables :

« L’oreille, c’est un conduit : rien qui y séjourne. Mozart, un peu, Beethoven et puis Brassens aussi dans un autre genre ; excepté ça, les mecs: un tuyau d’écoulement, je vous dis. »

« Elle a l’air très gentille, mais dans votre job, on n’a pas le droit de se fier aux appâts rances, Mec. »

« Félicie dort dans le jardin, sous la treille dont les grappes commencent déjà à se teinter. Elle occupe le vieux fauteuil d’osier à haut dossier que j’ai toujours vu à la maison. Le siège est tapissé d’une toile à frange que M’man a brodée jadis, alors qu’elle était écolière, et qui représente des petits hollandais sur fond de moulins à vent.(…)

Elle oublie les grands immeubles bourrés d’yeux, qui se sont construits alentour et qui nous étouffent doucement mais implacablement, comme on étouffe un pigeonneau en le serrant par dessus le gésier. »

« L’homme aux idées hardies est toujours taxé de fou par ceux dont le cerveau ressemble à une citerne percée. »

« Le délire c’est comme la diarrhée : ça se contrôle difficilement. »

« C’est plus fort que moi : faut que je jeux-de-mote. »

« La peur est une forme de volupté qui se partage mal. »

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Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ? de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Ce roman fait partie des incontournables parmi les œuvres de Frédéric Dard.

Les anecdotes :

Frédéric Dard a commencé à écrire ce roman avant l’enlèvement de sa propre fille Joséphine, qui est intervenu alors qu’il en écrivait la page 132. Il le reprendra une année après et terminera ce qu’il considère comme son roman maudit.

Alors que Fleuve Noir a décidé d’annoncer San-Antonio comme son auteur, alors qu’il n’apparait jamais dans l’intrigue, il s’agit d’un roman de Frédéric Dard et de la plus personnelle de ses œuvres.

L’accroche du roman lors de sa sortie en grand format est : « Les larmes de San-Antonio ».

Mon résumé :

Charles Dejallieu vit en Suisse à Gstaad et bénéficie d’une célébrité grâce au succès de ses romans populaires. Il vit avec sa femme Melancolia qui a un penchant pour les alcools forts et sa belle-fille Dora que Melancolia a eu d’un précédent mariage. Lorsqu’il tombe sur une photo d’un jeune garçon qui les mains sur les hanches, Dejallieu extrapole sur l’image et envisage d’en faire un roman.

Deux psuedo-journalistes Franky Muzard et Aldo Moretti se demandent comment gagner de l’argent facilement. Ils proposent à Dejallieu de réaliser une interview que ce dernier accepte. En parallèle, ils mettent au point un kidnapping de la petite Dora pour en obtenir deux millions de francs suisses. Ils profitent qu’elle soit sous la garde de la mère de Dejallieu pour réaliser leur forfait. Mais Dejallieu n’a pas l’intention de payer.

Mon avis :

Sans aucun doute, nous tenons là le roman le plus personnel de Frédéric Dard. On le voit dans le nom du personnage : Charles est le deuxième prénom de Frédéric Dard et Dejallieu rappelle qu’il est originaire de Bourgoin Jallieu. Le polaroid qui inspire Charles est même une photo de l’auteur qui cherchait à cacher son infirmité du bras gauche, à propos de laquelle il écrira : « Si jeune et déjà tricheur »

Le ton est donné dans ce roman que l’on a l’habitude de découper en deux parties alors que j’en discerne trois. Dans la première, l’auteur montre sa mélancolie tout en doutant, dans sa déprime désenchantée cynique, de son devenir en tant qu’auteur. Il ne se gène pas de laisser libre cours à sa verve voire à son humour vachard et ravageur, surtout quand il s’attaque à sa belle mère nymphomane.

Deuxième partie après l’enlèvement de Dora, et mise en place de l’intrigue policière … Frédéric Dard joue avec nos nerfs avant de trouver cette idée immensément dramatique qui va tout bouleverser, à la fois notre perception de Charles et l’intrigue va dans une direction totalement inattendue. Et je ne vous dirai rien sur la conclusion qui est juste extraordinaire comme seul pouvait l’imaginer M.Dard.

Ce serait une honte de dire que Frédéric Dard a écrit là son meilleur roman. Les San-Antonio sont des monuments d’humour, ses romans noirs sont de grands moments. Mais ce roman est indéniablement son plus personnel, où il évoque sa vie sans concession, presque sans pitié, par moments. Il ne se donne aucune excuse comme il ne pardonne pas à Charles. Et il en rédige leur tribunal.

Quelques citations impayables :

« Ce sera une chose difficile a faire, qui empoisonnera ma vie pendant six mois, qu’on tirera à quelques milliers d’exemplaires, à laquelle on consacrera quelques papiers ou émissions diverses et que l’on oubliera. Le fumier littéraire, tu sais ce que c’est, Heidi ? Ce sont les livres d’hier ! Des feuilles d’arbre, ma bonne : il en pousse et elles tombent et il en repousse encore. Il faut être fou pour faire le métier d’arbre. »

« Tout est vrai, assure Charles, surtout ce qui est inventé.

Ce n’est presque pas une boutade. Au long de sa carrière de romancier, il a eu maintes occasions de s’apercevoir qu’il inventait des choses qui se produisait par la suite. »

« Un livre mobilise presque totalement celui qui le cogite et l’écrit (…) Ses personnages sont enroulés autour de lui, tel le lierre parasite autour de l’arbre qu’il paralyse lentement. »

« Il ne suffit pas de vivre les affres de l’écriture, il convient ensuite d’en assurer la « promotion ». Le terme l’écoeure. (…) Vendre son livre après se l’être arraché de l’âme, de ses tripes, n’est-ce pas une dure condition ? »

« Il désespère des hommes, Charles Dejallieu. Ne les jugeait pas si bas, si veules, si purulents. Du coup, son œuvre est à reconsidérer. Il l’a bâtie sur une certaine conception du monde et il s’aperçoit qu’il nourrissait des idées fausses, que l’univers ne correspond pas à l’idée qu’il s’en faisait. Il a construit sur le sable des illusions. Les mauvais sentiments qu’il dénonçait sont véniels par rapport à ce qui est. On patauge dans l’ignominie, car estimer les autres capables de bassesse, c’est être bas soi-même, c’est se déshonorer par suppositions malsaines ; c’est opter pour le mal qu’on prétend dénoncer. »

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Dis bonjour à la dame de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Dans le deuxième recueil des romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio, Anny Duperey nous propose deux romans dont celui-ci. Elle ajoute en introduction qu’elle emporte toujours un San-Antonio dans ses valises de voyage, excellente résolution.

Les anecdotes :

Salut, mon pope ! est un roman publié 18 juin 1975 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 88ème de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte le numéro 42 de la collection « San-Antonio ».

Il s’agit de la première affaire de la « Paris Détective Agency », après que San-Antonio ait démissionné de la police.A la suite d’une aventure où il a le sentiment que sa hiérarchie a abusé de sa dignité, il est sur le point de démissionner une deuxième fois; mais il obtient pour prix de son maintien au sein de la police, un statut très particulier : Il fonde la Paris Detective Agency, fausse agence de police privée qui continue de dépendre secrètement du ministère de l’Intérieur. La Paris Detective Agency durera jusqu’au numéro 108 de la série.

L’histoire se déroule à Paris le 01/04/1975 sur une durée de 2 jours.

Mon résumé :

Dans les bureaux luxueux de la Paris Detective Agency, on s’ennuie ferme. Heureusement, un homme qui refuse de donner son nom leur demande de l’aide. En voyage en France, il était hébergé chez son ami Stéphane Lhurma, spécialiste des toilettes. Lhurma dut s’absenter et offrit à l’homme les services d’une prostituée Julie. Le lendemain matin, ce client se réveilla aux côtés de la prostituée, égorgée pendant son sommeil. Et au téléphone, l’hôtal batave lui apprend que Lhurma est mort, crise cardiaque.

Grâce aux empreintes laissées sur la poignée de la porte d’entrée, Pinaud détermine que le client se nomme Hans Kimkonssern, un ancien espion nazi exilé en Uruguay. San-Antonio décide d’accepter l’affaire et se rend dans la résidence de Lhurma. Kimkonssern sera logé dans les bureaux de San-Antonio en attendant la fin de l’enquête.

Son analyse de la chambre à coucher confirme que Kimkonssern a été drogué et qu’on a donc pu égorger la prostituée sans qu’il s’en rende compte. Le téléphone sonne et il s’agit d’Angèle la souteneuse de la prostituée. Enfin, il découvre dans la pelouse devant la fenêtre de la chambre à coucher une pochette publicitaire d’allumettes avec l’adresse d’un bar, le Bar Aka. L’équipe a donc trois pistes à creuser : la société Lhurma, Chez Angèle et le BarAka.

Mon avis :

Malgré l’ennui ressenti par l’équipe de San-Antonio au début du roman, l’humour fait rage dès le début avec beaucoup de remarques drôlatiques et d’interpellations du lecteur. Ce roman se situe dans la veine des années 70, donc plus orienté sexe et avec de l’humour graveleux. Il n’atteint pas encore les sommets crades des années 80-90 mais Bérurier a clairement pris de l’ampleur par rapport aux décennies précédentes.

Une fois que l’enquête a commencé, comme son héros, on sent que Frédéric Dard se laisse mener par les événements, ne sachant pas réellement où il va. On passe des interrogatoires de l’un des personnages à l’autre, on passe du bureau au bar, de Chez Angèle à la société Lhurma sans réel fil conducteur. Comme le dit souvent San-Antonio, il fonctionne à l’instinct ; on a plutôt l’impression qu’il attend qu’un indice tombe du chapeau.

Heureusement, le rebondissement final rehausse cette impression de laisser aller. On trouve tout de même quelques belles digressions et un passage étonnant : vers le milieu du livre, on a un passage où San-Antonio est dans une chambre au Bar Aka. Il se sent moins bien, ne sait dans quelle direction aller ; on le trouve légèrement dépressif, obligé de soigner son mal-être avec une bouteille de vodka. Voilà un passage touchant, et probablement personnel.

Quelques citations impayables :

« Tu vas voir ce que la vie est attrayante, pour peu que tu y mettes du tien. Evidemment, le clapoteux qui ne tente rien, qui ne provoque rien peut faire tapisserie pendant des millénaires, le cul sur un pliant, à regarder flotter son destin sur l’eau opaque de ses jours. »

« Il ne faut pas avoir peur d’avoir peur, dans la vie. C’est un peu comme de pleurer : ça soulage. Les héros ne sont pas des gens qui n’ont pas peur, mais des gens qui réagissent contre leur peur. »

« Me suivrait au bout du monde, cette poule, c’est-à-dire jusqu’ici, puisque la terre est ronde!

Clic, clac. La v’là entravée. Psychologiquement, c’est tout de suite la grosse détresse, le cabriolet. même un truand chevronné, quand il se retrouve avec les cadennes, il dérape dans les mélancolies. L’homme, faut qu’il puisse se gratter la raie du derche à tout bout de champ, sinon il devient inapte et consterné de partout. »

« Car la liberté, c’est comme le pognon pour un prodigue : faut la claquer fissa, pas qu’elle rancisse. Regarde les peuples qui se délivrent de leurs tyrannies, la manière, que vite ils s’en enclenchent une autre, d’urgence, pour pas tituber de leur ivresse d’être affranchis. Pas se fatiguer d’êtres libres. Leur acharnement à dare-dare créer une nouvelle férule, leur génie à la faire jaillir de là qu’on la soupçonnait pas. Comme ils provoquent habilement les volontés oppressives en léthargie, en ignorance d’elles-mêmes. »

« Ah, fait pas bon s’éloigner de la meute ! Un loup isolé n’est plus qu’un mouton. »

« Le monde est plein de minus qui comptent sur leurs poils pour avoir moins l’air de ce qu’ils sont ; en réalité, ça ne fait qu’accentuer la gravité du cas, une barbouze ou des tifs Louis XIII. C’est pas parce qu’un griffon a les poils longs qu’il a moins l’air d’un chien. Un con poilu fait même plus con qu’un con imberbe. Il se rend suspect. Tu penses à le regarder, alors qu’autrement tu te contenterais de l’ignorer. »

« Une bonne fille. Pétroleuse de caractère, mais sûrement très gentille, voire affectueuse. Elle aime bien son papa, son patron, Michel Sardou, les pommes frites et trouve son Président de République séduisant. »

« L’imminence de la mort a raison de la discrétion la mieux ancrée, car la mort est indiscrète, cher monsieur, philosophè-je, que tu dois en prendre plein les badigues et comprendre quel écrivain follement émérite je suis. »

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Salut mon pope ! de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Ce roman fait partie, dixit les experts sanantoniens, des meilleurs de la série. Il est donc logique que je l’aie choisi.

Les anecdotes :

Salut, mon pope ! est un roman publié en avril 1966 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 61e de la série policière San-Antonio. Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte d’abord le numéro 523 de la collection « Spécial Police », puis en 1974 le numéro 25 de la collection « San-Antonio ».

Le livre est dédié « en toute amitié » à Georges Guétary, qui se présentait comme chanteur basque mais était d’origine grecque. En préambule se trouve reproduit le discours prononcé par Pierre Dac lorsque « San-Antonio » a reçu le prix Gaulois 1965 pour Le Standinge selon Bérurier.

On apprend que l’inspecteur César Pinaud habite boulevard Lévitan

L’intrigue se déroule en Grèce, à Athènes.

Mon résumé :

Le ministre de la culture a décidé de prêter la sculpture La victoire de Samothrace pour un festival sur l’île du même nom. La célèbre statue prend donc la route de Paris à Marseille, puis embarque sur un bateau à destination de l’île, via Athènes. Arrivé à destination, on retrouve dans la caisse un gros morceau de plomb pesant la même masse que la statue. La Victoire de Samothrace a été dérobée.

San-Antonio prend en charge cette affaire dans le plus grand secret avant que les journalistes ne s’en emparent et ne jettent la honte sur la France. Bérurier étant en vacances, notre héros s’entoure de Pinaud qui se prend de passion pour Sherlock Holmes, déguisement inclus. Leur recherche se porte sur Athènes où des voitures ont été débarquées et à Samothrace. L’affaire promet de nombreux rebondissements.

Mon avis :

Quand on connait la réputation des romans de San-Antonio, on peut être assuré d’avoir des blagues en dessous de la ceinture. L’avantage de ce roman réside sur le fait que l’humour ne devient pas graveleux comme on pourra le lire dans les années suivantes mais bien dans des situations hilarantes, des remarques irrésistibles, des digressions, des inventions de la langues française en la détournant et des noms de personnages d’une drôlerie sans pareil, comme Kessaclou ou Olympiakokatris ou Serleskuis.

Imaginer Pinaud, le débris, grimé en Sherloxk Holmes et faisant montre d’une déduction incroyable constitue le délire de la première partie du roman, jusqu’à qu’il se blesse dans une mauvaise chute. A point nommé, Bérurier, en vacances en Grèce justement, viendra prendre la suite avec son langage si imagé. Cela donnera une scène extraordinaire dans le monastère où le mastodonte doit se taire, ce qu’il ne sait pas faire !

Parmi les digressions, on notera une belle page sur la défense de la nouvelle vague du cinéma français, où San-Antonio défend le talent des jeunes réalisateurs, décriés par leurs pairs. On aura droit bien entendu à des notes de bas de page, toujours aussi drôles et des interpellations du lecteur de bon aloi que j’adore. Ça bouge, ça enquête, ça dérive, ça déconne, ça pulse, ça court, ça fait passer un excellent moment. Enfin, l’intrigue est remarquablement bien construite et amenée ce qui fait de ce roman un excellent opus des aventures de notre commissaire préféré, tout en signalant que la toute fin est juste fantastique.

Quelques citations impayables :

« S’il y a de l’honneur à savoir, il n’y a pas de déshonneur à ne pas savoir. L’ignorance est une page blanche sur laquelle il faut écrire la vérité. »

« Le seul intérêt réel de l’existence réside dans ses bouleversements. »

« Dans le domaine du discours, l’improvisation ne prend force et valeur que dans la mesure de sa minutieuse préparation. »

« Evidemment, ne parlant pas grec, je suis incapable de vous donner la traduction de cette phrase, toujours est-il que le marin actionne un treuil. (La mère rit de mon treuil, comme disait le patron d’une péniche). Nous nous penchons au-dessus d’un puits que le soleil n’éclaire pas jusqu’en ses profondeurs. »

« Renseignements pris, il s’agit bien de monsieur l’Inspecteur Principal Pinaud. Sa moustache roussie par les mégots ressemble à une vieille brosse à dents surmenée. Il a l’œil cloaqueux, le nez pendant, la bouche en accent circonflexe et la bouille légèrement de traviole comme si elle avait été modelée par un gaucher provisoire. »

« Dans la vie il faut toujours s’attendre à tout, et principalement au reste. Bien se dire que rien n’est immuable, ni les hommes ni la nature ! »

« Le Zitrone traduit du grec, le discours de Son Excellence M. l’Ambassadeur Athirlarigos. Ca marseillaise, ça garderépublicainesabrauclaire, ça frémit. Tout le monde c’estbeaulafrance en chœur ! »

« Ce dernier est un homme d’une cinquante-deuxaine d’années, gras comme le bac à plonge d’un restaurant, avec un nez couvert de points noirs et deux sacs tyroliens en guise de paupières. »

« C’est dans le bureau que l’officier m’introduit. J’évite de le précéder car être introduit par un Grec est toujours un instant délicat. »

Ce billet aurait été moins complet sans les blogs suivants :

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https://legimini.com/Livres/Salut-mon-pope-de-San-Antonio/156748

http://lotoedition.canalblog.com/archives/2013/04/21/26935731.html

Le loup habillé en grand-mère de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Sérieusement, avec une quatrième de couverture comme celle-là, seriez-vous capable de résister ?

On ne peut jamais prévoir la réaction des gens ! Je vous prends à témoin, mes amis : si vous receviez par la Poste 20 000 000 AF signés anonyme, quelle serait votre réaction ?

J’en connais qui les convertiraient aussitôt en bons du Trésor…, d’autres qui s’offriraient illico une douzaine de danseuses…, d’autres encore qui se feraient construire un coquet pavillon à Créteil…

Eh bien, le bonhomme qui vient d’entrer dans mon burlingue est d’un genre différent, lui : il veut porter plainte !

Comme dit Bérurier : « Une telle honnêteté, c’est pas honnête ! »

Les anecdotes :

Le loup habillé en grand-mère est un roman publié au troisième trimestre 1962 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 50e de la série policière San-Antonio.

Le roman ne comporte que 12 chapitres.

Frédéric Dard rend hommage à Georges Simenon en citant Maigret (voir plus bas).

Les Bérurier ont engagé une bonne, Héloïse, et ont un chien Saint-Bernard qui ne se gêne pas pour pisser sur les jambes des gens qu’il rencontre.

Pinaud travaille au début du roman dans son agence de détective Pinaudère Agency Limited avant d’être réintégré dans la police pour améliorer sa retraite.

Mon résumé :

Il faut quand même être con, excusez-moi du terme, pour demander à un enquêteur de trouver l’expéditeur de paquets remplis d’argent que l’on reçoit toutes les semaines. Et pourtant Cet hôtelier à la retraite devenu rentier M.Fouassa s’adresse à Pinaud pour résoudre ce mystère. Mais le pauvre vieux Pinaud n’y arrivant pas, il demande à San-Antonio de prendre en charge cette affaire.

Après quelques recherches, il ne semble y avoir un autre Fouassa dans la région parisienne. San-Antonio et Pinaud se rendent donc chez le plaignant et tombent sur Madame renard, sa secrétaire (et plus si affinités) qui leur indique que le maître de maison fait une crise d’asthme et est alité. Le temps qu’il descende, du bruit venant du jardin les inquiètent : La secrétaire a été assommée puis égorgée et quelques billets parsèment la pelouse. Fouassa vient d’être dévalisé !

Mon avis :

Voilà une excellente enquête rigolote et grand public. Tout démarre sur une idée géniale (il est difficile de dire le contraire) et cela dévie sur une vraie enquête policière. Puis, à la moitié du roman, alors que San-Antonio and Co ont résolu le mystère, l’intrigue diverge à l’étranger dans une toute autre direction (que je vous laisse découvrir). Car il faut que vous lisiez cet excellent opus de cette série policière.

On y trouve une enquête, du suspense, et surtout de l’humour, une langue remodelée, modifiée, détournée, magnifiée. J’adore particulièrement la façon de présenter les personnages secondaires, de décrire les décors et d’agencer les scènes. Il y a encore peu de digressions mais plutôt des descriptions basées sur des détournements hilarants, et quelques notes de bas de page.

Si San-Antonio tient le premier rôle, j’apprécie de plus en plus Pinaud et Bérurier, même si ce dernier est en petite forme. Ils sont surtout mis en valeur à travers la façon dont San-Antonio les appelle, comment il les traite, avec cet humour vache que l’on réserve envers ceux qu’on adore. Et franchement, j’ai pris mon pied du début à la fin, en trouvant remarquable comment à partir d’une idée idiote, San-Antonio arrive à créer une intrigue qui se tient.

Quelques citations impayables :

« Quand dans une enquête on ne possède aucun élément positif, on essaie de fonctionner à l’atmosphère, méthode Maigret, Pinuche. Tu bois un verre de bière en regardant le dargeot de la patronne du bistrot et tu piges tout. Voilà trente ans que Simenon nous explique ça. »

« D’après ce que j’ai compris, ça serait ma vésicule d’hier qui chercherait des rognes à mon duo des hommes ; en plus, j’ai le pancréas qu’arrive plus à pancréer et l’estomac qui démarrerait un rétrécissement de la hotte. Brèfle, il m’a collé vingt jours de repos absolu. Quinze heures de plumard, crudités, grillades et pas d’alcool ; le régime des stars, quoi ! Si je le suis, je me chope la taille mannequin et un teint de lait que les jeunes filles m’envieront. »

« Je suis t’en congé à partir de dorénavant. Si c’est un ordre, tu peux te le carrer dans l’écrin à thermomètre ; maintenant, si c’est un service que tu me demandes, ça change tout. »

« L’arrivée du vaillant Bérurier interrompt provisoirement des pensées que seule une équipe de spéléologues chevronnés pourrait visiter tant elles sont profondes. Il a mauvaise mine, le Gravos. Le teint couleur de papier (hygiénique) mâché, les yeux comme des œufs au plat (avec filet de vinaigre), les muqueuses ravagées, les paupières pareilles à deux sacs de linge sale, les joues barbues, les bajoues herbues, les lèvres écaillées, le râtelier à l’envers, les cils défrisés, les sourcils penauds, l’abdomen tombant, le sismographe en coquille d’escargot, le pied lourd et le geste tourné à vingt-quatre images seconde. »

« Je le jauge d’un regard savant. C’est un petit homme d’une cinquantaine d’années, déplumé du croûton, mais qui a collé ses derniers crins à la Seccotine pour être certain de ne pas les paumer. Il a le visage allongé, le menton galochard, le nez comme une cerise, un dentier qui le gêne aux épaules, une moustache d’un autre âge, de grandes oreilles, l’œil défraîchi, l’arcade sourcilière proéminente comme celle de certains primates et une cicatrice au front qui représente un coucher de soleil sur la mer Rouge. Je le situe socialement dans la catégorie des rentiers modestes et précoces. Il possède une intelligence qui ne lui ouvrira jamais les portes de l’Institut et il est fringué façon passe-partout. »

« Mon étonnement pourrait être turc car il va croissant. Il pourrait à la rigueur être corbeau car il va aussi croassant, et peut-être même grenouille car, sans en avoir l’« r » il va coassant. »

Ce billet aurait été moins complet sans les nombreuses notations prises chez Autodidacteblog : https://autodidacteblog.wordpress.com/2016/10/13/du-poulet-au-menu/ et https://www.toutdard.fr/book/loup-habille-en-grand-mere/

Du poulet au menu de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

J’ai choisi ce roman essentiellement pour deux raisons. J’aime beaucoup le titre et je voulais aborder un titre des années 50.

Les anecdotes :

Du poulet au menu est un roman publié en mars 1958 par Frédéric Dard sous le nom de plume de San-Antonio, il est le 29e de la série policière San-Antonio.Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte d’abord le numéro 151 de la collection « Spécial Police », puis en 1977 le numéro 72 de la collection « San-Antonio ».

Le roman ne comporte que 7 chapitres.

Il est dédicacé « A Carmen Tessierpuisqu’elle aime ma cuisine. S.A. »

« Du Poulet Au Menu » est indissociable d’un autre roman, « Tu Vas Trinquer, San-Antonio », qui en est la suite directe.

Le Vieux a une manie: en réfléchissant, toutes les fois il dessine « des oiseaux des îles sur une feuille à en-tête de la Grande Cabane ».

San-Antonio est né sous le signe de Cancer, dans ses premiers décans, c’est-à-dire, entre le 21 juin et le 1er juillet.

Pinaud et sa femme fêtent leurs noces d’argent. « Vingt-cinq ans de mariage : un bail, non ? »

Alexandre-Benoît est un mari exemplaire. Béru dixit: « Ça fait quatorze ans que j’ai pas trompé Mme Bérurier… »

Mon résumé :

En planque dans une chambre d’hôtel, San-Antonio et Pinaud surveillent un homme soupçonné d’avoir des contacts avec un espion étranger. Quand l’homme sort, ils le prennent en filature et sont surpris de le voir se diriger vers leur commissariat. Il dit s’appeler Angelo Diano, perceur de coffres talentueux et est en fuite depuis qu’il a réalisé un casse lequel il a tué un homme.

Grunt, un espion turc, l’a retrouvé et menace de le dénoncer s’il n’exécute pas un vol pour lui : dérober des plans et une maquette d’un avion révolutionnaire dans les établissements Vergament à Boulogne. Contre toute attente, San-Antonio lui propose de réaliser le vol et toute l’équipe surveillera l’usine pour attraper les espions étrangers à la sortie. Mais tout ne va pas se passer comme prévu.

Mon avis :

Comme beaucoup des romans des années 50, on y parle d’espionnage. Ce roman est donc plutôt à classer dans les romans d’action avec une intrigue plutôt faible, sans réel mystère puisqu’elle est très linéaire, et nous fait voyager de Paris au Havre pour se terminer sur un paquebot transatlantique à destination des Etats-Unis. Etonnamment, c’est un épisode avec peu de scènes de sexe.

J’ai été surpris par le début du roman et l’omniprésence de l’argot, avec l’utilisation de mots que je ne connaissais pas. On retrouve par contre de l’humour qui s’affine, de l’humour vache surtout envers Pinaud mais bien peu de digressions qui arriveront plus tard dans la série, si ce n’est une belle envolée sur la calvitie. L’une des scènes à ne pas rater est le repas chez Félicie avec son cousin !

Parmi les personnages, San-Antonio occupe le devant de la scène, Pinaud et Béru servant surtout de faire-valoir. On notera par contre le grand nombre de notes en bas de pages (au nombre de 76 d’après ce que j’ai trouvé mais je ne les ai pas comptées), qui interpellent le lecteur et déclenche systématiquement un sourire voire un rire franc. C’est donc une aventure distrayante, en demi-teinte.

Quelques citations impayables :

« Elle a également des aiguilles, mais elle s’en sert pour tricoter une layette au bébé de la cousine de la belle-sœur du fils aîné du curé de la paroisse. »

« L’enfance, voyez-vous, c’est un mal dont on ne peut jamais guérir. On nous appelle les hommes, mais nous ne sommes au fond que des petits garçons à gueule de raie, vous comprenez ? »

« Pourquoi certains êtres éprouvent-ils du plaisir à être bilieux ? Hein, vous pouvez me le dire, tas de pétrifiés des glandes ? On dirait que ça les nourrit, de distiller du venin. Ils sont méchants comme on bouffe. C’est presque une fonction naturelle chez eux. »

« Par extraordinaire, le Vieux n’est pas là… On me répond qu’il est en conférence avec le ministre. Je me garde bien de le déranger, s’il quittait le cabinet de ce dernier un instant, il pourrait ne plus le retrouver au retour, les ministres étant des gens renversables de reversibles qu’on renverse et reverse chez nous avec une maestria qui étonne le monde. »

« La baronne Tuchelingue du Prose », pas la petite fille du « Général Lavert-Jovent. »

« Et le plus bel exutoire, croyez-en tous les cocus pas contents, tous les battus endoloris, c’est dans la douleur des autres qu’on le trouve. »

« Pinaud, le gâteux… Pinaud le nauséeux, Pinaud le cradingue, le chassieux, le malodorant, le flanelleux, le goutteux, l’ulcéreux, l’aqueux, le vieux, le vieux… Pinaud examine l’avion de près… »

 » Il m’arrive souvent, le matin, de me regarder dans une glace et de ne pas me reconnaître.
Alors ça me fait marrer de trouver des gens qui croient, eux, se reconnaître dans mes livres. »

« Car une calvitie est toujours éloquente. D’après son aspect, sa texture, sa géographie, son importance, son entretien, son incidence, sa périphérie, vous savez si le calvitié est un homme du peuple ou du monde. Il existe mille sortes de calvitie… La totale, la modeste, l’hypocrite, l’intellectuelle, la cléricale, l’anticléricale, la calvitie hydrocéphalique, et brachycéphalique, l’oblongue, la circulaire, la teutonne, la calvitie à la pomme d’escalier, à l’américaine, à la mongol, à la fesse de poulet, à la tête de pinceau usagé, à la tête de neutre, à la tête des autres, à la tête de veau (avec lotion au vinaigre) … Sans parler de la calvitie à la Grock, en pain de sucre, en suppositoire, en ananas… Ni de la calvitie en forme d’ampoule (façon Wonder) ou de la calvitie en accordéon (réalisation Robert Schuman – le gars qui connaît la musique) … « 

Ce billet aurait été moins complet sans les nombreuses notations prises chez Autodidacteblog :

Si ma tante en avait de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

J’ai pioché au hasard ce roman de San-Antonio parmi la cinquantaine qui trônent dans une de mes bibliothèques. Au hasard, vraiment ? Pas tout à fait ! Irène La Belette m’a donné une petite liste de conseils parmi lesquels (les conseils) figurait celui-ci. D’ailleurs, si vous avez des conseils à me donner, surtout, n’hésitez pas.

L’anecdote :

Si ma tante en avait est un roman publié en avril 1978 par Frédéric Dard sous le pseudonyme San-Antonio, il est le 97e de la série policière San-Antonio.Chez l’éditeur Fleuve noir, il porte en 1978 le numéro 85 de la collection « San-Antonio ».

San-Antonio situe son intrigue dans les Côtes d’Armor alors que le département ne sera créé qu’en 1990. Le département des Côtes-du-Nord a été créé à la Révolution française, le 4 mars 1790, en application du décret du 22 décembre 1789.Au début des années 1950, le délégué hôtelier du département propose un premier référendum demandant aux personnalités des Côtes-du-Nord de donner un avis sur un changement de nom et sur les différentes propositions alors émises, parmi lesquelles Penthièvre, Côtes-d’Armor, Haute-Bretagne ou encore Rance et Trégor. En 1962, le conseil général émet un avis favorable pour Côtes-d’Armor, signifiant « côtes du pays de la mer » en français-breton. Le 27 février 1990, le département change officiellement de nom, près de trente ans après l’avis favorable du conseil général.

Le sous-titre en est Chronique bretonne.

Les têtes des chapitres suivent l’épellation du mot CHAPITRE : C puis CH puis CHA …

Le roman propose deux citations en épigraphe :

Le poète emploie tous les mots – Louis SCUTENAIRE

Si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle – Roger PEYREFITTE(De l’Académie française, par cousin interposé) ;

Ainsi qu’une dédicace A Bertrand POIROT-DELPECH, héroïque défenseur de mes zoeuvres, jedédie quelques-unes de ces pages, auchoix.Avec mon amitié,San-A.

Mon résumé :

Ce roman est la suite de Vol au-dessus d’un lit de cocu.

San-Antonio et Bérurier se sont faits expulsés de leur bureau de leur agence et se retrouvent mutés en Bretagne dans les Côtes d’Armor à Ploumanac’h Vermoh. Et le temps se révélant pluvieux, cela devient vite ennuyeux voire chiant. San-Antonio commence la découverte du coin par une visite dans la maison close du coin et refuse toute corruption en liquide ou en nature.

Les deux compères retrouvent Pinaud, devenu représentant en sex-toy et Berthe, embauchée comme serveuse du bar. A part les rixes des autochtones avinés, il n’y a apparemment rien à faire. Erreur ! Bientôt, on retrouve le corps du commandant Katkarre noyé dans le port et l’autopsie montrera que ses poumons contiennent de l’eau douce. Puis c’est le phare qui explose dans une action terroriste, alors que le truand Tanguy Liauradéshomes traine dans les parages.

Mon avis :

La quatrième de couverture, annonçant la fin du monde, est juste imparable :

« Si ma tante en avait eu, les choses se seraient passées autrement. Ce livre n’aurait pas eu lieu, mon éditeur aurait donc été déclaré en faillite, plusieurs centaines d’ouvriers du livre seraient allés grossir la cohorte des chômeurs, l’économie française n’y aurait pas résisté, la pauvre, tant déjà qu’elle boite. La révolution en aurait consécuté. Là-dessus la Russie nous Praguait dans la foulée, histoire de rétablir l’ordre. Ce que voyant, les Ricains s’annonçaient pour  » pas de ça Lisette ! « . Conflit mondial, bombes nucléaires énucléantes et découillantes. Fin de la vie sur la planète. Point à la ligne. »

Effectivement, si on n’arrive pas à la fin du Monde, on n’en est pas loin. Car si cette aventure démarre lentement, au rythme de la pluie qui noie les vitres de la chambre d’hôtel, elle va vite s’accélérer au fur et à mesure des pages. Dans le premier quart, on se retrouve donc avec un San-Antonio amer et furieux d’avoir été muté, crachant sur la région déprimante, se lâchant dans les comparaisons méchantes des autochtones.

Déjà, on est dans du grand San-Antonio avec des comparaisons à hurler de rire. Et cela continue dès lors que les personnages secondaires apparaissent, alors qu’ils sont affublés de noms à mourir de rire. Cela devient un florilège de fous rires, des détournements d’expressions, des jeux de mots, des scènes d’anthologie (la descente de San-Antonio dans la maison close ou dans un autre registre, les voyages en bateau ou encore celle dans l’église). Et pourtant, on va voir San-Antonio en grande difficulté, pris en flagrant délit (délire) de viol et aux prises avec un meurtre et une explosion.

Enfin, on y trouve des digressions dignes de la grandeur de San-Antonio, des pages entières où il ne fait pas de prisonnier et tire droit devant. La critique sur les auteurs anglo-saxons de romans policiers (dont la dame Christie) et surtout la diatribe sur le mariage et le divorce sont d’énormes passages humoristiques à ne rater sous aucun prétexte. Un véritable florilège, un gigantesque feu d’artifices. Si ma tante en avait fait partie de mes préférés de S.A.

Quelques citations impayables :

« T’en as qu’écrivent sans ponctuation ni majuscule ni à la ligne, tout en vrac, queue leu leu. Démerdenzi, mon pote. Juste pour t’épastouiller. »

« Une nuit à ne pas mettre un brouillard dehors. »

« L’île comporte cent vingt-deux habitants et demi (il s’y trouve un homme rendu tronc par un treuil malencontreux – la mer rit de mon treuil). »

« Plus j’avance, plus il me paraît évident qu’un homme ne meurt jamais riche de ce qu’il a fait, mais pauvre de ce qu’il n’a pas fait. »

« Un homme se pardonne rapidement ses saloperies quand elles demeurent impunies. »

Réglez-lui son compte de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

La quatrième de couverture l’annonce sur la version publiée par Fleuve Noir, il s’agit d’un événement, la première enquête de San-Antonio. J’ai lu ce roman dans la version Fleuve Noir de 1981 mais dans un second tirage qui date de 1985.

L’anecdote :

Réglez-lui son compte, le premier roman de la série, est écrit au printemps 1949. Il paraît en juillet chez Jacquier, sous la signature San Antonio (sans trait d’union), à 500 exemplaires. Le roman comporte deux épisodes.

En 1952, l’éditeur Jacquier réédite Réglez-lui son compte ! dans la collection policière « La Loupe », mais sous la signature de Kill Him. Les deux épisodes forment alors deux volumes, intitulés Réglez-lui son compte ! et Une tonne de cadavres. Un chapitre XI (« Bien chaud, bien parisien… ») est ajouté à la fin d’Une tonne de cadavres. Il ne sera jamais réédité.

Réglez-lui son compte, le roman fondateur de la série, n’est édité au Fleuve Noir qu’en 1981. Les deux épisodes sont à nouveau réunis en un seul volume. Le chapitre supplémentaire de la réédition 1952 de Jacquier, « Bien chaud, bien parisien… », n’y figure pas.

La page de titre intérieure précise que ces révélations ont été adaptées et postsynchronisées par Frédéric Dard.

Mon résumé :

Réglez-lui son compte : San-Antonio, commissaire à la Sureté, n’a pas le temps de se reposer de sa précédente affaire, qu’il reçoit une enveloppe bleue lui proposant une nouvelle mission. Félicie, sa mère adorée, lui propose un café pendant qu’il prend connaissance du pli. Il doit se rendre à Marseille où un corps a été retrouvé sous les pavés, lors de la réfection d’une voie pour cause de dégâts des eaux. Après avoir pris contact avec la police locale, il se rend Rue Paradis, où on a retrouvé le corps et commence son enquête au Colorado Bar.

Une tonne de cadavres : Huit jours plus tard, San-Antonio est chargé d’une nouvelle enquête en Italie. Les plans d’une invention sur une nouvelle utilisation de l’énergie atomique ont été dérobés, et les auteurs de ce larcin ont traversé les Alpes. San-Antonio débarque alors à Turin avant de rejoindre Rome pour rencontrer le directeur des Services Secrets italiens. Dans la gare, il repère Tacaba, un tueur à gages mexicain et se doute qu’il est présent pour lui. De fait, quand San-Antonio se fait voler son imperméable, Tacaba abat le voleur par méprise dans une ruelle sombre. San-Antonio décide de poursuivre le tueur dans le train de Rome …

Mon avis :

Il m’était intéressant de revenir aux sources, et de lire comment Frédéric Dard a créé ce personnage hors-normes. On a affaire à un roman d’action, dans lequel les seuls personnages que l’on retrouvera par la suite sont San-Antonio lui-même et sa mère Félicie au début du roman. A part ça, on trouve deux enquêtes plutôt classique, dans le genre espionnage comme les anglo-saxons le faisaient dans les années 50.

L’humour se retrouve dans l’interpellation du lecteur, les comparaisons décalées et les attaques contre la « Grande » littérature. Tous les ingrédients sont là pour la série à venir si ce n’est que San-Antonio est présenté comme imbu de lui-même. Le diamètre de ses chevilles doit dépasser celui de la Terre. Sinon, il boit beaucoup, est attiré par les femmes mais on n’y trouvera aucune scène de sexe et il a 38 ans.

Les chapitres sont très calibrés, ne dépassant pas pages dans la première, une dizaine dans la deuxième  mais on n’y trouve peu de digression. Tout est centré sur l’action. Il faut réserver ce roman aux fans de la série, parce que pour moi, ça ne vaut pas le détour.

Quelques citations impayables :

Ça fait au moins vingt-quatre heures que mes dents sont en grève. Et Félicie m’a toujours dit que notre cerveau devient aussi désert qu’une salle de conférences lorsque notre tube digestif reste en panne trop longtemps.

Si les ritals sont fortiches pour la mandoline, il vaut mieux, dans les cas très graves, compter sur un vieux soutien-gorge que sur eux pour vous soutenir.

Enfin quoi, comprenez que pour le prix du bouquin, mon éditeur ne peut pas vous donner une vache. Et même si il le faisait, vous auriez encore le culot de lui demander si elle est pleine.

– Ecoute, macaque, que je lui rétorque, on n’a pas gardé les cochons ensemble pour te permettre de me tutoyer. Et comme t’as un blair qui a été loupé à la fabrication, je peux, si tu insistes, réparer cette malfaçon en trois coups de cuillère à pot.

A noter les sites qui en parlent :

https://touchezmonblog.blogspot.com/p/tout-san-comme-jaime-autant-les-defis.html

Le casse de l’Oncle Tom de San-Antonio

In Trois romans incontournables de Frédéric Dard dit San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Deuxième roman conseillé par Alain Mabanckou, après Alice au pays des merguez, cette enquête policière confronte San-Antonio à un redoutable tueur à gages qui va faire des dégâts dans son entourage. Le troisième, Al Capote, sera chroniqué en fin de mois.

Les anecdotes :

Il s’agit de la deuxième apparition de Jérémie Blanc après « La fête des paires ». Ancien balayeur de Paris, il a réussi le concours d’entrée dans la police et se révèle un enquêteur doué.

Le roman est divisé en deux parties, Les enquêtes de M.Blanc » et « La chasse aux grands fauves ». Chaque chapitre comporte un titre, qui est une réflexion absurde de l’auteur sans aucun rapport avec l’intrigue.

« Le casse de l’Oncle Tom » est aussi le titre français d’un film américain (Cotton Comes to Harlem) de Ossie Davis sorti en 1970. C’est une adaptation de Chester Himes qui n’a rien à voir avec San-Antonio.

Mon résumé :

San-Antonio passe des vacances de rêve auprès d’une quarantenaire de rêve sur une plage de rêve au Brésil. Daisy Casanova l’a en effet invité pour quelques semaines de détente à l’horizontale. Il doit écourter son séjour quand il reçoit une lettre de sa mère Félicie lui annonçant la mort de son oncle par alliance Thomas Dugadin, retrouvé torturé dans sa grange de Saint-Jouasse en Valdingue.

Il rentre en France pour assister à l’enterrement et rencontre le policier YYY qui lui narre comment l’Oncle Tom a été pendu par les pieds le ventre ouvert comme un cochon. Dans la cheminée, on a trouvé un testament à moitié brûlé qui fait de San-Antonio le légataire s’il découvre son meurtrier à venir. Comment l’Oncle Tom pouvait-il savoir que l’on attenterait à sa vie ?

Rentré à Paris, avec une brève nuit avec l’aide-ménagère de Félicie, San-Antonio est réveillé par Jérémie Blanc qu’il tient à former aux enquêtes. Blanc le Black a noté une cabane de chantier étrange en face d’une banque et subodore un casse. Les deux policiers débarquent en douce et arrêtent les malfrats. Jérémie Blanc et San-Antonio vont donc se lancer dans le mystère de la mort de L’Oncle Tom.

Mon avis :

Il n’y a pas à dire, les romans de San-Antonio des années 70-80 sont indéniablement les plus passionnants. Ça démarre sur des chapeaux de roue et nous propose un scénario parfaitement maitrisé jusqu’à l’explication finale, avec quelques digressions, que ce soit avec le casse de la banque ou les passages aux Etats-Unis concernant Monsieur Silvertown et les assassins qu’il envoie en Europe.

Et dans ce roman, San-Antonio va nous faire voir du pays, entre les Etats-Unis, La Savoie, la région lyonnaise et la Suisse. C’est l’occasion de découvrir des adresses de restaurants (qui ne doivent plus exister) et de bonnes recettes. Mais on sent l’excellente maitrise de l’humour, les mots inventés, les dialogues hilarants et les scènes de sexe joliment et drôlement décrites. Si on apprécie toujours autant le jeu de San-Antonio avec la langue française, on rit aussi beaucoup des inserts de bas de page où l’auteur nous interpelle pour rire encore plus.

Mais cet opus se démarque par ses scènes d’action et sa violence. A ce jour, c’est le roman le plus sanglant que j’ai lu et de nombreux personnages vont tomber dans ces pages, soit blessés grièvement soit morts. Béru n’intervenant que brièvement dans la deuxième partie du livre, on trouvera peu d’occasion de se réjouir de ses détournements de la langue française, mais on appréciera aussi et surtout tous les personnages qui gravitent autour de San-Antonio et leur description impayable.

Enfin, la présence de Jérémie Blanc, noir de peau, donne l’occasion à San-Antonio de dresser un portrait de la France peu flatteur en termes de racisme mais aussi de peindre un personnage haut en couleurs (sic) particulièrement énervant par sa morgue et son manque d’humilité.

Quelques citations impayables et imparables :

« Avec sa face rouge et sa chemise jaune, il ressemble au drapeau espagnol. »

« M.Blanc s’enfonce le capuchon de sa pointe Bic dans l’oreille pour se la curer. Il a cet air inspiré du gars qui va prendre son pied. Tout juste s’il se met pas à agiter une jambe comme un chien sui se gratte. »

« Nous sommes reçus par un brigadier d’une quarante-huitaine damnée, et la chevelure poivrant et salant, au menton énergique et dont le regard clair reflète les cimes qui se profilent au loin, et qu’on aperçoit depuis la fenêtre de son bureau. »

« Les villes et les paysages, de ^lus en plus défigurés, souillés, démantelés, finissent par contracter cette maladie honteuse qu’est la marée humaine. L’homme se multiplie dans une hystérie de laideur et fonce aux abîmes en saccageant ce que Dieu lui avait proposé de plus harmonieux. »

Alice au pays des merguez de San-Antonio

Editeur : Fleuve Noir

Avant-propos :

Comme je l’ai dit précédemment, Maxime Gillio donne la parole à des personnages connus pour parler de leur relation avec les romans de San Antonio. Dans le tome 1, Alain MABANCKOU nous raconte qu’il travaillait dans l’hôtel de son père et qu’il avait découvert trois romans oubliés dans une chambre, ALICE AU PAYS DES MERGUEZ, LE CASSE DE L’ONCLE TOM et AL CAPOTE. Ces romans fondateurs de son œuvre ne l’ont jamais quitté.

Alice au pays des merguez, publié en avril 1986, est le 126ème roman de la série « San-Antonio ». Le roman a été réédité en 2011 dans le 10e volume de l’« Intégrale San-Antonio » de la collection Bouquins.

Mon résumé :

Alors qu’Alexandre-Benoît Bérurier et sa femme Berthe célèbrent le baptême de leur fils Apollon-Jules, San-Antonio est appelé en urgence par le directeur de la Police Nationale pour rendre un service à son ami : en effet, le richissime Alain-Lambert de Vilpreux vient se s’apercevoir que l’on a enlevé sa fille Alice.

Pendant que le repas de baptême bat son plein, San-Antonio va interroger Isabelle de Broutemiche, l’amante de Alain-Lambert, il apprend que juste avant l’enlèvement, le père et la fille dinaient dans un restaurant de classe et qu’un homme obèse d’origine arabe ne cessait de regarder la jeune fille.

Les anecdotes :

Le titre est un clin d’œil humoristique au roman Alice au pays des merveilles.

Concernant les chapitres évoquant les aventures du commissaire San-Antonio, ceux-ci sont des intitulés composés d’onomatopées (Vlan !, Bing !, Poum !, etc.), répartis en deux parties qui sont toutes deux intitulées « Apollon-Jules », prénom du nourrisson des Bérurier.

Le roman est dédié à Claude Delieutraz, « mon génial bûcheron ».

On apprend que le commissaire San-Antonio est de signe astrologique cancer, ascendant sagittaire.

C’est la première fois que le commissaire croise quelqu’un qui est né à Sanaa, capitale du Yemen du Nord (homophonie avec « San-A »).

Ce roman a été publié deux ans après l’enlèvement de la propre fille de Frédéric Dard, ce qui peut expliquer le sérieux dans l’intrigue et la retenue dans ses blagues graveleuses.

Mon avis :

Ce roman n’a rien perdu de sa modernité, de son intrigue, reprise maintes et maintes fois à sa construction, le récit alternant les chapitres mettant en scène San-Antonio et les chapitres mettant en scène Alice. Si certains romans peuvent paraitre farfelus au niveau du scénario, celui-ci est remarquablement bien construit et l’on s’étonne même du sérieux de certains passages ou de certaines répliques.

Malgré cela, ne vous leurrez pas, on y trouve de nombreuses scènes hilarantes (la fin du repas de baptême est juste ENAURME !) et des distorsions de la langue française comme seul Bérurier sait le faire. San-Antonio ne se laisse pas avoir malgré les fausses pistes et certaines réparties mériteraient d’être insérées dans un dictionnaire de citations. Et on retrouve un hommage non caché à Gargantua et Pantagruel dans les festins que le petit Apollon-Jules avale en guise de collation.

Il est intéressant de voir, dans les chapitres consacrés à Alice, des passages parmi les plus beaux que San-Antonio ait écrits. Il en profite aussi pour égratigner les pseudos grands écrivains autoproclamés qui le dénigrent. Il faut savoir enfin que c’est grâce à Bernard Pivot que Frédéric Dard sera enfin reconnu à sa juste valeur, un incroyable conteur prolifique unique en son genre. Alice au pays des merguez est d’ailleurs un excellent numéro.